Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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lundi 27 janvier 2020

LE BON DIEU SANS CONFESSION (ah bon! !?)

À quoi bon perdre son temps avec des discussions théologiques qui ont déjà été tellement de fois en vain mises sur le tapis, développées, argumentées, documentées, explicitées ?

et le malin s'y est engouffré pour y régner plus que jamais…

Voici quelques points qui devraient dissuader tout Orthodoxe soucieux de sauvegarder ce qui reste de chrétien dans cette foire d'empoigne des religions, de chercher quelques points communs pour fonder une Église universelle réunifiée de bric et de broc et surtout de toc :
et pour finir 

vendredi 28 juillet 2017

Palamas, Traités démonstratifs sur la procession du Saint-Esprit.

Recension par Jean Claude Larchet  sur orthodoxie.com

Palamas, Traités démonstratifs sur la procession du Saint-Esprit Traduction du grec et annotation par Yvan Koenig, introduction de Jean-Claude Larchet, collection « Patrimoines », Éditions du Cerf, Paris, 2017, 200 p.

Les deux Traités démonstratifs (encore connus sous le nom de Traités apodictiques) sur la procession du Saint-Esprit, figurent parmi les toutes premières œuvres de saint Grégoire Palamas (1296-1359), et sont en tout cas ses pre­miers écrits théologiques. Grégoire était alors âgé de trente-huit ans et résidait à l’ermitage de Saint-Sabbas au Mont-Athos.

Rédigés au cours du premier semestre de 1334, ils sont dirigés contre la doctrine latine du Filioque. En même temps qu’ils réfutent cette dernière, ils consti­tuent une apologie de la foi orthodoxe. Le titre complet du pre­mier est : Premier traité apodictique, démontrant que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils, mais seulement du Père ; celui du second : Second traité sur la procession du Saint-Esprit, prouvant qu’Il ne provient pas du Fils, et contre les citations de la divine Écriture proposées aujourd’hui par les Latins pour se défendre.

Les circonstances de leur rédaction sont les suivantes. En 1333, deux théologiens domini­cains – l’italien François de Camerino, évêque de Chersonèse et l’anglais Richard, évêque du Bosphore – avaient été envoyés par le pape à Constantinople pour relancer les discussions théologiques sur la question de la procession du Saint-Esprit, dans le cadre d’une nou­velle tentative d’union des Églises dont le pape et l’empereur Andronic III avaient pris conjointement l’initiative. Le théologien Barlaam avait été missionné par le Grand Domestique Jean Cantacuzène et l’empereur Andronic III pour être le représentant des Orientaux dans les débats qui se tinrent à Constantinople de la fin de l’année de l’année 1333 jusqu’en juin 1335.
Grégoire Palamas fut informé par ses amis de Thessalonique du développement des discussions et aussi du contenu des traités antilatins que Barlaam avait rédigés au cours de celles-ci. Deux points lui parurent problématiques: premièrement l’interprétation donnée par Barlaam de l’expression de Grégoire de Nazianze « Principe issu du Principe » appliquée au Fils, qui lui paraissait favorable au Filioque ; deuxièmement, l’affirmation par Barlaam, sur la base d’une mauvaise compréhension de l’apophatisme de Denys l’Aréopagite, de l’impossibilité de recourir en théologie au raisonnement apodictique (démonstratif et probant), ce qui ramenait les discussions sur la procession du Saint-Esprit à la relativité du raisonnement dialectique et les rendait finalement vaines.

Ces deux conceptions erronées de Barlaam comportaient aux yeux de Palamas le risque de déboucher sur un compromis d’union avec les Latins qui se ferait en faveur de leurs positions sur le Filioque.
Ce n’est qu’indirectement (en faisant lui-même usage de la démonstration) que Grégoire Palamas s’oppose dans ses deux traité aux positions méthodologiques de Barlaam, et c’est sur la question dogmatique qu’il se concentre essentiellement.

L’idée du P. Jean Meyendorff – qui détermine une grande partie de son interprétation de l’œuvre de saint Grégoire Palamas – selon laquelle ce dernier se serait déjà ici opposé à l’humanisme byzantin ne concerne en réalité qu’un point secondaire.

Grégoire Palamas réexamine en fait de manière critique la plupart des arguments en faveur du Filioque qui ont été présentés au XIIIe et au XIVe siècle par les Latins et leurs partisans, lors de discussions qui visaient en particulier à faire reconnaître par les orthodoxes l’expression « par le Fils », utilisée par certains Pères, comme un équivalent de l’expression « et du Fils » (Filioque), ou du moins comme compatible avec celle-ci.
Ses critiques, s’adressent aux Latins mais aussi aux « latinophrones », c’est-à-dire aux théologiens byzantins « pensant à la manière latine » et disposés à faire un compromis avec les Latins.

Beaucoup d’arguments latinophrones (c’est-à-dire conforme à la pensée des Latins) visés par Palamas sont des arguments qui ont été développés dans les siècles précédents, notamment dans les deux traités sur la procession du Saint-Esprit – ĺ – de Nicéphore Blemmydès (1198-1269), et surtout dans les Titres de Jean Bekkos, patriarche de Constantinople de 1275 à 1282, dont Grégoire Palamas a élaboré une réfutation à la même époque qu’il a rédigé les Traités démonstratifs: Contre Jean Bekkos).

Après la triste expérience du concile d’union de Lyon en 1274, les or­thodoxes se montraient sans aucun doute extrêmement méfiants à l’égard des tenta­tives unionistes dont l’initiative était périodique­ment prise par le pouvoir pour des raisons essentiellement poli­tiques et où celui-ci semblait, pour aboutir, prêt à favoriser tous les compromis dogmatiques quitte à brader la foi orthodoxe. Une dé­marche (qui n’avait pu aboutir en raison de la guerre civile) venait d’être faite récemment (1323-1327) auprès du Pape Jean XXII par Andronic II qui s’inquiétait de l’avancée des Turcs en Asie Mi­neure et souhaitait s’assurer l’appui de l’Occident. Dans le même temps, les Latins exerçaient à Constantinople une influence de plus en plus marquée. C’est à l’initiative d’Andronic III qui venait, en 1332, de for­mer une ligue avec Venise et les Hospitaliers de Rhodes, qu’avaient été entreprises les dernières négociations de 1333-1335 destinées à établir l’union des Églises. La vigoureuse condamnation du patriarche Jean Bekkos et des latinophrones par le concile des Blachernes réuni en 1285 (soit seulement cinquante ans auparavant) par le patriarche Grégoire de Chypre, avait sans aucun doute rendu les orthodoxes vigilants et par­ticulièrement exigeants en ce qui concerne question de la procession du Saint-Esprit qui apparaissait comme le principal point de divergence entre les deux Églises.

Les Traités démonstratifs semblent donc avoir été écrits pour dé­fendre la foi orthodoxe et réfuter la doctrine latine du Filioque à un moment où l’on avait tout lieu de craindre que, pour mener à bien des visées poli­tiques, l’empereur et le théologien Barlaam qu’il avait missionné pour mener les discussions fassent des concessions aux positions latines et réalisent à la hâte une union où la foi orthodoxe se trouverait sacrifiée. Cette idée est partagée par un spécialiste catholique de Palamas, R. E. Sinkewicz : « il apparaît que Palamas a réagi aux nouvelles de discussions renouvelées avec les Latins et a écrit aussi­tôt un ex­posé de la foi orthodoxe sur le sujet, afin de repousser par avance toute possibilité de compromis doctrinal. »
Les Traités ont une forme polémique très mar­quée ; ils attaquent les Latins d’emblée, de front, et en permanence, et ils se présentent moins comme une proposition de dialogue que comme une vigoureuse réfutation de la doctrine la­tine du Filioque – aussi bien dans sa forme classique que dans ses développements récents – corrélative d’une ferme apologie de la foi ortho­doxe.

Pour saint Grégoire Palamas comme pour tous les Pères qui ont défendu la doctrine orthodoxe de la procession du Saint-Esprit, la doctrine latine du Filioque ne peut faire l’objet d’aucun com­promis et même d’aucune négociation : le Filioque est une ajout illicite au Credo, qui contredit la foi de l’Église et paraît définiti­vement incompatible avec les enseignements du Christ, des Apôtres, des Pères et des Conciles.
P
L’ardeur mise par saint Grégoire Palamas dans les deux Traités démonstratifs à réfuter la doctrine latine du Filioque jusque dans ses développements les plus subtils et à défendre corrélativement la foi orthodoxe sur la procession du Saint-Esprit tient à la particulière importance qu’il reconnaît à cette question.
Sa position ferme s’oppose à la position conciliante que mon­traient les représentants de la tendance latinophrone qui, voyant dans l’union des Églises une tâche urgente qui devait aboutir coûte que coûte, minimisait l’importance de cette divergence et allait même jusqu’au relativisme dogmatique. Barlaam témoigne d’une telle attitude dans le discours qu’il a tenu à Avignon en 1339, en tant qu’ambassadeur de l’empereur, devant le pape Benoît XII pour lui présenter un nouveau plan d’union : l’union des Églises, affirmait-il, pouvait être réalisée sur la base d’une foi commune en la Trinité, chacune des deux Églises pouvant, en ce qui concerne la procession du Saint-Esprit, conserver sa propre doctrine, les théo­logiens des deux bords pouvant, s’ils le souhaitaient, poursuivre leurs discussions. Mais l’importance du Filioque était minimisée par les Latins eux-mêmes qui traditionnel­lement attribuaient la sé­paration des Églises plus à des raisons ecclésiologiques (en parti­culier le re­fus de reconnaître l’autorité suprême du pape de Rome) qu’à des raisons dogmatiques et considéraient les Orientaux comme schis­matiques, mais point comme hérétiques. Saint Grégoire Palamas lui-même note dans son Prologue que les Latins affirment que leur pensée est la même quant au fond et ne diffère qu’en ce qui con­cerne l’expression.

Face à ces points de vue des Latins et des latinophrones, saint Grégoire Palamas fait remarquer que l’ajout du Filioque au Credo paraît produire un changement minime, mais « apporte en réalité les bases de grands maux et beaucoup de dan­gereuses absurdités et de choses étrangères à la piété », montrant que, « en ce qui concerne Dieu, même la moindre chose ne saurait être petite »: une nouveauté qui concerne le Principe de toutes choses ne peut en effet qu’entraîner de nombreuses erreurs au su­jet de tout ce qui en dépend.
Pour saint Grégoire Palamas, la différence des deux conceptions est loin de ne correspondre qu’à une différence d’expression et, comme on dirait aujourd’hui, de « sensibilité » : les deux doctrines sont bel et bien fondamentalement contradictoires et donc, selon le principe logique élémentaire de non-contradiction, ne peuvent être toutes les deux vraies; elles ne sont donc ni complémentaires ni compatibles, mais exclusives l’une de l’autre: si l’une est vraie, l’autre est nécessairement fausse.

Le Filioque est une hérésie comparable et semblable à toutes les hérésies du passé, comme celles des ariens, des apollinaristes, des eunoméens ou des macédoniens…

Sa gravité se manifeste non seulement sur le plan dog­ma­tique, mais encore sur les plans ecclésiologique et spirituel (les trois plans étant indissolublement liés): il implique une rupture de communion et empêche le rétablissement de celle-ci.

Confesser que le Saint-Esprit ne procède pas du Père seul, c’est, selon Grégoire, carrément s’exclure de Dieu et de la Sainte Trinité. On voit très clairement ici que Grégoire, loin de considérer la question du Filioque comme secondaire, y voit, plutôt que dans des raisons politiques ou autres, la principale source de la rupture de communion et de la séparation des Églises orthodoxes d’Orient et de l’Église de Rome et le princi­pal obstacle au rétablissement de cette communion et à la ré-union des Églises. « Jamais, dit-il aux Latins, nous ne vous accepterons en communion aussi longtemps que vous direz que l’Esprit est aussi du Fils (Filioque) ».
Selon Grégoire, la première étape de la démarche à suivre pour rétablir la communion et l’unité entre les Églises est que les Latins retirent le Filioque du Credo puisque celle formule y a manifeste­ment été ajoutée. Mais cela ne suffira pas : encore faut-il que la théologie latine s’accorde avec la foi orthodoxe dont témoigne « l’accord éclatant des Pères théophores ». Il propose donc que s’engagent des discussions théologiques en vue de retrouver un tel accord, et même de traiter de cette question au sein d’un concile, en prenant pour exemple les Pères qui, à propos d’autres questions controversées comme celle des deux natures, opérations et volontés du Christ, sont finalement retournés « à la paix com­mune dans la piété ». Grégoire rappelle avec émotion et nostalgie qu’il y avait autrefois un accord entre l’Église d’Orient et l’Église de Rome, et il considère que cet accord devrait pouvoir être retrouvé si cette dernière acceptait seulement de faire retour à l’ancienne foi commune définie par les grands conciles œcuméniques et par les Pères.

Les deux Traités démonstratifs de saint Grégoire Palamas avaient déjà été traduits en français par Emmanuel Ponsoye sous le titre Traités apodictiques sur la procession du Saint-Esprit (Éditions de l’Ancre, Paris-Suresnes, 1995). Yvan Koenig en propose ici une traduction nouvelle, nettement améliorée, et annotée par ses soins. L’introduction, qui occupe près de la moitié du volume, présente les circonstances et le contexte de la rédaction des traités et analyse ceux-ci dans le détail, étape par étape, pour en rendre la lecture plus aisée. Elle actualise et corrige sur certains points (en particulier la position de Palamas par rapport à Barlaam et à Grégoire de Chypre) l’introduction de la première édition.
Jean-Claude Larchet

mercredi 12 juillet 2017

De quelle union des Églises parlez-vous ? [2]

De quelle union des Églises parlez-vous Monsieur Gikas ? 

Le Filioque

par le professeur de Théologie de l'Université d'Athènes, Andreas Theodorou (†) 


Prof. Andreas Theodorou (1922-2004)


Selon la foi orthodoxe, l'Esprit Saint procède du Père seul et est envoyé dans le monde par le Fils afin de consolider l'œuvre de la rédemption accomplie par le Père à travers le Fils.
Sur ce point, saint Jean (15: 26) « Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, lui, rendra témoignage de moi », est vraiment révélateur.
En conséquence, le présent "procède" se réfère à l'éternelle procession du Père, tandis que le futur «J'enverrai» se réfère à l'envoi temporel de l'Esprit (dans le monde), accompli par le Fils.

Cette croyance en la procession du Saint-Esprit du Père seul est donnée comme une confirmation infaillible par le symbole de foi de Nicée-Constantinople : «Qui procède du Père».

L'affirmation faite par les catholiques romains, selon laquelle le symbole de foi n'exclut pas explicitement la procession du fils ou sa redéfinition, est tout à fait négligeable.

En outre, tout le chœur des Pères grecs de l'Église confesse la procession du Saint-Esprit du seul Père, comme source de la Divinité, et que son envoi dans le monde se produit par le Fils.
Ainsi, saint Jean de Damas, le théologien dogmatique prééminent de l'Église, dans lequel aboutit la tradition dogmatique précédente, observe succinctement :

Le Saint-Esprit de Dieu [le Père], en tant que procédant de Lui, qui est aussi dit être l'Esprit du Fils, comme manifesté et communiqué à la création par Lui,
mais sans avoir son existence de Lui.
Cet acte de foi trouve son écho dans les livres dogmatiques les plus récents de l'Église orthodoxe. Dans cette troisième réponse [au théologien Luther de Tübingen], Le patriarche Jérémie II de Constantinople écrit :

En conséquence, aucun des enseignants de notre Église n'a dit que le Saint-Esprit procède du Fils, ou qu'il ait son existence du Fils, ou qu'il soit une émission du Fils, et aucun d'eux n'a jamais déclaré que le Fils est l'émetteur ou la cause de l'Esprit Saint. Tous proclament que l'Esprit est répandu, jaillit, sort, brille, est envoyé, est délivré et est donné par lui, sans ignorer que ces termes concernent la transmission des émanations.

Il est certainement vrai que dans l'enseignement de Saint Cyrille d'Alexandrie, il y a un certain manque de clarté concernant  la procession du Saint-Esprit (j'ai écrit un traité spécial à ce sujet). Une phrase maladroite de ce saint Père, qui a appelé l'Esprit "propre au Fils", a donné lieu à des controverses entre théologiens de son époque. Théodoret de Cyr  a fait la distinction suivante :

Si Cyril appelle l'Esprit "propre au Fils" en ce sens qu'il est co-naturel avec Lui et procède du Père, nous serons d'accord avec lui et reconnaîtrons son expression comme orthodoxe. Mais s'il utilise ce terme dans le sens où l'Esprit a son existence du Fils ou par le Fils, nous devrons répudier cette expression comme blasphématoire et impie.

M. Gikas (suivant en cela les opinions des catholiques romains) réfute cette vue complètement orthodoxe de Theodoret, qui était le théologien le plus important de l'école antiochienne de l'Église primitive, au motif que Theodoret a été condamné par le cinquième Concile œcuménique en tant que  nestorien (!), Ignorant le fait que ses écrits, et non sa personne, ont été condamnés, et pour d'autres raisons.

Maintenant, pourquoi Saint Cyrille dit-il que l'Esprit est «propre au Fils»? En raison de leur identité d'essence: "l'Esprit Saint procède de Dieu le Père, selon l'énoncé du Sauveur, mais Il n'est pas étranger au Fils".  Et: "ce qui provient de Lui [le Père] n'est pas étranger au Fils selon la définition de l'essence ".

Saint Cyrille n'enseigne pas le Filioque, et c'est en vain que les catholiques romains cherchent cette doctrine dans ses écrits.

Les formules verbales "est répandu" et "sort", selon lesquelles Cyrille caractérise la provenance de l'Esprit du Fils, ne se réfèrent pas à la provenance éternelle de sa propriété hypostatique (la procession), mais à son envoi dans le monde à un moment donné :
Et il est répandu, c'est-à-dire, provient de Dieu le Père comme d'une source, mais est accordé à la création par le Fils.

Enfin, M. Gikas attribue l'expression "à travers le Fils" à saint Grégoire de Nysse "dans le sens causal", c'est-à-dire que le Fils est cause de l'Esprit.
Il est vrai que l'exemple utilisé par ce Saint Père pour élucider le mystère de la procession du Saint Esprit tend à soutenir cette notion : c'est l'exemple des trois bougies dont la seconde reçoit sa lumière du premier et du troisième par la seconde, une fois que cette dernière a été allumée :
C'est comme si une flamme était divisée entre trois bougies, et que la cause de la troisième lumière soit la première flamme qui a allumé la dernière bougie  par transmission de celle du milieu.

Cependant, de l'enseignement plus général du Saint, il ressort que cette «médiation» du Fils n'est pas une médiation de l'essence, mais une médiation «conceptuelle». Dans la Divinité, il existe un ordre dans la Trinité, c'est-à-dire que les trois personnes sont énumérées de cette façon : d'abord, l'Un, puis
le second, puis le troisième (c'est-à-dire le Père-Fils-Esprit Saint). Le Père (le Premier) est conçu comme précédant le Fils (le Deuxième) logiquement, non temporellement, et le Fils (le Deuxième) est conçu comme précédant l'Esprit (le Troisième).
Le Père est donc conçu comme précédant le Fils,
Et à travers le Fils et cependant  avec Lui, le Saint-Esprit ... est conçu en étroite union, non subséquente à l'existence du Fils.
Ainsi, bien que les deux [autres] Personnes tirent leur existence du Père, le Fils, qui est logiquement considéré comme antérieur (à l'Esprit), est traité comme un intermédiaire entre le Père et l'Esprit, et l'Esprit étant connecté au Père à travers lui, comme un produit de l'essence du Père qui engendre le Fils, ou comme un produit de l'essence du Père, «qui est l'essence du Fils». Il est évident que dans la complexité de cette ligne de pensée, la préposition «à travers» n'a pas de signification dogmatique particulière. Ceci, en termes de base, est la vision orthodoxe de la question.

Mais pour l'Église occidentale, le Filioque n'est pas un problème doctrinal trivial ; C'est un dogme premier de foi. Tenant ce dogme de l'enseignement de saint Augustin, l'Église occidentale l'a adopté à un concile convoqué en 589 à Tolède, en Espagne, en ajoutant la phrase "et du Fils" au Symbole de Foi, en dépit des nombreuses réactions diverses en contradiction.
Après le schisme des Églises, l'Église occidentale l'a élevé à un dogme de foi (De Fide), en l'imposant comme vérité  pour la conscience croyante de l'Église et nécessaire au salut.

Par conséquent, dans la nature des choses, cette Église ne peut pas concilier le Filioque conceptuellement avec notre enseignement, pas plus bien sûr, que nos pouvons le concilier avec notre enseignement. L'affirmation qu'il n'y a pas de contradiction essentielle entre les deux doctrines et que les deux enseignent la même chose, mais qu'elles l'expriment de différentes façons, est, de notre point de vue, irréaliste.
(version français par Maxime le minime)

(À SUIVRE)
notes :

1. St. John of Damascus, “Homily on Holy Saturday,” §4, Patrologia Græca, Vol. XCVI, col. 605B.
2. John Karmiris,  Dogmatic and Credal Monuments of the Orthodox Catholic Church] (Athens: 953), Vol. II, pp. 482-483.
3. eodoretos of Cyrus, in St. Cyril of Alexandria, Twelve Chapters Against ose Who Dare to Defend the Doctrines of Nestorios, Patrologia Græca, Vol. LXXVI,
col. 432D.
4. St. Cyril of Alexandria, ibid., Patrologia Græca, Vol. LXXVI, col. 433B.
5. Idem, Epistle 39, Patrologia Græca, Vol. LXXVII, col. 8A.
6. See Panagiotis Trembelas, Dogmatic theology of the Orthodox Catholic Church] (Athens: 959), Vol. I, pp. 288-289.
7. St. Gregory of Nyssa, On the Holy Spirit, Against the Macedonians and the Pneumatomachi, Patrologia Græca, Vol. XLV, col. 308B.
8. St. Gregory of Nyssa, Against Evnomios, Book I, Patrologia Græca, Vol. XLV, col. 369A 
9. See Trembelas, Dogmatikae,Vol. I, p. 293; Chrestos Androutsos, Sumbolkiae [Dogmatic theology],
 

dimanche 9 juillet 2017

De quelle union des Églises parlez-vous ? [1]

De quelle union des Églises parlez-vous Monsieur Gikas ?

par le professeur de Théologie de l'Université d'Athènes, Andreas Theodorou (†) 

Prof. Andreas Theodorou (1922-2004)
Dans le journal Βήμα du 22 mars 1992, un article de M. Emmanuel Gikas, ambassadeur au ministère des Affaires étrangères, a été publié, intitulé «L’Union des Églises n’est pas une utopie». Par «Églises», l'auteur ne comprend que les catholiques romains et les orthodoxes. Au sujet des communautés protestantes, et particulièrement de l'Anglicanisme, il ne dit rien. 

Il est évident que M. Gikas a été incité à écrire cet article par le refroidissement récent dans les relations entre le Papisme et l'Orthodoxie eu égard à l'ingérence politique du Vatican dans les affaires de l'Orient chrétien et l'activité pernicieuse de l'Unia au détriment des orthodoxes. 

Assez curieusement, il ne fait aucune mention de l'Unia, qui constitue le modèle ecclésiologique de l'union, comme la comprend le Pape, et constitue une pierre d'achoppement pour les efforts unionistes. 
On peut se demander pourquoi. 

Il parle d'une manière plutôt superficielle des différences qui séparent les deux Eglises, propose ses interprétations personnelles et préconise des mesures concrètes qui, à son avis, rendront possible l'union. 
Il semblerait que M. Gikas n'ait pas un sens profond de la nature des différences dogmatiques sur lesquelles se fonde l'éloignement entre les Églises, ou, pour le moins, ne leur attribue pas une signification correcte. 
Pour l'Église catholique orthodoxe, au contraire, cette question est particulièrement importante. Toute déviation de sa foi traditionnelle est une hérésie. 
C'est quelque chose qui dénature sa raison d'être et son oeuvre de sanctification. Pour l'amour de sa vérité, l'Orthodoxie a mené des luttes ardentes, a combattu contre les hérésies et n'a pas l'intention de s'écarter même d’un iota des dogmes qui lui ont été transmis par les Pères. 

En lisant l'article de M. Gikas, on a l'impression que l'auteur souhaite être impartial, mais que, malgré cela, il envisage les problèmes d’un œil catholique plutôt qu' orthodoxe et qu'il a une propension à une vision œcuméniste des choses; c'est-à-dire un certain minimalisme dogmatique et une tendance à relativiser, compromettre et brader les vérités divines de la foi. 


***

Mais examinons ces questions plus en détail.

Lorsqu'il expose ses thèses au début, M. Gikas écrit que «le Filioque est considéré à tort par certains comme divisant les Églises», C'est-à-dire qu'il constitue une différence insignifiante, ou plutôt, ne constitue en aucune façon une différence entre les Églises divisées, et il insinue que les nombreux conflits, les nombreux différends et la volumineuse littérature théologique consacrée à cette controverse créée des deux côtés sont devenus avec le temps une pure « bagatelle»!

Nous sommes désolés, mais nous ne pouvons pas accepter les points de vue exprimés par M. Gikas. Selon l'enseignement dogmatique orthodoxe, le Filioque n'est pas un simple théologoumène, c'est-à-dire une question de jugement théologique indépendant, que l'on peut accepter sans conséquences dogmatiques plus profondes (sans être considéré comme hérétique), mais une distorsion totale du Dogme de la foi concernant la sainte Trinité. Si nous acceptons que le Saint-Esprit procède également du Fils, nous détruisons l'ordre de la Trinité, confondons les propriétés hypostatiques des Personnes, inaltérables et incommunicables, et abolissons la monarchie dans la Divinité, c'est-à-dire que le Père est la source de la divinité, dont les deux autres personnes de la Trinité reçoivent leur existence, le Fils par la génération éternelle, et l'Esprit par procession; Et, enfin, la dignité de l'Esprit qui convient à  Dieu est diminuée et son œuvre sanctifiante et déifiante est dénaturée. Pour ces raisons, le Filioque est, pour nous, une hérésie trinitaire absolue qui détruit le concept du Dieu chrétien. L'Église catholique orthodoxe l'a toujours vue en tant que telle et a lutté contre elle.

(À SUIVRE)

jeudi 5 novembre 2015

SUR LE BLOG DE CLAUDE : Du Luthéranisme à l'Orthodoxie en passant par le Catholicisme

L'ITINÉRAIRE D'UN ANCIEN PROTESTANT DEVENU PRÊTRE CATHOLIQUE 
JUSQU'À SON RETOUR À L'ORTHODOXIE



Ne manquez pas de lire sur le Blog de Claude l'Entretien de Georges Maximo avec le prêtre orthodoxe Thomas Dietz, ancien prêtre catholique en 4 parties

extrait :

[…] même de nos jours, il y a une forte tendance chez les orthodoxes en Russie de croire que, fondamentalement, il n'y a pas beaucoup de différence entre Orthodoxie et le catholicisme romain. Ce n'est pas vrai. La différence entre l'Orthodoxie et le catholicisme est beaucoup plus grande que la différence entre le protestantisme et le catholicisme. La conversion du catholicisme à l'Orthodoxie est beaucoup plus difficile. Pourquoi? Parce que dogmatiquement il y a un écart énorme. Ce qui m'a aidé, c'était que jaimais vraiment l'ecclésiologie, l'étude de la théologie de l'Église. Là, l'influence de l'ERHF fut très importante. Dans l'ERHF ils enseignent que l'Eglise catholique n'est pas une église sœur, mais une église de branche qui a rompu avec l'Orthodoxie. Elle était orthodoxe à un certain point, mais ensuite, elle a cessé d'être orthodoxe, car ils ont introduit un enseignement qui ne peut être accepté par l'Orthodoxie, et en tant que telle, elle est considérée comme hérétique pour nous. Mais nous avons une forte tendance à tout niveler et faire que tout ait l'air semblable!
Quand nous lisons les œuvres des saints pères, nous voyons qu'il n'en est pas du tout ainsi. Par exemple, saint Justin [Popovitch] dit clairement que nous avons des canons qui interdisent la prière commune avec les hérétiques et nous n'acceptons pas les catholiques. C'est logique. Imaginez ce qui arriverait si l'Eglise bulgare mettait en avant une thèse sur sa primauté et sa suprématie absolue dans l'Église. Que penserions-nous à ce sujet? Naturellement, nous penserions que c'est le début de l'hérésie. Avec les catholiques, cette hérésie a pris racine et est devenue une partie intégrante de leur système de croyance. Aujourd'hui, les catholiques sont encore moins enclins à céder qu'il y a 50 ou 100 ans. Ils tiennent leur propre terrain. Le Concile Vatican II n'a rien changé à cet égard. Malgré leur œcuménisme déclaré, les catholiques insistent fermement sur leurs points de vue. 
[…]

vendredi 19 décembre 2014

SUR LE BLOG de CLAUDE deux excellents articles sur les errances de l'oecuménisme


1. 12 citations sur l'Orthodoxie, l'œcuménisme et le catholicisme romain



1. Œcuménisme: Inventé par les protestants. Adapté par les catholiques. Imposé aux orthodoxes. N'êtes-vous pas d'accord que c'est louche?
2. Beaucoup de protestants voient les catholiques avec générosité, les considèrent comme fondamentalement équivalents aux protestants. Les catholiques étendent le même esprit de générosité en considérant les orthodoxes comme essentiellement catholiques. Mais les différences sont fondamentalement plus profondes.
3. Ce que les orthodoxes, les catholiques, et les protestants ont en commun, est véritablement significatif.…LIRE LA SUITE ICI


2. La voix des Pères



Icône du Sinaï
L'Orthodoxie est la seule Eglise et la seule Vérité. Sa mission œcuménique ne peut pas être autre chose que la confession complète de cette Vérité. Le christianisme occidental a été trompé par le rationalisme (Orthologismos) et il a perdu le sens même et la possession du mystère divin, ainsi que la pleine réalisation du salut. 

Je considère qu'il est extrêmement important que l'on entende cette vérité aujourd'hui en utilisant tous les moyens possibles, puisque le danger de glisser vers les théories du relativisme est grande, même dans les rangs des théologiens orthodoxes.
Père Dumitru Staniloae

Soyez conscients de ne pas être corrompu par l'amour des hérétiques; pour cette raison n'acceptez aucune fausse croyance (dogme) au nom de l'amour.

Saint Jean Chrysostome
et aussi

Saint Théodore le Studite
Saint Antoine le Grand
Saint Marc d'Ephèse
Saint Nicéphore le Confesseur

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lundi 1 décembre 2014

ORTHODOXIE, CATHOLICITÉ, DOGMES, HÉRÉSIES, ÉGLISE, PERSONNE, INDIVIDU… par Christos YANNARAS


Un philosophe et théologien orthodoxe grec déconstruit les poncifs occidentaux sur le Christianisme

"Depuis le schisme entre l'orient et l'occident, en 1054, les deux parties de la chrétienté ont choisi un nom : La première partie s'appelle « Église catholique romaine », et l'autre partie « Église catholique orthodoxe ».
Cela signifie que le problème se trouve exactement à la compréhension du terme catholique : catholicité.
Nous avons deux conceptions : une conception romaine, et une conception orthodoxe.

Le terme orthodoxe ne disait pas beaucoup de choses à l’époque du schisme. C’est par la suite qu’on a utilisé ce terme pour préciser que l'Église orthodoxe est celle qui continue la même tradition que les apôtres et les pères de l'Église ont créée.

Depuis, de nos jours le terme a pris d’autres sens différents voire plutôt péjoratifs. Nous parlons d’orthodoxie freudienne, d’orthodoxie marxiste. Dans ce sens il s’agit de rester fidèles à la lettre d'une doctrine, à la doctrine de Marx, à la doctrine de Freud. Dans le sens péjoratif que le terme a pris, orthodoxe peut connoter une posture de fidélité au modèle plutôt servile et donc dénuée du courage de dépasser l’original, un conservatisme stérile et dépassé.

À l’époque donc pour préciser la différence par rapport à l'hérésie, on utilisait le mot « catholique », « catholicité » ; pour distinguer l'Église réelle des hérésies, c'est-à-dire des imitations de l'Église, on disait l'église « catholique » à laquelle on opposait le terme d’hérésie. Hérésie, αίρεσης en grec signifie : le « choix », je fais un choix. Je prends un morceau [ c’est le sens premier du mot secte qui vient du latin sectum, participe passé du verbe secare qui signifie couper NDR] et je donne à ce morceau les dimensions et la valeur du tout.  Le partiel devient le tout. Ça c'est l’airesis (αίρεσης ). Tandis que la catholicité représente une autre réalité.

Dans l'Église des premiers siècles la catholicité signifiait la « plénitude de la réalisation de la vérité de l'église ». C'est pourquoi on appelait « Église catholique » chaque Église locale, chaque réunion eucharistique, chaque communauté eucharistique.

C’est-à-dire que la communauté eucharistique, la communauté qui se rassemble pour offrir l'eucharistie, c’est l'Église catholique c'est à dire l'Église en plénitude. C'est l'Église entière. Cette compréhension du terme catholique, on la trouve déjà chez Aristote ; pour la tradition hellénique, la catholicité signifiait être « complet », être « entier ».

Pour comprendre cette notion de catholicité de chaque église locale comme actualisation de l’Église en plénitude on peut prendre les exemples qui suivent.
Ainsi pour connaître ce qu'est l'amour maternel, par exemple, il n’est pas besoin de rassembler toutes les mères de l'univers et d’étudier tous les cas de mères qui pratiquent l'amour maternel, l’amour d’une seule mère contient tout l’amour maternel en soi, et chaque mère l’actualise chaque fois qu’elle l’exerce.

De même pour savoir ce que signifie l’éros, il n’est pas nécessaire de rassembler tous les couples amoureux du monde. Non. Il suffit d’ « un seul » couple de vrais amoureux pour avoir toute la vérité de l’éros, comme il suffit d’une vraie mère pour comprendre, pour voir, pour palper la totalité, la plénitude de l'amour maternel.

Il faut ici confronter langage et histoire pour comprendre le nouveau sens qu’a pris le terme de catholique.
Dans la période de la fin de l’empire romain d’occident, du IV° au VI °siècle, les populations en occident ont changé radicalement : de nouvelles races, de nouvelles nations sont entrées en Europe occidentale, elles ont démoli l'empire romain, elles ont créé une nouvelle situation historique, politique, sociale, etc... elles ont été baptisées, certes, mais parce qu'à l’époque, devenir chrétien, c'était un présupposé, une condition pour intégrer la civilisation.

De là a commencé leur progression, très lente, vers la civilisation et la culture.

À cette époque-là, chaque roi, ou chaque prince, ou chaque baron, qui avait un pouvoir dans la société féodale, qui régnait sur un domaine, et sur les hommes qui y vivaient, avait également la volonté de régner sur la religion dans son domaine, de la surveiller, de la contrôler et donc de prescrire ce qui était la norme en matière de christianisme. Il s’en est suivi que ce n’était plus l'Église qui avait la prérogative pour prendre les dispositions convenables de façon à ce que tous participent à la même réalité, au même mode d’existence.

De façon peut-être un peu schématique on pourrait faire le raccourci suivant : l'évêque de Rome, confronté à ce problème, l’a résolu en fondant une autre conception de la catholicité. Ce ne fut plus une conception « qualitative » ; la catholicité ne représentait plus, dans diverses circonstances concrètes, une actualisation de la vérité pleine et entière, mais on en eut une conception quantitative, et l’universalité de la vérité, la « catholicité », prit un sens géographique.

Les conséquences de ce choix sont décisives, car selon cette nouvelle conception, l'Église n'était alors plus précisée, définie par l'expérience, par la participation à l'événement ecclésial, à l'événement eucharistique, mais, par des critères objectifs : par exemple la fidélité à la doctrine, le respect de la « morale chrétienne ». Et quelqu’un, devait surveiller et contrôler cela, de sorte que les fidèles [en différents lieux] suivent vraiment les ordres d’un centre devenu nécessaire. Ce centre créé, il lui fallait une autorité, et pour asseoir cette autorité il fallait être « infaillible » on connait la suite…

Ainsi on a perdu, en occident, la conception de la catholicité de chaque église locale, le christianisme progressivement a glissé dans des conceptions « idéologiques », c'est pourquoi on insiste tellement (trop) sur la fidélité aux « dogmes », comme on dit. 

Mais qu'est-ce que c'était le dogme originellement ?

L'Église ne connaissait pas ce mot. Le mot « dogme » à l'époque de l'Évangile, on le trouve chez Luc qui écrit que le Caesar Auguste a produit un dogme. Que signifiait à l'époque « dogme » ?
Le mot provient du verbe δοκέω, c’est à dire « c'est mon avis », « je pense », « c’est mon opinion.
Cependant l'empereur de l'empire romain, utilisait cette formule en introduction à ses ordres, ses décrets (διάταγμα). Il disait par exemple : « Mon dogme...c'est mon dogme que je veux vous couper la tête », par exemple... « Voilà mon avis, il faut faire ça ! », mais ce qui peut sembler se présenter comme l’expression d’une simple opinion, était un décret impératif, une décision applicable obligatoirement pour tous. Ainsi, progressivement le terme dogme a pris un caractère d'obligation, et désormais on est obligé d'accepter ce que dit celui qui a l’autorité. Pourtant pendant huit siècles, sans conteste, l’Église n'a jamais utilisé le terme de « dogme ». Les décisions des conciles oecuméniques s'appelaient τερμίνη : ce qui signifie « extrémités », « frontières ». Frontière de quoi ? De l'expérience ecclésiale.

L'Église n'a pas une théorie à part, l'Église n'a rien à faire avec des idéologies. L'Église est tout d'abord et seulement une expérience : comment on peut participer à un mode de vie, à un mode de l'existence.
Cependant il a été nécessaire de trouver une formulation à cette expérience du moment que quelqu'un avait menacé cette expérience ; du moment que quelqu'un voudrait altérer cette expérience.
Voici encore un exemple parlant même s’il peut paraître naïf :
Tous, nous connaissons par expérience l'amour maternel. On ne devrait jamais avoir besoin de définir ce qu'est l'amour maternel.
Nous le connaissons tous ! Normalement tous ceux qui ont eu une mère, connaissent très bien ce que signifie l’amour maternel. Mais si la porte de notre maison s’ouvre, que quelqu’un entre et nous dit :
« Écoutez, l’amour maternel signifie ou suppose que la mère doit battre, battre son enfant dix fois par jour »… à ce moment là quelle sera votre réaction? Certainement vous répondrez « Non, ce que tu dis n'a rien à faire avec notre expérience, Notre expérience de l'amour maternel, n'a rien à faire avec ce que tu dis toi ! »
C'est exactement la même chose avec l’hérésie.

Quand les premières hérésies ont commencé de contester l'expérience ecclésiale, l’Église a été menacée. Qu'est-ce que c'est l'Église ? Pas l'institution, pas l'idéologie comme nous le comprenons aujourd’hui.
L'expérience ecclésiale était menacée et les chrétiens avaient besoin de protéger leur expérience, alors on a convoqué des conciles, et les conciles ont donné des définitions, des termini (τερμίνη), c'est-à-dire qu’ils ont dit que, par exemple pour revenir à mon exemple naïf : l’amour maternel c'est la tendresse etc... de la part de sa mère... Mais quelqu'un qui a perdu sa mère quand il était très petit, bébé, il n'a jamais connu l'amour maternel ; celui-ci, il peut comprendre la définition que nous donnons sur l'amour maternel, mais il ne connait pas l'amour maternel. Ça, c'est très essentiel. On peut très bien savoir - même un athée - que le Dieu de l'Église est un Dieu Trinitaire, sans connaitre vraiment le Dieu trinitaire, sans savoir ce que l'Église vit à travers cette foi-confiance en un Dieu trinitaire, et pas en une Puissance suprême, etc... etc…

Pour revenir à la catholicité.

Donc la catholicité a pris un caractère géographique, idéologique ; toutes les idéologies ont besoin immédiatement d'une autorité, d’un mécanisme qui contrôle les convictions : la foi devient conviction, la foi n'a plus le sens de la confiance, de la particiption à une « expérience ». Qu'est-ce que nous faisons dans l'Église ? Et pourquoi nous sommes sauvés dans l'Église ? Parce qu'on se donne à l'Église, on a confiance, on aime et on est aimé ; et ce que nous espérons, c'est que.... l'Église, c'est-à-dire le Christ, sa mère, les saints, nous prennent dans leur amour et nous amènent à la vie « vraie », à la plénitude de nos possibilités existentielles, c'est ça le sens du terme « salut ».

Aujourd'hui, la plupart des chrétiens, si l’on se fie à ce que l’on entend dans les prédications et qu’on lit dans les livres, ont l'impression que le salut c'est un exploit individuel, et chaque chrétien essaie de devenir digne d'être sauvé. Mais qu'est-ce que signifie « être sauvé » comme individu ? Si moi je suis sauvé et mon enfant ne l’est pas… Quelle sorte de salut, est-ce là ?
Je n'ai pas besoin d'un salut individuel. J'ai besoin d'un corps qui incarne le salut, c'est à dire la vie libre de toute les conditions du créé, la vie comme image et réalisation de l'existence trinitaire.
Comme nous le disons en orient, la nova Roma, la nouvelle Rome qui a succédé à l'empire romain, quelques siècles après, ( le schisme a eu lieu au XI° siècle), a été soumise au XV° siècle sous l'occupation ottomane. Pratiquement, cela signifie qu'elle était exclue de l’histoire.

Toute la tradition hellénique, alexandrine, syriaque, etc... des premiers siècles, a été effacée et l'occident est resté seul ; et en même temps, pas simplement seul. L’occident a développé, progressivement, une culture, une civilisation avec une caractéristique qui reste jusqu'à aujourd'hui une énigme ; avec un dynamisme universel. Quelle en est la cause ?
Cela peut s’expliquer par le fait que l'occident a créé une civilisation fondée sur la primauté, la priorité absolue de l’individu.

À la suite du philosophe américain Thomas Kuhn qui a offert un schéma qui est assez utile pour systématiser la différence des civilisations, on a commencé de parler de paradigmes ; nous avons donc des paradigmes culturels. Qu'est-ce que signifie un paradigme culturel ?

Cela signifie un mode d'existence et de co-existence qui fonctionne comme modèle pour plusieurs sociétés, pour un certain temps.

Par exemple, nous avons eu le paradigme newtonien, comme nous disons, c'est-à-dire : Toute notre vie, l'organisation de notre vie, la compréhension des conditions de la vie avec pour point de départ, on peut le dire, la physique de Newton. C'est-à-dire une conception de l'univers comme la somme des entités particulières. Des monades arithmétiques.
Ensuite on est passé au paradigme de la modernité, en restant plus ou moins fidèles au modèle newtonien. Malgré le progrès de la physique moderne, on reste encore emprisonné dans une image de l'univers et de la société - qui prime encore maintenant - comme somme des individus particuliers.
En grec, pour signifier « individu », nous avons le terme : atomon.
Atomon signifie une réalité une monade qu'on ne peut plus diviser, insécable. Si on prend un morceau de fer, par exemple, et qu’on le coupe au milieu, puis au milieu, puis au milieu, ainsi de suite... on arrive finalement à une monade qui n'est plus sécable. Ça, c'est le sens exact du terme atomon.

Cependant que nous continuons d'avoir cette conception, la physique moderne ou les sciences modernes, en général, progressent vers une conception de l'unité et aussi de la société comme un événement de relation, un dynamisme de relation, la relation se trouve au sein du monde, de la conception de l’individu ; la relation représente un événement, un dynamisme, quelque chose qu'on crée, tandis qu'un individu se définit comme monade arithmétique. Aujourd'hui dans nos sociétés, pour définir l’altérité de chacun de nous, nous avons une carte d'identité, un passeport, avec un numéro... Ce qui nous différencie, c'est le numéro, ce n'est pas l'altérité de l'existence de chacun de nous.

C’est ce qui structure la réalité humaine, la philosophie et l'Église aussi... L'Église a adopté le langage de son époque, et utilise le terme prosopon (πρόσωπο), qui est essentiellement différent. L’atomon (ατόμων ), l'individu, je répète est une monade arithmétique, le prosopo c'est une réalité. Le terme πρόσωπο est une synthèse de la préposition pros : vers quelque chose, et ops, génitif opos , qui signifie le visage. Alors le terme prosopon signifie j'ai le visage [orienté] vers quelqu'un, vers quelque chose, je suis avec en réalité, je suis en relation avec quelque chose.
C'est pourquoi nous ne pouvons connaître une personne humaine que, seulement par rapport à, à travers la relation avec elle.
Nous disons : « Vous connaissez monsieur X ? » - Non, non, j'ai entendu parlé de lui. Non, ça ce n'est pas une connaissance. «Vous le connaissez ? vous l'avez rencontré ? Vous avez une relation avec lui ? », et si cette relation avance, et vous pouvez parvenir à commencer « d'aimer » l'autre, c'est-à-dire mettre de côté les exigences de l'ego individuel, tous ses élans, ses instincts pour utiliser l'autre, posséder l’autre. Si on se libère de tout cela, on arrivera à aimer l'autre et, dès ce moment commence une autre connaissance de l'autre, de la personne, on reconnaît vraiment son altérité.
Alors le paradigme qui a été formé en occident après le schisme, et surtout à travers le développement au Moyen-Âge de la société médiévale, fut un modèle essentiellement et par principe individualiste.
La foi signifia des convictions individuelles, la morale représenta l'effort de chacun pour être fidèle aux ordres d'une loi, d’une conception de ce qu'il faut et ce qu'il ne faut pas, le salut fut vraiment une affaire proprement et purement individuelle ; tandis que dans l'Église tout ce qui est individuel est la mort. Pourquoi ? Parce que la mort c'est la conséquence naturelle des êtres créés. Quelque chose qui est créé, c'est-à-dire qui a un début, un commencement, est obligatoirement mortel, et arrive à sa fin ; tandis que si on transforme l'individu en une personne, ce que l'Église fait, alors on arrive à vaincre les conditions du créé, c'est pourquoi nous chantons la nuit de Pâques que le Christ par sa mort, a vaincu la mort, Il nous a donné cette possibilité de se libérer de la mort, c'est-à-dire d'arriver à réaliser en tant qu’Église ce que réalise l'événement existentiel que la Sainte Trinité : une vie libre de tout conditionnement, parce que c'est une existence qui s'identifie avec l'amour. La seule définition de Dieu que nous avons dans l'Église, c'est que Dieu « est » amour. L'amour n'est pas une qualité morale de Dieu c'est son mode d'existence. Et le mode d'existence de l'Église est exactement le même : se libérer de l'individualité et arriver à la réalité de l'amour, à la liberté de l'amour."
Christos Yannaras
(Reprise, modifications et tentative d’explicitation assumés par Maxime le minime, de la transcription littérale de la conférence de Christos Yannaras à la Paroisse Saint Jean de San Francisco (8 avril 2011) par D. Lorans-Nény - source)

jeudi 27 novembre 2014

«L'identité chrétienne de l'Europe» ? par l'Archimandrite George Kapsanis



Notre prise de conscience de nous-mêmes en tant que chrétiens orthodoxes ne nous permet pas de négliger le fait que l'Orthodoxie et le christianisme occidental ne peuvent pas partager une même «identité chrétienne». Au contraire, cela nous oblige à insister sur le fait que l'Orthodoxie est la foi chrétienne originelle que l'Europe a oubliée depuis longtemps, et qui, à un moment donné, devrait à nouveau servir de fondement à son identité chrétienne.

    L'Europe unie du XXIe siècle s'efforce de trouver son identité. La question de «l'identité européenne» n'a pas cessé d'être un grave problème depuis qu'elle a été forgé seulement avec des facteurs économiques et politiques. Cependant, à partir du moment où les facteurs culturels et en particulier religieux devaient être pris en compte dans la tentative pour la définir, il ya eu de graves débats, de profonds désaccords et d'âpres différends sur la question de savoir si la «Constitution européenne» devrait faire référence à l'identité chrétienne de l'Europe.

    Mais qu'est-ce que «l'identité chrétienne de l'Europe» signifie pour nos peuples orthodoxes? En quoi est chrétienne est «l'identité chrétienne de l'Europe»? 

    Tous ces individus bien intentionnés qui s’efforcent de renforcer le concept de l'identité chrétienne de l'Europe parlent généralement d'elle comme si c'était un fait historique ou un code de principes et de valeurs chrétiens auxquels les peuples chrétiens de l'Europe peuvent conjointement adhérer par le moyen de contacts œcuméniques et de dialogue inter-chrétiens. Les chrétiens d'Europe veulent voir le concept inscrit dans le cadre institutionnel de l'Europe parce qu'ils ont peur que l'identité religieuse de leur continent puisse être affaibli et son caractère chrétien altéré à la suite des changements de population (migrations etc.), ou que les organisations chrétiennes inter-églises puissent être exclues des centres européens de prise de décision. Suivant la même logique, même les propositions des représentants orthodoxes officiels se concentrent sur le renforcement d'une présence chrétienne institutionnelle en Europe.

L'Église orthodoxe

    En vivant comme je le fais dans l'environnement du mont Athos et le climat spirituel qu'il crée, je peux voir que notre patrimoine orthodoxe ne doit pas être mesuré aux normes de ce monde. Au cours des dernières années, j’ai été témoin de la piété et de la foi profonde des pèlerins visitant l’Athos, dont beaucoup viennent, au prix de grands efforts et dépenses, des pays des Balkans et de la Russie.

    Dans l'esprit de tous ces pieux chrétiens orthodoxes et de tous ceux qu'ils représentent de retour dans leurs pays d'origine, l'Orthodoxie ne signifie généralement pas la même chose que pour ceux qui la voient ou la considèrent avec des critères idéologiques ou sociologiques - ces gens qui confondent habituellement les croissants orthodoxes d'ici dans l'Orient orthodoxe avec ceux qui sont dans le monde musulman, ou considèrent l'Orthodoxie comme une force nationaliste parmi les peuples qui l'embrassent. Peu importe dans quelle mesure, nous, orthodoxes, créons ces impressions, suite à nos faiblesses personnelles ou à des erreurs collectives, nous croyons profondément que l'Orthodoxie est quelque chose de beaucoup plus substantiel, sublime et impérissable : c’est le don inestimable du Saint Dieu trinitaire au monde, la « foi confiée une fois pour toutes aux saints» (Jude 3), que notre Église orthodoxe conserve dans sa plénitude, sans distorsions hérétiques, et que nous avons conservée dans les moments difficiles afin de ne pas perdre notre espérance en la vie éternelle.

    Nous, peuples orthodoxes avons été jugés dignes par Dieu dans sa miséricorde de porter le sceau du Saint Baptême orthodoxe, de participer à la Sainte Eucharistie orthodoxe, de suivre humblement les enseignements doctrinaux des sept conciles œcuméniques comme la seule voie de salut, et de garder «l'unité de l'Esprit par le lien de la paix» (Ephésiens 4: 3). Nous portons bien sûr l'héritage de la foi orthodoxe « dans des vases d'argile »(II Corinthiens 4: 7), mais par la grâce de Dieu ce qui représente la raison de « l'espérance qui est en nous» (I Pierre 3: 5) .

    Notre Église orthodoxe n’est pas seulement une arche de notre patrimoine historique national. C’est d'abord et avant tout l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

    Afin de ne pas perdre l'espoir de leur salut éternel dans le Christ les peuples orthodoxes des Balkans ont conservé leur foi orthodoxe à travers les sacrifices de milliers de néo-martyrs, qui ont résisté autant à la conversion à l'islam qu'à la conversion à l’Église uniate Pour cette raison, la résurgence récente des uniates qui s’est produite depuis l'effondrement des régimes athées, ainsi que le prosélytisme actif des confessions néo-protestantes parmi les populations orthodoxes, représentent de sérieux défis pour l'Église orthodoxe. Et en tant que tels, ils doivent être affrontés, car une fois de plus, ils mettent en péril le salut des âmes simples « pour qui le Christ est mort» (Romains 14: 15). 

    Dans les sociétés traditionnellement catholiques et protestantes de l'Ouest, en outre, lorsque les paroisses orthodoxes existent et fonctionnent, la présence orthodoxe doit être un humble témoin de l’authentique christianisme, dont ces sociétés ont été privées depuis des siècles en raison des déviations de la foi apostolique  des papes et  des protestants. Chaque fois que la recherche nostalgique de la forme pure et inaltérée de la foi chrétienne culmine dans le retour des chrétiens hétérodoxes au sein de l'Église orthodoxe, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, le caractère missionnaire de l'Église s’exprime. En revenant à l'Église orthodoxe, les chrétiens d'autres confessions n’abandonnent pas une église afin d'en embrasser une autre, comme beaucoup le croient à tort. En réalité, ils laissent une forme anthropocentrique de l'Église pour redécouvrir la seule et unique Église du Christ, ils deviennent membres du Corps du Christ et sont remis sur la route de la déification. 


Le Saint Monastère de St Grégoire sur le Mont Athos


Théologie et «théologie»…

    Malheureusement, l'œcuménisme, cette philosophie syncrétiste qui s’est exprimée par les organes institutionnels du Mouvement dit  œcuménique et des représentants de l'œcuménisme papocentrique, se dirige dans la direction opposée. Comme ils ignorent l'ecclésiologie orthodoxe et suivent la « Théorie des branches » protestante ou la récente théorie Romano-centrée des «Églises sœurs », ils croient que la vérité de la foi apostolique, ou une partie de celle-ci, est conservée dans toutes les églises et confessions chrétiennes. C’est pourquoi ils dirigent leurs efforts vers la réalisation de l'unité visible entre les chrétiens, sans plus considérer l'unité plus profonde de la foi.

   En ce sens, la «théologie» œcuméniste considère comme égaux le Baptême orthodoxe (avec sa triple immersion) et le rite catholique de l'aspersion ; elle considère également l’hérésie du Filioque comme doctrinalement égale à l'enseignement orthodoxe sur la procession du Saint-Esprit selon le Père seul, et interprète  la primauté de service du pape de Rome comme une primauté d'autorité, de même elle considère  comme simple théologoumène (opinion théologique) l'enseignement orthodoxe sur la distinction entre l'essence et les énergies de Dieu et la grâce incréée de Dieu.

    Tout cela n’est qu'un œcuménisme de surface, dont le défunt Père Dumitru Staniloae a justement écrit: «De temps en temps, du grand désir d'unité, émerge un enthousiasme facile, qui croit que la réalité peut être avec une relative facilité transformée et remodelée par la force des sentiments. Une mentalité diplomatique et conciliante émerge également, qui estime que les positions doctrinales ou d'autres problèmes plus généraux qui séparent les églises peuvent être résolus par des concessions mutuelles. Ces deux façons de traiter avec - ou d'ignorer - la réalité affiche une certaine élasticité, ou tendance à relativiser la valeur qu'ils attribuent à certains articles de foi des Églises. Cette tendance à relativiser reflète sans doute la très faible importance que certains groupes chrétiens – soit  en partie ou en totalité – attachent  à ces articles de foi. À partir de l’enthousiasme ou de leur mentalité diplomatique, ils proposent des arrangements ou des compromis sur ces articles de foi précisément parce qu'ils n’ont rien à perdre avec ce qu'ils proposent. Ces compromis, cependant, représentent un grand danger pour les Églises dans lesquelles les articles pertinents sont d'une importance capitale. Pour ces églises, des propositions concernant des arrangements et des compromis de cette nature équivalent à des attaques non dissimulées.

Dans le même temps, les confessions protestantes, qui sont allées jusqu'à nier certaines doctrines fondamentales de la foi (l'historicité de la Résurrection, la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu, etc.) et à accepter des pratiques qui vont à l'encontre de l'esprit de l'Évangile (mariage entre homosexuels), se voient accorder un statut égal sur les panneaux du Conseil œcuménique des Églises avec les plus saintes Églises orthodoxes locales. La théorie de la «démythologisation», «théologie» ou «mort» de Dieu, l'ordination des femmes prêtres, et la célébration de mariages homosexuels par des prêtres ne font certainement pas partie de notre identité chrétienne.

    Le Protestantisme connaît une profonde crise de la foi. Dans son livre Danser seul : La quête de la foi orthodoxe à l'ère de la fausse religion (Regina Orthodox Press, Salisburg, USA), Frank Schaeffer, le protestant américain bien connu qui est devenu orthodoxe après une quête personnelle longue et ardue, fournit beaucoup d'informations intéressantes montrant à quel point le protestantisme est désormais tombé loin de la vérité de l’Église Une, Sainte, catholique et Apostolique.

Syncrétisme interreligieux

    Une extension logique et la conséquence inévitable du syncrétisme inter-chrétien est le syncrétisme inter-religieux, qui reconnaît la possibilité de salut pour quiconque appartient à l'une des religions monothéistes. Un évêque orthodoxe a écrit que : "au fond, à la fois les églises et les temples (mosquées) visent à permettre à l'homme d'atteindre le même développement spirituel".3 Le syncrétisme inter-religieux n’hésite même pas à reconnaître des chemins vers le salut dans toutes les religions du monde. 4

    Il y a quelques années, un professeur à l'Université d'Athènes a écrit qu'il pouvait allumer une bougie devant une icône de la Vierge Marie tout aussi bien qu'il pourrait en allumer une devant une statue d'une déesse hindoue.

  Des évêques Orthodoxes, le clergé et les théologiens ont, malheureusement, été influencés par la mentalité syncrétiste. Par leurs points de vue théologiques, que les dirigeants de ce monde et les intellectuels ont l’habitude d'écouter et reconnaissent comme orthodoxes, ils favorisent cette mentalité, qui est d'abord une question d'opinion purement personnelle, de sorte qu’ils en deviennent une «ligne» officielle avec des buts et des objectifs spécifiques. De ce point de vue, l'amour, sans référence à la vérité doctrinale, devient le critère principal de l'unité chrétienne, tandis que l'insistance sur les positions traditionnelles théologiques orthodoxes est dénoncé comme du sectarisme et du fondamentalisme.

    Quant à savoir comment la mentalité œcuméniste peut construire une identité superficiellement chrétienne pour l'Europe, les «engagements» pris par les représentants des églises chrétiennes qui ont signé la Charte œcuménique le 22 Avril 2001 sont caractéristiques.5

La véritable identité

    Pourtant, cette identité «chrétienne» européenne est loin de la véritable identité chrétienne des peuples d'Europe; On ne peut pas trop fortement souligner que nous faisons une grave injustice à l'Europe lorsque nous lui attribuons une identité qui n’est pas vraiment, mais seulement superficiellement chrétienne. Une forme morbide, frelatée, du christianisme n’est pas le christianisme des catacombes de Rome, de Saint-Irénée, évêque de Lyon, des moines orthodoxes de l'Écosse et de l'Irlande ou de la chrétienté dans son ensemble dans le premier millénaire. Une formule frelatée du christianisme ne peut pas protéger les sociétés européennes de l'invasion des idées et de la morale non-chrétiennes.

    C’est déjà un fait bien connu que de nombreux Européens ont fini par se lasser du rationalisme stérile et sont nostalgiques d’un mysticisme perdu, et c’est pourquoi ils embrassent l'islam, le bouddhisme ou l'hindouisme, se tournent vers les religions ésotériques ou recherchent des expériences métaphysiques dans les mouvements New Age. En Italie seulement, il y a environ 500 mosquées en activité, tandis qu'en France, 5% de la population est musulmane.

    L'Église orthodoxe détient la Vérité. Elle a le Christ en son centre. Tout y est théanthropique car tout ce qui est offert au Seigneur, le Théanthropos, est rempli de la grâce incréée de l'Esprit Saint. C’est pourquoi il peut fournir réconfort et soulagement aux âmes qui cherchent sincèrement la libération de l'emprise étouffante du rationalisme, du scientisme, du matérialisme, de l'idéalisme et de la technocratie. C’est pourquoi l'Orthodoxie ne doit pas être entraînée dans le creuset syncrétiste, et c'est pourquoi l'espoir du monde entier ne doit pas être perdu!

    En tant que pasteurs orthodoxes et croyants orthodoxes, nous avons le devoir de préserver l'héritage sacré de notre foi orthodoxe. Saint Paul exhorte les deux anciens d'Ephèse et nos propres dirigeants de l'Église d’aujourd'hui à «veiller sur vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques. Soyez bergers de l'Eglise de Dieu, qu'il a racheté avec son propre sang »(Actes 20: 28). Et aux fidèles de Thessalonique et de l'Église dans son ensemble, il a déclaré: «... rester fermes et maintenez les enseignements que nous vous avons transmis» (II Thessaloniciens 2: 15).

Un œcuménisme sain

    Dans le domaine de la foi, le Vieux Continent s’est égaré. Le New Age est désormais ouvertement en train de menacer de dé-christianiser la société européenne. Il n’y a  rien d’étonnant à ce sujet. L'Europe a tourné le dos au Christ, et d’un certain point l’a banni, comme Dostoïevski l’observe avec justesse dans 'Le Grand Inquisiteur'6, et le saint évêque Nicolas de Ochrid et Jitsa également notes.7

    L'Église orthodoxe doit révéler son don et sa mission; elle doit annoncer aux peuples de l'Europe que, s’il y a quelque chose qui peut sauver l'Europe dans cette phase critique de son histoire, c’est l'Orthodoxie. Ne privons pas notre Église orthodoxe de l'occasion de donner ce message de salut aux peuples de l'Europe en plaçant la Foi orthodoxe sur le même plan qu’une hérésie dans la perspective confuse et la vision vague de l'œcuménisme syncrétiste. Nous pouvons contribuer à une forme saine, entièrement orthodoxe de l'œcuménisme en révélant le mystère du Dieu-homme (Théanthropos) et de son Église aux chrétiens d'autres confessions et en proclamant avec le regretté Ancien St Justin Popovitch, confesseur de la foi :


    «Le moyen de sortir de toutes les impasses – de  l'humanisme, de l'œcuménisme et du papisme – c’est  la figure historique du Dieu-homme, Notre Seigneur Jésus-Christ, et Sa création théanthropique historique, l'Église, dont il est la tête éternelle, tandis que l'Église est son Corps éternel. La foi apostolique, catholique et orthodoxe des sept conciles œcuméniques, les Saints Pères de l'Église et la Sainte Tradition sont les remèdes qui peuvent redonner une vie nouvelle aux  membres de toute hérésie, quel que soit son nom. En dernière analyse, toutes les hérésies sont créées par l'homme et «à la manière de l'homme »; chacune d’elles met l’homme à la place du Dieu-homme ou remplace le Théanthropos par l'homme, et, ce faisant nie et rejette l'Église ... La seule voie de salut de cette situation est la foi apostolique et théanthropique, c’est-à-dire une retour complet à la voie théanthropique des Saints Apôtres et des Saints Pères de l'Église. Cela signifie un retour à leur foi orthodoxe immaculée et au Christ, le Dieu-homme, à leur vie théanthropique bénie dans l'Église par la puissance du Saint-Esprit, à leur liberté en Christ ... Sinon, sans la voie des saints Apôtres et des Saints Pères de l'Église, sans suivre la voie tracée par eux pour servir le seul vrai Dieu dans tous les mondes, sans adorer le seul vrai Dieu immortel, le Christ Théanthropos et Sauveur, l'homme est voué à se perdre dans la mer morte de l'idolâtrie européenne civilisée et, à la place du Dieu vivant et vrai, il est voué à adorer les faux dieux de cet âge, dans lequel il n'y a pas de salut, pas de résurrection et aucun moyen de déification pour la triste créature appelée homme 8
Archimandrite George Kapsanis,
 higoumène du monastère Gregoriou de la Sainte Montagne 2 Novembre 2011
(version française par Maxime le minime de la source
Références :

 Ecclesiologiki Autosyneidesia tonne Orthodoxon apo tis Aloseos mechri tonne archon tou 20ou Aionos '(La conscience ecclésiologique de soi des orthodoxes de la chute jusqu'au début du 20ème siècle), dans le volume collectif EIKOSIPENTAETIRIKON (A Tribute to Metropolitan Dionysios de Neapolis et Stavroupolis), Thessalonique, 1999, p. 124. Voir aussi Atanasije Jevtic, évêque de Banat (retraité évêque de Zahumlje-Herzégovine), 'Je Ounia enantion tis Servikis Orthodoxias »(L'Eglise uniate contre orthodoxie serbe) dans le volume collectif je OUNIA CHTHES KAI SIMERA (L'Eglise uniate hier et Aujourd'hui), Armos Pubs., Athènes 1992. sur l'activité de l'Eglise uniate de Transylvanie voir 30 Vioi Roumanon Agion (La vie des 30 Saints roumains), Orthodoxos Kypseli, Thessalonique, 1992, p. 123.

Dumitru Staniloae, Gia Enan Orthodoxo Oikoumenismo (Vers un oecuménisme orthodoxe), Athos Pubs., Le Pirée, 1976, pp. 19-20.
Orthodoxia kai Islam (l'orthodoxie et l'islam), Saint Monastère de Gregoriou, 1997, p. 16.
Ibid., Pp. 9-11.
Voir la revue Apostolos Varnavas, Nicosie, Chypre, non. 10, 2001, pp. 411-23.
F. Dostoïevski, Les Frères Karamazov.
Archimandrite Justin Popovitch, Orthodoxos Ekklisia kai Oikoumenismos (L'Eglise orthodoxe et l'œcuménisme), Orthodoxos Kypseli, Thessalonique 1974, p. 238 et p. 251-52.
Loc. cit.