Si quelqu'un, en effet, veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu'il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses, qu'il se détourne du mal et fasse le bien, qu'il recherche la paix et la poursuive. 1 Pierre 3:10-11 Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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dimanche 4 janvier 2015

LA DIVINE MATERNITÉ [7 et fin] : La Mère du Cosmos, La réalité de l’Église

La Mère du Cosmos

Ce qui est remarquable dans l’icône de la Nativité, c’est le lien étroit entre la Mère de Dieu et la montagne, l'harmonie profonde entre ces deux figures, quel que soit le type de représentation. Il y a, de fait, une correspondance spirituelle entre l’attente et le devenir de la création exprimée par la montagne et la plénitude de la Mère de Dieu comme signe des réalités à venir. Du fait de la conception virginale du corps du Christ, le sein de la Vierge a préfiguré le retour de la création aux conditions d’avant la chute, mais aussi la plénitude du Royaume à venir, l’union entre le ciel et la terre dans la Jérusalem céleste.


Le corps de l’homme récapitule toute la création dont il est appelé à être le grand prêtre, vocation remise en question par la chute d’Adam, mais assumée en plénitude par le Christ. La mère en qui se forme ce corps a donc une place particuliere au sein de la création. D’une certaine manière, la mère est antérieure au monde, elle est celle en qui le mystère de la vie se forme, en qui la matière s’ordonne comme en un creuset pour donner cette perfection qu’est 1'être humain. De ce fait, elle est beaucoup plus proche de la création que l’homme. À elle seule il est donné de vivre dans son corps les cycles lunaires, à elle seule il est donné d’entrer dans 1’intimité du mystère de la création de la vie. La Mère de Dieu, accomplissant tout cela dans sa plus totale plénitude, est donc, d’une certaine manière, antérieure au cosmos. Elle qui s’est trouvée placée au-dessus des ordres angéliques, englobe dans son propre corps le mystère de la création déifiée. Elle en est le signe vivant, la personnalisation de la terre mère dégagée de toute corruption, comme l’étaient les eaux primordiales au premier jour de la création, au-dessus desquelles planaient le souffle de Dieu, l’Esprit Saint. Mais elle personnifie avant tout le mystère de la réalité ecclésiale où la matière devient le signe sacramentel de l'action de l’Esprit Saint dans le renouvellement de l’homme et du monde. Cette proximité avec la création lui donne de vivre en son cœur, dans toute sa sainteté personnelle, l’aspiration du monde créé à la plénitude de la gloire du Dernier Jour. Les gémissements qu’elle a connus ne furent point ceux du travail d’enfantement du corps de son Fils, mais ceux de l'enfantement de toute la création à la réalité nouvelle de l’Église, dans l'attente de la Jérusalem céleste.

La réalité de l’Église

On oublie trop à quel point le mystère de l’Église englobe la matière. L’Église n’est pas une réalité abstraite, «idéale», mais infiniment concrète, empirique. En elle, le ciel et la terre se rencontrent de manière mystérieuse, comme dans la montagne de l’icône de la Nativité. En elle, le visible et l’invisible s’unissent pour ne plus faire qu’une seule réalité. Or cette union appartient d’abord et avant tout aux sacrements ; l’Église est en elle-même le sacrement de la présence divine et de son amour déifiant offert à l'homme pour qu’il en vive librement. Dans un sacrement, la grâce divine s’unit au symbole matériel de manière mystérieuse pour agir sur l’homme, en tant que personne libre et dans la mesure de sa transparence à la grâce, en le faisant accéder à la réalité nouvelle du Royaume. Or cette action passe en premier lieu par le corps: ce n’est pas un pur esprit qui est trempé dans l’eau, qui est oint d’huile et nourri du pain et du vin, mais un être de chair, totalement incarné. La matière fait pleinement partie de notre vie spirituelle comme elle est une composante essentielle du mystère de l’Église, parce qu’elle a été totalement assumée par le Christ dans l’Incarnation.



Dans l’icône de la Nativité, ce sens ecclésial de la matière est exprimé par la montagne resplendissante de beauté et de lumière, mais il trouve sa plénitude dans la figure extraordinairement belle et rayonnante de la Mère de Dieu. Celle-ci récapitule en elle le mystère de l’Église. Nul mieux qu’elle ne pouvait exprimer ce sens de l’Église comme lieu où l’on renaît à la vie véritable, où l’on meurt à ce monde pour ressusciter dans l’Esprit Saint. Car il lui a été donné de vivre en elle toutes les réalités offertes à l’homme au sein de l’Église. Tout chrétien, en effet, est uni au Christ par le baptême dans une intimité totale et absolue, reçoit l'onction de l’Esprit Saint dans le saint chrême comme elle fut couverte par l’ombre de «la puissance du Très- Haut». Tout chrétien en arrive aussi à porter le Christ en son sein, par l'Eucharistie. De même, tous sont appelés à ressusciter au dernier jour dans la gloire de l’amour divin. Tout cela, la Mère de Dieu l’a vécu avant nous dans l’Annonciation, dans l'enfantement, dans la participation à la Pâque de son Fils et dans sa résurrection corporelle. Dans l’icône de la Nativité, cette plénitude s’exprime dans le hiératisme et la noblesse extraordinaires de la Vierge sur sa couche de Mère, posée au pied de la montagne comme sur un écrin, entourant de sa plénitude les ténèbres de la grotte où se tient son Fils. La royale majesté de sa maternité y dépasse le simple événement historique d’un acte miraculeux isolé dans le temps; elle y annonce tout le renouvellement de la création dans cette union mystérieuse entre Dieu et l’œuvre de ses mains.
étude de l'Archimandrite Gabriel
parue dans la revue Paix n°80


et publiée avec permission de son auteur

samedi 3 janvier 2015

LA DIVINE MATERNITÉ [6] : La création déifiée dans l'Incarnation

La création déifiée dans l'Incarnation : la montagne sainte

La session du Christ dans son Corps à la droite du Père a donc déifié virtuellement toute la création. Or ce mystère doit être considéré comme le but et l'aboutissement de l’lncarnation. Il est donc normal de retrouver cet aspect de déification du monde dans l'icône de la Nativité. Or cette déification n’est pas révélée dans le corps de l’enfant nouveau-né, comme dans l’icône de la Transfiguration où la lumière jaillit du corps du Christ, mais dans la montagne qui entoure les ténèbres de la grotte. [Le bœuf et l’âne, représentés dans la grotte selon une tradition apocryphe, peuvent aussi révéler l'inclusion du règne animal dans ce processus de déification du monde. Les animaux se sont révélés capables de sentir la sainteté d’un homme et d’abandonner face à un saint leur aspect sauvage et dangereux pour entretenir des rapports d’amitié, comme en témoignent le lion de saint Gérasime du Jourdain ou l’ours de saint Séraphin de Sarov. Eux aussi sont concernés par le devenir spirituel de la création.]

L'harmonie de la montagne autour de la Mère de Dieu
La manière de représenter les montagnes dans l'iconographie est très particulière. Tout en n’étant pas réaliste par les proportions ou par la forme, elle suggère pourtant pleinement l’aspect à la fois brut et dynamique de la roche telle qu’on la trouve dans le désert ou en haute montagne. C’est là que la création se révèle dans son aspect le plus sauvage: terrifiante, écrasante et bouleversante de beauté. [Cette manière de représenter les montagnes et le désert en iconographie est, de toute évidence, liée à l'expérience du désert beaucoup plus qu’à celle de la haute montagne.]  Ce qui frappe avant tout, tant dans l'icône de la Nativité que dans celle de la Transfiguration, c’est l'impression de poussée vers le haut suggérée par cette figuration de la montagne. [L’idée de poussée vers le haut est tout-à-fait réaliste sur le plan géologique.] La montagne est liée à l'élévation spirituelle, non dans le sens où le ciel spirituel se trouverait à une certaine altitude par rapport au sol, mais dans un rapport mystérieux avec la révélation de Dieu, dans cette sorte de géographie sacrée établie par le Seigneur. 

La roche du Sinaï et du Mont Thabor ont participé à la révélation de la gloire de Dieu, et la figuration qu’en fait l'iconographie suggère pleinement leur embrasement au contact de la lumière divine. Cette manière d’éclaircir les parties saillantes du rocher, sans ombre portée, suggère l’idée d’une exposition à un rayonnement très puissant mais diffus, rayonnement qui imprègne tellement la matière qu’il semblerait se continuer de manière rémanente. Moïse dut ainsi se couvrir la face en redescendant du Sinaï, tant elle était encore imprégnée de la lumière de Dieu, de même la montagne resplendit de cette même lumière dans l’icône. Une autre roche, celle du Tombeau du Christ, a été le lieu d’un état limite de la création qui ne se reproduira plus avant le Dernier Jour: la Résurrection du corps du Christ. Celle-ci a embrasé la matière pour en marquer le saint Suaire selon un mode qui ne peut être ni connu ni, a fortiori, représenté, et c’est cette même lumière de la Résurrection qui rayonne de la montagne entourant la grotte. La tension vers le haut de la montagne en iconographie exprime le mystère de toute la création. Lorsque saint Paul parle dans son épître aux Romains de l'aspiration de la création tout entière à la révélation des fils de Dieu, de ses gémissements dans son travail d’enfantement, il ne fait pas de la poésie. Il décrit une réalité profonde vécue par de nombreux saints, dont saint Nectaire d’Égine : le chant de la création, sa manière de louer Dieu, mais aussi la soif de plénitude qu’elle éprouve dans l’attente de Dieu. L’amour divin est au coeur de la création comme une fournaise qui la pousse vers Dieu. C’est cette attente mais aussi la réponse à cette attente dans la déification du monde, qu’exprime notre icône.
extrait d'une étude de l'Archimandrite Gabriel
parue dans la revue Paix n°80
et publiée avec permission de son auteur

(à suivre )

mercredi 31 décembre 2014

LA DIVINE MATERNITÉ [6] : le mystère de l'Église, la mère de l'Église

Le mystère de l’Église




Pour comprendre le mystère de l'Incarnation dans sa portée la plus grande, il faut s’arrêter ici un court instant sur ce qui en a marqué l’aboutissement: l’Ascension et le mystère que représente la session du Christ à la droite du Père. Cette idée de «droite du Père» est mystérieuse. Elle indique que le Christ, le Dieu fait homme, partage dans toute la plénitude de ses deux natures, donc aussi bien en tant que Fils de Dieu qu’en tant qu’homme «né de la femme», la gloire, la majesté et la puissance du Père et de l’Esprit. Il faut insister sur l’aspect total et profondément concret de cette exaltation de la nature humaine du Christ, de sa déification. C’est un corps humain véritable, avec toutes ses composantes, qui siège à la droite du Père, avec tout ce que cela implique, même si, ressuscité, ce corps n’appartient plus à notre condition d’hommes déchus. Ce point implique que la création tout entière a été virtuellement divinisée en Christ, récapitulée en lui, et qu’elle partage par ce corps la plénitude de la gloire de Dieu. La conséquence directe de ce fait inouï se retrouve dans le mystère de l'Eucharistie. Celui-ci n’a été rendu possible que par l'événement à la fois historique et éternel de l’Ascension du Christ. La multiplication dans la puissance de 1’Esprit Saint du saint Corps et du précieux Sang dans le pain et le vin consacrés, sur chaque autel, à chaque liturgie, à travers le temps et l'espace, n’a été rendue possible que par cet état totalement mystérieux de la session du Christ à la droite du Père.

Ce mystère n’est autre que le mystère de l’Église. L’unité organique de 1’Église en tant que Corps du Christ dans la plénitude de 1’Esprit Saint est liée à cette universalisation dans la gloire de la chair assumée par le Fils de Dieu dans l’lncarnation. Car, en siégeant à la droite du Père, ce corps mortel ressuscité a dépassé complètement les limitations du temps et de 1’espace. Sa présence ne s’est plus réduite à un point précis du monde, elle s’est étendue à travers tout le cosmos, dans l’universalité et la catholicité de l’Eglise. De la même manière la maternité de la Mère de Dieu s’est trouvée universalisée dans le mystère de l’Église, du fait de cette relation étroite avec son Fils, investissant toute sa personne jusqu’à sa glorification. [Cette gloire n’a été effective dans la personne de la Mère de Dieu qu’à partir de la Pentecôte. De même que l’Église n’a existé en tant que Corps du Christ qu’à partir de la descente personnelle de l’Esprit Saint sur le groupe des disciples, la déification de la Vierge dans la gloire de son Fils ne s’est accomplie en plénitude qu’avec la descente de l’Esprit Saint sur sa personne.]

La Mère de l’Église




Saint Jean raconte comment le Christ, sur la Croix, a donné pour fils à sa mère le «disciple qu’il aimait», afin de le remplacer (Jn 19 ; 26-27).«Dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui». La Tradition a donné à cet épisode un sens général, le disciple bien-aimé personnalisant l'ensemble de ceux qui croiraient au Christ comme sauveur du monde, c'est-à-dire l’Église. Cette maternité nouvelle de la Vierge Marie a été la réponse à son renoncement à son rôle de mère. Elle est liée au mystère de l'eucharistie, dans la compréhension de l’Église comme Corps du Christ, issu de son sein. En communiant au Corps et au Sang du Christ, ce Christ que nous avons «revêtu» après avoir été baptisés en Lui, ce Christ dont nous devenons cohéritiers par adoption, nous pénétrons dans le mystère de l’amour entre le Fils de Dieu et sa Mère. L’assemblée des croyants, c’est-à-dire l’Église, trouve en elle une Mère en qui toute maternité est portée à sa plénitude, purifiée de toute passion utérine. Dans la plénitude de sa sainteté, la Mère de Dieu est devenue le signe mystérieux de la tendresse divine, la rahamim des Hébreux. Cette idée hébraïque de tendresse utérine pouvait ne pas être exempte de passion malsaine dans la condition humaine du fait de l’équivoque issue de la chute. La tendresse maternelle, si importante pour les Juifs, peut être étouffante jusqu’au morbide, nous l’avons vu. Or, après la Croix et la Résurrection puis l’Ascension, la maternité nouvelle à laquelle la Mère de Dieu a été appelée dans l’Église est totalement lumineuse, totalement libératrice pour l’homme. Elle n’appartient pas à ce monde-ci, elle est un mystère du Royaume à venir. 


L’icône de la Nativité récapitule le mystère de l'Incamation dans sa totalité, jusqu’à l’Ascension, non au niveau des événements, mais dans leur conséquence ultime: la gloire de l'humanité et la déification du monde. L’attitude majestueuse de la Vierge, dans cette icône, ne concerne donc pas seulement le fait historique et miraculeux de la naissance virginale de l’homme Jésus. Elle récapitule tout le mystère de cette maternité nouvelle et mystérieuse à laquelle il lui sera donné d’accéder en suivant son Christ dans la Pâque de la Nouvelle Alliance.
extrait d'une étude de l'Archimandrite Gabriel
parue dans la revue Paix n°80
et publiée avec permission de son auteur

(à suivre )

samedi 27 décembre 2014

LA DIVINE MATERNITÉ [5] : Croix et glorification de la Mère de Dieu

La croix de la Mère de Dieu

Lorsque, à celle qui s’écrie «Heureuses les entrailles qui t’ont porté et le sein qui t’a allaité» le Christ répond «Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent» il s’oppose sciemment à une conception de la maternité trop réductrice. 

La prépondérance de la mère dans l’âme juive n’est pas exempte de certains abus, ainsi que le soulignent beaucoup d’humoristes juifs. L’amour maternel peut être abusif, tellement envahissant qu’il peut engendrer de graves inhibitions s’il en arrive à étouffer l’âme en refusant de considérer l’enfant autrement qu’en nourrisson dépendant de sa mère. En annonçant cela, le Christ ne dénigre pas sa Mère, il l’appelle à quelque chose d'infiniment supérieur : suivre son fils, recevoir son enseignement, l'accompagner par compassion jusqu’au pied de la Croix

Cela impliquait de la part de la Mère de Dieu un renoncement total à elle-même, à son rôle de mère, à sa position par rapport à son Fils. Mais comme toujours dans la vie spirituelle, ce renoncement débouche sur une réalité supérieure

Il arrive souvent qu’une mère ressente au plus profond de son sein les souffrances de ses enfants. Il a été donné à la Mère de Dieu de vivre la passion comme un glaive lui transperçant le cœur, ainsi que l’avait annoncé le vieillard Syméon dans le Temple, le jour de la Sainte Rencontre, car la vie humaine qui a été offerte, l’esprit humain qui a été remis entre les mains du Père, le sang qui a été versé, toute cette réalité immense est issue directement de son sein. C’est un peu de son sang qui a coulé après le coup de lance, c’est une part de sa vie qui a été offerte au Père et reçue par lui dans l’effusion de l’Esprit. 



Or cela n’a pas été subi dans la révolte par la Mère de Dieu. Si cette révolte avait eu lieu, si elle avait écouté la voix de ses entrailles de mère en refusant la Croix, son rôle de mère se serait réduit à sa seule dimension biologique, car son esprit aurait été exclu du mystère s’accomplissant. On peut considérer que c’est là, au pied de la croix, que se situe le point véritablement crucial de toute l’attitude de la Mère de Dieu vis-à-vis de son Fils. C’est dans sa réaction à l’horreur de la Croix que s’est décidé le devenir ultime de la Vierge Marie, son passage d’une maternité biologique à une maternité divine. En choisissant de communier librement à la soumission de son Fils, à son adhésion au dessein du Père, Marie a pu participer directement à la Pâque du Christ, au plus profond de sa foi et de son amour pour Dieu, même si cette foi était crucifiante au-delà de toute expression. C’est dans un renoncement libre qu’elle a vécu la mort du fruit de son sein ; c’est pourquoi elle a pu l'accompagner aussi loin dans son œuvre. 

Au pied de la Croix la maternité de toutes les femmes a été baptisée, totalement purifiée de tout aspect morbide. 

Tout cela a été annoncé dans le Temple. À ce moment, le vieillard Syméon, en recevant l’enfant, lui annonce une purification autrement plus profonde que celle prévue par la Loi et dont elle n’avait nul besoin. Toute maternité sera purifiée en elle par ce glaive qui lui déchirera spirituellement le coeur, au Golgotha, le  «lieu du crâne», le tombeau d’Adam. [Une tradition locale raconte que la tombe d’Adam se serait trouvée à l’endroit exacte du Golgotha, le «lieu du crâne». Le crâne représenté sous la croix dans l’icône de la crucifixion serait donc celui d’Adam. Douteuse sur le plan historique ou scientifique, on ne peut dénier à cette tradition un sens théologique particulièrement profond.]  La malédiction d’Ève n’a pas été abolie seulement par la naissance virginale du Christ. C’est au pied de la Croix qu’elle a été totalement effacée, de la même manière que celle d’Adam a été anéantie dans l'obéissance du Nouvel Adam au dessein du Père. 

La glorification de la Mère de Dieu dans la gloire de son Fils

 La participation personnelle de la Vierge ne s’est pas limitée à la Passion et à la mort du Christ; elle l’a suivi jusqu’au terme de la Pâque. Marie n’a pas été seulement la «Vierge des douleurs» chère à la piété catholique. 


[L’insistance catholique romaine sur les souffrances et la mort du Christ,
 au détriment de l’aspect lumineux de déification et de glorification
 de l'humanité et du cosmos dans la victoire du Christ sur la mort, 
s’est ainsi reportée dans la piété mariale.] 

Elle a aussi été la Mère de Dieu glorifiée dans la gloire de son Fils. La purification de la maternité dans la Vierge a été un baptême au sens exact du terme : engloutie dans la souffrance et la mort, cette maternité est ressuscitée dans la gloire du Christ pour accéder à un niveau spirituel beaucoup plus profond. 

La tradition liturgique orthodoxe rapporte, dans le célèbre hirmos de la neuvième ode du canon de Pâques, comment l’Archange Gabriel a renouvelé la plénitude de joie de l’Annonciation en annonçant à la Vierge la Résurrection de son Fils. À travers maintes allusions littéraires au dialogue de l’Annonciation rapporté par saint Luc ainsi qu’aux  textes de 1’Ancien Testament qui lui sont liés, on y retrouve la même expression «Réjouis-toi», mais accompagnée d’expressions encore plus éloquentes: «Resplendis» «Exulte et danse d’allégresse».

 De la même manière, la tradition iconographique et liturgique montre comment la Vierge a été gloriñée dans l’Ascension de son Fils. Cette chair qui siège à la droite du Père est issue de son propre sang, de sa matrice, elle est la chair de sa chair.



extrait d'une étude de l'Archimandrite Gabriel
parue dans la revue Paix n°80
et publiée avec permission de son auteur

(à suivre )


dimanche 21 décembre 2014

La Mère de Dieu a récapitulé en elle, dans son consentement, l'humanité tout entière

LA DIVINE MATERNITÉ [3] 

La gloire de Marie

L'insistance de la tradition sur le rôle de génitrice de Dieu dévolu à la Vierge Marie ne doit pas être compris comme une réduction «machiste» du rôle de la femme. Nous avons vu que la Mère de Dieu a récapitulé en elle, dans son consentement, l'humanité tout entière. Cette attitude était en elle-même suffisante pour la glorifier au-dessus de tous les hommes créés. Son rôle ne s’est pourtant pas arrêté au moment précis de la Nativité. Le fait de donner naissance au Fils de Dieu dans la chair a été assumé et accompli jusque dans ses ultimes conséquences.


En effet, ce rôle dans l'Incarnation a établi la Vierge Marie dans une relation absolument unique vis-à-vis de son Créateur. En naissant d’elle, Dieu a choisi de nouer avec une femme un lien unique d’amour et d’intimité, prenant sa chair pour en faire sa propre chair, prenant son sang pour développer sa vie humaine, se nourrissant de son lait, et se réjouissant de son sourire maternel, portant vers elle tout l’amour d’un enfant pour sa mère! Or, à travers elle, à travers cet amour totalement pur et instinctif, c°est à toute l'humanité et à toute la création qu’il s’est uni. Le mouvement de tendresse et d'amour qui les unit tous deux est l’image et la récapitulation de l'amour entre Dieu et l’homme, entre Dieu et le monde. 

C’est donc l'humanité tout entière, rayonnante de gloire et de majesté, que la Mère de Dieu personnifie dans l’icône de la Nativité, en une attitude extraordinaire de hiératisme et de plénitude dans la maternité.
Pour mieux comprendre ce rôle immense dévolu à une femme dans l’économie du salut, il convient d’explorer la signification de la figure de la Mère dans la tradition juive, et de voir ensuite comment cette signification a été baptisée dans la Nouvelle Alliance.

La gloire maternelle

L'importance de la Mère dans l’Ancien Testament est très grande. Josy Eisenberg fait remarquer que la religion juive «a conservé simultanément la matrilinéarité et la patrilinéarité» (Josy Eisenberg , La Femme au temps de la Bible. Ed. de la Seine, Page 55) Ainsi, tout homme se définit par rapport à son père, en faisant suivre son nom de l'expression «fils de... » et du nom de son père. Les Juifs se nomment ainsi «Samuel ben Aaron», ou «Sarah bat Aaron».
En revanche, d’une part, n’est considéré comme juif que celui qui a une mèrejuive; d’autre part, on recourt au matronyme dans certaines prières particulièrement pathétiques et vitales: à Yom Kippour, dans une invocation solennelle où l’on prie pour le pardon et la vie, dans la prière prononcée devant la Torah pour une personne gravement malade. Ainsi, la mère juive demeure 1’ultime recours, l'intercesseur suprême, source de tout amour; parce qu’elle a donné la vie, elle est celle qui peut obtenir la préservation ou la prolongation (Josy Eisenberg, op. cit., ibid.)

La maternité revêt donc une importance spirituelle très grande dans la Bible. Elle représente la plénitude de la femme, mais aussi la plénitude de l’amour entre l’homme et la femme. Un passage de la Bible manifeste avec une force singulière la joie profonde dans la maternité : le rire de Sarah, la femme d’Abraham à qui Dieu accorde la joie d’enfanter Isaac après une longue vie de stérilité. Ce rire, peut-être unique dans toute la Bible, semble transparaître à travers la grande exultation de l’icône de la Nativité.

«Pêcheur ma mère m’a conçu !»




Cependant, cette vision royale de la maternité doit être tempérée. Depuis la chute et l'expulsion d’Adam et d’Ève hors du jardin d’Éden, la maternité est liée a la souffrance et à la mort. L’une des malédictions adressées par Dieu à Ève concerne l'enfantement dans la douleur. Elle est liée de la même manière à la malédiction de Dieu sur le sol. En fait, toute gestation, toute création, tout enfantement se trouvent entachés de mort, de finitude, et ne peuvent se dérouler sans une part de souffrance et de difficulté depuis la Chute.
Pour Josy Eisenberg, le lien entre la sexualité et la mort, entre Éros et Thanaros est étranger à l’âme juive. Cette idée proviendrait des grecs, et le moralisme, ou du moins le pessimisme de saint Paul sur ce sujet serait une influence de l’hellénisme.

Pourtant ce même auteur reconnaît que le rituel de purification de la mère et de présentation de l’enfant au temple quarante jours après la naissance est justement lié au règne de la mort engravant l’élan vital de la maternité et de la naissance de l’enfant. Ce rituel mosaïque, qui s’est transmis dans l’Église orthodoxe, vise à purifier la mère et l’enfant de la souillure liée à l’acte de l'enfantement. Tout être qui naît dans les conditions de ce monde déchu est voué à la mort. [Toute idée de souillure dans l’Ancien Testament doit se comprendre comme une présence de la mort et de la souffrance depuis la Chute. C’est pourquoi les rituels de purification ont aussi bien un sens médical et corporel, que spirituel, les deux aspects matériel et spirituel étant indissociables dans la Bible.] L’harmonie extraordinaire du corps qui naît et qui est appelée à s’embellir encore dans la croissance et l'épanouissement, est aussi appelée à se dégrader pour finir dans la corruption du tombeau. De même toute vie sur terre est exposée à la souffrance, mais aussi aux imperfections, aux actes contraires à Dieu et à l’amour, à cette réalité résumée sous le terme générique de «péché» dans la Bible. C’est pourquoi le Roi David s’écrit dans le Miserere, lc Psaume 50, où il clame son repentir et son espoir d’être pardonné et racheté par Dieu, «Vois : dans l'iniquité, j'ai été conçu et j'étais dans le péché quand ma mère m'a enfanté »

NB Ce qui précède permet de comprendre que cette iniquité ne soit pas liée à l'acte sexuel en lui-même, mais à la condition déchue de toute naissance humaine, l'injustice régnant sur le monde comme signe de la présence de la mort.


L’enfantement virginal du Christ 




Ce sens déchu de la maternité ne devrait pourtant pas s’appliquer à l’icône de la Nativité. En effet, la naissance du Sauveur s’est accomplie de manière miraculeuse, hors des lois de la nature, dans la virginité de Marie. La tradition la plus ancienne considère que la virginité de la Mère de Dieu n’a pas été atteinte par cette naissance, « la laissant vierge et pure avant comme après l'enfantement », comme le chante une hymne de l’office byzantin. Le mode de cette naissance, nous l’avons vu, a été totalement mystérieux. 
La maternité de la Vierge est d’autant plus royale, d’autant plus majestueuse que, justement, celui qui est né d’elle d’une manière aussi miraculeuse n’a pas été atteint par le péché. Ce n’est pas dans l’iniquité qu’il a été conçu, car il s’est fait semblable aux hommes en tout à l’exception du péché. Né incorruptible, le Christ échappe au règne de la mort, et sa naissance de la Vierge est le signe avant coureur de la réalité ultime du Royaume tel que nous la connaîtrons tous après la résurrection finale. Dans cette éternité de la terre nouvelle et des cieux nouveaux dont parle l’Apocalypse, il n’y aura plus d’enfantement dans la douleur, la création et la gestation de toute nouveauté ne seront plus entachées par la mort, car son règne sera anéanti. 

mardi 16 décembre 2014

LA DIVINE MATERNITÉ [1]

La figuration de la Mère de Dieu dans l'icône de la Nativité



La fête de la Nativité est tout entière liée à l'événement de l'Incarnation du Christ. Son sens est d’abord historique: elle relate dans un langage qui lui est propre l'événement unique et sans précédent de la naissance du Sauveur. Mais derrière l'aspect historique, l’icône révèle le sens théologique et spirituel de cet événement. En ce sens, l’icône n’est pas une photo de reportage. Sa signification va bien au-delà de l’illustration. Comme l’Écriture ou l’hymnographie, son but est d’introduire dans le mystère de la foi célébré par 1’Église. 

Le moment historique de la naissance de Jésus inaugure une ère nouvelle sans équivalent dans l’histoire de toute la création : Dieu se rend présent au sein du monde, de manière personnelle, en s’incarnant. Il s’avance au-delà de la transcendance de sa nature divine pour s’abaisser en assumant notre nature, en se faisant homme comme nous, se rendant semblable à nous en tout sauf le péché. «Le verbe s'est fait chair et Il a habité parmi nous.» ainsi que l’écrit saint Jean dans le Prologue de son évangile. [Jn 1,14 Le terme grec utilisé par saint Jean signifie littéralement: «Il a dressé sa tente parmi nous», allusion manifeste, de l’avis de la plupart des commentateurs, à la Tente du Témoignage servant de Temple à Israël pendant les quarante ans passés dans le désert avant d’entrer dans la Terre promise.]

Or, curieusement, si l’on regarde l’icône de la Nativité, on se rend compte que la figure du Christ est minuscule. Cela tient tout d’abord à une évidence pratique : un nouveau-né occupe un espace très restreint. Mais, dans le même temps, le sens théologique en découle directement. Cette petitesse, correspond à l'abaissement de Dieu dans l'Incarnation. Au moment de sa naissance, ce qui frappe, c’est justement la faiblesse dont Dieu se revêt, sa vulnérabilité, son insignifiance. L’icône de la Nativité n’est pas une représentation de la gloire du Christ, comme la Transfiguration ou la Résurrection, mais de son abaissement, de son humiliation. 

La périphérie de l'icône

Dans le même temps où elle révèle la réalité de l'Incarnation et l'humilité du Dieu fait chair, l’icône va exposer tout ce qui tourne autour de cette naissance: la venue des mages, le doute de Joseph, 
l’annonce des anges aux bergers, le lavement de l’enfant, événements historiques pour la plupart relatés dans les évangiles de l'enfance. C'est l’aspect narratif de l’icône. Ces événements ont leur importance propre, et sont représentés à leur juste valeur. On notera cependant que leur 
position dans l'ensemble de la composition est périphérique. Le sens de cette composition est très clair. Elle signifie que, par rapport au mystère de l'Incarnation, ils sont sinon au second plan (l’absence de perspective dans l’icône empêche justement de parler de second ou de premier plan) du moins autour du mystère. Ils sont périphériques dans la mesure où ils montrent les incidences de cet événement à la fois historique et miraculeux sur le monde ambiant. 

La disposition de ces scènes au sein de l’icône, loin d'être gratuite, a une signification théologique très claire.


La partie supérieure de l'icône :
les anges contemplant le mystère
les mages chevauchant vers Bethléem ( à gauche)
l'annonce aux bergers (à droite)


Au niveau supérieur correspond le contact avec le ciel, dest-à-dire avec le monde des anges : l’annonce des anges aux bergers, l'étoile guidant les mages et venant se placer «au-dessus de l’endroit ou se trouvait l'enfant», et les mages eux-mêmes. Ces signes miraculeux manifestent, à ceux qui sont aptes à recevoir cette annonce, l'événement miraculeux de la naissance du Sauveur. Cette partie supérieure de l’icône caractérise la foi en la divinité de l’enfant qui vient de naître.

Le doute de saint Joseph (cf Mt 1,18-25)
 
Marie se trouvant enceinte avant qu’ils eussent mené une vie commune,
 Joseph est 
tenté de la répudier, ne connaissant pas l'origine divine de cette conception.

Au niveau inférieur, les deux scènes sont terrestres: le doute de Joseph, avec le Diable venant le tenter (représenté sous les traits d’un vieux berger) et le lavement du nouveau-né par les femmes. Cette 
dernière scène n’appartient pas à l’Èvangile. Elle est décrite dans le Protévangile de Jacques, un apocryphe utilisé dans la tradition liturgique. Elle souligne la réalité humaine de l'Incarnation. C’est un enfant comme les autres qui est lavé par les sages-femmes. Le Protévangile de Jacques raconte que celles-ci, appelées par Joseph, arrivèrent après la naissance du Christ. La naissance proprement dite est restée totalement mystérieuse; personne n’y a assisté. Elles se contentèrent donc de laver l'enfant nouveau-né. 

Les sagesfemmes lavant l'enfant nouveau-né


Le centre de l’icône

La signification profonde de l’icône de la Nativité est révélée par son centre. C’est là que le commentaire théologique de l'Incarnation par la tradition iconographique se révèle avec le plus de profondeur.
Ce centre est constitué par le Christ nouveau-né, la Mère de Dieu et les éléments qui leur sont associés, la montagne, la grotte, la crèche, le bœuf et l’âne. Tous ces éléments s’harmonisent pour fomier une sorte d’écrin où vient se placer la figure de l’enfant nouveau-né.

Schéma de construction de l'icône de la Nativité de l'école de Roublev.
 Le centre de l'auréole du Christ est positionné de manière 
très précise,
 tandis que la figure de la mère de Dieu vient s'insérer 
dans les arcs de cercle de construction. D'après Egon Sendler.

Cependant, 1a Mère de Dieu tient dans cette composition une place immense. On serait presque tenté de dire «une place centrale» ce qui n’est pas exact si 1’on regarde la construction de 1’icône. En effet, le centre de construction de l’icône est occupé par l'auréole du Christ nouveau-né. C’est bel et bien le Christ qui forme le centre théologique de l'icône. mais a Mère de Dieu en est la figure la plus voyante, la plus éclatante de majesté? L'icône manifeste ainsi la place unique qu'elle a tenue en tant que femme dans l'économie du salut.


Nativité de St André Roubliov - cathédrale de l'Annonciation de Moscou

extrait d'une étude de l'Archimandrite Gabriel
parue dans la revue Paix n°80
et publiée avec permission de son auteur

(à suivre )