Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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vendredi 27 mars 2020

SI NOUS N'AVONS PAS PÂQUES DANS L'ÉGLISE…

   Sur la pandémie


Parole de réconfort par le starets Zacharie

(P. Zacharias, disciple du saint Starets Sophrony, du monastère patriarcal et stavropégique de Saint-Jean-Baptiste, Tolleshunt Knights de Maldon, Essex, Angleterre.)

  sur le site du monastère de Tikhon de Zadonsk 

« […] S'ils nous demandent d'arrêter nos offices religieux, abandonnons et bénissons simplement la Providence de Dieu. D'ailleurs, cela nous rappelle une vieille tradition que les Pères avaient en Palestine : au Grand Carême, le dimanche des laitages, après le pardon mutuel, ils partaient dans le désert pendant quarante jours sans liturgie; ils ne continuaient que le jeûne et la prière afin de se préparer et revenir le dimanche des Rameaux pour célébrer d'une manière pieuse la Passion et la Résurrection du Seigneur. 

Et ainsi, nos circonstances actuelles nous obligent à revivre ce qui existait jadis au sein de l'Église. C'est-à-dire qu'ils nous forcent à vivre une vie plus hésychaste, avec plus de prière, de sorte que soit compensé le manque de la Divine Liturgie et nous prépare à célébrer avec plus de désir et d'inspiration la Passion et la Résurrection du Seigneur Jésus. Ainsi, nous transformerons ce fléau en triomphe de l'hésychasme. 

En tout cas, tout ce que Dieu permet dans notre vie ressort de sa bonté pour le bien-être de l'homme, car Il ne veut jamais que sa créature soit blessée de quelque façon que ce soit. Certes, si nous sommes privés de la Divine Liturgie pendant une plus longue période de temps, nous pouvons le supporter. 
Que recevons-nous dans la liturgie ? Nous participons au Corps et au Sang de Christ, qui sont remplis de Sa grâce. C'est un grand honneur et un grand avantage pour nous, mais nous recevons également la grâce de Dieu de bien d'autres façons. Lorsque nous pratiquons la prière hésychaste, nous demeurons dans la Présence de Dieu avec l'esprit dans le cœur invoquant le Saint Nom du Christ. Le Nom Divin nous apporte la grâce du Christ car il est inséparable de sa personne et nous conduit dans sa présence. Cette Présence du Christ qui nous purifie, nous purifie de nos transgressions et de nos péchés, elle renouvelle et illumine notre cœur afin que l'image de Dieu notre Sauveur, le Christ, puisse s'y former.

 Si nous n'avons pas Pâques dans l'Église, souvenons-nous que tout contact avec le Christ est Pâques. Nous recevons la grâce dans la Divine Liturgie parce que le Seigneur Jésus y est présent, Il accomplit la Sainte Cène et Il est Celui qui est donné aux fidèles. Cependant, lorsque nous invoquons Son Nom, nous entrons dans la même Présence du Christ et recevons la même grâce. Par conséquent, si nous sommes privés de la liturgie, nous avons toujours son nom, nous ne sommes pas privés du Seigneur. De plus, nous avons aussi sa parole, en particulier son évangile. Si sa parole demeure continuellement dans notre cœur, si nous l'étudions et la prions, si elle devient notre langue avec laquelle nous parlons à Dieu comme il nous a parlé, alors nous aurons à nouveau la grâce du Seigneur. Car ses paroles sont des paroles de vie éternelle (Jean 6:68), et le même mystère est accompli, nous recevons sa grâce et nous sommes sanctifiés. De plus, chaque fois que nous montrons de la bonté à nos frères, le Seigneur l’agrée, il considère que nous l'avons fait en son nom et il nous récompense. Nous faisons preuve de bonté envers nos frères et le Seigneur nous récompense de sa grâce. C'est une autre façon dont nous pouvons vivre dans la Présence du Seigneur. 

Nous pouvons avoir la grâce du Seigneur par le jeûne, l'aumône et chaque bonne action. Ainsi, si nous sommes contraints d'éviter de nous rassembler dans l'Église, nous pouvons aussi être unis en esprit dans ces saintes vertus qui sont connues au sein du Corps du Christ, la sainte Église, et qui préservent l'unité des fidèles avec le Christ et avec les autres membres de son corps. Tout ce que nous faisons pour Dieu est une liturgie, car cela sert à notre salut. La liturgie est le grand événement de la vie de l'Église, où les fidèles ont la possibilité d'échanger leur petite vie avec la vie illimitée de Dieu. Cependant, la puissance de cet événement dépend de la préparation que nous effectuons avant, à travers toutes les choses que nous avons mentionnées, à travers la prière, les bonnes actions, le jeûne, l'amour du prochain, le repentir. 

 Par conséquent, mes chers frères, il n'est pas nécessaire de faire des déclarations héroïques contre le gouvernement pour les mesures prophylactiques qu'il prend pour le bien de tous. Nous ne devons pas non plus désespérer, mais seulement rechercher sagement les moyens de ne pas perdre notre communication vivante avec la Personne du Christ. Rien ne peut nous nuire, nous devons simplement être patients pendant un certain temps et Dieu verra notre patience, enlèvera chaque obstacle, chaque tentation et nous verrons à nouveau l'aube des jours joyeux, et nous célébrerons notre espoir et notre amour communs que nous avons en Jésus-Christ. » (version en français par Maxime Martinez de la source)

lundi 14 mai 2018

Décadence de l'empire romain

Guillaume Cuchet, « Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement »


Guillaume Cuchet
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement, Éditions du Seuil, Paris, 2018, 276 p.

De nombreux auteurs ont constaté, depuis un demi-siècle, la décadence spectaculaire du catholicisme en France et plus largement en Europe et s’en sont inquiété : Louis Bouyer dans La décomposition du catholicisme (1968), Serge Bonnet, À hue et à dia. Les avatars du cléricalisme sous la Ve République (1973), Michel de Certeau et Jean-Marie Domenach, Le christianisme éclaté (1974), Paul Vigneron, Une histoire des crises du clergé français contemporain (1976), Jean Delumeau, Le christianisme va-t-il mourir ? (1977), Émile Poulat, L’Ère postchrétienne (1994), Mgr Simon, Vers une France païenne ? (1999), Denis Pelletier, La crise catholique (2002), Daniele Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d’un monde (2003), Yves-Marie Hilaire, Les Églises vont-elle disparaître ? (2004), Denis Pelletier, La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978) (2005), Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, Le mystère français (2013), Yvon Tranvouez, La décomposition des chrétientés occidentales (2013).
Dans ce livre – qui détourne le titre du livre de Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, mais pour annoncer l’inversion du processus dont il analysait les commencements – Guillaume Cuchet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris-Est Créteil, spécialisé dans l'histoire du catholicisme, se propose de définir le moment où a commencé cette décadence et de déterminer les raisons de celle-ci. L’un des principaux outils scientifiques qu’il utilise est l’analyse statistique. L’un des critères objectifs qu’il considère, est le taux de pratique dominicale régulière, passée, dans la population française, de 27% en 1952 à 1,8% en 2017. On peut contester ce critère, car, soulignait un article récent de La Croix, on peut être catholique « pratiquant » en ayant d’autres engagements, et il est vrai qu’à défaut d’une telle pratique dominicale, une culture chrétienne peut subsister un certain temps, mais la perte de contact avec la vie liturgique ne peut que l’affaiblir progressivement et la conduire à sa disparition.
Le premier tiers du livre définit l’adhésion au catholicisme telle qu’elle ressort d’une masse de données statistiques établies par le clergé entre 1945 et 1965, et en particulier des statistiques soigneusement et régulièrement établies sur une période plus large (1880-1965) par le chanoine Boulard, sociologue et auteur de quatre volumes de Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, XIXe-XXe siècle.
Selon G. Cuchet, c’est dans les années 60, plus précisément en 1965, que peut être datée la rupture qui a inauguré le processus de décadence du catholicisme en France. Cette rupture coïncide avec le concile Vatican II, ce qui est paradoxal, car ce concile était conçu, par ceux qui l’ont organisé, comme un aggiornamento devant vivifier le catholicisme confronté au monde moderne. Mais, souligne l’auteur qui a examiné diverses hypothèses, « on ne voit pas quel autre événement aurait pu engendrer une telle réaction. Par sa seule existence, dans la mesure où il rendait soudainement envisageable la réforme des anciennes normes, le concile a suffi à les ébranler, d’autant que la réforme liturgique qui concernait la partie la plus visible de la religion pour le grand nombre, a commencé à s’appliquer dès 1964. »
Dans la deuxième moitié de son livre, l’auteur analyse de manière précise les causes, liées au concile, de la rupture et du processus de décadence qui, globalement, continue de nos jours.
Le concile a engendré une perte de repères chez les fidèles. Le texte concilaire Dignitatis humanae, publié en 1965, sur la liberté religieuse, est apparu « comme une sorte d’autorisation officieuse à s’en remettre désormais à son propre jugement en matière de croyances, de comportements et de pratique, qui contrastait fortement avec le régime antérieur », ce qui suscitait chez le père Louis Bouyer cette remarque chagrine : « Chacun ne croit plus, ne pratique plus que ce qui lui chante. »
Dans le domaine de la piété, note Cruchet, des aspects de la réforme liturgique qui pouvaient paraître secondaires, mais qui ne l’étaient pas du tout sur le plan psychologique et anthropologique, comme l’abandon du latin, la communion dans la main, la relativisation des anciennes obligations, ont joué un rôle important. De même que les critiques de la communion solennelle qui se sont multipliées à partir de 1960 et surtout de 1965, ainsi que la nouvelle pastorale du baptême (à partir de 1966) et du mariage (en 1969-1970), qui avait tendance à hausser le niveau d’accès aux sacrements en exigeant des candidats davantage de préparation et d’investissement personnel.
Dans le domaine des croyances, c’est le fait même du changement de discours qui a compté. La variation de l’enseignement officiel rendait sceptiques les humbles, qui en déduisaient que, si l’institution s’était « trompée » hier en donnant pour immuable ce qui avait cessé de l’être, on ne pouvait pas être assuré qu’il n’en irait pas de même à l’avenir. Toute une série de« vérités » anciennes sont tombées brutalement dans l’oubli, comme si le clergé lui-même avait cessé d’y croire ou ne savait plus qu’en dire, après en avoir si longtemps parlé comme de quelque chose d’essentiel.
Un autre domaine dans lequel la conjoncture a pu déstabiliser les fidèles, note l’auteur, « est celui de l’image de l’Église, de sa structure hiérarchique et du sacerdoce. La “crise catholique” des années 1965-1978 fut d’abord une crise du clergé et des militants catholiques. L’abandon de la soutane (dès 1962) et de l’habit religieux, la politisation (à gauche) du clergé, les départs de prêtres, de religieux et de religieuses, parfois suivis de leur mariage, sont apparus à beaucoup comme une véritable “trahison des clercs”, sans équivalent depuis les “déprêtrisations” de la Révolution, qui a eu les mêmes effets déstabilisants. »
Par ailleurs, « le concile a ouvert la voie à ce qu’on pourrait appeler “une sortie collective de la pratique obligatoire sous peine de péché mortel”, laquelle occupait une place centrale dans l’ancien catholicisme. […] Cette ancienne culture de la pratique obligatoire s’exprimait principalement dans le domaine des “commandements de l’Église” que les enfants apprenaient par cœur au catéchisme et dont il convenait de vérifier, lors de l’ examen de conscience préparatoire à la confession, si on les avait bien respectés », et qui incluaient notamment le devoir de sanctifier les dimanches et jours de fêtes, de confesser ses péchés et de communier au moins une fois par an, de jeûner les vendredi, aux veilles de grandes fêtes et aux périodes carémiques dites des « Quatre Temps ». Toutes ces exigences ont été assouplies, au point de disparaître, sauf la communion qui devenait systématique et se faisait sans aucune préparation, la confession et le jeûne ayant pratiquement disparu. L’assouplissement du jeûne eucharistique s’était cependant accompli en plusieurs étapes préalables: en 1953, Pie XII avait décidé, tout en maintenant l’obligation du jeûne depuis minuit avant la communion, que la prise d’eau ne le romprait plus désormais; en 1957, le motu proprio Sacram communionem réduisait le jeûne à trois heures pour la nourriture solide et une heure pour les liquides ; en 1964, Paul VI décréta qu’il suffirait dorénavant d’une heure dans les deux cas, ce qui signifiant concrètement la disparition du jeûne eucharistique, puisqu’une heure est le temps de déplacement jusqu’à l’église et le temps de la messe qui précède la communion.
Pendant cette période conciliaire et post-conciliaire, « il est frappant, note l’auteur, de voir à quel point le clergé a désinstallé volontairement l’ancien système de normes qu’il s’était donné tant de mal à mettre en place », créant inévitablement dans le peuple le sentiment qu’on lui « changeait la religion », et provoquant, dans une partie de celui-ci, une impression de relativisme généralisé.
L’auteur consacre deux chapitres entiers à des causes de décadence qui lui paraissent fondamentales: la crise du sacrement de pénitence et la crise de la prédication des fins dernières.
1) Selon G. Cuchet, « la crise de la confession est un des aspects les plus révélateurs et les plus saisissants de la “crise catholique” des années 1965-1978. » « La chute de la confession constitue en soi un fait sociologique et spirituel majeur dont il est probable qu’historiens et sociologues n’ont pas pris toute la mesure. Rien moins, en somme, que la foudroyante mutation par abandon massif, en l’espace de quelques années seulement, d’une pratique qui a profondément façonné les mentalités catholiques dans la longue durée. » En 1952, 51% des adultes catholiques déclaraient se confesser au moins une fois par an (à Pâques comme il était d’obligation depuis le canon 21 du concile Latran IV de 1215); en 1974, ils n’étaient plus que 29%, et en 1983, 14%. Selon l’auteur, le point de rupture se situe vers 1965-1966, quand la confession a cessé d’être présentée comme le « sacrement de pénitence » pour être présentée comme le « sacrement de réconciliation ». Cela allait de pair:
— avec la fin de la « pratique obligatoire » déjà évoquée, et avec une dépénalisation de l’abstention de la pratique religieuse, considérée auparavant comme un péché parce qu’en rupture avec les commandements de l’Église présentés comme des devoirs impérieux dont il fallait s’acquitter;
— avec une perte du sens du péché dans la conscience de beaucoup de fidèles, mais aussi chez les clercs qui craignaient désormais d’évoquer cette notion, tout comme celle des fins dernières. L’auteur note à ce propos : « Le clergé a cessé assez brutalement de parler de tous ces sujets délicats, comme s’il avait arrêté d’y croire lui-même, en même temps que triomphait dans le discours une vision de Dieu de type rousseauiste : le « Dieu Amour » (et non plus seulement « d’amour ») des années 1960-1970. » « “Les curés ont goudronné la route du ciel”, résumait, au début des années 1970, une vieille paysanne bretonne dans un entretien avec le sociologue Fanch Élégoët. Jadis étroite et escarpée, c’était désormais une autoroute empruntée par tout le monde, ou presque. Moyennant quoi, s’il n’y avait plus de péché ni d’enfer, du moins de péché un peu sérieux susceptible de vous priver du ciel, l’utilité de la confession, dans sa définition traditionnelle, était effectivement moins évidente »;
— avec une déconnexion entre confession et communion. « Dans l’ancien système, on se confessait plus qu’on ne communiait et la confession était d’abord perçue comme une sorte de rituel de purification conditionnant l’accès à l’eucharistie ». Le développement de la communion fréquente, accompagné de la perte du sens du péché, et l’idée d’une partie du clergé, influencé par la psychanalyse, selon laquelle il fallait déculpabiliser les fidèles et les « libérer du confessionnal », a eu pour effet que les fidèles étaient désormais invités à communier sans avoir à se confesser. La communion s’est alors banalisée, tandis que la possibilité même de se confesser n’existait pratiquement plus, les confessions individuelles régulières étant remplacées, à partir de 1974, par des « cérémonies pénitentielles » célébrées une fois par an, avant Pâques ; dans ces rassemblements, les fidèles ne confessaient plus rien (l’auteur les qualifie de « formes de pénitence sans confession ») mais recevaient une absolution collective après avoir écouté un vague discours où la notion de péché était le plus souvent contournée. Et lorsque la possibilité de ses confesser subsistait dans certaines paroisses ou était par la suite restaurée, « les fidèles ne savaient plus très bien comment se confesser , ni même s’il était toujours utile de le faire ».
2) Le dernier chapitre est consacré à une cause de décadence qui paraît également fondamentale à l’auteur: la crise de la prédication des « fins dernières », l’auteur se demandant, dans le titre du chapitre, si cela ne signifie pas au fond « la fin du salut ». L’auteur note que dans les anciens catéchismes et les traités de théologie, une place importante était accordée à la mort, au jugement, et aux deux destinations finales de l’au-delà, l’enfer et le paradis. Inquiets, dès le mois de décembre 1966, de les voir disparaître de l’enseignement et de la prédication, les évêques de France, notaient: « Le péché originel […], ainsi que les fins dernières et le Jugement, sont des points de la doctrine catholique directement liés au salut en Jésus-Christ et dont la présentation aux fidèles fait effectivement difficulté à beaucoup de prêtres chargés de les enseigner. On se tait faute de savoir comment en parler. » Peu de temps avant, le cardinal Ottaviani, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait constaté que le péché originel avait à peu près totalement disparu de la prédication courante. G. Cuchet remarque qu’il ne s’agissait pas seulement d’un problème de présentation du dogme, d’ordre pastoral et pédagogique, mais qu’ « en réalité, il s’agissait bien d’un problème de foi et de doctrine, et d’un malaise partagé entre le clergé et les fidèles. Tout se passait en fait comme si, assez soudainement, au terme de tout un travail de préparation souterrain, des pans entiers de l’ancienne doctrine considérés jusque-là comme essentiels, tels le jugement, l’enfer, le purgatoire, le démon, étaient devenus incroyables pour les fidèles et impensables pour les théologiens. » L’auteur situe cette crise (bien qu’elle ait depuis un certain temps connu des signes avant-coureurs) dans les années 60, tout comme la crise de la confession, en remarquant qu’elle a un rapport étroit avec celle-ci : « L’effondrement de la pratique de la confession obéit à une chronologie identique, en particulier la quasi-disparition en quelques années, voire en quelques mois, du groupe si consistant autrefois de ceux qui se confessaient fréquemment. Le rapport est direct, s’il n’est pas exclusif, avec l’effacement de la notion de péché mortel (au sens de péché susceptible de vous valoir la damnation). » Mais cela avait aussi des incidences sur d’autres sacrement liés aux « fins dernières ». Dans le nouveau rituel du baptême, les exorcismes étaient considérablement réduits (car il ne paraissait pas souhaitable d’insister sur le rôle de Satan auquel une partie du clergé ne croyait plus et qui semblait appartenir à une mythologie dont il fallait libérer les fidèles jugés naïfs); il y avait aussi « une nette sourdine mise sur le péché originel, dont [le baptême] était censé délivrer pour assurer la vie éternelle ».
En ce qui concerne le baptême toujours, une autre réforme allait engendrer la désaffection de beaucoup de fidèles: à partir de décembre 1965, « une nouvelle pastorale du baptême, dont le souci prioritaire était jusque-là de faire baptiser les enfants le plus tôt possible, tend au contraire à en retarder l’échéance, de manière à impliquer davantage les parents dans la préparation ». Il faudrait ajouter qu’un certain nombre de clercs allaient jusqu’à décourager le baptême des enfants, au prétexte qu’il doit s’agir d’un acte libre, volontaire et pleinement conscient, et préconisaient d’attendre le moment de l’adolescence pour le proposer.
La conception même des conditions du salut s’est trouvée modifiée par tous ces facteurs. « L’ancienne ecclésiologie concentrique, avec ses cercles de probabilité décroissante du salut, n’était plus du tout de mise. Vatican II a été, de ce point de vue, le théâtre d’une sorte de nuit du 4 août dans l’au-delà qui a mis fin aux privilèges des catholiques quant au salut. Désormais, l’Église ne se concevrait plus que comme l’instrument d’un salut pour tous, sans discrimination ni privilège, même si les fidèles qu’on avait formés jusque-là dans une tout autre théologie risquaient de s’en trouver un peu déstabilisés et de s’interroger, dans ces conditions, sur les bénéfices réels de l’affiliation. »
Approchant de sa conclusion, l’auteur souligne encore les effets catastrophiques de la crise des années 60 sur la conscience dogmatique des fidèles, qui s’est en quelque sorte protestantisée: « La consécration de la liberté de conscience par le concile a souvent été interprétée dans l’Église, de manière imprévue au départ, comme une liberté nouvelle de la conscience catholique, l’autorisant implicitement à faire le tri dans les dogmes et les pratiques d’obligation. La notion même de dogme (comme croyance obligeant en conscience) est alors devenue problématique. Cette décision majeure du concile, couplée à la notion de “hiérarchie” des vérités, paraît avoir fonctionné dans l’esprit de beaucoup comme une sorte de dépénalisation officielle du “bricolage croyant” qui contrastait grandement avec le régime antérieur, où les vérités de la foi étaient à prendre en bloc et sans droit d’inventaire. Il était à prévoir que les plus désagréables d’entre elles, ou les plus contre-intuitives pour le sens commun, en feraient les frais, ce qui n’a pas manqué en effet de se produire. »

Quels que soient les facteurs externes qui aient pu jouer dans l’effondrement du catholicisme (la mentalité moderne, la pression sociale, etc…), les facteurs internes paraissent déterminants à l’auteur de ce livre.
Le catholicisme lui-même porte une lourde responsabilité dans la déchristianisation de la France (et plus largement de l’Europe, car une analyse faite pour d’autres pays aboutirait à des conclusion identiques). L’aggiornmento réalisé par le concile Vatican II qui se proposait d’affronter les défis du monde moderne, n’a fait que s’accommoder à celui-ci. Pensant l’attirer, il s’est mis à sa remorque. Voulant se faire entendre de son siècle, le catholicisme s’est sécularisé. Craignant d’affirmer son identité, il s’est relativisé, au point qu’un grand nombre de fidèles ne trouvaient plus en lui les repères auxquels il étaient habitués ou qu’ils attendaient, et ne voyaient plus l’intérêt d’aller chercher en lui ce que le monde leur offrait déjà de manière moins contournée.
Les autorités catholiques cherchent à minimiser l’effondrement que décrit ce livre par divers arguments (un grand nombre de français restent catholiques et font baptiser leurs enfants; la pratique religieuse se mesure à d’autres engagements que l’assistance à la messe; la qualité a remplacé la quantité, etc.). Mais elles peinent à convaincre. Jean-Paul II est souvent présenté comme ayant opéré un redressement par rapport aux excès qui ont suivi le concile Vatican II, mais on doit constater que la pratique dominicale est passée en France de 14% au moment de son élection à 5% au moment de son décès en 2005. S’il est vrai que des communautés vivantes existant dans les villes peuvent faire illusion (comme pouvaient faire illusion les rares églises ouvertes sous la période communiste dans les pays de l’Est, bondées en raison de la fermeture des autres), de même que les rassemblement spectaculaires de jeunes lors des JMJ, les campagnes françaises montrent la réalité d’une désertification dramatique: multiplication des églises désaffectées (c’est-à-dire ne servant plus concrètement de lieu de culte), prêtres ayant la charge de 20, voire 30 paroisses, célébrant chaque dimanche une messe « régionale » pour un petit groupe de fidèles en majorité âgés et venus parfois de plusieurs dizaines de kilomètres, disparition des enterrements célébrés par des prêtres faute de célébrants disponibles, absence de contacts entre les prêtres et les fidèles en raison de leur éloignement mutuel et de l’indisponibilité des premiers, plus occupés par des réunions que par les visites pastorales…
La triste évolution de l’Église catholique post-conciliaire telle qu’elle est décrite dans le livre de G. Cuchet, devrait servir de mise en garde aux prélats orthodoxes qui ont rêvé et rêvent encore de convoquer pour l’Église orthodoxe un « grand concile » semblable à celui par lequel l’Église catholique a voulu faire son aggiornamento, mais qui a eu comme principal effet de provoquer son délitement interne et l’hémorragie dramatique d’un grand nombre de ses fidèles.


Jean-Claude Larchet

 

mercredi 13 décembre 2017

« Spiritualité et communion dans la liturgie orthodoxe» de Dumitru Stăniloae



En librairie à partir d’aujourd’hui : Spiritualité et communion dans la liturgie orthodoxe de Dumitru Stăniloae(1903-1993) aux éditions Artège-Lethielleux, introduction, notes et traduction du roumain par le P. Jean Boboc, préface du patriarche Daniel de Roumanie, 638 pages, 34 euros. L’ouvrage approfondit tous les aspects et tous les moments de la liturgie.

Présentation de l’éditeur : « Reprenant le thème de l’explication de la divine liturgie inaugurée par le byzantin Nicolas Cabasilas, le père Stăniloae commente chaque moment et chaque prière de la liturgie, lui donnant l’occasion d’un approfondissement du sens, d’une méditation personnelle et d’un commentaire homélitique propre à son génie. On y découvre le lien profond entre la théologie et la spiritualité liturgique et ascétique de l’orthodoxie. À l’heure où les chrétiens d’Occident recherchent les richesses du christianisme oriental, ce livre est l’occasion d’un ressourcement sur le sens de la liturgie et de l’eucharistie. »




dimanche 3 septembre 2017

MESSAGE aux amis catholiques qui me lisent encore

De la véritable communion au lieu d'une union de pure com.


Encore une fois, mon article du 20 août ne visait pas tous les fidèles catholiques sans discernement, parmi lesquels j'ai autant d'amis que chez des personnes indifférentes à toute croyance mais qui appartiennent à la même communauté culturelle, à la même patrie que moi et dont je me sens absolument solidaire dans la vie réelle, sociale et politique de tous les jours.

Cette liste établie  des tentatives avortées du clergé catholique (qui cherche chaque fois un angle d'attaque qui n'a pour résultat que l'effondrement d'un pan de plus de l'ensemble) pour conserver voire faire revenir à l'église ses ouailles en errance vise à montrer à quel point est vaine cette stratégie, qui ne veut toujours pas analyser en profondeur les causes non seulement de l'anticléricalisme, mais de l'antichristianisme contemporains.

Certes ce qui est devenu une persécution des chrétiens constante à divers degrés est une oeuvre démoniaque de longue date (et perpétuée avec une haine tenace autant que méthodique) mais l'errance est aussi du fait humain, car le malin serait moins efficace sans la collaboration des hommes : l'orgueil, l'arrogance, la soif et l'abus de pouvoir du haut clergé  sont également à l'oeuvre. Et enfin les errances théologiques par rapport à l'orthodoxie primitive de la foi (théorie et praxis) des  premiers siècles du Christianisme (conservée précieusement jusqu'à présent et vécue expérimentalement par les saints ascètes de l'Église Orthodoxe et bien souvent par le martyre en outre) sont bien évidemment en grande partie le fondement de tout ce rejet de la foi chrétienne.

Il y a donc lieu de s'armer à la fois de courage et d'humilité pour déconstruire toutes ces fausses doctrines qui ont transformé la foi en idéologie et l'Église en institution humaine ( trop humaine) non pas pour  fragiliser encore davantage la foi des chrétiens catholiques (comme y sont d'ailleurs parfaitement parvenues avec efficacité sans aucun doute toutes ces  tentatives catholiques elles-mêmes dénoncées dans ma liste) mais pour la réorienter dans la bonne direction, et la restaurer dans la force de ses origines… au lieu de chercher à  faire adhérer à ces successives erreurs tragiques qui ont mené au bord du précipice ce qui reste de bien heureusement orthodoxe dans la Chrétienté, et ceci par la ruse, ou par la force, à la satisfaction narquoise des ennemis du Christianisme, avec en outre le concours stupidement aveugle, ou pire ambitieux et sans vergogne  d'une partie du haut clergé dit orthodoxe… complice de leur propre insignifiance à venir et de leur futures propre chute et disparition (à leur tour) - à plus ou moins long terme.

Il faut se rendre à l'évidence, paradoxalement - mais seulement si l'on conserve cette optique unioniste vaticane - plus les orthodoxes se rapprocheront de Rome (telle qu'elle se présente au monde) pour s'y unir et plus les forces démoniaques se réjouiront. Ce genre d'union ne fera pas la force du christianisme, contrairement au dicton.

Quand tout sera "catholicisé", même apparemment "enrichi" par des apports d’apparence orthodoxe, quand les orthodoxes unis seront devenus des « uniates », il n’y aura simplement que des apparences d’Orthodoxie. Tout ce que l’Orthodoxie est censée apporter de richesses liturgiques et spirituelles à l’occident chrétien défaillant sera réduit à des habillages, des présentations variées de la même institution, de la même structure, de la même hiérarchie, du même enseignement erroné et rejeté avec les mêmes effets sur le monde que ceux du Vatican.

Et par là même tout ce qui fait dénigrer notre foi par ses ennemis sera multiplié, renforcé. Notre union sur de mauvaises bases fera leur force et non la nôtre.

À quoi servirait d’augmenter le nombre de catholiques dans le monde si leur foi est variable relative, selon les régions, les époques et sans cesse fragilisée par des contradictions, des fantaisies personnelles, des divergences théologiques de différents groupes ? N’y a-t-il pas suffisamment d’embuches et de chausse-trappes tendus par l’extérieur de l’Église pour en rajouter à l’intérieur ?

Seule une foi commune, sans compromission, sans contradictions, sans ambigüité, sans hérésie aucune, sera une foi forte dont on peut être sûr alors qu’elle unira tous les chrétiens dans une totale communion.

Le Seigneur, Lui-même, l’a dit : c’est sur cette foi, la foi orthodoxe de toujours, solide comme le roc que l’Église sera inébranlable. C’est sur cette foi et non sur un homme fût-il proclamé 
« Souverain Pontife », « Vicaire du Christ », « chef spirituel des chrétiens» ou autre. 

Peu importe la personnalité de celui qui tiendra ce rôle, tout sera identifié, assimilé, avec la pire image qui soit, déjà grandement disqualifiée, même et surtout si - après avoir peu à peu tout renié -  il endosse alors l'habit du chef d'une nouvelle religion mondiale universelle.  Une religion qui n'aura plus grand chose avec la foi de nos Pères qui a porté les fruits du véritable amour divin, que l'on peut constater chez les saints authentiques et non pas cet amour de pacotille imaginaire autant que spectaculaire pour media people, qui n'est même pas réellement humain mais plutôt idéologique.

Alors faites votre choix mais de grâce ouvrez les yeux !
pour notre intérêt à tous, pécheurs que nous sommes parmi lesquels je ne suis pas le dernier…
Maxime Martinez


samedi 13 août 2016

PRÉPARATION À LA COMMUNION par le regretté P. Élie de bienheureuse mémoire


L’Église nous propose, pour notre cheminement et notre élévation vers Dieu, des règles qui peuvent paraître inabordables par leur sévérité à certains. Mais Elle suit le précepte du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Néanmoins dans toute son approche du fidèle, L’Église agit avec pédagogie (voir, entre autres, les semaines préparatoires au Carême de Pâques et le Grand Carême lui- même dans « Le Grand Carême » du père Alexandre Schmemann). Il convient donc pour lefidèle d’établir des relations de prière et de confiance avec un père spirituel qui, ayant acquis une expérience spirituelle certaine, pourra judicieusement donner des conseils et des instructions pour la croissance spirituelle et le « dosage » des efforts. 

Le sacrement de la Communion a été institué par notre Seigneur Jésus Christ Lui-même. Il a dit lorsqu’il enseignait à Capharnaüm : « Je suis 1e pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. »Et même, «le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde » (Jean 6, 51). Et plus loin : « En vérité je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez de son sang, vous n’aurez pas la vie en vous » (Jean 6, 53). Plus tard lors de la Sainte Cène, le Seigneur Jésus prit le pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant : « Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui sera répandu pour la multitude en rémission des péchés. » (Matthieu 26, 26-28). Ces paroles du Seigneur Jésus, l’Église les appelle institutionnelles car c'est par elles que fut instituée institué le sacrement de l’Eucharistie. En accomplissant ce sacrement, l’Église (en la personne de l’évêque ou du prêtre qui le remplace) prie : « Et nous tous qui participons au même Pain et au même Calice, fais que nous soyons unis les uns aux autres dans la communion de l’unique Esprit-Saint... » (liturgie de Basile-le-Grand). Cela veut dire que la communion aux Saintes Espèces fait de nous le Corps unique du Christ qui nous lie dans la communion de l’unique Esprit Saint... L’Église prie ensuite «... purifie-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit,... afin que, recevant avec le témoignage d’une conscience pure notre part de tes Saints Mystères, nous soyons unis au Corps sacré et au Sang de ton Christ, et, les ayant reçus dignement, nous possédions le Christ demeurant dans nos cœurs et devenions les temples de ton Saint-Esprit » (Lit. de St. Basile, prière avant le « Notre Père »). Dans cette prière comme nous le voyons, l’Église demande que chacun d’entre nous qui communie aux Saintes Espèces soit uni au Christ et que chacun devienne le temple du Saint-Esprit.

Il est entendu qu’il faut éviter de s’approcher d’un si grand sacrement de façon indigne. Le saint Apôtre Paul écrivait : « car celui qui mange et boit de façon indigne, mange et boit pour sa propre condamnation s'il ne discerne pas le Corps du Seigneur. Voilà pourquoi il y a parmi vous beaucoup de malades et d’infirmes, et que bon nombre meurent» (1 Cor. l1, 29-30). 

« Homme , si tu veux manger le corps du Maître, approche avec crainte afin de ne pas être brûlé par le feu » (office avant la communion).

La condition indispensable à la participation au Saint Mystère est de n’avoir aucune animosité dans l’âme et le coeur — c’est la réconciliation avec tous : « afin de boire le Sang Divin de la communion, commence par te réconcilier avec ceux qui t’ont chagriné ». Puis ose manger la nourriture du mystère (dans la même prière). D’autre part, il existe des empêchements à la communion tels que : excommu- nication ou interdiction de communier prononcées par l’évêque ou par le confesseur. L’Église appelle «d’une voix de mère » les croyants à communier au moins cinq fois par an (à chacun des quatre carêmes et le jour de la commémoration de leur saint) et prescrit avant la communion une préparation spéciale (говение en russe) qui consiste en un jeûne renforcé et en la lecture de canons et de prières de pénitence. Le temps de la préparation est fixé par le confesseur et varie de sept à un jour selon les « besoins » (instructions pour le prêtre). Il est bien entendu que le degré du jeûne et le caractère de la préparation sont adaptés par le confesseur à l’état physique et spirituel du pénitent. Pendant cette préparation, ceux qui sont mariés doivent également s’abstenir de rapports conjugaux. Avant la communion « il faut que celui qui se prépare, confesse au prêtre tous ses péchés... qu’il s’abstienne à partir de minuit de tout (c’est-à-dire : ne rien manger, ne rien boire et, bien sûr, ne pas fumer, note l'auteur), afin de s’adonner à la prière, aux métanies et aux méditations spirituelles (instructions pour leprêtre) ». La veille et le matin même, il faut lire les prières avant la sainte communion qui se trouvent dans tous les livres de prières. Il est bien sûr indispensable d’arriver à l’heure à l’église pour la liturgie (et non pas au moment de l’hymne des Chérubins, comme beaucoup le font). En général il faut remarquer que la meilleure préparation à la communion est la participation aux offices à l’église. Le fait d’arriver en retard sous le pieux prétexte de : «je n’ai pas fini le canon »... «je n’ai pas accompli la règle » n’est pas une excuse, mais une faute qui prouve notre méconnaissance de l’Église en tant qu’organisme plein de grâces, en tant que Corps du Christ.

Par ailleurs la grâce qui illumine nos âmes lors des offices religieux ne se résume pas à l’action de tel ou tel texte. La disposition de ces textes, la conjonction en eux des cycles journalier, hebdomadaire et annuel constituent la structure même des offices et rythment toute notre vie. Les chants et les lectures dans l’église (indépendamment du fait qu’ils soient bien ou mal exécutés, bien qu’une bonne exécution soit préférable !) rendent aux mots l’intonation perdue dans notre parler quotidien. Tout cela donne la plénitude à la Parole de Dieu qui s'adresse à nous. Ceci, bien évidemment, ne peut pas se retrouver dans la lecture des canons et des prières à la maison. Ceci s’applique surtout aux offices du Grand Carême. Ceux qui ont la possibilité de suivre avec l’Église le cycle des offices du Grand Carême en ressentent l’action bienfaisante et émouvante et ceux qui jeûnent se préparent par là-même à la communion et doivent communier chaque fois qu’ils le désirent. Il est indispensable de désirer communier. Il ne faut pas communier si on ne le désire pas. Ceux qui ne vont pas régulièrement aux offices, ou n’ont pas cette possibilité, devraient se préparer selon la règle décrite ci-dessus.

D’autre part la prière à l’église est une prière en commun de la communauté ecclésiale qui représente effectivement l’Église. Le fait même d’être créé par Dieu consiste à se tenir devant son Créateur avec «crainte et frémissement », personnellement et en communauté. L’Église en prière représente toute la création lorsqu’elle prie pour « l’union de tous ». Nous nous tenons personnellement devant Dieu dans notre humilité, avec la conscience de nos péchés et de notre indignité; néanmoins en tant que membre de l’Église le « pouvoir d’être les enfants de Dieu » (Jean I, l2) nous est donné. Le mystère de la communion actualise ce don (dont personne n’est digne et dont personne ne peut être digne) et nous associe à « la communion de l’Unique Esprit-Saint » nous créant membres du Corps du Christ. En tant que tels ce mystère nous unit, chacun d’entre nous qui L’avons « reçu dignement » (c’est-à-dire, en ayant conscience de notre indignité), au « saint Corps et saint Sang de ton Christ »; afin que « les ayant reçus dignement, nous possédions le Christ demeurant dans nos coeurs et devenions les temples de ton Saint-Esprit ». Ensuite c’est nous « qui avons le Christ vivant dans nos cœurs » que l’Église renvoie dans le monde avec une mission apostolique. Tout cela signifie que nous sommes appelés à participer au sacrement qui nous rend dignes de la grâce de la sainte communion non seulement pour notre salut, mais aussi pour l'affermis sement de l’Église et le salut du monde.

Archiprêtre Elie SHMAIN de bienheureuse mémoire
(source Messager diocésain avril 1996 n° 5)
Que le Seigneur se souvienne de son serviteur   Père Élie dans son Royaume

vendredi 1 mai 2015

Mgr Athanasios de Limasol à propos de son livre, Le cœur ouvert de l'Église [5/5]

Dans votre livre, il y a un chapitre consacré au but de l'Église et de notre vie chrétienne. Beaucoup d'entre nous viennent à l'église avec des demandes comme : Seigneur, aide mon fils à entrer à l'Institut ; aide-moi à récupérer ma santé ... C’est très important, aussi, mais qu’est-ce que le but de notre vie chrétienne?

Metropolitan Athanasios of Limasol The Church's Open Heart
 Translated from the modern Greek by A. Volgina and A. Saminskaya.
 Moscow. Sretensky Monastery Press, 2014. 320 pages, illustrated.


Le but de la vie chrétienne est le Christ. Christ n’est pas simplement un certain genre d'idée, Il n’est pas une philosophie, le Christ n’est pas quelqu'un qui est loin dans le ciel. Le Christ est la plus grande expérience qu'une personne peut avoir dans sa vie. Il est la plus grande réalité de toutes les réalités de la vie. Les anciens Grecs avaient l'habitude de dire, « Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. » Un grand saint a répondu: «Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, sauf Jésus-Christ. » Il est notre objectif. La veille, la prière, le jeûne, la chasteté, la virginité ; tout cela nous le faisons pour atteindre un but : le Christ.

Monseigneur, ici, en Russie, les gens aiment beaucoup Père Païssios, comme vous le savez sans doute. Vraiment beaucoup. Pourquoi pensez-vous ce soit lui particulièrement ?

(Sourires.) Le Seigneur lui a donné le don de son vivant même d'aimer les gens, d'aimer beaucoup les gens et de prier pour toutes les personnes, pour le monde entier.

C’est mon opinion personnelle, mais quand je l'ai vu prier dans l'église, alors j’ai pensé: s’il y a une personne qui est à la barre du monde entier, ce n’est pas le président de l'Amérique (alors la Russie n’était pas aussi forte), ce n’est pas un communiste, ce n’est pas une personne de ce monde – c’est l’Ancien Païssios. Il est en mesure d'orienter le gouvernail du monde entier. Je ne sais pas comment on dit en russe, mais en grec dans le tropaire dédié à Saint Antoine, nous chantons: « Il a supporté la terre habitée tout entière par ses prières »
Et je crois que l’Ancien Païssios avait ce don de Dieu pour soutenir le monde entier par ses prières.
Tout le monde connaît l’Ancien Païssios aujourd'hui, alors que c’était un homme simple et humble, quelque part dans les forêts de la Sainte Montagne, illettré, qui évitait le monde : s’il voyait un rassemblement de personnes, il l'évitait. Comment le monde l’a-t-il connu ? Sur Chypre parfois je visite les écoles et parle avec les élèves. Ils n’en connaissent que peu sur le Christ ou la Mère de Dieu, mais si je dis « Pater Paissios » tout le monde comprend.

Monseigneur, aujourd'hui beaucoup de choses séparent les gens, parmi lesquelles la politique. Comment pouvons-nous rappeler que, bien que chrétiens de diverses Églises locales, nous appartenons au même et unique Corps du Christ?

Nous, Chrétiens orthodoxes, sommes tous le Corps du Christ, parce que nous célébrons une seule et même Divine Liturgie et communions au Corps et au Sang du Seigneur. A chaque Divine Liturgie toute l'Église orthodoxe est présente – tous les patriarches, archevêques, métropolites, évêques – le monde entier. Nous sommes tous le Corps du Christ.
Je suis arrivé en Russie et j’ai communié au Saint Mystère du Christ. Je n’ai rien compris au cours de la Divine Liturgie, parce que je ne sais pas le russe. Seulement (il dit en russe) « Gospodi, pomiluy » et aussi « Axios » Je l’ai entendu hier, mais ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est que c’est le même et unique Corps et Sang du Christ. Et vous, lorsque vous voyagerez en Grèce, et que vous ne comprendrez rien pendant la Divine Liturgie, peut-être, vous pourrez cependant recevoir la communion. La même chose s’applique à nos frères orthodoxes Arabes en Syrie, et à nos frères en Afrique et dans le monde entier. Le Corps et le Sang du Christ unit l'Église. Nous aimons tous les peuples, quels qu'ils soient. Mais nos frères selon l'esprit sont membres de l'Église orthodoxe. Nos frères selon la chair sont le monde entier; mais selon l'esprit, seulement les chrétiens orthodoxes.
(version française et sous-titres par Maxime le minime de la source)

vendredi 26 septembre 2014

L'HOMME, UN ÊTRE LITURGIQUE AVANT TOUT [2/2] Par l'Ancien Georges Kapsanis

Les hommes qui offrent  « ce qui est [au Seigneur] de ce qui [au Seigneur], en toutes choses et pour tout»* servent vraiment Dieu et ont sa faveur. Ces hommes reconnaissent que tout ce qu'ils ont est un don de Dieu. Ils croient que  rien de qu’ils offrent ne vient d’eux-mêmes. Tout vient de Dieu et c’est cela même qu’ils offrent à Dieu, avec eux-mêmes, leur monde et leurs relations avec le monde. Ils ne gardent rien égoïstement pour eux-mêmes. Ils se donnent sans réserve. Ils donnent tout, c’est ainsi qu’ils reçoivent tout. Ils meurent, pour vivre. Et ils offrent tout dans le Christ et pour le Christ. En toutes choses (toujours) et pour toutes choses (pour tous les dons de Dieu).



Ainsi, l'entièreté de la vie des hommes (même après la Divine Liturgie et à l'extérieur de l'église) devient service, offrande, relation, sacrifice, communion et action de grâces. Toute la vie se transforme en une vie théanthropique.

Les deux heures de la Liturgie du Dimanche deviennent une liturgie quotidienne de 24 heures. En tant qu’Orthodoxes, quand nous parlons de vie liturgique, nous ne voulons pas parler seulement de notre courte offrande liturgique dans l'église, mais de notre vie entière, qui, commençant par les actions liturgiques dans l'église, devient culte et liturgie.

Les chrétiens orthodoxes ne sont pas schizophrènes. Ils ne vivent pas une vie liturgique dans l'église et une vie aliturgique à l’extérieur. Ils passent autant de temps qu’ils peuvent à l'église (Divine Liturgie et offices) afin d’être capables de vivre, en dehors de l'église, d'une manière aussi proche que possible de l'esprit, du climat et de l'éthique de la Divine Liturgie.

Par le culte dans l'église, la vie théanthropique s'enracine en eux et est alors capable de transformer toutes les facettes de leur vie quotidienne.
Ainsi les chrétiens imprégnés par la liturgie vivent dans l'unité de la foi et de la vie, du divin et de l'humain, du créé et de l'incréé, de la vie et du trépas, du temps présent et du futur, de leur propre personne et des autres.

C’est cette unité qu’a pu vivre le peuple grec orthodoxe, aussi longtemps qu’il a eu une réelle vie ecclésiale. Il y a encore, en Grèce, des gens, et des communautés orthodoxes traditionnelles qui vivent dans cette unité. Le centre de toute la vie des fondements orthodoxes traditionnels (villages et quartiers) était l'église paroissiale, l’équivalent de ce que le Katholikon est dans les monastères. Dans les villages d'Eubée l'église paroissiale jusqu'à ce jour est appelée la Katholiki. (c'est à dire Καθολική Εκκλησία).





La naissance, la mort, le baptême, le mariage, l'école, le travail, les relations sociales, les joies, et les peines, toutes les expressions de la vie sociale étaient liées à la Liturgie et à l'église et finissaient par devenir l'Église. Ainsi, les fonctions de la vie quotidienne trouvaient leur unité et leur ordre de préséance au sein de la Divine Liturgie.

Plus les Orthodoxes grecs prennent de la distance avec leurs racines orthodoxes, et avec leur vivifante tradition théanthropique, moins les diverses fonctions de la vie sont organiquement liées à la Divine Liturgie, c’est pourquoi ils arrêtent de travailler correctement, c'est-à-dire qu'ils échouent à unir les gens ou à les aider à vivre en tant qu’images de Dieu.

Les différentes fonctions en dehors de la Divine Liturgie déconstruisent la personne humaine. C’est clair avec la fonction de base de la vie, la procréation. Dans le sein de la Divine Liturgie et de l'Église, cette fonction fondamentale est transformée, est bénie par la grâce, et contribue à la complétude de la personne humaine. En dehors, elle devient asservie à l'égoïsme, elle défait les personnalités et devient un tourment. Aujourd'hui, les gens expérimentent amèrement cette situation.

Les monastères orthodoxes cénobitiques sont des modèles de la façon dont les gens et leurs communautés devraient fonctionner. Le centre est l'église principale (Katholikon). Les bâtiments et les tâches (obédiences) sont toutes organisées autour de l'église principale. Le point de départ de la vie commune est la célébration quotidienne de la Divine Liturgie. L’objectif en est l'adoration de Dieu et de l'offrande de toute la vie au Christ. C'est un exemple de ce que peut être la vie en commun, de la foi et de l'amour universel, et de comment la mort peut être vaincue et comment toute chose peut être renouvelée et comment on peut donner à chacun un rôle différent dans un ajustement à la fois singulier et le plus approprié.




Quand l'esprit liturgique cénobitique — qui est l'esprit liturgique de l'Orthodoxie — s'enracine  chez les Orthodoxes, ils sont préservés de la tendance puissante et viciée du sécularisme. En essence le sécularisme  est une tentative d'organiser la vie en dehors de la liturgie et de l'Église.

Les chrétiens orthodoxes ne peuvent pas être orthodoxes à moins qu'ils ne vivent liturgiquement. À moins que la Divine Liturgie et le culte ne soient pas seulement des «occasions» ou une partie de leur emploi du temps, mais soient, au contraire, le greffon vivifiant greffé sur leur vie pour leur transformation, le centre, la base, le commencement et la fin. C'est seulement à travers cet esprit d’offrande de « ce qui est [au Seigneur] de ce qui [au Seigneur]»*, à la Divine Liturgie que les gens deviennent vraiment eux-mêmes, c'est-à-dire des images de Dieu.
Higoumène Georges du Saint Monastère Saint Grigoriou

(extrait de la revue «Ο Όσιος Γρηγόριος», § Ο άνθρωπος ον λειτουργικό, περίοδος β, vol. 4, pp. 31-5, publié par le Saint Monastère Saint Grigoriou de la Sainte Montagne, 1979. 
version française par Maxime le minime de la source)

 ce qui est à Toi de ce qui est à Toi, en toutes choses et pour tout» de la Divine Liturgie

mardi 2 septembre 2014

DE L'ATTITUDE DU FIDÈLE pendant la Divine Liturgie par St JEAN CHRYSOSTOME

Tandis que vos frères participent aux divins mystères, vous vous en allez, vous quittez tout ?


Car enfin, voyons un peu ce que vous faites. A la face du Christ, en présence des saints anges, devant la table sainte, tandis que vos frères participent aux divins mystères, vous vous en allez, vous quittez tout. Mais quand vous êtes invités à un festin, quoique rassasiés les premiers, tant que vos amis sont à table vous n'osez vous séparer d'eux. Et quand il s'agit des saints mystères de Notre-Seigneur, alors que ce sacrifice saint s'accomplit encore, vous oubliez tout respect et vous vous retirez ! Qui pourrait dire que cette conduite soit pardonnable? Qui pourrait l'excuser? Faut-il vous apprendre ce que font ceux qui se retirent avant que tout soit entièrement terminé et avant d'offrir les hymnes d'actions de grâces après la Cène? Ce que je vais dire paraîtra dur sans doute, mais il le faut bien à cause de la négligence du plus grand nombre. Quand, à la dernière cène et dans cette dernière nuit, Judas eut communié, il se précipita dehors et se retira, tandis que les autres apôtres étaient encore à table. Ce sont ses imitateurs qui s'en vont avant la dernière action de grâces. S'il ne fût pas sorti, il n'aurait pas trahi ; s'il n'eût pas quitté ses frères, il n'aurait pas péri ; s'il ne se fût pas précipité hors du bercail sacré, le loup ne l'aurait pas trouvé seul pour le dévorer; s'il ne s'était pas éloigné lui-même du pasteur, il ne serait pas devenu la proie de la bête féroce. Aussi s'en alla-t-il avec les Juifs tandis que les autres disciples sortirent avec le Seigneur après le cantique d'action de grâces. Voyez-vous comment cette dernière prière que nous faisons après le sacrifice rappelle l'hymne que chantèrent les apôtres? Maintenant donc, mes bien-aimés, pensons à ces choses, réfléchissons-y et redoutons la damnation qui suivit cette faute de Judas. Dieu vous donne sa propre chair et vous ne lui donnez pas même des paroles en échange ? Vous ne lui rendez pas grâces pour ce que vous avez reçu? Quand vous avez pris votre nourriture corporelle, après le repas, vous priez; mais quand vous avez participé à la nourriture spirituelle, infiniment au-dessus de toute créature visible et invisible, malgré votre bassesse et votre néant, vous ne prenez pas même le temps de témoigner la moindre reconnaissance soit par des paroles, soit par des actes. N'est-ce pas vous exposer aux derniers supplices? Ce que je vous dis, non seulement pour vous porter à remercier Dieu, et à éviter le tumulte et les cris, mais afin que dans l'occasion le souvenir de nos exhortations vous rende plus modestes. Il s'agit ici de mystères réels ; et qui dit mystère dit aussi le silence le plus absolu. Donc, que ce soit désormais dans le plus grand silence, avec une modestie parfaite, un respect convenable que nous participions à ce sacrifice saint, afin de mériter une plus grande miséricorde de Dieu, de purifier notre âme et d'obtenir les biens éternels. Qu'il en soit ainsi par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur, à qui soient gloire , empire et adoration, avec le Père et le Saint-Esprit maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


vendredi 7 février 2014

L'ORTHODOXIE, CETTE INCONNUE (4e) par Père André BORRELY :

De même, la prière eucharistique des divines liturgies orthodoxes s'adresse à Dieu le Père d'une manière apophatique :... c'est Toi le Dieu ineffable, qu'il est impossible de considérer sous toutes tes faces, invisible, incompréhensible... Toi qui es sans commencement, indescriptible, immuable ..., créée à l'image, à la réplique de Dieu et pour lui ressembler Il faut donc tenir le même langage au sujet de l'homme en tant que personne et non point comme individu, au sujet de sa sexualité, de sa culture, et d'une manière générale pour tout ce qui touche à l'homme. Les sciences de l'homme sont des sciences de la nature humaine mais en aucune manière de la personne humaine unique au monde, imprévisible, incomparable, irreproductible. 

Et rien n'est plus incompatible avec cette vision foncièrement positive et optimiste de l'homme et du monde, que le dualisme

Si les chrétiens sont désunis, c'est bien parce qu'ils ont introduit la division entre la sainte Écriture et la Tradition, entre la parole et les rites sacramentels, entre les clercs et les laïcs, l'autorité et la liberté, la foi et les œuvres, le corps et l'âme, la pensée et la vie, la connaissance et l'amour, entre la foi et la raison, la philosophie et la théologie, entre les réalités spirituelles et les choses sensibles, le terrestre et le céleste, le temps et l'éternité, la contemplation et l'action, entre la nature et la personne, la nature et la grâce, ou entre la nature et le surnaturel. 

Et ce dualisme paraît s'être prolongé dans la société déchristianisée avec la théorie marxiste de la lutte des bourgeois et des prolétaires. Et on peut même se demander s'il n'y a pas un peu de cela dans un certain féminisme. 

 

 Par contre, rien ne manifeste mieux l'optimisme foncier de la vision de l'homme et du monde selon l'Orthodoxie, rien ne révèle mieux l'amour qui est la source intarissable de cet optimisme, que l'audace avec laquelle l'Église utilise le langage du corps pour évoquer des réalités spirituelles mais en aucune manière désincarnées. Il est du plus haut intérêt que, dans tout monastère orthodoxe, tout au long du Grand Carême, on lise à l'heure de Sexte, l'ouvrage d'un Abbé du monastère du Sinaï nommé Jean, qui vécut au 6 ème ou au 7 ème siècle. Le titre de ce livre est L'Échelle sainte. Or, avec la même surprise qu'en ouvrant le Cantique des cantiques puis la première épître de Jean, et en songeant que cet ouvrage est lu et médité par des moines et des moniales, on tombe sur la phrase suivante : Que l'éros physique ou : 1'amour charnel nous serve de modèle pour notre désir de Dieu. Et le même auteur écrit encore : Bienheureux celui qui a obtenu un désir de Dieu semblable à celui d'un amant passionné pour celle qu'il aime! 

Origène a écrit que les réalités que nous expérimentons dans le devenir, nous devons en éclairer la vision par l'expérience divinisante que nous faisons de l'Esprit. Mais il ajoute qu'inversement l'expérience que nous faisons de l'Esprit ne doit jamais être désincarnée, que pour être vraie, elle doit s'enraciner dans notre vie terrestre.(à suivre)