QU'EST-CE QUE L'ACÉDIE par le MOINE MOÏSE DE LA SAINTE MONTAGNE
LA SOLITUDE SUPRÊME DU CROYANT AUJOURD'HUI (suite)
Saint Père Moïse, prie Dieu pour nous ! |
"Toutes les puissances de l'âme sont réduites
en esclavage par l'acédie, tandis que presque toutes les autres passions sont
également et immédiatement entraînées par elle, parce que, de toutes les
passions, l'acédie est la plus écrasante."
Saint Jean Climaque, qui connaît profondément
jusqu’aux plus subtils mouvements de l'âme, décrit l’acédie aux moines, s’étant enquis de ce qu’elle
était, avec sa manière abrupte caractéristique :
"L’acédie est la dépression de l'âme, la
désorientation de l'esprit, la négligence de la pratique ascétique, la haine du
monachisme, l'amour de la mondanité, l'irrévérence envers Dieu, l'oubli de la
prière."
Évagre mentionne que cet état insupportable
de l'âme dévaste sa victime, «qui ne sait pas quoi faire, car le temps ne passe
pas et se demandant quand va venir le moment du repas qui semble retardé."
Antiochus, qui a vécu au VIIe siècle, est
encore plus expressif et précis dans sa définition de l’acédie:
"Cette condition vous apporte
l'anxiété,de l’aversion pour l'endroit où vous vivez, mais aussi pour vos
frères et pour chaque activité. Il y a même une aversion pour l'Ecriture
Sainte, accompagnée de bâillements et d’une somnolence constante. De plus, cette
affection vous mett dans un état de faim
et de nervosité constants, en attente du prochain repas. et quand vous décidez
de prendre un livre pour lire un peu, il vous tombe rapidement des mains et
vous commencez à vous gratter et à regarder par les fenêtres. Puis vous essayez
de reprendre un peu votre lecteure, et alors vous comptez le nombre de pages et vous regardez
les titres des chapitres. Enfin, vous abandonnez le livre et allez dormir, et
dès que vous avez dormi un peu, vous trouvez qu'il est nécessaire de vous relever.
Et toutes ces choses que vous faites c’est juste pour passer le temps. "
Saint Jean Damascène dit que cette lutte est
très lourde et très difficile pour les moines.
Saint Théodore le Studite dit que la passion
de l’acédie peut vous envoyer directement au fond de l'Hadès.
Dostoïevski, qui avait un esprit patristique,
a offert une solution à ce problème quand il fait dire starets Zosime que nous devons nous rendre responsables des
péchés du monde entier :
"Cette compréhension de notre salut au
travers des autres nous aide à réaliser que l'amour ne se limite pas à faire le
bien, mais qu’il nous fait aussi assumer les angoisses et les souffrances des
autres. Les moines prient tous les jours pour le salut du monde entier. Créés à
l'image de Dieu, nous sommes tous siens nous sommes tous frères. La solitude
est abolie en Dieu. nous sommes tous des "membres les uns des autres»
selon saint Paul. Ainsi, nos péchés et nos vertus ont une incidence sur les
autres, puisque, comme nous l'avons dit, nous sommes tous membres d'un seul
corps. L’acédie fournit une raison pour une prière plus fervente, et les
difficultés sont l'occasion de mûrir et de progresser spirituellement."
Permettez-moi de le répéter. La séparation du
monde, décriée par certains comme une désertion, est en fait courageuse et
nécessaire, c’est une résistance au nivellement généralisé de tout. L'homme
trouve son authenticité, la beauté de son caractère unique, dans le silence
sacré de l’hésychia, en tenant à l'écart de la foule. Sa souffrance dans la
solitude prépare son retour à la société et aux proches, revitalisé et prêt
pour les servir de tout cœur.
Abba Alonios a dit un jour :
«Si un homme ne peut se résoudre à dire à son
cœur que sont présents dans ce lieu, lui seul et Dieu il ne trouvera jamais la
paix et le repos de l'âme."
Saint Jean Chrysostome a dit : "La quiétude
dans la solitude n'est pas un professeur de vertu négligeable." Ailleurs,
il a également dit :
«Peu importe où vous êtes, vous pouvez installer
votre sanctuaire. Simplement ayez des intentions pures et ni le lieu, ni le
temps ne seront un obstacle, même sans vous agenouiller, vous frapper la
poitrine ou lever les bras au ciel. Tant que votre l'esprit est concentré avec
ferveur vous êtes dans une totale disposition
pour la prière. Dieu n'est pas gêné par un quelconque endroit. Il demande
seulement un esprit clair et fervent et
une âme désirant la sagesse. "
Saint Macaire d'Egypte, dans ses homélies
spirituelles, est un peu plus chaleureux :
"Même si vous vous sentez affligés par
la pauvreté des dons spirituels, ressentez simplement dans votre cœur la
tristesse et la douleur d’être étranger à son Royaume, et comme un être blessé,
suppliez le Seigneur de vous rendre aussi digne de la vraie vie."
Plus loin, il dit :
"Dieu et les anges pleurent sur ceux
qui ne sont pas comblés de la nourriture céleste."
Enfin, Saint Macaire fait cette observation
importante et remarquable:
"Tout est très simple et facile pour
ceux qui désirent être transfigurés spirituellement. Ils ont besoin seulement
de lutter pour devenir amis de Dieu et lui plaire, et ils recevront
l'expérience et la compréhension des dons célestes, une béatitude inexprimable,
et une richesse divine véritablement merveilleuse. "
Étant inexpérimenté dans ces états spirituels plus profonds, je dois simplement travailler dans le désert
bien-aimé à déraciner mes passions. Mais il me faut vous parler des hommes que j'ai vus et entendus,
qui vivent sur les flancs de la montagne pacifique de la péninsule athonite sacrée, qui expérimentent les mystères de Dieu. Ce sont des moines
charismatiques consumés par le Ciel, portant le Christ dans leur cœur et aimant
Dieu, des dévôts de la quiétude, de la solitude, de tempétueux artisans du silence, solitaires, mais sans solitude,
qui, dans leur isolement, se souviennent de la solitude du monde entier. Tandis
que certains dans le monde souffrent involontairement d'insomnie et d'autres
passent leurs nuits sans amour dans des endroits étranges, les moines du mont
Athos demeurent dans une veille volontaire, priant pour la santé, la
miséricorde et le salut du monde entier.
Un livre étonnant par un ermite contemporain,
qui a circulé récemment, décrit le célèbre ascète du Mont Athos, Hatzi-Georgis,
comme un ami fidèle de l’hésychia dans les grottes du désert, un lutteur
honorable et noble, un grand jeûneur qui a trouvé son repos dans les veilles,
la prière et la solitude. Il n’est pas devenu sauvage et rude comme le désert
qu’il habite. Au contraire, ce lieu l’a purifié et l’a embelli. Son révérend biographe
écrit ce qui suit:
"Hatzi-Georgis avait beaucoup d'amour
pour tous avec le souci de ne point faire le moindre mal à quiconque. Il a
toujours été pacifique, tolérant et indulgent. Il avait un grand cœur et c'est
pourquoi il avait de la place pour tout et tout le monde, quels qu’ils soient. En un
sens, il était devenu incorporel. Vivant la vie angélique sur la terre, il était
devenu un ange et il s’élevait vers le ciel, car il ne s’attachait à rien ni
passions spirituelles ni choses matérielles. Il s’était délesté de tout et, par
conséquentil volait très haut ".
L’Ancien Gérasime, hésychaste de Katounakia,
est resté dix-sept ans, comme l’a écrit son compagnon d’ascèse, à l’instar du prophète
Élie aux prises avec les démons et les éléments. Il est resté un pilier
inébranlable de patience. Ses larmes coulaient en permanence. Il a terminé sa
vie insouciante et tranquille dans la douceur de la vision constante du Christ.
Un autre hésychaste de Katounakia, P.
Callinique, supportait la douleur, la fatigue et aimait la quiétude delà de
toute mesure. Il baignait dans ses larmes et sa sueur. Les quarante-cinq
dernières années de sa vie il les passa dans la solitude, priant sans cesse.
Son visage avit atteint la grâce de briller comme celle de Moïse quand il
descendit du mont Sinaï.
Le Père spirituel Ignace avait la particulière
habitude de fermer les volets de sa cellule pour ne pas être interrompu par la
lumière du lever du jour quand il faisait ses prières. Il avait l'habitude
d’imporer ses visiteurs de cette manière: «Aimez Dieu qui vous a aimés »
Il lui arrivait d'oublier de se laver, de se coiffer, de manger, mais son
komboskini était toujours dans sa main et la prière toujours sur ses lèvres et
dans l’intimité de son cœur. Quand il a perdu la vue, il est devenu encore plus
brillant. Émanait de lui un indicible parfum de son vivant et il en fut de même
aquand il se fut endormi dans le Seigneur.
Père Savvas, prêtre et confesseur remarquable, du Skite de
Sainte-Anne, puisait sa force dans la Divine Liturgie quotidienne qu’il célébrait en larmes. Au cours de la liturgie,
et lors de toutes ses veilles nocturnes, il consacrait des heures à la commémoration
de milliers de noms.
Telle est la nature de la communauté du
désert silencieux, priant, dans la sérénité, bénie. C'est la vie du désert. Si
un moine ne possède pas une vie spirituelle intense et une vigilance constante,
il tombera certainement dans une multitude de tentations. L’acédie l’emmènera dans un isolement stérile et, raillé par les anges et les démons, il
deviendra le pire des pires, et la solitude du désert lui deviendra
insupportable.
(version française par Maxime le minime de la source)
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