Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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dimanche 23 juin 2013

PATMOS île des saints (1) Saint Christodule


Au premier siècle de notre ère, saint Jean l'Évangéliste tira Patmos du néant historique dans lequel, jusque là, elle avait été plongée. Exilé dans cette île, il immortalisa le nom de ce curieux petit agglomérat de terre et de roches volcaniques sortant des flots lumineux de la mer Egée en écrivant :

 « Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l'épreuve, le Royaume et la constance en Jésus, je me trouvais dans l'île de Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus » (Ap. I, 9).

 Le nom de Patmos, universellement connu depuis, est resté lié à celui du disciple bien-aimé du Seigneur, auteur du quatrième évangile, de trois épîtres et de 1a mystérieuse Apocalypse. C'est dans une grotte de Patmos que, ravi en esprit un certain dimanche, il dicta à son disciple Prochor les prophéties concernant l'avenir de la chrétienté jusqu'à la Parousie, épopée tragique et finalement victorieuse de l'humanité destinée à la déification.



 Saint Jean immortalisa Patmos, et Patmos croit fermement que son Apôtre, Saint Jean le Théologien, comme on l'appelle en Orient – n'est pas mort. La voie du disciple bien-aimé est unique. « A la limite de la vie et de la mort, il révèle le Christ en l'Esprit Saint et la Gloire du siècle à venir derrière les sept sceaux fermant le dernier livre de la Bible ».(1)

Après cette glorieuse flambée apostolique, Patmos retomba dans le silence et l'oubli. Il est curieux qu'à une époque aussi pérégrinante que celle des premiers siècles de l'ère constantinienne, quand toute la chrétienté se déplaçait, avide de visiter les lieux saints mentionnés dans la Bible, Patmos soit restée dans l'ombre et à l'écart. Même l'infatigable et Bienheureuse Egérie, qui ne fut rebutée ni par l'escalade du Sinaï, ni par l'éloignement de la patrie d'Abraham, ne semble jamais avoir manifesté le désir de se rendre à Patmos.

 Mille ans s'étaient écoulés lorsqu'un moine grec, ascétique et guerrier, du nom de Christodule (« Serviteur du Christ »), aborda dans la petite île et l'ayant trouvée quasiment déserte et couverte de ronces eut l'idée d'en faire un autre Athos..


Le fondateur du monastère de Patmos est né en 1021 à Nice en Bithynie, en Asie Mineure et son nom était Jean. Ses parents, Théodore et Anne étaient de fervents chrétiens et le jeune Jean a été élévé dans les idéaux du christianisme. Il s'est rapidement retiré du monde pour mener la vie ascétique et monastique sur le Mont Olympe en Bithynie et a été tonsuré sous le nom de Christodoulos. Plus tard, il a voyagé dans de nombreux pays : à Rome, en Palestine et en Afrique du Nord. Devenu higoumène du célèbre monastère de Lavra sur la montagne de Latros près de Milet. Depuis lors on  l'a surnommé "Latrinos." Pendant cette période  les Turcs ont conquis l'Asie Mineure et il fut donc contraint de partir. Il fonda des monastères à Bodrum et à Kos. En 1088 il demanda l'octroi de Patmos à son ami l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène pour en faire l'un des lieux de pèlerinage les plus importants de la chrétienté. Alexis Comnène lui fit généreusement cadeau de cette île abandonnée. Quand il eut suffisamment de frères, en août 1088 il commença aussitôt la construction du monastère.
Les difficultés furent nombreuses à la fois en raison de fréquentes incursions des pirates et à cause de la controverse entre les moines. Normands, Vénitiens, Sarrasins, croisés et pirates écumant alors la Méditerranée, l'empereur conseilla au vaillant Christodule de bien fortifier le monastère qu'il désirait fonder et lui envoya de Constantinople des ouvriers experts dans la construction de solides murailles.

Ces derniers refusèrent bientôt de séjourner dans l'île sans qu'on y fasse venir leurs familles. A son grand regret, Christodule dut céder et l'île se repeupla. Le monastère fondé en 1088 prospéra, s'enrichit d'une flotte, s'enorgueillit d'une bibliothèque célèbre dans toute la Méditerranée et, jusqu'à nos jours, semblable à un aigle aux ailes déployées survolant un troupeau de brebis, la masse sombre de ses murailles plane au-dessus de la bourgade blanche de Khora, visible de loin, qu'on approche Patmos par les airs ou par la mer.


Christodule partit pour Eubée où il mourut en 1093.Ses reliques ont ensuite été transférées au monastère de Patmos. Sa mémoire est célébrée le le 16 Mars et le 21 Octobre (transfert de ses reliques).
(1) Mgr Cassien, « Le Christ et la première génération chrétienne », p. 357 (en russe) 

(la série d'articles qui suivent, consacrés aux saints de l'île de Patmos, doit beaucoup au texte de l'article d'Irène Gorainoff (semble-t-il) paru dans le Messager Orthodoxe n°54 de 1971, souvent actualisé, et enrichi, par Maxime le minime, d'illustrations et divers textes traduits en français issus de synaxaires et d'articles contemporains grecs )

vendredi 17 septembre 2010

La guerre juste du point de vue byzantin [5 et fin]


La guerre en ultime recours


Qu’en est-il donc des  guerres visibles, tangibles engagées par les Byzantins en armure avec des armes de fer et d’acier solide, et contre d'autres ennemis humains ? 
Nul traité byzantin sur l'idéologie de la guerre, que ce soit sur la guerre sainte ou la guerre juste, n’est parvenu jusqu'à nous, et il est peu probable qu’il en ait jamais été écrit. Il faut glaner ce que l'on peut à partir des manuels et des histoires militaires. Bien qu'il y ait eu à l'occasion des florilèges rhétoriques dans l'admiration de la vaillance et de la bravoure sur le champ de bataille, et bien qu’ils dépendissent de moyens militaires pour leur survie, les Byzantins, selon les termes d'un ingénieur de combat à la retraite du sixième siècle, considérait la guerre « comme un grand mal et le pire de tous les maux. » 30«Nous devons toujours préférer la paix par-dessus tout, a écrit Léon VI, et  nous abstenir de la guerre » 31 Pour eux  la guerre n'est pas « la politique par d'autres moyens » de Clausewitz, mais cela  a été le dernier recours.
La menace de la force écrasante était préférable à l'utilisation effective d'une telle force, et en cela, on peut noter qu’ils ont fait preuve d'une continuité frappante avec les anciens Romains. Ils ont cherché à atteindre leurs objectifs par la diplomatie, la corruption, des actions clandestines, en payant tribut, ou en embauchant d'autres tribus pour se battre. Ce n'est que lorsque tout avait échoué qu’ils étaient prêts à prendre les armes. Et même alors, ils ont essayé d'éviter un assaut frontal préférant venir à bout de l’ennemi par de légères escarmouches, une habile stratégie et une manœuvre habile. Ils étaient réticents à faire la guerre pour des raisons à la fois morales et pratiques. Tuer, même lorsque cela est jugé justifiable, était mal - il suffit de se rappeler le fameux, même si rarement observé, canon de Saint Basile, qui déclare que les soldats qui ont tué dans la bataille doivent  être interdits de communion pour trois ans32. Sur le plan pratique, la guerre était à la fois dangereuse et coûteuse.




Tout cela correspond au remarquable caractère défensif au coeur  la théorie et la pratique stratégiques byzantines. Un chercheur de l'armée américaine a écrit d'un tacticien du VIe siècle :
« Il a un esprit nettement défensif, et voit si clairement ce que l'ennemi peut lui faire qu'il n'a pas le temps de penser à ce qu'il peut faire à l'ennemi. » 33 Les Byzantins n’ont pas été un peuple belliqueux et, c’est en fait ce qui a conduit les croisés à les accuser de lâcheté. Leur entière attitude envers la guerre était colorée par l'accent mis sur la défense et, à cet égard, certainement différente de la croisade et du Jihād, qui tous deux étaient agressifs par nature. Même les campagnes offensives en territoire ennemi des Herakleios, Nicéphore Phocas, Jean Tzimiskes, et Basile II visaient à récupérer et protéger les régions qui revenaient de droit à l'Empire romain.



Dans le monde byzantin, la guerre n'était pas, comme parfois en Occident, un terrain de jeu mortel sur lequel ceux que l'on appelle les nobles affichaient leurs prouesses et cherchaient la gloire. En soi, la guerre n’était pas un acte bon ou méritoire, et elle n'était certainement pas « sainte ». 
Comment, alors, justifiaient-ils la guerre?  « Le but de toutes les guerres, c'est la paix. » écrivait Aristote il y a bien longtemps, et au XIe siècle Anna Comnène le citait pour expliquer pourquoi son père Alexis avait consacré autant de temps et d'énergie à faire la guerre34 Elle précise également que, comme pour un individu, une nation a aussi le droit d'utiliser la force pour se défendre. Dans son esprit Alexis était  également  en droit d’entreprendre une action militaire pour récupérer les territoires perdus, pour imposer le respect avec un traité sous serment, ou pour éviter un plus grand mal.35 D’autres auteurs, quand ils font allusion aux causes de la guerre, cherchent davantage de justifications qu’Anna.

Peut-être l'explication la plus claire et la plus délibérée du point de vue byzantin sur la guerre a été mise en avant par Léon VI au début de ses Constitutions tactiques, très tôt au Xe siècle. Bien que la plus haute priorité de l'empereur fût de veiller à la paix et la prospérité de ses sujets, il se rend compte que, pour assurer cela, il doit conserver les forces armées en bon ordre et à promouvoir l'étude de la tactique et la stratégie. Pourquoi la guerre doit-elle prendre tant d’énergie à l'empereur ?  « Par respect pour l'image et la parole de Dieu, tous les hommes devraient adopter la paix et favoriser l'amour les uns pour les autres au lieu de prendre les armes meurtrières dans leurs mains pour être utilisées contre leur propre peuple. Mais depuis le diable, le tueur d'origine des hommes, l'ennemi de notre race, a fait usage du péché pour amener les hommes autour de la guerre, contrairement à leur nature fondamentale, il est absolument nécessaire pour les hommes de faire la guerre en retour contre ceux que le diable manipule et de se tenir avec détermination et sans faille contre les nations qui veulent la guerre. » Finalement, il espère que « la paix sera respectée par tous et deviendra un mode de vie. »36

Léon VI prosterné devant le Christ

Les Byzantins ne sont pas enclins à la guerre contre d'autres peuples, a écrit Léon, à moins que ces autres peuples n’ouvrent les hostilités et n’envahissent notre territoire. «Alors, ainsi s'adresse-t-il  au commandant, vous avez en effet une cause juste, dans la mesure où l'ennemi a lancé une guerre injuste. Avec confiance et enthousiasme prenez les armes contre eux. Car ils en sont la cause, ceux qui ont injustement levé la main contre nos sujets. Prenez donc courage. Vous aurez le Dieu de la justice à votre côté. Prenant la lutte au nom de vos frères, vous et vos forces entières serez victorieux. . . . Assurez-vous toujours que les causes de la guerre sont justes. » 37

Les guerres byzantines ne furent pas de guerres « saintes », mais des guerres justes, des guerres impériales. Elles ont été menées pour défendre l'Empire ou récupérer des terres qui lui revenaient de droit. Les soldats ont mis leur vie en jeu pour l'empereur et le peuple de ses sujets, le peuple chrétien. Ils allaient au combat  « au nom de leurs parents, amis, patrie, et de l'ensemble du peuple chrétien. »38 Vers la fin du Xe siècle, un autre auteur militaire en parlant des hommes qui, sur la frontière orientale, ont choisi de braver les dangers pour le compte de nos saints empereurs et de tout le peuple chrétien. Ils sont les défenseurs et, après Dieu, les sauveurs des chrétiens.39
En conclusion, donc, les musulmans croyaient que la force pouvait être utilisée pour soumettre tous les peuples à la domination de l'Islam et les chevaliers occidentaux ont cru qu'ils étaient appelés non seulement à défendre mais à « exalter » le christianisme et que les attaques contre ses ennemis pouvaient être saintes et méritoires.
Quant aux Byzantins ils pensaient que la guerre était une chose ni bonne, ni sainte, mais mauvaise et ne pouvait être justifiée que dans certaines conditions, qui étaient centrées sur la défense de l'empire et de sa foi. Ils étaient convaincus qu'ils défendaient le christianisme lui-même et le peuple chrétien, ce qu’ils étaient vraiment."
(Version française de Maxime le minime)
d'après "Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium" by George T. Dennis 
un extrait de "Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman"
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
NB : pour voir la page de notes : Voir le Fichier : bibliographie_-_Byzance_et_la_guerre.pdff

jeudi 16 septembre 2010

La guerre sainte du point de vue byzantin [4]

La véritable guerre sainte, invisible = le combat spirituel
ο πνευματικός πόλεμος 



"L'attitude byzantine envers la guerre peut être mieux comprise dans le contexte de la manière dans laquelle ils voyaient le monde et la vie en général. Ce monde et la vie qu'elle portait étaient fragiles et éphémères. La seule réalité permanente se trouvait dans un autre monde, le Royaume des cieux. L'empire sur la terre était un simple reflet de celui des cieux, et l'empereur était appelé à imiter le Seigneur du Ciel. En dessous de Dieu, il se devait d'assurer le bien-être de ses sujets et de les protéger contre tous les dangers, à l'intérieur et l'extérieur. L'Église avait un rôle différent. Jésus avait dit à ses disciples qu'il pourrait faire appel à des légions d’anges pour se sauver de la mort17 mais Il ne le fit pas, et son Église ne doit pas plus le faire.


 Contrairement à sa sœur latine, l'Église byzantine laissait l'appel aux armes et la l’engagement de la guerre, même contre les hérétiques les plus pernicieux et destructeurs et les infidèles au gouvernement impérial. Mais elle prenait la tête d’un autre genre de lutte, celui pour les âmes des fidèles, une lutte non contre les ennemis de l'homme, mais contre les puissances cosmiques et les forces supra humaines du mal18. Pour les chrétiens byzantins il s'agissait d'une forme de guerre qui pourrait être appelé sainte, même si je n'ai pas trouvé l'utilisation explicite de ce terme. Le concept du chrétien impliqué dans un combat contre les forces du mal remonte, bien sûr, à Saint Paul, si ce n'est avant19.


Bien que chaque chrétien  se dût de résister aux assauts du diable, les moines étaient les troupes de première ligne dans la guerre contre les légions de Satan. Nuit et jour, selon Grégoire de Nazianzos, le moine doit lutter dans le combat spirituel (pneumatikos polemos) 20.


St Jean Chrysostome dit à son auditoire que la guerre contre les démons est difficile et sans fin21.
Le combat spirituel est un thème récurrent dans les vies de saints22. Des démons sous des formes variées, des hyènes aux dragons, y attaquent sauvagement les saints parmi lesquels on compte Théodore d'Edesse, Gregoire de Dekapolis, Joseph le psalmiste, Jean Psychaites, Isidore, l’abbesse Sarah, et de nombreux autres23. Histoire après histoire on raconte  leurs luttes incessantes contre les forces du péché et des ténèbres.
Les démons, pour leur part, prennent la guerre au sérieux. Ils apparaissent en ordre de bataille, en phalanges de cavalerie et d'infanterie qui font volte-face en formation. Les récits les montrent portant des cuirasses de fer et munis d’arcs, de flèches et d'autres missiles24. Ils commencent leur progression contre Saint Ioannikios en bon ordre, faisant un vacarme épouvantable ; ils sont organisés en ordre de bataille, poussent  leur cri de guerre, et tirent un flux régulier de flèches sur lui. Tout cela le Saint le repousse par le signe de la croix. Sous le commandement de leur stratège, Satan, les démons se sont déployés eux-mêmes avec  leurs phalanges en une véritable ligne de bataille (parataxe), tout comme font  les forces armées de l'empereur25. Comme le prescrivent les manuels militaires, ils feignent la retraite, crient des insultes de loin, se regroupent, et reviennent à l’attaque. Le saint les repousse avec une croix en bois faite sur place, mais l'effort le laisse épuisé. Un moine du Skite entend une sonnerie de trompette de guerre signalant que les démons se préparent à l'attaquer et le forcer à quitter sa prière26.


Pour faire face à de tels adversaires, le moine doit se faire soldat. Syméon rappelle à ses moines qu'ils ont été appelés à combattre contre des ennemis invisibles. Ils ont répondu à l’appel et pris leur place dans les rangs des soldats du Christ27. Les moines n'ont pas attendu d'être attaqués ; ils ne sont pas contentés de garder le fort, mais ils ont porté la guerre dans le territoire du diable et l’ont combattu sur son propre terrain, dans le désert et dans d'autres endroits sauvages, abandonnés. Beaucoup se sont installés dans le désert où vivaient les démons28. Daniel le Stylite apprend que les démons se cachent dans une vieille église. Il s’y rend immédiatement pour se battre avec eux « comme un  brave soldat s’arme pour la bataille contre une armée de barbares » tenant l'invincible arme de la croix29." (à suivre)


(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.



mercredi 15 septembre 2010

Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman [3]

Le rôle de la religion dans la guerre (suite) mais aussi dans différentes activités de groupe

Des cris de guerre, tels que « Dieu aide les Romains », ou « La Croix est victorieuse », ne transforment pas la nature d'une guerre particulière.  Les slogans religieux et les symboles sont utilisés pour inculquer la confiance aux soldats et relever le moral de l'armée. Les services religieux, en particulier la liturgie eucharistique, sont destinés au confort du soldat et à le préparer à risquer sa vie14. Il y a encore des aumôniers pour faire des offices religieux dans les armées modernes, mais qui ne sanctifient pas leurs conflits. Les athlètes se joignent souvent dans la prière avant un match, mais nous ne parlons pas à ce sujet d'un match de football américain saint ou d'un match de football saint.



L'église a certainement prié pour la victoire, mais elle a rejeté la demande de Nicéphore Phocas d’honorer les soldats comme martyrs15. La croix a été affichée sur les étendards, ou utilisée à la place d'un étendard pour rappeler aux troupes la protection de Dieu  et qu'ils se battaient pour une nation chrétienne16.  À travers les siècles, la croix, il faut le noter, a été représentée sur de nombreuses bannières dans des guerres qui sont loin d’avoir été sainte. La croix sur les drapeaux de plusieurs nations modernes ne nous dit rien sur la sensibilité religieuse de ses citoyens; la Grande-Bretagne a trois croix sur son drapeau...
mais...




(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.

Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman [2]

Le rôle de la religion dans la guerre


"Maintenant, le point le plus important.




J'ai déjà indiqué que les Byzantins n'avaient aucun concept d'une guerre sainte véritable, bien que cela sera spécifié plus bas. Les écrivains byzantins n’utilisaient  le terme de guerre sainte (hieros polemos) seulement en référence à l'une des trois « guerres sacrées » menées pour la possession de l'oracle d'Apollon à Delphes et qui ont eu lieu en 590, 449, 355-347, toutes av JC. La plupart des références byzantines, comme la Souda (I.191), allusion à la seconde, apparemment à la suite de Thucydide (1.112) et Aristophane (Aves 556). Le terme de guerre sainte est utilisé, autant que je puisse en juger, par des écrivains antiques et byzantins seulement dans le cadre de ces guerres. 

En un sens, cependant, toutes les guerres byzantines ont été saintes, parce que l'empereur a été sacré, et c'est par son autorité et, parfois, sous sa direction que les guerres ont été menées.
Elles ont été déclarées par l'empereur et on s’est battu au nom de l'empire. Elles ont été des guerres impériales, entièrement dans la tradition romaine. Leur caractère essentiel n'a pas changé parce que désormais les légions entraient dans la bataille sous le signe de la croix. Leurs prières pour obtenir la bénédiction de Dieu et d'autres pratiques religieuses n'ont pas rendu leurs guerres saintes ou spécifiquement religieuses, comme cela a parfois été affirmé12.
Depuis des temps immémoriaux, la religion a joué un rôle dans la guerre. Un peuple offre un sacrifice à ses dieux avant d'aller au combat et, en en sortant victorieux, va renverser les statues des dieux des adversaires pour les remplacer par les siennes. S'agit-il de guerres de religion, ou sont-ils simplement les conflits tribaux motivés par la vengeance, le pillage ou l'acquisition de terres ou d’esclaves ?






L'invocation de divinités est essentiellement un moyen supplémentaire d'assurer la victoire, en enrôlant l'aide de puissants alliés pour faire pencher la balance en sa faveur. Considérons la Guerre de Troie. Non seulement les dieux et les déesses furent convoqués par la prière et le sacrifice, mais ils participèrent directement aux combats. Pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne de définir la guerre de Troie comme une guerre sainte. Considérons, aussi, les conflits qui ont souvent été cités comme des précédents et comme des modèles d'inspiration pour les guerres saintes chrétiennes, je veux dire celles menées par le peuple d'Israël, selon les livres de Josué, des Juges, des Rois, et d’autres. Pense-t-on  vraiment que l’on peut les considérer comme des guerres de religion?


N'étaient-ils pas principalement des conflits armés entre des tribus semi-nomades qui luttaient pour acquérir des terres? Leur Dieu peut d’ailleurs leur accorder la victoire ou la leur refuser, mais, en dernière analyse, la motivation fondamentale et l'objectif de la plupart de ces guerres ne sont pas essentiellement religieux, celles des Macchabées sont peut-être une exception. Combien de guerres, ensuite, plus tard, menées par les chrétiens et les musulmans ont été des guerres vraiment religieuses, sans parler de guerres saintes ? N’ont-elles pas été, dans une large mesure, des conflits tribaux ou féodaux avec beaucoup de signes extérieurs religieux ?


En essayant de les classer comme conflits religieux ou sacrés, on peut se demander : Est-ce que dans ces guerres on se bat principalement pour des raisons religieuses? S’il n’y avait eu que  peu ou pas de motivation religieuse se serait-on encore battu ?


 Les premiers croisés [en revanche] fournissent un bon exemple. Personne avec son bon sens, même au Moyen Age, ne quitterait le confort de sa maison, n’emballerait tous ses biens, ne partirait pour une marche de deux mille kilomètres, n’endurerait des souffrances incroyables, et tout ceci face à la menace très réelle de la mort s'il n'était pas motivé par la religion. Bien qu'il y en ait eu quelques-uns, comme Bohémond, qui ont pu avoir des motifs moins nobles, la majorité des Croisés n’avait pas à gagner le moindre avantage stratégique, économique ou politique, en particulier au cours des cent premières années. Ils se mirent en marche vers l'Orient pour ce qu'ils considéraient comme une action religieuse, sinon un devoir. Pour eux, ce fut sûrement une guerre sainte.





D'autre part, les longues campagnes d’Herakleios contre les Perses, parfois dépeintes comme une croisade prototype, abondaient en éléments religieux13. Les Perses avaient détruit des églises, massacré les chrétiens, et emporté la Sainte Croix de Jérusalem ; ils devaient être punis et la croix restaurée. Le patriarche a prié pour la victoire et béni les troupes qui marchaient sous l'étendard de la croix. La religion a joué un rôle majeur dans le conflit. Mais, même si ces motivations religieuses n'avaient pas été présentes ou n'avaient pas été aussi importantes, Herakleios serait presque certainement tout de même parti en guerre. Ses guerres ont été menées autant pour conserver un avantage stratégique et défendre le territoire, que pour la religion. Les guerres d’Herakleios n'étaient que la première phase du conflit géopolitique entre les Romains et les Perses qui avaient cours depuis six cents ans. Elles ont été des guerres impériales, et non des guerres saintes. 
Bien que la rhétorique et le rituel religieux aient été importants et omniprésents, les guerres byzantines suivantes, celles de Nicéphore Phocas, au Xe siècle, par exemple, ou celles des empereurs Comnène au douzième, ont d'abord et avant tout été des guerres impériales. Que leurs objectifs parfois aient coïncidé avec des objectifs religieux n'ont pas modifié cette caractéristique fondamentale. Enfin, il convient de noter que les mêmes pratiques religieuses ont été observées par les forces armées byzantines, qu’elles soient confrontées à un ennemi non-chrétien ou chrétien." (à suivre)

(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.
NB : une page de notes paraîtra ultérieurement de façon séparée.