LE PATRIARCHE NICÉPHORE CONTRE LES ICONOCLASTES




Nicéphore portant un lettre à l'empereur Michel II
en faveur de la restauration du culte des images,
Chronique de Jean Skylitzès


DISCOURS CONTRE LES ICONOCLASTES
"A ceux qui ne veulent pas comprendre"


"Qui manquera assez d'intelligence et d'esprit pour accorder que celui qui trace la figure du Christ le réduit à l'état de simple créature ou le sépare de sa nature divine? En quel coin du monde, sur terre ou sur mer, a- t-on jamais entendu, jadis ou aujourd'hui, une voix qui s'élève pour se mettre de telles [sottises] dans l'esprit ou qui aurait accepté cette monstruosité de sa fabrication, produite par les combinaisons mentales de sa pensée creuse et de son esprit faux? Quel raisonnement pourrait l'imposer ? Quelle puissance syllogistique, quel sophisme séduisant! ? En effet, si repoussant l'erreur de ces hommes, il faut nous attacher à la vérité, alors nous disons que celui qui trace une empreinte unit plutôt, en ce sens qu'il produit dans l'icône la créature visible et son corps passible à l'égal du nôtre, sans pour autant amoindrir ni diviser son modèle; mais rassemblant les deux natures, en les mettant en rapport et en relation, qu'on les nomme ainsi ou autrement, il resserre bien étroitement [les liens de] l'unité. Ce n'est pas seulement la forme humaine et visible du Christ qu'il atteint, par la mémoire [qu'il perpétue] et la ressemblance formelle avec l'archétype; mais même si on ne peut ni circonscrire le Verbe lui-même avec [la chair]' ni le mettre en l'icône, en tant que de par sa nature propre, il est invisible et totalement incompréhensible, il n'en reste pas moins que de par son unité hypostatique, et son indivisibilité, son souvenir est concomitant dans l'icône. Mais cela leur est insupportable et très désagréable, car le Christ leur est un fardeau, même la vue de son icône leur pèse. C'est pourquoi l'infâme, l'esprit gonflé [de haine] contre la mémoire du Seigneur, a déversé toute sa témérité et toute sa furie contre l'icône qui la fixe. Ceux qui participent d'un tel état d'esprit, et qui écoutent la sainte parole des oracles évangéliques auxquels ces icônes se rattachent, puisque leur puissance [signifiante] est la même (en effet, dans l'icône et dans l'Écriture, l'objet est identique, et c'est le même récit que l'on voit figuré dès l'origine), puisque l'icône et l'Écriture maintiennent en effet un même rapport [avec leur objet], ces gens-là, aux endroits où les Évangiles nous enseignent quelque trait humble et humain de l'Économie du Sauveur, devraient se livrer au même raisonnement et les recevoir comme s'ils nous présentaient dans le Sauveur, une créature, ou nous le décrivaient en le séparant du Verbe: dès lors il faut détruire les Évangiles. C'est d'ailleurs Notre-Seigneur lui-même qui disait au peuple juif: « Pourquoi cherchez-vous à me tuer, moi l'homme qui vous ai dit la vérité ? » Et encore: « Le Fils de l'homme est livré pour être crucifié». Par là se manifeste son attitude humble et pauvre. Mais tout ce qui nous rappelle sa passion et la croix, ils s'autorisent d'en rire et de le mépriser! Cependant, pareille attitude est inadmissible pour tout homme d'intelligence; il refusera d'en discuter, non plus que des conséquences d'une pareille et même absurdité. Alors que dirons-nous? Nous dirons que ce théologien creux, fidèle à son habitude de tourner le dos à la vérité, ici encore a chuté avec éclat. Remarquez ceci: empêtré plus haut dans le tissu de ses mensonges, et raisonnant à ses propres dépens, il avait dit que pour qu'[une icône] soit digne [de ce nom], il fallait que la copie soit consubstantielle à son modèle. Ignorant ou n'accordant pas la différence qui existe entre les deux termes, il ne sait pas davantage ce qui diffère entre l'animé et l'inanimé, entre ce qui est doué de raison et ce qui ne l'est pas, bref entre tous ces termes qui sont opposés les uns aux autres. Il de vient par là manifeste que sa pensée est sans fondement ni stabilité. Or c'est la même conception dont il use ici encore en mêlant à l'extrême, à une théologie de son cru, la mythologie née de son acuité et de sa lucidité, et il identifie ainsi le prototype et ce qui en dérive. Il ne fait rien d'autre que de ne plus distinguer le Christ de son icône. Il affirme au contraire qu'ils sont une seule et même chose. S'il avait pu faire la différence, il n'aurait pas condamné les objets sacrés qui méritent notre vénération1. En vérité, il est terrassé par la fatuité et la vanité du monde, submergé par l'égoïsme et les passions, son esprit s'est enténébré. Il a été privé de la lumière de la vérité, lui dont le savoir et l'imagination ne dépassent pas le monde visible. N'appartenant qu'à ce bas monde et courbé vers la terre, il est incapable de concevoir la grâce cachée dans les objets sacrés et contenue en eux. Car sa pensée se borne à la matière et aux créatures.

Mais que celui qui a choisi de penser et de professer les mêmes doctrines que notre grand savant, notre théoricien éminent, nous réponde alors quand nous l'interrogeons, et qu'il s'attache à reconnaître où le conduisent les conséquences de ses formulations. Qu'il commence par nous dire si c'est auprès de quelque Chrétien professant cette doctrine qu'il s'est informé; il serait bien incapable de le dire, bien incapable de nous le montrer. Tant il est apparu clairement qu'il s'agit d'une construction malfaisante de son cru. Mais par quels moyens et quelle méthode, cet inventeur de dogmes neufs, en est-il arrivé là ? Si le Christ, une fois pris dans le tracé d'une figure, n'est plus qu'une simple créature, privée de la nature divine du fait que celle-ci n'est pas circonscrite, c'est bien plus tôt qu'il devait subir cela au moment de l'incarnation, dans la mesure où la chair assumée par le Verbe lui est plus proche que l'icône de cette chair, qui la prend comme archétype, puisqu'en aucune façon l'imitation sous la forme de la figuration ne saurait être vraiment sauvegardée si elle n'était faite autant que possible à la ressemblance des réalités dont elle est issue. En effet, comment le produit d'une imitation et d'une similitude formelle avec un sujet pourra-t-il agir ou pâtir si le prototype de cette réplique n'est pas lui-même d'abord passé par ces états? Si la première est le fait de la dernière folie et de la pire impiété, comment cette dernière affirmation ne serait-elle pas le sommet du délire? En effet, si l'on admet la vérité de ce qu'ils disent par une logique de la consécution, puisque le Christ s'est montré aux hommes semblable à nous, mais que sa nature divine est invisible, on aura pu d'autant moins la voir et il en résultera que ce qui a été vu est une simple créature, dépourvue de nature divine en elle et que telle elle se montra originellement aux hommes, telle elle devra donc être figurée par l'icône. En effet si personne ne l'avait vue, on ne l'aurait pas non plus figurée. Si pour les raisons déjà énoncées on met le peintre en accusation, combien plus coupable sera celui qui s'est laissé voir! Car c'est surtout l'effet de sa visibilité qui causerait la désunion de l'unité hy postatique du Christ et sa réduction à l'état de simple créature!."
(traduction Mondzain-Baudinet- 1989- in Patrimoine littéraire européen 4a)



7ème Concile Œcuménique

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