Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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mardi 25 février 2025

L’âme aussi a des aliments qui lui nuisent par St Jean Cassien


Ne croyons pas que la seule abstinence des choses matérielles puisse suffire à la perfection du coeur et à la pureté du corps, si nous n’y joignons pas l’abstinence de l’âme. L’âme aussi a des aliments qui lui nuisent, et quand elle en est trop chargée, elle n’a pas besoin d’autre nourriture pour tomber d’elle-même dans l’impureté. La médisance est un de ces aliments qui la tente. La colère en est un autre, et ce n’est pas le moins lourd. Elle s’en nourrit d’abord avec plaisir; mais elle trouve dans sa douceur un poison mortel. L’envie est un aliment qui corrompt l’âme par l’âcreté de son jus, et la rend misérable en lui montrant sans cesse le bonheur d’autrui. La vaine gloire est un aliment qui lui plaît et la flatte quelque temps, mais qui bientôt l’appauvrit et la dépouille de toute vertu, la rend stérile et incapable de porter aucun fruit spirituel, tellement que non-seulement elle perd tous les mérites de ses anciens efforts, mais qu’elle s’expose encore aux plus grands malheurs. Tout désir déréglé, tout égarement du coeur, est un aliment pour l’âme, et lorsqu’elle s’en nourrit, elle se dégoûte bien vite du pain céleste et de la bonne nourriture. Lorsque nous nous abstenons de ces aliments dangereux, comme la vertu nous en fait un devoir, nous pouvons profiter du jeûne de notre corps. Car la souffrance de la chair, jointe à la contrition du coeur, est un sacrifice agréable à Dieu , et elle lui prépare en nous un sanctuaire et une demeure très-pure. Mais si notre corps jeûne et si notre âme se laisse aller à de coupables convoitises, nos privations corporelles ne nous serviront à rien, puisque nous serons souillés dans la partie la plus précieuse de nous-même, dans notre âme, par laquelle nous devenons le temple du Saint-Esprit; car ce n’est pas une chair corruptible, mais c’est un coeur pur qui devient la demeure de Dieu et le temple du Saint-Esprit. Pendant que l’homme extérieur jeûne, il faut que l’homme intérieur s’abstienne aussi des aliments qui peuvent lui nuire; c’est lui surtout qui doit être pur pour se rendre digne de recevoir le Christ comme le recommande l’Apôtre : «C’est dans l’homme intérieur que le Christ doit habiter par la foi de vos coeurs. » (Éph., III, 17.)

lundi 14 mai 2018

Décadence de l'empire romain

Guillaume Cuchet, « Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement »


Guillaume Cuchet
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement, Éditions du Seuil, Paris, 2018, 276 p.

De nombreux auteurs ont constaté, depuis un demi-siècle, la décadence spectaculaire du catholicisme en France et plus largement en Europe et s’en sont inquiété : Louis Bouyer dans La décomposition du catholicisme (1968), Serge Bonnet, À hue et à dia. Les avatars du cléricalisme sous la Ve République (1973), Michel de Certeau et Jean-Marie Domenach, Le christianisme éclaté (1974), Paul Vigneron, Une histoire des crises du clergé français contemporain (1976), Jean Delumeau, Le christianisme va-t-il mourir ? (1977), Émile Poulat, L’Ère postchrétienne (1994), Mgr Simon, Vers une France païenne ? (1999), Denis Pelletier, La crise catholique (2002), Daniele Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d’un monde (2003), Yves-Marie Hilaire, Les Églises vont-elle disparaître ? (2004), Denis Pelletier, La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978) (2005), Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, Le mystère français (2013), Yvon Tranvouez, La décomposition des chrétientés occidentales (2013).
Dans ce livre – qui détourne le titre du livre de Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, mais pour annoncer l’inversion du processus dont il analysait les commencements – Guillaume Cuchet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris-Est Créteil, spécialisé dans l'histoire du catholicisme, se propose de définir le moment où a commencé cette décadence et de déterminer les raisons de celle-ci. L’un des principaux outils scientifiques qu’il utilise est l’analyse statistique. L’un des critères objectifs qu’il considère, est le taux de pratique dominicale régulière, passée, dans la population française, de 27% en 1952 à 1,8% en 2017. On peut contester ce critère, car, soulignait un article récent de La Croix, on peut être catholique « pratiquant » en ayant d’autres engagements, et il est vrai qu’à défaut d’une telle pratique dominicale, une culture chrétienne peut subsister un certain temps, mais la perte de contact avec la vie liturgique ne peut que l’affaiblir progressivement et la conduire à sa disparition.
Le premier tiers du livre définit l’adhésion au catholicisme telle qu’elle ressort d’une masse de données statistiques établies par le clergé entre 1945 et 1965, et en particulier des statistiques soigneusement et régulièrement établies sur une période plus large (1880-1965) par le chanoine Boulard, sociologue et auteur de quatre volumes de Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, XIXe-XXe siècle.
Selon G. Cuchet, c’est dans les années 60, plus précisément en 1965, que peut être datée la rupture qui a inauguré le processus de décadence du catholicisme en France. Cette rupture coïncide avec le concile Vatican II, ce qui est paradoxal, car ce concile était conçu, par ceux qui l’ont organisé, comme un aggiornamento devant vivifier le catholicisme confronté au monde moderne. Mais, souligne l’auteur qui a examiné diverses hypothèses, « on ne voit pas quel autre événement aurait pu engendrer une telle réaction. Par sa seule existence, dans la mesure où il rendait soudainement envisageable la réforme des anciennes normes, le concile a suffi à les ébranler, d’autant que la réforme liturgique qui concernait la partie la plus visible de la religion pour le grand nombre, a commencé à s’appliquer dès 1964. »
Dans la deuxième moitié de son livre, l’auteur analyse de manière précise les causes, liées au concile, de la rupture et du processus de décadence qui, globalement, continue de nos jours.
Le concile a engendré une perte de repères chez les fidèles. Le texte concilaire Dignitatis humanae, publié en 1965, sur la liberté religieuse, est apparu « comme une sorte d’autorisation officieuse à s’en remettre désormais à son propre jugement en matière de croyances, de comportements et de pratique, qui contrastait fortement avec le régime antérieur », ce qui suscitait chez le père Louis Bouyer cette remarque chagrine : « Chacun ne croit plus, ne pratique plus que ce qui lui chante. »
Dans le domaine de la piété, note Cruchet, des aspects de la réforme liturgique qui pouvaient paraître secondaires, mais qui ne l’étaient pas du tout sur le plan psychologique et anthropologique, comme l’abandon du latin, la communion dans la main, la relativisation des anciennes obligations, ont joué un rôle important. De même que les critiques de la communion solennelle qui se sont multipliées à partir de 1960 et surtout de 1965, ainsi que la nouvelle pastorale du baptême (à partir de 1966) et du mariage (en 1969-1970), qui avait tendance à hausser le niveau d’accès aux sacrements en exigeant des candidats davantage de préparation et d’investissement personnel.
Dans le domaine des croyances, c’est le fait même du changement de discours qui a compté. La variation de l’enseignement officiel rendait sceptiques les humbles, qui en déduisaient que, si l’institution s’était « trompée » hier en donnant pour immuable ce qui avait cessé de l’être, on ne pouvait pas être assuré qu’il n’en irait pas de même à l’avenir. Toute une série de« vérités » anciennes sont tombées brutalement dans l’oubli, comme si le clergé lui-même avait cessé d’y croire ou ne savait plus qu’en dire, après en avoir si longtemps parlé comme de quelque chose d’essentiel.
Un autre domaine dans lequel la conjoncture a pu déstabiliser les fidèles, note l’auteur, « est celui de l’image de l’Église, de sa structure hiérarchique et du sacerdoce. La “crise catholique” des années 1965-1978 fut d’abord une crise du clergé et des militants catholiques. L’abandon de la soutane (dès 1962) et de l’habit religieux, la politisation (à gauche) du clergé, les départs de prêtres, de religieux et de religieuses, parfois suivis de leur mariage, sont apparus à beaucoup comme une véritable “trahison des clercs”, sans équivalent depuis les “déprêtrisations” de la Révolution, qui a eu les mêmes effets déstabilisants. »
Par ailleurs, « le concile a ouvert la voie à ce qu’on pourrait appeler “une sortie collective de la pratique obligatoire sous peine de péché mortel”, laquelle occupait une place centrale dans l’ancien catholicisme. […] Cette ancienne culture de la pratique obligatoire s’exprimait principalement dans le domaine des “commandements de l’Église” que les enfants apprenaient par cœur au catéchisme et dont il convenait de vérifier, lors de l’ examen de conscience préparatoire à la confession, si on les avait bien respectés », et qui incluaient notamment le devoir de sanctifier les dimanches et jours de fêtes, de confesser ses péchés et de communier au moins une fois par an, de jeûner les vendredi, aux veilles de grandes fêtes et aux périodes carémiques dites des « Quatre Temps ». Toutes ces exigences ont été assouplies, au point de disparaître, sauf la communion qui devenait systématique et se faisait sans aucune préparation, la confession et le jeûne ayant pratiquement disparu. L’assouplissement du jeûne eucharistique s’était cependant accompli en plusieurs étapes préalables: en 1953, Pie XII avait décidé, tout en maintenant l’obligation du jeûne depuis minuit avant la communion, que la prise d’eau ne le romprait plus désormais; en 1957, le motu proprio Sacram communionem réduisait le jeûne à trois heures pour la nourriture solide et une heure pour les liquides ; en 1964, Paul VI décréta qu’il suffirait dorénavant d’une heure dans les deux cas, ce qui signifiant concrètement la disparition du jeûne eucharistique, puisqu’une heure est le temps de déplacement jusqu’à l’église et le temps de la messe qui précède la communion.
Pendant cette période conciliaire et post-conciliaire, « il est frappant, note l’auteur, de voir à quel point le clergé a désinstallé volontairement l’ancien système de normes qu’il s’était donné tant de mal à mettre en place », créant inévitablement dans le peuple le sentiment qu’on lui « changeait la religion », et provoquant, dans une partie de celui-ci, une impression de relativisme généralisé.
L’auteur consacre deux chapitres entiers à des causes de décadence qui lui paraissent fondamentales: la crise du sacrement de pénitence et la crise de la prédication des fins dernières.
1) Selon G. Cuchet, « la crise de la confession est un des aspects les plus révélateurs et les plus saisissants de la “crise catholique” des années 1965-1978. » « La chute de la confession constitue en soi un fait sociologique et spirituel majeur dont il est probable qu’historiens et sociologues n’ont pas pris toute la mesure. Rien moins, en somme, que la foudroyante mutation par abandon massif, en l’espace de quelques années seulement, d’une pratique qui a profondément façonné les mentalités catholiques dans la longue durée. » En 1952, 51% des adultes catholiques déclaraient se confesser au moins une fois par an (à Pâques comme il était d’obligation depuis le canon 21 du concile Latran IV de 1215); en 1974, ils n’étaient plus que 29%, et en 1983, 14%. Selon l’auteur, le point de rupture se situe vers 1965-1966, quand la confession a cessé d’être présentée comme le « sacrement de pénitence » pour être présentée comme le « sacrement de réconciliation ». Cela allait de pair:
— avec la fin de la « pratique obligatoire » déjà évoquée, et avec une dépénalisation de l’abstention de la pratique religieuse, considérée auparavant comme un péché parce qu’en rupture avec les commandements de l’Église présentés comme des devoirs impérieux dont il fallait s’acquitter;
— avec une perte du sens du péché dans la conscience de beaucoup de fidèles, mais aussi chez les clercs qui craignaient désormais d’évoquer cette notion, tout comme celle des fins dernières. L’auteur note à ce propos : « Le clergé a cessé assez brutalement de parler de tous ces sujets délicats, comme s’il avait arrêté d’y croire lui-même, en même temps que triomphait dans le discours une vision de Dieu de type rousseauiste : le « Dieu Amour » (et non plus seulement « d’amour ») des années 1960-1970. » « “Les curés ont goudronné la route du ciel”, résumait, au début des années 1970, une vieille paysanne bretonne dans un entretien avec le sociologue Fanch Élégoët. Jadis étroite et escarpée, c’était désormais une autoroute empruntée par tout le monde, ou presque. Moyennant quoi, s’il n’y avait plus de péché ni d’enfer, du moins de péché un peu sérieux susceptible de vous priver du ciel, l’utilité de la confession, dans sa définition traditionnelle, était effectivement moins évidente »;
— avec une déconnexion entre confession et communion. « Dans l’ancien système, on se confessait plus qu’on ne communiait et la confession était d’abord perçue comme une sorte de rituel de purification conditionnant l’accès à l’eucharistie ». Le développement de la communion fréquente, accompagné de la perte du sens du péché, et l’idée d’une partie du clergé, influencé par la psychanalyse, selon laquelle il fallait déculpabiliser les fidèles et les « libérer du confessionnal », a eu pour effet que les fidèles étaient désormais invités à communier sans avoir à se confesser. La communion s’est alors banalisée, tandis que la possibilité même de se confesser n’existait pratiquement plus, les confessions individuelles régulières étant remplacées, à partir de 1974, par des « cérémonies pénitentielles » célébrées une fois par an, avant Pâques ; dans ces rassemblements, les fidèles ne confessaient plus rien (l’auteur les qualifie de « formes de pénitence sans confession ») mais recevaient une absolution collective après avoir écouté un vague discours où la notion de péché était le plus souvent contournée. Et lorsque la possibilité de ses confesser subsistait dans certaines paroisses ou était par la suite restaurée, « les fidèles ne savaient plus très bien comment se confesser , ni même s’il était toujours utile de le faire ».
2) Le dernier chapitre est consacré à une cause de décadence qui paraît également fondamentale à l’auteur: la crise de la prédication des « fins dernières », l’auteur se demandant, dans le titre du chapitre, si cela ne signifie pas au fond « la fin du salut ». L’auteur note que dans les anciens catéchismes et les traités de théologie, une place importante était accordée à la mort, au jugement, et aux deux destinations finales de l’au-delà, l’enfer et le paradis. Inquiets, dès le mois de décembre 1966, de les voir disparaître de l’enseignement et de la prédication, les évêques de France, notaient: « Le péché originel […], ainsi que les fins dernières et le Jugement, sont des points de la doctrine catholique directement liés au salut en Jésus-Christ et dont la présentation aux fidèles fait effectivement difficulté à beaucoup de prêtres chargés de les enseigner. On se tait faute de savoir comment en parler. » Peu de temps avant, le cardinal Ottaviani, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait constaté que le péché originel avait à peu près totalement disparu de la prédication courante. G. Cuchet remarque qu’il ne s’agissait pas seulement d’un problème de présentation du dogme, d’ordre pastoral et pédagogique, mais qu’ « en réalité, il s’agissait bien d’un problème de foi et de doctrine, et d’un malaise partagé entre le clergé et les fidèles. Tout se passait en fait comme si, assez soudainement, au terme de tout un travail de préparation souterrain, des pans entiers de l’ancienne doctrine considérés jusque-là comme essentiels, tels le jugement, l’enfer, le purgatoire, le démon, étaient devenus incroyables pour les fidèles et impensables pour les théologiens. » L’auteur situe cette crise (bien qu’elle ait depuis un certain temps connu des signes avant-coureurs) dans les années 60, tout comme la crise de la confession, en remarquant qu’elle a un rapport étroit avec celle-ci : « L’effondrement de la pratique de la confession obéit à une chronologie identique, en particulier la quasi-disparition en quelques années, voire en quelques mois, du groupe si consistant autrefois de ceux qui se confessaient fréquemment. Le rapport est direct, s’il n’est pas exclusif, avec l’effacement de la notion de péché mortel (au sens de péché susceptible de vous valoir la damnation). » Mais cela avait aussi des incidences sur d’autres sacrement liés aux « fins dernières ». Dans le nouveau rituel du baptême, les exorcismes étaient considérablement réduits (car il ne paraissait pas souhaitable d’insister sur le rôle de Satan auquel une partie du clergé ne croyait plus et qui semblait appartenir à une mythologie dont il fallait libérer les fidèles jugés naïfs); il y avait aussi « une nette sourdine mise sur le péché originel, dont [le baptême] était censé délivrer pour assurer la vie éternelle ».
En ce qui concerne le baptême toujours, une autre réforme allait engendrer la désaffection de beaucoup de fidèles: à partir de décembre 1965, « une nouvelle pastorale du baptême, dont le souci prioritaire était jusque-là de faire baptiser les enfants le plus tôt possible, tend au contraire à en retarder l’échéance, de manière à impliquer davantage les parents dans la préparation ». Il faudrait ajouter qu’un certain nombre de clercs allaient jusqu’à décourager le baptême des enfants, au prétexte qu’il doit s’agir d’un acte libre, volontaire et pleinement conscient, et préconisaient d’attendre le moment de l’adolescence pour le proposer.
La conception même des conditions du salut s’est trouvée modifiée par tous ces facteurs. « L’ancienne ecclésiologie concentrique, avec ses cercles de probabilité décroissante du salut, n’était plus du tout de mise. Vatican II a été, de ce point de vue, le théâtre d’une sorte de nuit du 4 août dans l’au-delà qui a mis fin aux privilèges des catholiques quant au salut. Désormais, l’Église ne se concevrait plus que comme l’instrument d’un salut pour tous, sans discrimination ni privilège, même si les fidèles qu’on avait formés jusque-là dans une tout autre théologie risquaient de s’en trouver un peu déstabilisés et de s’interroger, dans ces conditions, sur les bénéfices réels de l’affiliation. »
Approchant de sa conclusion, l’auteur souligne encore les effets catastrophiques de la crise des années 60 sur la conscience dogmatique des fidèles, qui s’est en quelque sorte protestantisée: « La consécration de la liberté de conscience par le concile a souvent été interprétée dans l’Église, de manière imprévue au départ, comme une liberté nouvelle de la conscience catholique, l’autorisant implicitement à faire le tri dans les dogmes et les pratiques d’obligation. La notion même de dogme (comme croyance obligeant en conscience) est alors devenue problématique. Cette décision majeure du concile, couplée à la notion de “hiérarchie” des vérités, paraît avoir fonctionné dans l’esprit de beaucoup comme une sorte de dépénalisation officielle du “bricolage croyant” qui contrastait grandement avec le régime antérieur, où les vérités de la foi étaient à prendre en bloc et sans droit d’inventaire. Il était à prévoir que les plus désagréables d’entre elles, ou les plus contre-intuitives pour le sens commun, en feraient les frais, ce qui n’a pas manqué en effet de se produire. »

Quels que soient les facteurs externes qui aient pu jouer dans l’effondrement du catholicisme (la mentalité moderne, la pression sociale, etc…), les facteurs internes paraissent déterminants à l’auteur de ce livre.
Le catholicisme lui-même porte une lourde responsabilité dans la déchristianisation de la France (et plus largement de l’Europe, car une analyse faite pour d’autres pays aboutirait à des conclusion identiques). L’aggiornmento réalisé par le concile Vatican II qui se proposait d’affronter les défis du monde moderne, n’a fait que s’accommoder à celui-ci. Pensant l’attirer, il s’est mis à sa remorque. Voulant se faire entendre de son siècle, le catholicisme s’est sécularisé. Craignant d’affirmer son identité, il s’est relativisé, au point qu’un grand nombre de fidèles ne trouvaient plus en lui les repères auxquels il étaient habitués ou qu’ils attendaient, et ne voyaient plus l’intérêt d’aller chercher en lui ce que le monde leur offrait déjà de manière moins contournée.
Les autorités catholiques cherchent à minimiser l’effondrement que décrit ce livre par divers arguments (un grand nombre de français restent catholiques et font baptiser leurs enfants; la pratique religieuse se mesure à d’autres engagements que l’assistance à la messe; la qualité a remplacé la quantité, etc.). Mais elles peinent à convaincre. Jean-Paul II est souvent présenté comme ayant opéré un redressement par rapport aux excès qui ont suivi le concile Vatican II, mais on doit constater que la pratique dominicale est passée en France de 14% au moment de son élection à 5% au moment de son décès en 2005. S’il est vrai que des communautés vivantes existant dans les villes peuvent faire illusion (comme pouvaient faire illusion les rares églises ouvertes sous la période communiste dans les pays de l’Est, bondées en raison de la fermeture des autres), de même que les rassemblement spectaculaires de jeunes lors des JMJ, les campagnes françaises montrent la réalité d’une désertification dramatique: multiplication des églises désaffectées (c’est-à-dire ne servant plus concrètement de lieu de culte), prêtres ayant la charge de 20, voire 30 paroisses, célébrant chaque dimanche une messe « régionale » pour un petit groupe de fidèles en majorité âgés et venus parfois de plusieurs dizaines de kilomètres, disparition des enterrements célébrés par des prêtres faute de célébrants disponibles, absence de contacts entre les prêtres et les fidèles en raison de leur éloignement mutuel et de l’indisponibilité des premiers, plus occupés par des réunions que par les visites pastorales…
La triste évolution de l’Église catholique post-conciliaire telle qu’elle est décrite dans le livre de G. Cuchet, devrait servir de mise en garde aux prélats orthodoxes qui ont rêvé et rêvent encore de convoquer pour l’Église orthodoxe un « grand concile » semblable à celui par lequel l’Église catholique a voulu faire son aggiornamento, mais qui a eu comme principal effet de provoquer son délitement interne et l’hémorragie dramatique d’un grand nombre de ses fidèles.


Jean-Claude Larchet

 

dimanche 1 avril 2018

L'autolimitation (самоограничение) par A. SOLJENITSYNE

«Seule l’autolimitation permettra à l’humanité, toujours plus nombreuse et plus dense, de continuer à exister. Et sa longue évolution aura été vaine si elle ne se pénètre pas de cet esprit : tous les animaux possèdent en effet la liberté de happer des proies et de se remplir le ventre. La liberté humaine, elle, va jusqu’à l’autolimitation volontaire pour le bien d’autrui. Nos obligations doivent toujours dépasser la liberté dont nous jouissons»

 - Des voix sous les décombres 
 - L'erreur de l'Occident


jeudi 15 février 2018

Le repentir, mode d’existence par P. Macaire de Simonos Petra

Extrait du livre de Père Macaire du saint monastère de Simonos Petra de la Sainte Montagne

Le moyen de vivre déjà en Christ avant Pâques


"Les vertus auxquelles appellent les grands hymnographes du Triodion se concentrent essentiellement sur le repentir (métanoia). Elles sont les instruments, ou plutôt les dons de Dieu manifestés par la vie terrestre du Christ, qui permettent à ceux qui se sont éloignés de la grâce du Baptême en retombant dans le péché d’être restaurés, d’être renouvelés totalement à l’image du Christ. 


Plus qu’une vertu proprement dite, le repentir est un mode d’existence (τρόπος ὑπάρξεως), une condition nouvelle de la personne humaine en quête de sa réelle identité en Christ. Il n’est pas seulement une disposition intérieure de pénitence et de regret de son éloignement de l’intimité avec Dieu, mais il est aussi manifesté extérieurement par une conversion de toute la conduite du chrétien, laquelle sera rythmée pendant la Quarantaine par les règles des jeûnes et des offices. Ce « tropos du repentir », cette conversion radicale de l’être engagé sur la voie de la purification et de la restauration de sa beauté virginale acquise au Baptême, n’est certes encore qu’une préparation à recevoir le Christ dans la communion pascale ; mais, introduisant toutes les autres vertus, il apparaît également comme le moyen de vivre déjà en Christ avant Pâques, d’être introduit dans le procès de « divinohumanisation » de l’humanité selon les modalités spécifiques de l’ascèse librement assumée. Le repentir est semblable au burin du sculpteur dégrossissant la masse informe de la matière terrestre pour y faire paraître les vertus, c’est-à-dire le visage du Christ qui en est le plérôme, car « l’essence de toutes les vertus est notre Seigneur Jésus-Christ », affirmait saint Maxime le Confesseur (Ambigua 7, 21, PG 91, 1081D.)"

lundi 4 décembre 2017

Saint Geronda Iakovos Tsalikis, L'Ancien de l'amour, du pardon et du discernement [2/2]

Geronda Iakovos Tsalikis (5/11/1920—21/11/1991)

 par Alexandros Christodoulou  

[2ème partie]



En tant qu'higoumène, il se comportait envers les pères et les visiteurs du monastère avec un excès d'amour, de compréhension et de discernement. Son hospitalité était proverbiale. Le discernement avec lequel il approchait les gens était une ses caractéristiques propres. Il voyait chaque personne comme une image du Christ et avait toujours un bon mot à leur dire. Ses paroles réconfortantes, qui allaient droit au cœur de ses auditeurs, sont devenues le point de départ de leur repentance et de leur vie spirituelle dans l'Église. L'Ancien avait le don, qu'il dissimulait, de perspicacité et de clairvoyance. Il reconnaissait le problème ou le péché de chaque personne et les corrigeait avec discrétion. Illuminé par le Saint-Esprit, il disait à chacun, en quelques mots, exactement ce dont il avait besoin. Saint Porphyre disait du précédent ancien Iakovos : «Gravez mes paroles. Il est l'une des personnes les plus clairvoyantes de notre temps, mais il le cache pour ne pas être loué ».

Dans une lettre adressée au saint monastère de Saint-David, le patriarche œcuménique Bartholomée a écrit : «En ce qui concerne le défunt aîné, avec sa personnalité, on peut dire de lui ce que saint Jean Chrysostome a écrit à propos de saint Mélèce d'Antioche : il a certes enseigné ou éclairé les esprits par la parole, mais le voir seulement était suffisant pour que les âmes de ceux qui le regardaient soient pénétrées de tout son enseignement de la vertu ».

Il a vécu pour la Divine Liturgie, qu'il célébra tous les jours, avec crainte et tremblement, avec dévotion et, littéralement, élévation. En effet les jeunes enfants et ceux qui avaient le cœur pur l'ont vu se déplacer au-dessus du sol ou être assisté par de saints anges. Comme il l'a lui-même dit à très peu de personnes, il a célébré avec les chérubins, les séraphins et les saints. Pendant la proscomédie, il a vu des anges du Seigneur prendre les portions de ceux dont on faisait mémoire et les placer devant le trône du Christ, comme des prières. Quand, à cause de problèmes de santé, il se sentait faible, il priait avant le début de la Divine Liturgie avec ces paroles "Seigneur, avec mes faibles forces d'homme je n'y parviendrai pas, alors aide-moi à célébrer". Après cela, disait-il, il célébrait «comme s'il avait des ailes».

L'un des aspects caractéristiques de sa vie était sa relation avec les saints. Il a vécu avec eux, leur a parlé et les a vus. Il avait une confiance impressionnante envers eux, particulièrement Saint David et Saint Jean le Russe, qu'il considérait littéralement comme ses amis. "Je murmure quelque chose à l'oreille du Saint et il me donne une ligne directe vers le Seigneur" disait-il. Alors qu'il était sur le point de subir une opération à l'hôpital de Halkida, il pria avec foi: «Saint David, n'irez-vous pas à Prokopi chercher Saint Jean, ainsi vous pourrez venir ici et me soutenir pour l'opération? Je ressens le besoin de votre présence et de votre soutien ». Dix minutes plus tard, les saints apparurent et, quand il les vit, l'Ancien se dressa sur son lit et leur dit: «Merci d'avoir répondu à ma demande et de venir ici pour me trouver».

L'une de ses vertus les plus connues était la charité. À maintes reprises, il a donné à tout le monde, selon leurs besoins. Il pouvait dire lesquels des visiteurs du monastère étaient en difficultés financières. Il demandait à leur parler en privé, leur donnait de l'argent et leur demandait de ne le dire à personne. Il n'a jamais voulu que ses actes charitables soient connus.

Un autre don qu'il avait était que, par les prières de Saint David, il était capable d'expulser les démons. Il lisait les prières de l'Église, faisait le signe de la Croix avec le précieux crâne du saint sur les personnes qui souffraient et celles-ci étaient souvent purifiées.

C'était un guide spirituel merveilleux, et grâce à ses conseils, des milliers de personnes sont retournées sur le chemin du Christ. Il aimait ses enfants plus que lui-même. C'est pendant la confession que que l'on pouvait particulièrement apprécier sa sainteté. Il n'a jamais offensé ou attristé personne. Il était justement connu comme "Geronda Iakovos tel Doux".

Il a souffert d'un certain nombre de maladies douloureuses. Une de ses paroles était : «Lucifer a reçu la permission de tourmenter mon corps». Et Dieu a donné son consentement pour ma chair, que j'ai portée pendant soixante-dix ans, à être tourmenté pour une seule raison : que je devienne humble. La dernière des épreuves concernant sa santé a été une crise cardiaque qui était le résultat d'une tentation qu'il avait subie.

Il a toujours eu le souvenir de la mort et du jugement à venir. En effet, il avait prédit sa mort. Il demanda à un hiérodiacre athonite qu'il avait confessé le matin du 21 novembre, dernier jour de sa vie terrestre, de rester au monastère jusqu'à l'après-midi pour l'habiller. Pendant qu'il confessait, il se leva et eut cet échange avec le hiérodiacre : «Lève-toi, fils. La Mère de Dieu, Saint David, Saint Jean le Russe et Saint Iakovos viennent d'entrer dans la cellule. — Pourquoi sont-ils ici, Geronda ? — Prends-moi, mon fils». À ce moment même, ses genoux ont cédé et il s'est effondré. Comme il l'avait prédit, il partit «comme un petit oiseau». Avec un souffle semblable à celui d'un oiseau, il a quitté ce monde le jour de l'Entrée au Temple de la Mère de Dieu. Il a fait sa propre entrée dans le royaume de Dieu. Il était 4h17 dans l'après-midi.

Son corps est demeuré souple et chaud, et le cri qui s'échappa des lèvres de milliers de personnes fut : «Un Saint! Tu es un Saint », témoignant des sentiments des fidèles pour le défunt Iakovos. Maintenant, après sa mort bénie, il intercède pour tout le monde auprès du trône de Dieu, avec une confiance spéciale et exceptionnelle. Des centaines de fidèles peuvent confirmer qu'il a été un bienfaiteur pour eux. 
Alexandros Christodoulos

(version française par Maxime le minime de la source)

mercredi 29 novembre 2017

Saint Geronda Iakovos Tsalikis, L'Ancien de l'amour, du pardon et du discernement [1/2]


Geronda Iakovos Tsalikis (5/11/1920—21/11/1991)

 par Alexandros Christodoulou  

[1ère partie]





Notre époque et la culture d'aujourd'hui se sont malheureusement éloignées de la vision et de la recherche de la sainteté. La foi orthodoxe est fondée sur la présence des saints. Sans cela, notre Église est sur la voie de la sécularisation. Naturellement, comme nous le savons de l'Écriture, Dieu seul est saint, et la sainteté dérive de notre relation avec Lui, et par conséquent la sainteté est théocentrique plutôt qu'anthropocentrique. Notre sainteté dépend de la gloire et de la grâce de Dieu et de notre union avec Lui, pas de nos vertus. La sanctification suppose le libre arbitre de la personne sanctifiée. Comme le dit saint Maxime le Confesseur, tout ce que nous apportons, ce sont nos intentions. Sans celles-ci, Dieu n'agit pas. Et Saint Jean Damascène répète que nous honorons les saints «pour s'être unis librement avec Dieu et de l'avoir fait habiter en eux et que cette participation soit devenue par grâce ce qu'Il est par nature». Les saints n'ont pas cherché à être glorifiés, mais à glorifier Dieu, parce que la sainteté signifie la participation et la communion avec la sainteté de Dieu.

La source de la sainteté dans l'Église orthodoxe est l'Eucharistie divine. En prenant part au Seul Saint, Jésus-Christ, nous devenons saints. Les «choses saintes», le Corps et le Sang du Christ, sont données comme communion «aux saints», les membres de l'Église. La sainteté accompagne la sainte communion. Les luttes ascétiques des saints ne sont pas un but mais un moyen qui mène au but, qui est la communion eucharistique, l'union la plus parfaite et la plus complète avec le Seul Saint. Dans la prière du Seigneur, le «Notre Père», nous voyons que la sanctification est associée au Royaume de Dieu. Nous demandons que Son Royaume vienne dans le monde afin que chacun puisse Le louer et puisse partager sa sainteté et sa gloire, c’est ce que nous appelons la «déification».

Le Royaume de Dieu et la déification sont une extension éternelle de la Divine Liturgie dans l'espace et dans le temps, comme l'écrit saint Maxime le Confesseur. En prenant part à l'Eucharistie divine, les saints deviennent des dieux par grâce, mais ils sont conscients qu'ils « ont le trésor dans des vases d'argile » et qu'ils voient « à travers des lunettes de soleil ». Ils attendent et espèrent le moment où la porte du ciel s'ouvrira et où ils verront Dieu « tel qu'il est ». Leur lutte contre les passions et les démons est continue et ils croient que tout le monde ira au paradis, sauf eux. Ils connaissent leur insignifiance et leur indignité, ils ne croient pas à leur supériorité morale et à leur dignité et, avec l'humilité qu'ils ressentent, ils voient les autres comme des saints, surtout quand ces gens leur rendent des honneurs. Cela est dû à l'amour, qui est la seule chose qui restera dans le Royaume de Dieu.

Un exemple de leur amour pour Dieu est leur lutte personnelle pour observer ses commandements. La soumission à la volonté de Dieu purifie les gens de leurs passions et prépare la place pour que la grâce y établisse sa demeure. Tous les saints sont caractérisés par une attitude d'ascèse et de sacrifice de soi. Selon saint Isaac, la vie ascétique est la mère de la sanctification « d'où naît le premier goût du sens des mystères du Christ». Ou, comme le dit saint Maxime le Confesseur : « Par leur mortification volontaire, refusant tous les maux et toutes les passions ... ils se sont faits pèlerins et étrangers à la vie, combattant hardiment contre les rébellions du monde et du corps ... et ont conservé l'honneur de leur âme ».

C’était un tel vase de la grâce et de la demeure du Saint-Esprit qu’était l'Ancien Iakovos Tsalikis, l'une des plus importantes et saintes personnalités de notre époque, un grand et saint Ancien, un véritable ami de Dieu.

Il était une incarnation vivante de l'Évangile, et sa visée était la sanctification. Dès la petite enfance, il aimait prier et allait dans différentes chapelles, allumait les lampes à icônes et priait les saints. Dans une chapelle de son village, c’est souvent qu’il pouvait parler à Sainte Parascève. Il s'est soumis à l'appel de Dieu, qui lui est venu quand il était encore un petit enfant, s'est renié et a pris la Croix du Christ jusqu'à son dernier souffle. En 1951, il s’est rendu au monastère de Saint David l'Ancien, où il fut reçu de manière miraculeuse par le saint lui-même.

Il fut tonsuré en novembre 1952. Moine il se soumit sans plainte et ne fit rien sans la bénédiction de l'higoumène. Il marchait souvent de quatre à cinq heures pour aller visiter son Ancien, dont l'obédience était celle de prêtre de paroisse dans la petite ville de Limni. La violence qu'il se faisait à lui-même était sa principale caractéristique. Ce n’est pas aisément qu’il se permettait quelque relâchement. Il a vécu des épreuves et des tentations incroyables. La grande pauvreté du monastère, sa cellule gelée avec des volets cassés, le vent froid et la neige qui entrait par les interstices, le manque du strict nécessaire, même de vêtements et de chaussures d'hiver, faisaient frissonner tout son corps et il était souvent malade. Il supportait le poids de la guerre spirituelle, invisible en même que perceptible menée par Satan, qui fut vaincu par l'obéissance, la prière, la douceur et l'humilité d'Iakovos. Il a combattu ses ennemis avec les armes que nous a données notre sainte Église : le jeûne, les veilles et la prière.

Son ascétisme était étonnant. Il mangeait comme un oiseau, selon son biographe. Il dormait par terre pendant deux heures sur vingt-quatre. Toute la nuit était consacrée à la prière. En ce qui concerne son combat, il disait : « Je ne fais rien. Quoi que je fasse, c'est Dieu qui le fait. Saint David m'apporte son soutien pour y parvenir.»

Son humilité, légendaire et inspirante, était ce qui le caractérisait le mieux. Les démons qui étaient chez les personnes possédées venues au monastère le maudissaient et disaient : « Nous voulons te détruire, te neutraliser, t’annihiler, mais nous n’y parvenons pas à cause de ton humilité ». Il insistait toujours sur son manque d'éducation, ses insuffisances et son humilité. C'était typique de lui que, quand il parlait, de temps en temps il disait : « Pardonne-moi. ». Il demandait toujours le pardon des gens, ce qui était un signe de son attitude humble. Un jour qu’il avait été invité à visiter le monastère de Saint George Armas, où l'ancien higoumène était le p. Georges Kapsanis, il répondit  : « Pères, je suis un chien mort. Que ferai-je si je viens vous voir ? Polluer l'air ? » Il avait toujours le sentiment qu'il n'était rien.

Et quand il est devenu higoumène, il disait toujours qu'il n'était pas digne de la responsabilité du monastère : « C’est Saint David qui est l'higoumène ici », soutenait-il. Quand il célébrait avec d'autres prêtres, il allait dans un coin du sanctuaire, les laissant conduire l’office. On lui disait : « Ce n'est pas bien, tu es l’higoumène de ce monastère », il répondait alors : « Fils, c’est Saint David qui est l’higoumène ici. »

Bien qu'il n'en ait pas brigué la charge, il accepta d'être ordonné diacre par Grigorios, l'évêque de Halkida, le 18 décembre 1952. Le lendemain, il devint prêtre. Dans son discours après l'ordination, l'évêque dit : « Et toi, fils, tu seras sanctifié. Continue, avec la puissance de Dieu, et l'Église te déclarera [saint] ». Ses paroles étaient prophétiques. Il a été consacré higoumène le 27 juin 1975 par le métropolite Chrysostome de Halkida, fonction qu’il a remplie jusqu'à sa mort.

(Version française  par Maxime le minime de la source)
À suivre





samedi 14 octobre 2017

LA PRIÈRE DANS NOTRE VIE SPIRITUELLE par Geronda MOÏSE [3]

[3ème partie]

COMMENT PRIER

par Geronda MOÏSE l'Agiorite de bienheureuse mémoire

En condensant les très longues, belles et exhaustives homélies de saint Jean Chrysostome sur la prière, nous vous proposons les points saillants suivants en aide aux personnes qui prient. La prière doit être une pratique systématique et régulière dans notre vie, avec une attitude pieuse et respectueuse, et avec une attention absolue. Pour prier comme nous le devons, avec la révérence appropriée à la conversation avec Dieu, nous devons être conscients du grand bénéfice de la prière, indépendamment de savoir s'il y a eu des réponses spécifiques. La personne dont la prière est vraiment une conversation avec Dieu se transforme en un ange terrestre.

Dieu ne demande pas que nous conversions avec lui en utilisant de belles paroles, mais que ce que nous disons émane d'une âme belle. La prière n'a pas besoin de médiateurs, de formalités ou de rendez-vous aux heures prescrites. La porte de Dieu est toujours ouverte et il nous attend. Si nous nous sentons distants vis-à-vis de Dieu, c'est quelque chose qui dépend totalement de nous. Lui est toujours proche. Nous n'avons pas besoin d'une éloquence particulière. Il nous entend, aussi doucement que nous parlions. Il nous comprend complètement, même si nous disons peu. Toutes les heures sont appropriées et tous les endroits sont bons. Et davantage d’instructions dans l'art de la prière sont inutiles. Il suffit que nous voulions prier ; Alors l'apprentissage devient rapide et sans effort.
C'est la manière de prier qui est significative. Nous devons prier avec perspicacité et contrition cherchant le progrès spirituel, pardonner aux autres et leur demander pardon, en étant vraiment humbles. Nos prières seront reçues et entendues si nous prions comme Dieu nous veut, si nous persistons dans nos prières, si nous cherchons ce qui est profitable à nos âmes et aux âmes des autres, si nos motifs sont purs, et si nous évitons de nous concentrer exclusivement sur les choses matérielles. Et notez bien que si toutes les prières du Prophète Moïse et de saint Paul n'ont pas été entendues par Dieu, c’est simplement parce que cela n'était pas opportun.

On ne saurait trop insister sur le fait que lorsque nous prions, nos efforts ne doivent pas se concentrer exclusivement sur l'idée de recevoir. L'objectif de rendre notre âme meilleure est nécessaire et cela aussi est accompli par la prière. Celui qui prie avec cet objectif devient plus fort que la force des choses mondaines et peut voler haut au-dessus de tous.

Nous avons mentionné plus haut que la prière est entravée par trop de sommeil, trop de nourriture, trop de paroles et de luxe. Si ce sont des obstacles à une prière efficace, alors certainement les veilles, le jeûne, le silence, la quiétude et l'ascétisme sont les ailes qui font que nos prières volent plus haut.

Les veilles sont inséparables de la vie de prière. Comme il n'y a pas d'oiseau sans ailes, il ne peut y avoir une vie de prière sans veilles. Une nuit sans le souvenir de Dieu est comme un jardin sans fleurs, un arbre sans fruit, une maison sans toit. Les prières les plus aimées de Dieu sont celles de la nuit : avant de dormir, après avoir dormi un peu et nous être levé à minuit, et tôt le matin, avant l'aube. De cette façon, nous consacrons la nuit non seulement au repos corporel, mais aussi au bien-être de l'âme. En sacrifiant une partie de notre sommeil, nous donnons quelque chose de nous à Dieu qui a sacrifié son Fils pour nos péchés. La prière nocturne rend notre sommeil plus doux parce que les paroles de prière continuent d'être actives et qu’elles stimulent de beaux rêves. On dit que Saint-Arsenios le Grand avait l’habitude de commencer sa prière chaque samedi soir au moment où le soleil se couchait à l'ouest. Il concluait au moment où le soleil se lève pour briller sur son visage le dimanche matin. C'est ainsi qu'il mesurait son temps de prière!

Un régime simple et frugal de jeûne donne de la clarté à l'esprit et de la vigilance à l'âme. Une personne qui a mangé à satiété ne peut pas prier, de même que ne peut prier celui qui est affamé. On devrait manger juste assez pour ne pas avoir faim, peut-être un peu moins.

Le silence est l'ornement du peuple de Dieu qui mesure ses paroles et n'utilise pas sa langue comme une arme mortelle. La personne qui se complait aux bavardages peut avoir du mal à prier efficacement. La volubilité trouble, fatigue et obscurcit. Le silence concentre l'esprit, donne le repos à l'esprit, et le maintient en état de vigilance constant. Les moines cherchent constamment le coin le plus tranquille possible pour installer leur sanctuaire. L'objectif est d'obtenir que le calme extérieur pénétre dans l'âme, car sans silence intérieur et sans paix, le silence extérieur est inutile. Quand la sérénité de l'âme est accompagnée de gratitude envers Dieu, de grands résultats peuvent être obtenus.

Selon S. Makarios d'Égypte, se garder des pensées et prier avec beaucoup de quiétude et de paix est essentiel à la prière. Et, selon saint Ephrem le Syrien, celui qui prie avec pureté brûlera et bannira les démons, tandis que celui qui prie vace négligence deviendra l’objet de la raillerie des démons.
(Version française de Maxime le minime de la source)


À suivre