L'HOMME, UN ÊTRE LITURGIQUE AVANT TOUT [2/2] Par l'Ancien Georges Kapsanis

Les hommes qui offrent  « ce qui est [au Seigneur] de ce qui [au Seigneur], en toutes choses et pour tout»* servent vraiment Dieu et ont sa faveur. Ces hommes reconnaissent que tout ce qu'ils ont est un don de Dieu. Ils croient que  rien de qu’ils offrent ne vient d’eux-mêmes. Tout vient de Dieu et c’est cela même qu’ils offrent à Dieu, avec eux-mêmes, leur monde et leurs relations avec le monde. Ils ne gardent rien égoïstement pour eux-mêmes. Ils se donnent sans réserve. Ils donnent tout, c’est ainsi qu’ils reçoivent tout. Ils meurent, pour vivre. Et ils offrent tout dans le Christ et pour le Christ. En toutes choses (toujours) et pour toutes choses (pour tous les dons de Dieu).



Ainsi, l'entièreté de la vie des hommes (même après la Divine Liturgie et à l'extérieur de l'église) devient service, offrande, relation, sacrifice, communion et action de grâces. Toute la vie se transforme en une vie théanthropique.

Les deux heures de la Liturgie du Dimanche deviennent une liturgie quotidienne de 24 heures. En tant qu’Orthodoxes, quand nous parlons de vie liturgique, nous ne voulons pas parler seulement de notre courte offrande liturgique dans l'église, mais de notre vie entière, qui, commençant par les actions liturgiques dans l'église, devient culte et liturgie.

Les chrétiens orthodoxes ne sont pas schizophrènes. Ils ne vivent pas une vie liturgique dans l'église et une vie aliturgique à l’extérieur. Ils passent autant de temps qu’ils peuvent à l'église (Divine Liturgie et offices) afin d’être capables de vivre, en dehors de l'église, d'une manière aussi proche que possible de l'esprit, du climat et de l'éthique de la Divine Liturgie.

Par le culte dans l'église, la vie théanthropique s'enracine en eux et est alors capable de transformer toutes les facettes de leur vie quotidienne.
Ainsi les chrétiens imprégnés par la liturgie vivent dans l'unité de la foi et de la vie, du divin et de l'humain, du créé et de l'incréé, de la vie et du trépas, du temps présent et du futur, de leur propre personne et des autres.

C’est cette unité qu’a pu vivre le peuple grec orthodoxe, aussi longtemps qu’il a eu une réelle vie ecclésiale. Il y a encore, en Grèce, des gens, et des communautés orthodoxes traditionnelles qui vivent dans cette unité. Le centre de toute la vie des fondements orthodoxes traditionnels (villages et quartiers) était l'église paroissiale, l’équivalent de ce que le Katholikon est dans les monastères. Dans les villages d'Eubée l'église paroissiale jusqu'à ce jour est appelée la Katholiki. (c'est à dire Καθολική Εκκλησία).





La naissance, la mort, le baptême, le mariage, l'école, le travail, les relations sociales, les joies, et les peines, toutes les expressions de la vie sociale étaient liées à la Liturgie et à l'église et finissaient par devenir l'Église. Ainsi, les fonctions de la vie quotidienne trouvaient leur unité et leur ordre de préséance au sein de la Divine Liturgie.

Plus les Orthodoxes grecs prennent de la distance avec leurs racines orthodoxes, et avec leur vivifante tradition théanthropique, moins les diverses fonctions de la vie sont organiquement liées à la Divine Liturgie, c’est pourquoi ils arrêtent de travailler correctement, c'est-à-dire qu'ils échouent à unir les gens ou à les aider à vivre en tant qu’images de Dieu.

Les différentes fonctions en dehors de la Divine Liturgie déconstruisent la personne humaine. C’est clair avec la fonction de base de la vie, la procréation. Dans le sein de la Divine Liturgie et de l'Église, cette fonction fondamentale est transformée, est bénie par la grâce, et contribue à la complétude de la personne humaine. En dehors, elle devient asservie à l'égoïsme, elle défait les personnalités et devient un tourment. Aujourd'hui, les gens expérimentent amèrement cette situation.

Les monastères orthodoxes cénobitiques sont des modèles de la façon dont les gens et leurs communautés devraient fonctionner. Le centre est l'église principale (Katholikon). Les bâtiments et les tâches (obédiences) sont toutes organisées autour de l'église principale. Le point de départ de la vie commune est la célébration quotidienne de la Divine Liturgie. L’objectif en est l'adoration de Dieu et de l'offrande de toute la vie au Christ. C'est un exemple de ce que peut être la vie en commun, de la foi et de l'amour universel, et de comment la mort peut être vaincue et comment toute chose peut être renouvelée et comment on peut donner à chacun un rôle différent dans un ajustement à la fois singulier et le plus approprié.




Quand l'esprit liturgique cénobitique — qui est l'esprit liturgique de l'Orthodoxie — s'enracine  chez les Orthodoxes, ils sont préservés de la tendance puissante et viciée du sécularisme. En essence le sécularisme  est une tentative d'organiser la vie en dehors de la liturgie et de l'Église.

Les chrétiens orthodoxes ne peuvent pas être orthodoxes à moins qu'ils ne vivent liturgiquement. À moins que la Divine Liturgie et le culte ne soient pas seulement des «occasions» ou une partie de leur emploi du temps, mais soient, au contraire, le greffon vivifiant greffé sur leur vie pour leur transformation, le centre, la base, le commencement et la fin. C'est seulement à travers cet esprit d’offrande de « ce qui est [au Seigneur] de ce qui [au Seigneur]»*, à la Divine Liturgie que les gens deviennent vraiment eux-mêmes, c'est-à-dire des images de Dieu.
Higoumène Georges du Saint Monastère Saint Grigoriou

(extrait de la revue «Ο Όσιος Γρηγόριος», § Ο άνθρωπος ον λειτουργικό, περίοδος β, vol. 4, pp. 31-5, publié par le Saint Monastère Saint Grigoriou de la Sainte Montagne, 1979. 
version française par Maxime le minime de la source)

 ce qui est à Toi de ce qui est à Toi, en toutes choses et pour tout» de la Divine Liturgie

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