FONCTION et PLACE de L’ART DANS L’EGLISE
A propos de la photographie d’un crucifix en plastique dans de l’urine d’un artiste. En dernière analyse.
On pourrait penser qu’il ne faut plus donner de publicité à cet évènement scandaleux et qu’il ne faut donc plus en dire un mot. Mais c'est désormais trop tard, et on peut avoir la conviction, au contraire, qu’il y a lieu d’approfondir la question pour comprendre d’un peu plus près ce qui s’est passé, une fois les émotions premières calmées et le recadrage médiatique dominant prévisible effectué.
Il faut sans doute revoir tous ces évènements action/réaction sous un autre jour c.à.d. à la lumière des déclarations de l’artiste dont il faut prendre au sérieux le refus d’être considéré comme blasphémateur.
L’homme se définit en effet à la fois comme artiste et comme chrétien.
« Je n'ai rien d'un blasphémateur, et je n'ai aucune sympathie pour le blasphème", insiste Andres Serrano, qui revendique être "un artiste chrétien) […]
Et plus loin "J'aimerais travailler au Vatican, réaliser une grande œuvre religieuse à Rome, dans les églises de la cité pontificale", affirme encore Andres Serrano. "J'aimerais que le Saint-Siège comprenne que je suis un artiste profondément chrétien de mon temps", ajoute-t-il.».
On ne peut taxer immédiatement l’urineur-photographe de lâcheté en le soupçonnant de craindre les menaces voire le bâton d’intégristes catholiques qui auraient fait la démonstration de force définitive qu’on ne peut s’attaquer impunément aux choses sacrées. Non c’est sans doute bien plus grave que ça.
Il faut donc croire ses déclarations et en tirer les conclusions qui s’imposent :
- Cet homme se considère et est reconnu officiellement par le marché et les médias de l’art comme artiste de son temps. Cela lui vaut donc, en toute logique, la chance de faire des expositions dans le monde et de bénéficier d’un mécénat public ou privé qui correspond à ce fait.
Que l’on s’indigne sur ce qu’est devenu l’art depuis sa déconstruction systématique commencée à la fin du XIX° s. aboutissant à notre époque à l’éclatement des codes, des langages artistiques et des canons esthétiques, comme à la multiplication des discours justifiant toute production éphémère ou durable sur support traditionnel ou non (la théorie finissant même quelquefois par se substituer en toute logique à n’importe quelle production), à la fin de l’histoire, à la fin des normes collectives, l’individu avec son regard propre – étant la nouvelle norme dans le domaine dit artistique plus qu’ailleurs encore etc. …
Tout cela ne fera rien à l’affaire : l’art étant mort l’art est partout... et même si l'art n’est pas mort, et qu’il sent tout de même une drôle d’odeur, cet homme est bel et bien reconnu comme artiste.
- Cet artiste – donc – se déclare par ailleurs « profondément chrétien » et il aimerait même « travailler au Vatican, réaliser une grande œuvre religieuse à Rome, dans les églises de la cité pontificale ». Il se définit donc comme catholique romain convaincu, prêt à marcher sur les traces des Michel Ange, Bernin etc. Et là encore il n’y a pas lieu de ne pas croire en sa sincérité.
Ici, dans ce domaine comme dans les autres, le discours individuel prime. De même qu’il est désormais possible de se déclarer et d’être reconnu comme artiste par la démonstration publique de n’importe quelle fantaisie de son ego, il est possible d’être reconnu comme « chrétien » du moment qu’on se déclare tel. Chrétien signifiant bien entendu, à l’entendement universel, catholique évidemment…
C’est donc en toute légitimité que Andres Serrano se déclare artiste chrétien contemporain, et selon lui certainement suffisamment connu et talentueux pour prendre la relève de tous ses prestigieux prédécesseurs à Rome.
Qu’est-ce qui le caractérise ? Des préoccupations somme toute assez communes aux chrétiens d’occident contemporains à première vue : la revendication de la libre expression par rapport aux dogmes, la réhabilitation du corps etc.
Quoi que l’on pense de la dégénérescence de l’art et de la religion, il y a une logique dans tout cela et la situation contemporaine n’est jamais, il faut bien le dire maintenant, que l’aboutissement grimaçant de prémisses fondant la théologie schismatique latine.
Il faut maintenant comprendre que la place que le statut de l'image et que l’art ont prise depuis des siècles dans l’Eglise catholique romaine même dans ses plus belles et plus admirables expressions esthétiques était fondée sur des erreurs, que l’on ne peut que nommer hérésies en langage théologique. Rappelons-le, ce n’est pas par exclusion de l’histoire de l'art ou refus d’un progrès culturel – douteux d’ailleurs – que s’est constituée et développée l’iconographie orthodoxe, c’est tout simplement par fidélité aux fondements de l’Eglise éternelle du Christ et par inspiration réelle du Saint Esprit de Dieu. Voilà qui est dit de façon peu œcuméniste et un peu brutale mais il va falloir enfin garder les yeux ouverts pour mesurer à quel point l’esprit du monde a envahi l’Eglise romaine et l’a contaminée.
Chers frères orthodoxes, décidément la charité non seulement doit accompagner l'expression de la vérité dans le dialogue œcuménique mais elle doit se consacrer avant tout à l’expression de cette vérité.
Veut-on d’une union avec un corps malade pour en perdre la santé à son tour jusqu’à une mort annoncée depuis longtemps comme déjà effective et inéluctable de toute façon ?
Voilà pourquoi la critique est nécessaire et la polémique n’est pas vaine, voilà pourquoi les remises en question des consensus divers sont utiles ; voilà pourquoi la mise en relief des absurdités et des erreurs de ce qui se passe de nos jours et la dénonciation des hérésies passées et toujours contemporaines sont utiles, nécessaires, indispensables et vitales. Même si tout ce travail critique semble douloureux aux membres de l'Eglise soucieux d'un témoignage commun sans déchirements pour être crédible et témoigner au monde et même si toutes ces remises en question perturbent la belle harmonie des rencontres iréniques des hiérarques à haut et noble niveau, il en va non seulement de la santé mais de la vie même du Corps même du Christ.
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