Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
Affichage des articles dont le libellé est Évagre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Évagre. Afficher tous les articles

lundi 8 décembre 2014

QU'EST-CE QUE L'ACÉDIE par le MOINE MOÏSE DE LA SAINTE MONTAGNE

LA SOLITUDE SUPRÊME DU CROYANT AUJOURD'HUI (suite)

Saint Père Moïse, prie Dieu pour nous !
Voici comment Saint Maxime le Confesseur, le grand théologien byzantin, parle de l’acédie :
"Toutes les puissances de l'âme sont réduites en esclavage par l'acédie, tandis que presque toutes les autres passions sont également et immédiatement entraînées par elle, parce que, de toutes les passions, l'acédie est la plus écrasante."

Saint Jean Climaque, qui connaît profondément jusqu’aux plus subtils mouvements de l'âme, décrit l’acédie aux moines, s’étant enquis de ce qu’elle était, avec sa manière abrupte caractéristique :
"L’acédie est la dépression de l'âme, la désorientation de l'esprit, la négligence de la pratique ascétique, la haine du monachisme, l'amour de la mondanité, l'irrévérence envers Dieu, l'oubli de la prière."

Évagre mentionne que cet état insupportable de l'âme dévaste sa victime, «qui ne sait pas quoi faire, car le temps ne passe pas et se demandant quand va venir le moment du repas  qui semble retardé."

Antiochus, qui a vécu au VIIe siècle, est encore plus expressif et précis dans sa définition de l’acédie: 
"Cette condition vous apporte l'anxiété,de l’aversion pour l'endroit où vous vivez, mais aussi pour vos frères et pour chaque activité. Il y a même une aversion pour l'Ecriture Sainte, accompagnée de bâillements et d’une somnolence constante. De plus, cette  affection vous mett dans un état de faim et de nervosité constants, en attente du prochain repas. et quand vous décidez de prendre un livre pour lire un peu, il vous tombe rapidement des mains et vous commencez à vous gratter et à regarder par les fenêtres. Puis vous essayez de reprendre un peu votre lecteure, et alors  vous comptez le nombre de pages et vous regardez les titres des chapitres. Enfin, vous abandonnez le livre et allez dormir, et dès que vous avez dormi un peu, vous trouvez qu'il est nécessaire de vous relever. Et toutes ces choses que vous faites c’est juste pour passer le temps. "

Saint Jean Damascène dit que cette lutte est très lourde et très difficile pour les moines.

Saint Théodore le Studite dit que la passion de l’acédie peut vous envoyer directement au fond de l'Hadès.

Dostoïevski, qui avait un esprit patristique, a offert une solution à ce problème quand il fait dire starets Zosime  que nous devons nous rendre responsables des péchés du monde entier :

"Cette compréhension de notre salut au travers des autres nous aide à réaliser que l'amour ne se limite pas à faire le bien, mais qu’il nous fait aussi assumer les angoisses et les souffrances des autres. Les moines prient tous les jours pour le salut du monde entier. Créés à l'image de Dieu, nous sommes tous siens nous sommes tous frères. La solitude est abolie en Dieu. nous sommes tous des "membres les uns des autres» selon saint Paul. Ainsi, nos péchés et nos vertus ont une incidence sur les autres, puisque, comme nous l'avons dit, nous sommes tous membres d'un seul corps. L’acédie fournit une raison pour une prière plus fervente, et les difficultés sont l'occasion de mûrir et de progresser spirituellement."

Permettez-moi de le répéter. La séparation du monde, décriée par certains comme une désertion, est en fait courageuse et nécessaire, c’est une résistance au nivellement généralisé de tout. L'homme trouve son authenticité, la beauté de son caractère unique, dans le silence sacré de l’hésychia, en tenant à l'écart de la foule. Sa souffrance dans la solitude prépare son retour à la société et aux proches, revitalisé et prêt pour les servir  de tout cœur.

Abba Alonios a dit un jour :
«Si un homme ne peut se résoudre à dire à son cœur que sont présents dans ce lieu, lui seul et Dieu il ne trouvera jamais la paix et le repos de l'âme."

Saint Jean Chrysostome a dit : "La quiétude dans la solitude n'est pas un professeur de vertu négligeable." Ailleurs, il a également dit :

«Peu importe où vous êtes, vous pouvez installer votre sanctuaire. Simplement ayez des intentions pures et ni le lieu, ni le temps ne seront un obstacle, même sans vous agenouiller, vous frapper la poitrine ou lever les bras au ciel. Tant que votre l'esprit est concentré avec ferveur vous êtes dans une totale  disposition pour la prière. Dieu n'est pas gêné par un quelconque endroit. Il demande seulement un esprit clair et fervent  et une âme désirant la sagesse. "

Saint Macaire d'Egypte, dans ses homélies spirituelles, est un peu plus chaleureux :

"Même si vous vous sentez affligés par la pauvreté des dons spirituels, ressentez simplement dans votre cœur la tristesse et la douleur d’être étranger à son Royaume, et comme un être blessé, suppliez le Seigneur de vous rendre aussi digne de la vraie vie."
Plus loin, il dit :
"Dieu et les anges pleurent sur ​​ceux qui ne sont pas comblés de la nourriture céleste."

Enfin, Saint Macaire fait cette observation importante et remarquable:

"Tout est très simple et facile pour ceux qui désirent être transfigurés spirituellement. Ils ont besoin seulement de lutter pour devenir amis de Dieu et lui plaire, et ils recevront l'expérience et la compréhension des dons célestes, une béatitude inexprimable, et une richesse divine véritablement merveilleuse. "

Étant inexpérimenté dans ces états spirituels plus profonds, je dois simplement travailler dans le désert bien-aimé à déraciner mes passions. Mais il me faut vous  parler des hommes que j'ai vus et entendus, qui vivent sur ​​les flancs de la montagne pacifique de la péninsule athonite sacrée, qui expérimentent les mystères de Dieu. Ce sont des moines charismatiques consumés par le Ciel, portant le Christ dans leur cœur et aimant Dieu, des dévôts de la quiétude, de la solitude, de tempétueux artisans du  silence, solitaires, mais sans solitude, qui, dans leur isolement, se souviennent de la solitude du monde entier. Tandis que certains dans le monde souffrent involontairement d'insomnie et d'autres passent leurs nuits sans amour dans des endroits étranges, les moines du mont Athos demeurent dans une veille volontaire, priant pour la santé, la miséricorde et le salut du monde entier.

Un livre étonnant par un ermite contemporain, qui a circulé récemment, décrit le célèbre ascète du Mont Athos, Hatzi-Georgis, comme un ami fidèle de l’hésychia dans les grottes du désert, un lutteur honorable et noble, un grand jeûneur qui a trouvé son repos dans les veilles, la prière et la solitude. Il n’est pas devenu sauvage et rude comme le désert qu’il habite. Au contraire, ce lieu l’a purifié et l’a embelli. Son révérend biographe écrit ce qui suit:

"Hatzi-Georgis avait beaucoup d'amour pour tous avec le souci de ne point faire le moindre mal à quiconque. Il a toujours été pacifique, tolérant et indulgent. Il avait un grand cœur et c'est pourquoi il avait de la place pour tout et tout le monde, quels qu’ils soient.   En un sens, il était devenu incorporel. Vivant la vie angélique sur la terre, il était devenu un ange et il s’élevait vers le ciel, car il ne s’attachait à rien ni passions spirituelles ni choses matérielles. Il s’était délesté de tout et, par conséquentil volait très haut ".

L’Ancien Gérasime, hésychaste de Katounakia, est resté dix-sept ans, comme l’a écrit  son compagnon d’ascèse, à l’instar du prophète Élie aux prises avec les démons et les éléments. Il est resté un pilier inébranlable de patience. Ses larmes coulaient en permanence. Il a terminé sa vie insouciante et tranquille dans la douceur de la vision constante du Christ.

Un autre hésychaste de Katounakia, P. Callinique, supportait la douleur, la fatigue et aimait la quiétude delà de toute mesure. Il baignait dans ses larmes et sa sueur. Les quarante-cinq dernières années de sa vie il les passa dans la solitude, priant sans cesse. Son visage avit atteint la grâce de briller comme celle de Moïse quand il descendit du mont Sinaï.

Le Père spirituel Ignace avait la particulière habitude de fermer les volets de sa cellule pour ne pas être interrompu par la lumière du lever du jour quand il faisait ses prières. Il avait l'habitude d’imporer ses visiteurs de cette manière: «Aimez Dieu qui vous a aimés » Il lui arrivait d'oublier de se laver, de se coiffer, de manger, mais son komboskini était toujours dans sa main et la prière toujours sur ses lèvres et dans l’intimité de son cœur. Quand il a perdu la vue, il est devenu encore plus brillant. Émanait de lui un indicible parfum de son vivant et il en fut de même aquand il se fut endormi dans le Seigneur.

Père Savvas,  prêtre et confesseur remarquable, du Skite de Sainte-Anne, puisait sa force dans la Divine Liturgie quotidienne qu’il  célébrait en larmes. Au cours de la liturgie, et lors de toutes ses veilles nocturnes, il consacrait des heures à la commémoration de milliers de noms.


Telle est la nature de la communauté du désert silencieux, priant, dans la sérénité, bénie. C'est la vie du désert. Si un moine ne possède pas une vie spirituelle intense et une vigilance constante, il tombera certainement dans une multitude de tentations. L’acédie l’emmènera dans un isolement stérile et, raillé par les anges et les démons, il deviendra le pire des pires, et la solitude du désert lui deviendra insupportable.
(version française par Maxime le minime de la source)

vendredi 17 octobre 2014

La Communauté du désert et la solitude des villes [2] par Le moine Moïse de la Sainte Montagne



Moine Moïse l'Athonite (1952-2014) prie Dieu pour nous !
"Si l’égoïsme et l'orgueil favorisent ce genre de solitude alors la vraie humilité - même si le terme est utilisé à mauvais escient et perd du sens chez ceux qui parlent simplement à ce sujet - produit le climat dans lequel cette solitude n'est pas autorisée à prospérer. Voici comment le désert - cette bonne mère, cet excellent philosophe et théologien – parle sur la sainte humilité, le silence et la paix. 

L'humble personne, selon Abba Poimen, est à l'aise et en paix partout où il peut se trouver lui-même.

Abba Isaac nous dit que celui qui se fait petit en tout sera exalté au-dessus de tout. Et sa parole continue: «Déteste les honneurs et tu seras honoré en vérité. Celui qui court après les honneurs chasse par là de lui tout honneur. Mais si vous vous méprisez vous-même avec hypocrisie afin de paraître humble, Dieu vous révélera. » 

Dans le Gerontikon, qui contient une grande variété d’écrits spirituels des Pères, il est à plusieurs reprises précisé que «l'humble d'esprit et humble de cœur n'est pas celui qui se déprécie lui-même et parle d'humilité, mais c’est celui qui endure joyeusement l’opprobre que lui jette son voisin. » Dans un autre endroit du Gerontikon il est stipulé que «la personne honorée plus que ce qu'elle mérite est en réalité salie, tandis que la personne qui n’est pas honorée du tout par ses frères humains sera honorée dans le Ciel par Dieu ".

Abba Poimen nous donne ce conseil. «Chaque douleur possible qui vient à vous peut être surmontée avec silence. » 

Abba Isaïe est en accord avec lui: « Jusqu'à ce que votre cœur soit pacifié par la prière, ne fais aucun effort pour expliquer quoi que ce soit à ton frère. » 

En étudiant les écrits des saints Pères du désert, on peut facilement observer un esprit commun, un esprit commun empreint de noblesse, une humanité, une compréhension, une sagesse. Ce sont des gouttes de rosée du Saint-Esprit, qui tombent dans le désert aride, après de longues luttes, qui font éclore de fleurs odorantes parmi les communautés de fidèles engagés totalement pour Dieu, et qui parfument les âmes de ceux qui ont vraiment soif de Dieu.

Abba Isaïe, ce grand esprit, note avec une grâce et une subtilité particulières : «Celui qui s'humilie devant Dieu est capable de supporter toutes les insultes. La personne humble n'est pas préoccupée par ce que les autres disent de lui. La personne qui supporte l’insulte d'un homme grossier et stupide pour l'amour de Dieu est digne de l'acquisition de la paix. » 

Abba Marc, sur ce sujet important – notre relation avec nous-mêmes et avec les autres, dans laquelle nous nous empêtrons quotidiennement – note ce qui suit: «Quand vous devenez conscient d’une pensée dans votre esprit qui vous incite à rechercher la gloire humaine, vous devriez savoir à coup sûr que cette pensée vous prépare à la honte. 
Et si vous discernez que quelqu'un vous loue avec hypocrisie, attendez vous aussi à ce qu’il porte contre vous une accusation d’ici peu. » 
Et avec la précision sans faille d’un chirurgien de l’âme, le saint Père continue: «Quand vous voyez quelqu'un pleurer à la suite des nombreuses insultes qu'il a reçues, vous devez savoir que c’est parce qu'il a été vaincu par la vaine gloire qu’il récolte maintenant dans son cœur, sans le savoir, la moisson des maux. Celui qui aime le plaisir est attristé par les accusations et les abus. 
D'autre part, celui qui aime Dieu est attristé par les louanges et autres remarques superflues. Le degré de notre humilité est mesuré par la calomnie. Ne pensez pas que vous avez l'humilité quand vous ne pouvez pas supporter la moindre accusation. » 

Abba Zosime va encore plus loin: «Rappelez-vous celui qui vous a ridiculisé, qui vous a affligé, qui vous a fait du tort, qui vous a fait du mal, comme votre médecin, votre guérisseur. Le Christ l’a envoyé pour vous guérir ; ne vous souvenez pas de lui avec colère. » 

Évagre considérait ceux qui avaient dit du mal de lui comme des bienfaiteurs.

La sagesse divine de ces médecins du désert a une énorme signification pour notre sujet. Il a été dit que ces remarques sont adressées par les moines à des moines, mais c'est une vue superficielle. L’épidémie de solitude et de dépression dont nous discutons découle d’esprits orgueilleux manquant d'humilité, de l'échec des relations interpersonnelles, d’aspirations égoïstes frustrées, d'auto-glorification, de la recherche des louanges et d'amour de soi. Cette solitude est assez forte pour affaiblir une personne et la rendre malade. Mais l'amour est plus fort, capable de guérison de la régénération du monde entier. 

L'homme a un besoin irrépressible de communiquer, mais la communication doit être correctement établie. 

En premier lieu, nous devons entamer une conversation – une conversation sincère, honnête et courageuse – avec notre moi inconnu. Nous devons redécouvrir dans les profondeurs de notre âme l'innocence cachée de nos années d'enfance. 
Ensuite, nous devons apprendre à avoir une conversation sans masque face-à-face avec le seul véritable ami vivant – notre Père céleste et Dieu. C'est alors seulement que nous serons en mesure de communiquer efficacement avec les autres, quels qu'ils soient – les pires, les meilleurs, les proches, les lointains, nos frères et sœurs en Christ. De cette manière les filets de la solitude s'évanouiront, les donjons inaccessibles et sans soleil du cœur seront illuminés, la coquille de notre ego sera cassée. Quand nous aurons rejeté la solitude de notre égoïsme misérable autocentré , nous pourrons commencer à nous réjouir d'être libre, de respirer, de vivre. " Moine Moïse l'Athonite
[à suivre] (version française de la source par Maxime le minime)

jeudi 16 janvier 2014

L'ORTHODOXIE, CETTE INCONNUE [1] par Père André BORRELY

Introduction

 Je ne suis qu'un pygmée juché sur les épaules d'un géant. Mes pauvres paroles ne mériteront votre attention que si elles sont en continuité ininterrompue á travers le temps avec un homme de feu, un père spirituel de premier ordre originaire du Qatar, qui vécut vers le milieu du 7ème siècle, sur la côte occidentale du Golfe Persique. Sacré évêque de Ninive, il renonça à l'épiscopat au bout de 5 mois, préférant aller expérimenter la folie de l'Évangile dans la solitude des montagnes, en plein silence, en plein amour. Ce géant de l'anachοrèse, c'est St Isaac le Syrien. Il me recommande : « Ne transmets à personne ce que tu n'as pas encore compris afin de n’être pas confondu : ton enseignement comparé à ta vie découvrirait ta fraude. » Pour Isaac, comprendre ne signifie pas saisir intellectuellement et demeurer à l'extérieur de ce que l'on prétend connaitre en jonglant avec les concepts comme avec autant de balles de tennis. Pour cet exercice, les vieux professeurs ne se défendent pas trop mal puisque ce fut leur métier d'enseigner á leurs élèves á disserter sur toutes choses, notamment sur celles dont ils sont encore loin d'avoir l'expérience. L'essentiel est que "ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement" (2). Au contraire, pour l'Abbé Isaac, connaître c'est aimer, c'est pénétrer grâce à l'amour.

P. Basile Gοndikakis(3) a pu écrire à son sujet : « Il ne dit rien qui n'ait passé en lui sans qu'il en ait souffert. » C'est le sens du verbe hébreu iada qui évoque les rapports conjugaux et l'idée de pénétration. Pour l'Abbé Isaac, comme pour toute la Tradition orthodoxe, il s'agit non de concevoir, de forger des concepts, mais de recevoir et de sentir. Évagre identifie la théologie et la prière. I1 écrit : « Si tu pries vraiment tu es théologien, et si tu es théologien tu pries vraiment. » De même, le P. Cyprien Kern aimait à définir la chorale de l'église comme une chaire de théologie. On ne cherche pas à démontrer more geometrico, à la manière des mathématiciens, car, dit St Grégoire Palamas : « Toute parole peut contester une autre parole, mais quelle parole peut contester la vie? »

 Dans l'Orthodoxie, le mot théologie n'évoque pas principalement une spécialité scientifique ayant l'ambition d'effectuer l'inventaire du dogme en ayant la prétention de l'enrichir par la spéculation intellectuelle et en le prolongeant rationnellement.

La théologie n'est pas une science, si l'on songe à un effort intellectuel pour construire une synthèse rationnelle du dogme. Le plus grand théologien du Moyen-­Age byzantin, St Grégoire Palamas, n'a pas cherché à édifier un système théologique. Pour l'Abbé Isaac, tout le christianisme s'effondre si l'on cesse de mettre en relation avec l'amour n'importe quelle partie de la vision chrétienne de l'homme.

Si nombre de nos contemporains en sont arńvés à haïr le christianisme, si Gott ist tot comme dit Nietzsche, si Dieu est mort, c'est peut-être parce que tous ces gens dressent le constat que rien de ce dont les chrétiens ont la prétention de témoigner en fait d'expérience religieuse ne fait apparaître un Dieu qui diviniserait l'homme. Il n'y a peut-être pas d'athées mais seulement des agnostiques auxquels il est donné de ne côtoyer que l'incroyance de ceux qui se disent croyants, des croyants non divinisés, qui croient croire et ne manifestent que leur ïncapacité, par manque d'amour, à acquérir le saint Esprit. [à suivre]

(Conférence [retranscrite dans le n°151 de la revue Orthodoxes à Marseille]  de P André Borrély, le 15 novembre 2013, à la Médiathèque municipale de Sanary-sur-mer. 83110 (rue Robert Schumanπ). Le titre est évidemment une réminiscence du livre d'Alexis Carrcl, L'homme, cet inconnu, paru en 1935 dont je ne retiens que le titre, ne partageant nullement la vision de l'homme et du monde exposée par l'Auteur, notamment 1'eugénisme.)
1. Boileau; L'art poétique. Chant I. 
2. Introduction aux Œuvres spirituelles d'Isaac le Syrien. Desclée de Brouwer, 1981.