Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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jeudi 26 novembre 2015

Le Chrétien orthodoxe, la sainteté et la guerre

St Cyrille, égal aux Apôtres


« Lorsque le patriarche de Constantinople envoya le saint, égal aux Apôtres, Cyrille prêcher l’Évangile et que celui-ci fut arrivé dans la capitale des Sarrasins, de savants disciples de Mahomet disputèrent de la foi avec lui. Il lui fut entre autre demandé: “Le Christ est votre Dieu. Il vous a commandé de prier pour vos ennemis, de faire le bien à ceux qui vous haïssent et vous persécutent, à celui qui vous frappe sur la joue de présenter l’autre, mais que faites-vous? Si quelqu’un vous offense, vous affûtez votre arme, vous combattez, vous tuez. Pourquoi donc n’écoutez-vous pas votre Christ?” Les ayant écoutés, saint Cyrille interrogea ses interlocuteurs: “Si dans une seule loi sont contenus deux commandements, qui sera le vrai citoyen? Celui qui accomplit l’un des commandements ou celui qui accomplit les deux?” Lorsqu’ils eurent répondu qu’accomplit mieux la loi celui qui observe les deux commandements, le saint prêcheur continua: “Le Christ notre Dieu, en nous enseignant à prier pour ceux qui nous ont offensé et de leur faire du bien, a dit, de même, que personne ne peut montrer de plus grand amour en cette vie qu’en donnant son âme pour ses amis (Jn 15, 3). Voilà pourquoi nous supportons avec grandeur d’âme les offenses qui nous sont faites personnellement, mais nous nous défendons les uns les autres et offrons notre vie au combat pour notre prochain, afin que vous, qui avez réduit nos compatriotes en esclavage, ne rendiez pas esclaves leurs âmes avec leurs corps, les contraignant à renier leur foi et à agir contre les commandements de Dieu. Nos soldats chrétiens défendent l’arme à la main la Sainte Église et le souverain en lequel ils honorent le pouvoir du Roi céleste; ils gardent la patrie, sachant que sa destruction serait suivie immédiatement de la chute du pouvoir et de l’ébranlement de la foi en l’Évangile. Voilà les gages précieux pour lesquels les soldats doivent combattre jusqu’à la dernière goutte de sang sur le champ de bataille. L’Église les élève au rang des saints martyrs et les appelle intercesseurs devant Dieu.” »

Ce texte est extrait de la recension, parue sur le site Orthodoxie.com qu'a faite Jean Claude larchet du livre du Père Michel Quenot sur « Les glorieux combattants » aux Éditions Orthdruk.

J'y rajouterai ce texte (extrait de l'article à lire ici et ici)  de Léon VI au début de ses Constitutions tactiques, très tôt au Xe siècle.

 Bien que la plus haute priorité de l'empereur fût de veiller à la paix et la prospérité de ses sujets, il se rend compte que, pour assurer cela, il doit conserver les forces armées en bon ordre et à promouvoir l'étude de la tactique et la stratégie. Pourquoi la guerre doit-elle prendre tant d’énergie à l'empereur ? « Par respect pour l'image et la parole de Dieu, tous les hommes devraient adopter la paix et favoriser l'amour les uns pour les autres au lieu de prendre les armes meurtrières dans leurs mains pour être utilisées contre leur propre peuple. Mais depuis que le diable, le tueur d'origine des hommes, l'ennemi de notre race, a fait usage du péché pour amener les hommes autour de la guerre, contrairement à leur nature fondamentale, il est absolument nécessaire pour les hommes de faire la guerre en retour contre ceux que le diable manipule et de se tenir avec détermination et sans faille contre les nations qui veulent la guerre. »  

jeudi 21 août 2014

SI VIS PACEM PARA BELLUM

Comme les lecteurs d'un blog ne recherchent pas fréquemment les articles précédemment écrits il n'est peut-être pas inutile de refaire paraître cet article…

La guerre en ultime recours


Qu’en est-il donc des guerres visibles, tangibles engagées par les Byzantins en armure avec des armes de fer et d’acier solide, et contre d'autres ennemis humains ? 

Nul traité byzantin sur l'idéologie de la guerre, que ce soit sur la guerre sainte ou la guerre juste, n’est parvenu jusqu'à nous, et il est peu probable qu’il en ait jamais été écrit. Il faut glaner ce que l'on peut à partir des manuels et des histoires militaires. Bien qu'il y ait eu à l'occasion des florilèges rhétoriques dans l'admiration de la vaillance et de la bravoure sur le champ de bataille, et bien qu’ils dépendissent de moyens militaires pour leur survie, les Byzantins, selon les termes d'un ingénieur de combat à la retraite du sixième siècle, considérait la guerre « comme un grand mal et le pire de tous les maux. » 30. «Nous devons toujours préférer la paix par-dessus tout, a écrit Léon VI, et nous abstenir de la guerre » 31 Pour eux la guerre n'est pas « la politique par d'autres moyens » de Clausewitz, mais cela a été le dernier recours.

La menace de la force écrasante était préférable à l'utilisation effective d'une telle force, et en cela, on peut noter qu’ils ont fait preuve d'une continuité frappante avec les anciens Romains. Ils ont cherché à atteindre leurs objectifs par la diplomatie, la corruption, des actions clandestines, en payant tribut, ou en embauchant d'autres tribus pour se battre. Ce n'est que lorsque tout avait échoué qu’ils étaient prêts à prendre les armes. Et même alors, ils ont essayé d'éviter un assaut frontal préférant venir à bout de l’ennemi par de légères escarmouches, une habile stratégie et une manœuvre habile. Ils étaient réticents à faire la guerre pour des raisons à la fois morales et pratiques. Tuer, même lorsque cela est jugé justifiable, était mal - il suffit de se rappeler le fameux, même si rarement observé, canon de Saint Basile, qui déclare que les soldats qui ont tué dans la bataille doivent être interdits de communion pour trois ans 32. Sur le plan pratique, la guerre était à la fois dangereuse et coûteuse.






Tout cela correspond au remarquable caractère défensif au coeur la théorie et la pratique stratégiques byzantines. Un chercheur de l'armée américaine a écrit d'un tacticien du VIe siècle :

« Il a un esprit nettement défensif, et voit si clairement ce que l'ennemi peut lui faire qu'il n'a pas le temps de penser à ce qu'il peut faire à l'ennemi. » 33 Les Byzantins n’ont pas été un peuple belliqueux et, c’est en fait ce qui a conduit les croisés à les accuser de lâcheté. Leur entière attitude envers la guerre était colorée par l'accent mis sur la défense et, à cet égard, certainement différente de la croisade et du Jihād, qui tous deux étaient agressifs par nature. Même les campagnes offensives en territoire ennemi des Herakleios, Nicéphore Phocas, Jean Tzimiskes, et Basile II visaient à récupérer et protéger les régions qui revenaient de droit à l'Empire romain.





Dans le monde byzantin, la guerre n'était pas, comme parfois en Occident, un terrain de jeu mortel sur lequel ceux que l'on appelle les nobles affichaient leurs prouesses et cherchaient la gloire. En soi, la guerre n’était pas un acte bon ou méritoire, et elle n'était certainement pas « sainte ».

Comment, alors, justifiaient-ils la guerre? « Le but de toutes les guerres, c'est la paix. » écrivait Aristote il y a bien longtemps, et au XIe siècle Anna Comnène le citait pour expliquer pourquoi son père Alexis avait consacré autant de temps et d'énergie à faire la guerre34 Elle précise également que, comme pour un individu, une nation a aussi le droit d'utiliser la force pour se défendre. Dans son esprit Alexis était également en droit d’entreprendre une action militaire pour récupérer les territoires perdus, pour imposer le respect avec un traité sous serment, ou pour éviter un plus grand mal.35 D’autres auteurs, quand ils font allusion aux causes de la guerre, cherchent davantage de justifications qu’Anna.

Peut-être l'explication la plus claire et la plus délibérée du point de vue byzantin sur la guerre a été mise en avant par Léon VI au début de ses Constitutions tactiques, très tôt au Xe siècle. Bien que la plus haute priorité de l'empereur fût de veiller à la paix et la prospérité de ses sujets, il se rend compte que, pour assurer cela, il doit conserver les forces armées en bon ordre et à promouvoir l'étude de la tactique et la stratégie. Pourquoi la guerre doit-elle prendre tant d’énergie à l'empereur ? « Par respect pour l'image et la parole de Dieu, tous les hommes devraient adopter la paix et favoriser l'amour les uns pour les autres au lieu de prendre les armes meurtrières dans leurs mains pour être utilisées contre leur propre peuple. Mais depuis le diable, le tueur d'origine des hommes, l'ennemi de notre race, a fait usage du péché pour amener les hommes autour de la guerre, contrairement à leur nature fondamentale, il est absolument nécessaire pour les hommes de faire la guerre en retour contre ceux que le diable manipule et de se tenir avec détermination et sans faille contre les nations qui veulent la guerre. » Finalement, il espère que « la paix sera respectée par tous et deviendra un mode de vie. »36


Léon VI prosterné devant le Christ

Les Byzantins ne sont pas enclins à la guerre contre d'autres peuples, a écrit Léon, à moins que ces autres peuples n’ouvrent les hostilités et n’envahissent notre territoire. «Alors, ainsi s'adresse-t-il au commandant, vous avez en effet une cause juste, dans la mesure où l'ennemi a lancé une guerre injuste. Avec confiance et enthousiasme prenez les armes contre eux. Car ils en sont la cause, ceux qui ont injustement levé la main contre nos sujets. Prenez donc courage. Vous aurez le Dieu de la justice à votre côté. Prenant la lutte au nom de vos frères, vous et vos forces entières serez victorieux. . . . Assurez-vous toujours que les causes de la guerre sont justes. » 37

Les guerres byzantines ne furent pas de guerres « saintes », mais des guerres justes, des guerres impériales. Elles ont été menées pour défendre l'Empire ou récupérer des terres qui lui revenaient de droit. Les soldats ont mis leur vie en jeu pour l'empereur et le peuple de ses sujets, le peuple chrétien. Ils allaient au combat « au nom de leurs parents, amis, patrie, et de l'ensemble du peuple chrétien. »38 Vers la fin du Xe siècle, un autre auteur militaire en parlant des hommes qui, sur la frontière orientale, ont choisi de braver les dangers pour le compte de nos saints empereurs et de tout le peuple chrétien. Ils sont les défenseurs et, après Dieu, les sauveurs des chrétiens.39

En conclusion, donc, les musulmans croyaient que la force pouvait être utilisée pour soumettre tous les peuples à la domination de l'Islam et les chevaliers occidentaux ont cru qu'ils étaient appelés non seulement à défendre mais à « exalter » le christianisme et que les attaques contre ses ennemis pouvaient être saintes et méritoires.

Quant aux Byzantins ils pensaient que la guerre était une chose ni bonne, ni sainte, mais mauvaise et ne pouvait être justifiée que dans certaines conditions, qui étaient centrées sur la défense de l'empire et de sa foi. Ils étaient convaincus qu'ils défendaient le christianisme lui-même et le peuple chrétien, ce qu’ils étaient vraiment."


(Version française de Maxime le minime)
d'après "Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium" by George T. Dennis 
un extrait de "Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman"
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.www.doaks.org / etexts.html)
NB : pour voir la page de notes : Voir le Fichier : bibliographie_-_Byzance_et_la_guerre.pdff

vendredi 17 septembre 2010

La guerre juste du point de vue byzantin [5 et fin]


La guerre en ultime recours


Qu’en est-il donc des  guerres visibles, tangibles engagées par les Byzantins en armure avec des armes de fer et d’acier solide, et contre d'autres ennemis humains ? 
Nul traité byzantin sur l'idéologie de la guerre, que ce soit sur la guerre sainte ou la guerre juste, n’est parvenu jusqu'à nous, et il est peu probable qu’il en ait jamais été écrit. Il faut glaner ce que l'on peut à partir des manuels et des histoires militaires. Bien qu'il y ait eu à l'occasion des florilèges rhétoriques dans l'admiration de la vaillance et de la bravoure sur le champ de bataille, et bien qu’ils dépendissent de moyens militaires pour leur survie, les Byzantins, selon les termes d'un ingénieur de combat à la retraite du sixième siècle, considérait la guerre « comme un grand mal et le pire de tous les maux. » 30«Nous devons toujours préférer la paix par-dessus tout, a écrit Léon VI, et  nous abstenir de la guerre » 31 Pour eux  la guerre n'est pas « la politique par d'autres moyens » de Clausewitz, mais cela  a été le dernier recours.
La menace de la force écrasante était préférable à l'utilisation effective d'une telle force, et en cela, on peut noter qu’ils ont fait preuve d'une continuité frappante avec les anciens Romains. Ils ont cherché à atteindre leurs objectifs par la diplomatie, la corruption, des actions clandestines, en payant tribut, ou en embauchant d'autres tribus pour se battre. Ce n'est que lorsque tout avait échoué qu’ils étaient prêts à prendre les armes. Et même alors, ils ont essayé d'éviter un assaut frontal préférant venir à bout de l’ennemi par de légères escarmouches, une habile stratégie et une manœuvre habile. Ils étaient réticents à faire la guerre pour des raisons à la fois morales et pratiques. Tuer, même lorsque cela est jugé justifiable, était mal - il suffit de se rappeler le fameux, même si rarement observé, canon de Saint Basile, qui déclare que les soldats qui ont tué dans la bataille doivent  être interdits de communion pour trois ans32. Sur le plan pratique, la guerre était à la fois dangereuse et coûteuse.




Tout cela correspond au remarquable caractère défensif au coeur  la théorie et la pratique stratégiques byzantines. Un chercheur de l'armée américaine a écrit d'un tacticien du VIe siècle :
« Il a un esprit nettement défensif, et voit si clairement ce que l'ennemi peut lui faire qu'il n'a pas le temps de penser à ce qu'il peut faire à l'ennemi. » 33 Les Byzantins n’ont pas été un peuple belliqueux et, c’est en fait ce qui a conduit les croisés à les accuser de lâcheté. Leur entière attitude envers la guerre était colorée par l'accent mis sur la défense et, à cet égard, certainement différente de la croisade et du Jihād, qui tous deux étaient agressifs par nature. Même les campagnes offensives en territoire ennemi des Herakleios, Nicéphore Phocas, Jean Tzimiskes, et Basile II visaient à récupérer et protéger les régions qui revenaient de droit à l'Empire romain.



Dans le monde byzantin, la guerre n'était pas, comme parfois en Occident, un terrain de jeu mortel sur lequel ceux que l'on appelle les nobles affichaient leurs prouesses et cherchaient la gloire. En soi, la guerre n’était pas un acte bon ou méritoire, et elle n'était certainement pas « sainte ». 
Comment, alors, justifiaient-ils la guerre?  « Le but de toutes les guerres, c'est la paix. » écrivait Aristote il y a bien longtemps, et au XIe siècle Anna Comnène le citait pour expliquer pourquoi son père Alexis avait consacré autant de temps et d'énergie à faire la guerre34 Elle précise également que, comme pour un individu, une nation a aussi le droit d'utiliser la force pour se défendre. Dans son esprit Alexis était  également  en droit d’entreprendre une action militaire pour récupérer les territoires perdus, pour imposer le respect avec un traité sous serment, ou pour éviter un plus grand mal.35 D’autres auteurs, quand ils font allusion aux causes de la guerre, cherchent davantage de justifications qu’Anna.

Peut-être l'explication la plus claire et la plus délibérée du point de vue byzantin sur la guerre a été mise en avant par Léon VI au début de ses Constitutions tactiques, très tôt au Xe siècle. Bien que la plus haute priorité de l'empereur fût de veiller à la paix et la prospérité de ses sujets, il se rend compte que, pour assurer cela, il doit conserver les forces armées en bon ordre et à promouvoir l'étude de la tactique et la stratégie. Pourquoi la guerre doit-elle prendre tant d’énergie à l'empereur ?  « Par respect pour l'image et la parole de Dieu, tous les hommes devraient adopter la paix et favoriser l'amour les uns pour les autres au lieu de prendre les armes meurtrières dans leurs mains pour être utilisées contre leur propre peuple. Mais depuis le diable, le tueur d'origine des hommes, l'ennemi de notre race, a fait usage du péché pour amener les hommes autour de la guerre, contrairement à leur nature fondamentale, il est absolument nécessaire pour les hommes de faire la guerre en retour contre ceux que le diable manipule et de se tenir avec détermination et sans faille contre les nations qui veulent la guerre. » Finalement, il espère que « la paix sera respectée par tous et deviendra un mode de vie. »36

Léon VI prosterné devant le Christ

Les Byzantins ne sont pas enclins à la guerre contre d'autres peuples, a écrit Léon, à moins que ces autres peuples n’ouvrent les hostilités et n’envahissent notre territoire. «Alors, ainsi s'adresse-t-il  au commandant, vous avez en effet une cause juste, dans la mesure où l'ennemi a lancé une guerre injuste. Avec confiance et enthousiasme prenez les armes contre eux. Car ils en sont la cause, ceux qui ont injustement levé la main contre nos sujets. Prenez donc courage. Vous aurez le Dieu de la justice à votre côté. Prenant la lutte au nom de vos frères, vous et vos forces entières serez victorieux. . . . Assurez-vous toujours que les causes de la guerre sont justes. » 37

Les guerres byzantines ne furent pas de guerres « saintes », mais des guerres justes, des guerres impériales. Elles ont été menées pour défendre l'Empire ou récupérer des terres qui lui revenaient de droit. Les soldats ont mis leur vie en jeu pour l'empereur et le peuple de ses sujets, le peuple chrétien. Ils allaient au combat  « au nom de leurs parents, amis, patrie, et de l'ensemble du peuple chrétien. »38 Vers la fin du Xe siècle, un autre auteur militaire en parlant des hommes qui, sur la frontière orientale, ont choisi de braver les dangers pour le compte de nos saints empereurs et de tout le peuple chrétien. Ils sont les défenseurs et, après Dieu, les sauveurs des chrétiens.39
En conclusion, donc, les musulmans croyaient que la force pouvait être utilisée pour soumettre tous les peuples à la domination de l'Islam et les chevaliers occidentaux ont cru qu'ils étaient appelés non seulement à défendre mais à « exalter » le christianisme et que les attaques contre ses ennemis pouvaient être saintes et méritoires.
Quant aux Byzantins ils pensaient que la guerre était une chose ni bonne, ni sainte, mais mauvaise et ne pouvait être justifiée que dans certaines conditions, qui étaient centrées sur la défense de l'empire et de sa foi. Ils étaient convaincus qu'ils défendaient le christianisme lui-même et le peuple chrétien, ce qu’ils étaient vraiment."
(Version française de Maxime le minime)
d'après "Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium" by George T. Dennis 
un extrait de "Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman"
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
NB : pour voir la page de notes : Voir le Fichier : bibliographie_-_Byzance_et_la_guerre.pdff

jeudi 16 septembre 2010

La guerre sainte du point de vue byzantin [4]

La véritable guerre sainte, invisible = le combat spirituel
ο πνευματικός πόλεμος 



"L'attitude byzantine envers la guerre peut être mieux comprise dans le contexte de la manière dans laquelle ils voyaient le monde et la vie en général. Ce monde et la vie qu'elle portait étaient fragiles et éphémères. La seule réalité permanente se trouvait dans un autre monde, le Royaume des cieux. L'empire sur la terre était un simple reflet de celui des cieux, et l'empereur était appelé à imiter le Seigneur du Ciel. En dessous de Dieu, il se devait d'assurer le bien-être de ses sujets et de les protéger contre tous les dangers, à l'intérieur et l'extérieur. L'Église avait un rôle différent. Jésus avait dit à ses disciples qu'il pourrait faire appel à des légions d’anges pour se sauver de la mort17 mais Il ne le fit pas, et son Église ne doit pas plus le faire.


 Contrairement à sa sœur latine, l'Église byzantine laissait l'appel aux armes et la l’engagement de la guerre, même contre les hérétiques les plus pernicieux et destructeurs et les infidèles au gouvernement impérial. Mais elle prenait la tête d’un autre genre de lutte, celui pour les âmes des fidèles, une lutte non contre les ennemis de l'homme, mais contre les puissances cosmiques et les forces supra humaines du mal18. Pour les chrétiens byzantins il s'agissait d'une forme de guerre qui pourrait être appelé sainte, même si je n'ai pas trouvé l'utilisation explicite de ce terme. Le concept du chrétien impliqué dans un combat contre les forces du mal remonte, bien sûr, à Saint Paul, si ce n'est avant19.


Bien que chaque chrétien  se dût de résister aux assauts du diable, les moines étaient les troupes de première ligne dans la guerre contre les légions de Satan. Nuit et jour, selon Grégoire de Nazianzos, le moine doit lutter dans le combat spirituel (pneumatikos polemos) 20.


St Jean Chrysostome dit à son auditoire que la guerre contre les démons est difficile et sans fin21.
Le combat spirituel est un thème récurrent dans les vies de saints22. Des démons sous des formes variées, des hyènes aux dragons, y attaquent sauvagement les saints parmi lesquels on compte Théodore d'Edesse, Gregoire de Dekapolis, Joseph le psalmiste, Jean Psychaites, Isidore, l’abbesse Sarah, et de nombreux autres23. Histoire après histoire on raconte  leurs luttes incessantes contre les forces du péché et des ténèbres.
Les démons, pour leur part, prennent la guerre au sérieux. Ils apparaissent en ordre de bataille, en phalanges de cavalerie et d'infanterie qui font volte-face en formation. Les récits les montrent portant des cuirasses de fer et munis d’arcs, de flèches et d'autres missiles24. Ils commencent leur progression contre Saint Ioannikios en bon ordre, faisant un vacarme épouvantable ; ils sont organisés en ordre de bataille, poussent  leur cri de guerre, et tirent un flux régulier de flèches sur lui. Tout cela le Saint le repousse par le signe de la croix. Sous le commandement de leur stratège, Satan, les démons se sont déployés eux-mêmes avec  leurs phalanges en une véritable ligne de bataille (parataxe), tout comme font  les forces armées de l'empereur25. Comme le prescrivent les manuels militaires, ils feignent la retraite, crient des insultes de loin, se regroupent, et reviennent à l’attaque. Le saint les repousse avec une croix en bois faite sur place, mais l'effort le laisse épuisé. Un moine du Skite entend une sonnerie de trompette de guerre signalant que les démons se préparent à l'attaquer et le forcer à quitter sa prière26.


Pour faire face à de tels adversaires, le moine doit se faire soldat. Syméon rappelle à ses moines qu'ils ont été appelés à combattre contre des ennemis invisibles. Ils ont répondu à l’appel et pris leur place dans les rangs des soldats du Christ27. Les moines n'ont pas attendu d'être attaqués ; ils ne sont pas contentés de garder le fort, mais ils ont porté la guerre dans le territoire du diable et l’ont combattu sur son propre terrain, dans le désert et dans d'autres endroits sauvages, abandonnés. Beaucoup se sont installés dans le désert où vivaient les démons28. Daniel le Stylite apprend que les démons se cachent dans une vieille église. Il s’y rend immédiatement pour se battre avec eux « comme un  brave soldat s’arme pour la bataille contre une armée de barbares » tenant l'invincible arme de la croix29." (à suivre)


(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.



mercredi 15 septembre 2010

Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman [3]

Le rôle de la religion dans la guerre (suite) mais aussi dans différentes activités de groupe

Des cris de guerre, tels que « Dieu aide les Romains », ou « La Croix est victorieuse », ne transforment pas la nature d'une guerre particulière.  Les slogans religieux et les symboles sont utilisés pour inculquer la confiance aux soldats et relever le moral de l'armée. Les services religieux, en particulier la liturgie eucharistique, sont destinés au confort du soldat et à le préparer à risquer sa vie14. Il y a encore des aumôniers pour faire des offices religieux dans les armées modernes, mais qui ne sanctifient pas leurs conflits. Les athlètes se joignent souvent dans la prière avant un match, mais nous ne parlons pas à ce sujet d'un match de football américain saint ou d'un match de football saint.



L'église a certainement prié pour la victoire, mais elle a rejeté la demande de Nicéphore Phocas d’honorer les soldats comme martyrs15. La croix a été affichée sur les étendards, ou utilisée à la place d'un étendard pour rappeler aux troupes la protection de Dieu  et qu'ils se battaient pour une nation chrétienne16.  À travers les siècles, la croix, il faut le noter, a été représentée sur de nombreuses bannières dans des guerres qui sont loin d’avoir été sainte. La croix sur les drapeaux de plusieurs nations modernes ne nous dit rien sur la sensibilité religieuse de ses citoyens; la Grande-Bretagne a trois croix sur son drapeau...
mais...




(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.

Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman [2]

Le rôle de la religion dans la guerre


"Maintenant, le point le plus important.




J'ai déjà indiqué que les Byzantins n'avaient aucun concept d'une guerre sainte véritable, bien que cela sera spécifié plus bas. Les écrivains byzantins n’utilisaient  le terme de guerre sainte (hieros polemos) seulement en référence à l'une des trois « guerres sacrées » menées pour la possession de l'oracle d'Apollon à Delphes et qui ont eu lieu en 590, 449, 355-347, toutes av JC. La plupart des références byzantines, comme la Souda (I.191), allusion à la seconde, apparemment à la suite de Thucydide (1.112) et Aristophane (Aves 556). Le terme de guerre sainte est utilisé, autant que je puisse en juger, par des écrivains antiques et byzantins seulement dans le cadre de ces guerres. 

En un sens, cependant, toutes les guerres byzantines ont été saintes, parce que l'empereur a été sacré, et c'est par son autorité et, parfois, sous sa direction que les guerres ont été menées.
Elles ont été déclarées par l'empereur et on s’est battu au nom de l'empire. Elles ont été des guerres impériales, entièrement dans la tradition romaine. Leur caractère essentiel n'a pas changé parce que désormais les légions entraient dans la bataille sous le signe de la croix. Leurs prières pour obtenir la bénédiction de Dieu et d'autres pratiques religieuses n'ont pas rendu leurs guerres saintes ou spécifiquement religieuses, comme cela a parfois été affirmé12.
Depuis des temps immémoriaux, la religion a joué un rôle dans la guerre. Un peuple offre un sacrifice à ses dieux avant d'aller au combat et, en en sortant victorieux, va renverser les statues des dieux des adversaires pour les remplacer par les siennes. S'agit-il de guerres de religion, ou sont-ils simplement les conflits tribaux motivés par la vengeance, le pillage ou l'acquisition de terres ou d’esclaves ?






L'invocation de divinités est essentiellement un moyen supplémentaire d'assurer la victoire, en enrôlant l'aide de puissants alliés pour faire pencher la balance en sa faveur. Considérons la Guerre de Troie. Non seulement les dieux et les déesses furent convoqués par la prière et le sacrifice, mais ils participèrent directement aux combats. Pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne de définir la guerre de Troie comme une guerre sainte. Considérons, aussi, les conflits qui ont souvent été cités comme des précédents et comme des modèles d'inspiration pour les guerres saintes chrétiennes, je veux dire celles menées par le peuple d'Israël, selon les livres de Josué, des Juges, des Rois, et d’autres. Pense-t-on  vraiment que l’on peut les considérer comme des guerres de religion?


N'étaient-ils pas principalement des conflits armés entre des tribus semi-nomades qui luttaient pour acquérir des terres? Leur Dieu peut d’ailleurs leur accorder la victoire ou la leur refuser, mais, en dernière analyse, la motivation fondamentale et l'objectif de la plupart de ces guerres ne sont pas essentiellement religieux, celles des Macchabées sont peut-être une exception. Combien de guerres, ensuite, plus tard, menées par les chrétiens et les musulmans ont été des guerres vraiment religieuses, sans parler de guerres saintes ? N’ont-elles pas été, dans une large mesure, des conflits tribaux ou féodaux avec beaucoup de signes extérieurs religieux ?


En essayant de les classer comme conflits religieux ou sacrés, on peut se demander : Est-ce que dans ces guerres on se bat principalement pour des raisons religieuses? S’il n’y avait eu que  peu ou pas de motivation religieuse se serait-on encore battu ?


 Les premiers croisés [en revanche] fournissent un bon exemple. Personne avec son bon sens, même au Moyen Age, ne quitterait le confort de sa maison, n’emballerait tous ses biens, ne partirait pour une marche de deux mille kilomètres, n’endurerait des souffrances incroyables, et tout ceci face à la menace très réelle de la mort s'il n'était pas motivé par la religion. Bien qu'il y en ait eu quelques-uns, comme Bohémond, qui ont pu avoir des motifs moins nobles, la majorité des Croisés n’avait pas à gagner le moindre avantage stratégique, économique ou politique, en particulier au cours des cent premières années. Ils se mirent en marche vers l'Orient pour ce qu'ils considéraient comme une action religieuse, sinon un devoir. Pour eux, ce fut sûrement une guerre sainte.





D'autre part, les longues campagnes d’Herakleios contre les Perses, parfois dépeintes comme une croisade prototype, abondaient en éléments religieux13. Les Perses avaient détruit des églises, massacré les chrétiens, et emporté la Sainte Croix de Jérusalem ; ils devaient être punis et la croix restaurée. Le patriarche a prié pour la victoire et béni les troupes qui marchaient sous l'étendard de la croix. La religion a joué un rôle majeur dans le conflit. Mais, même si ces motivations religieuses n'avaient pas été présentes ou n'avaient pas été aussi importantes, Herakleios serait presque certainement tout de même parti en guerre. Ses guerres ont été menées autant pour conserver un avantage stratégique et défendre le territoire, que pour la religion. Les guerres d’Herakleios n'étaient que la première phase du conflit géopolitique entre les Romains et les Perses qui avaient cours depuis six cents ans. Elles ont été des guerres impériales, et non des guerres saintes. 
Bien que la rhétorique et le rituel religieux aient été importants et omniprésents, les guerres byzantines suivantes, celles de Nicéphore Phocas, au Xe siècle, par exemple, ou celles des empereurs Comnène au douzième, ont d'abord et avant tout été des guerres impériales. Que leurs objectifs parfois aient coïncidé avec des objectifs religieux n'ont pas modifié cette caractéristique fondamentale. Enfin, il convient de noter que les mêmes pratiques religieuses ont été observées par les forces armées byzantines, qu’elles soient confrontées à un ennemi non-chrétien ou chrétien." (à suivre)

(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.
NB : une page de notes paraîtra ultérieurement de façon séparée.


lundi 13 septembre 2010

Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman [1]

Les défenseurs du peuple chrétien : Guerre sainte à Byzance [1]







"Pour la plupart des gens civilisés, le terme de guerre sainte est une contradiction dans les termes. Quel motif religieux pourrait bien transformer la destruction et le massacre de milliers d’ êtres humains en un acte saint et méritoire ? Mais, comme nous le savons, la religion a trop souvent servi de prétexte à la violence. Avant d'aller plus loin, toutefois, nous devrions nous accorder sur une définition de la guerre sainte. Trois critères, je crois, sont essentiels. Une guerre sainte a été déclarée par une autorité religieuse compétente, les exemples évidents étant du côté chrétien un pape ou un calife du côté musulman. L'objectif doit être religieux ; à nouveau, deux exemples évidents sont la protection ou le rétablissement de sanctuaires ou de la conversion forcée ou l'assujettissement d'autrui à votre religion. Il pourrait, bien sûr, y avoir d'autres objectifs. Enfin, on promet à ceux qui participent à la guerre sainte une récompense spirituelle, comme la remise de leurs péchés ou l'assurance d'une place au paradis1.
Dans le monde autour de la Méditerranée, deux formes de guerre sainte ont émergé. En premier, le Jihād Musulman. On a beaucoup écrit à ce sujet, et je tiens seulement à souligner ses caractéristiques marquantes2 Le Jihād est pour la communauté musulmane un devoir religieux de propager l'Islam, en employant la contrainte sous toutes ses formes selon les besoins, jusqu'à ce que le monde entier professe l'islam ou soit soumis à ses lois. À certains moments, surtout quand le calife, ou toute autre autorité religieuse, le proclame, cette obligation prend la forme d'un conflit armé. Ceux qui meurent dans la lutte sont acclamés comme martyrs et on pense qu'ils vont tout droit au paradis. On peut trouver des traces de la doctrine du Jihād dès les premiers jours de l'Islam, mais peut-être pas directement à Mahomet lui-même. Le Jihād n’est pas devenu l'un des cinq piliers de l'Islam, mais il a été maintenu en vigueur par la prédication et l'attrait de l'idéal du martyre et du paradis et les récompenses les plus tangibles du butin et du pillage. En substance, il était agressif et inclina à la conquête. Bien sûr, toutes les guerres menées par les puissances musulmanes, y compris celles contre les non-croyants, n’ont été des guerres saintes. Beaucoup ont été simplement tribales, ethniques, nationales, voire des conflits dont les racines provenaient souvent de l'époque préislamique.

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En Europe occidentale, l'idée d'une guerre sainte se développa plus tard et pour des raisons différentes.
Tant de choses ont été écrites à ce sujet qu'il n'y a pas besoin d'entrer dans les détails3 D'abord, nous devons nous rappeler que ce que nous appelons une croisade, en particulier durant le premier siècle, fut un pèlerinage, et ceux qui y ont pris part étaient des pèlerins, c'était un saint voyage (iter, passagium), pas une guerre sainte. Elle était considérée essentiellement comme défensive, c'est-à- dire que des escortes armées étaient chargées de protéger les pèlerins en route pour les lieux saints de la chrétienté et devaient récupérer ou défendre les lieux saints en Palestine. Ce caractère défensif faisait la différence avec le Jihād, de même que le fait qu'il ne préconisait pas l'imposition par la force du christianisme aux autres. Dans les siècles suivants, il est vrai, et pour certains participants, il prit un caractère plus belliqueux. Il suffit de rappeler les croisades dite des Albigeois ou celle qui a saccagé Constantinople en 1204. Pourtant, l'idée d'utiliser la force pour convertir l'infidèle était, à quelques exceptions près, étrangère au christianisme, de l'Est et de l'Ouest. Mais les Croisades ont été proclamées par la plus haute autorité religieuse à l’Ouest, le pape, elles ont été dirigées dans un but religieux, la protection des chrétiens en Orient et la récupération et la défense des lieux saints, et ceux qui ont pris part ont eu la promesse de récompenses religieuses, en particulier la rémission des péchés.




Pour les Byzantins, il faut le dire dès le départ, les idées et les formes de la guerre sainte, Jihād ou  croisade, étaient odieuses4. Ils rejetaient absolument l’un comme l’autre. Premièrement, le Jihād. Ils ne le comprenaient pas. Ce qui motivait les armées de l'Islam, ainsi que les Byzantins l'ont vu, a été l'espoir du butin et un amour barbare des combats. Selon Léon VI, « Les Sarrasins ne partaient pas en campagne avec un sens du service et de la discipline militaires, mais plutôt par amour du gain et de la licence ou, plus exactement, dans le but de piller au nom de leur foi. » 5. Léon les rejette comme des « barbares et infidèles » uniquement préoccupés  de pillages6. L’immense majorité d'entre eux venaient de Syrie et de Palestine, « inconscients des dangers de la guerre, avec nulle autre intention que de piller » 7. Les auteurs byzantins, du septième au quatorzième siècle, répètent ces accusations, car ils professent leur répugnance absolue pour la doctrine du Jihād. Dans leurs polémiques contre l'islam ils critiquent avec véhémence le Jihād comme à peine plus qu’une licence pour le meurtre  injustifié et un prétexte pour piller8. Les Byzantins, en revanche, s’il leur arrivait  de se livrer au massacre et au pillage, ne les justifiaient jamais au nom de la religion.
En ce qui concerne les croisades, il suffit d'écouter Anna Comnène, qui abhorrait la fois le mouvement et beaucoup de ses participants9.  Cependant, certains Byzantins firent bon accueil aux Occidentaux au début. Ils étaient, après tout, d’autres chrétiens, bien que peut-être quelque peu approximatifs dans leurs enseignements et leurs pratiques. L'Empereur Alexis les a traités d’une manière civile presque cordiale, mais il a toujours été nerveux au sujet de ce qu'ils pourraient faire, et il leur a fourni une assistance militaire à travers l'Asie Mineure. Mais, en général, les Byzantins ne semblaient jamais à comprendre pourquoi tous ces chevaliers occidentaux et leurs partisans  marchaient à travers leurs terres. La restitution de Jérusalem à la domination chrétienne était peut-être un objectif louable, mais ça valait-il un tel effort, aussi immense, rempli de tant de périls et d’incertitudes et réalisé avec une telle brutalité ? Constantinople, après tout, était la Nouvelle Jérusalem, la vraie ville sainte. Les Byzantins, toujours pratiques, étaient bien plus intéressés par la possession d'Antioche en raison de sa position stratégique importante que de mettre la main sur Jérusalem avec toute sa valeur sentimentale. Le pèlerinage, ils comprenaient, et la guerre, ils comprenaient, mais la conjonction des deux, ils ne comprenaient pas. Ils ont été tout à fait consternés par la prédication de Saint Bernard et son appel à l'extermination de l'infidèle (delenda penitus), ainsi que son affirmation selon laquelle tuer un ennemi du Christ n'était pas un homicide, mais malecide10.



Et qu'auraient-ils pensé de la règle qu'il rédigea pour les Templiers, des moines qui portaient des armes meurtrières dans la bataille?11 Les Byzantins en vinrent bientôt à croire que les guerriers de l’ouest n’avaient rien de moins à l'esprit que la conquête de l'empire, et les événements de 1204 ont prouvé qu'ils avaient raison. Finalement, ils en sont venus à détester les Latins autant, voire plus, que les musulmans. Si jamais les Latins rapportaient leurs expéditions à la «guerre sainte », ce terme, c’est clair, n'aurait pas été apprécié par les Byzantins."(à suivre)
(Version française de Maxime le minime)
d'après Defenders of the Christian People: Holy War in Byzantium
By George T. Dennis 
un extrait de Les croisades du point de vue de Byzance et du monde musulman
édité par Angeliki E. Laiou et Mottahedeh Parviz Roy
publié par Dumbarton Oaks Research Library and Collection
Washington, D.C.
NB : une page de notes paraîtra ultérieurement de façon séparée.