Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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lundi 7 octobre 2024

II - CONCLUSION : LA RÉPONSE ORTHODOXE AU DÉFI THÉOLOGIQUE QUI NOUS ATTEND (suite)


Voici la suite et la conclusion d
analysée par l'archiprêtre Peter Heers

« En entreprenant cet examen de la nouvelle approche du baptême schismatique et hérétique adoptée par le Décret de Vatican II sur l'œcuménisme et de son importance pour la formation de la nouvelle ecclésiologie du concile, nous avons cherché à comprendre non seulement ce que le document conciliaire entendait dire, mais comment et pourquoi le concile est arrivé à une telle vision du Baptême et de l'Église.Nous avons montré que la nouvelle ecclésiologie embrassée par ce concile n'est pas du tout un retour à la vision patristique de l'Église, mais plutôt une innovation et un nouveau départ de celle-ci. En particulier, l'un des principaux piliers de la nouvelle ecclésiologie — la reconnaissance, sur la base d'un baptême valide et efficace, de "l'ecclésialité" de confessions traditionnellement étiquetées schismes ou hérésies —s'est avéré incompatible non seulement avec l'ecclésiologie patristique de l'Église primitive (Sts. Ignace, Irénée, Cyprien et coll.) mais aussi avec l'"ecclésiologie eucharistique" récemment exposée."

C'est un présupposé fondamental des Saints Pères que l'unité de l'Église est l'unité dans l'Eucharistie, jamais en dehors d'elle. Toute unité "en Christ", que ce soit entre les hommes ou entre les Églises locales, est unité dans l'Eucharistie. Tous les mystères, y compris, en premier lieu, le Saint Baptême, existent et sont vécus et rendus effectifs dans le mystère de l'Église, dans la Synaxe eucharistique. Le mystère de l'Incarnation, le mystère de l'Église, le mystère de l'Eucharistie et tous les saints mystères sont, en dernière analyse, inséparables, car ils expriment l'Unique Mystère du Christ. Par conséquent, il ne peut y avoir de "participation différenciée" dans l'Église telle que proposée par les théologiens du Concile Vatican, car toute participation prend enseignement menteur d'importance secondaire, mais, en effet, un nouveau dogme, ou plutôt une hérésie. Car tout nouvel enseignement dogmatique, y compris un nouvel enseignement sur la nature de l'Église, le Corps du Christ—un enseignement qui n'est pas en accord avec l'expérience et la Tradition bimillénaires de l'Église — constitue nécessairement une hérésie, une croyance totalement étrangère à la Foi.

Nous sommes convaincus que, vue dans son contexte historique et théologique approprié, la nouvelle image de l'Église révélée dans les textes ecclésiologiques de Vatican II est la dernière d'une longue série d'étapes loin du consensus patristique, sinon, en effet, d'une "deuxième Réforme" de l'Église romaine, cette fois servant à rapprocher Rome du protestantisme. Pourtant, les conséquences de la nouvelle ecclésiologie ne se limitent pas au milieu théologique du catholicisme et du protestantisme. En cette ère d'œcuménisme, la théologie orthodoxe a également été clairement affectée.

En effet, les implications de la nouvelle ecclésiologie sont immenses pour la participation orthodoxe au mouvement œcuménique et au dialogue théologique international avec le catholicisme romain. Le fait que les participants orthodoxes à la Commission Mixte Internationale pour le Dialogue Théologique entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe non seulement n'aient pas vu la nécessité d'examiner, et encore moins d'aborder, ce nouveau départ de la Foi, mais aient plutôt réduit la question ecclésiologique à une question de primauté, révèle l'état désastreux de notre témoignage à cet égard.

Il est en effet remarquable que, bien que cinquante ans se soient écoulés depuis la promulgation des textes conciliaires, la bibliographie des examens critiques orthodoxes couvre moins d'une demi-page. Non seulement les théologiens et les évêques orthodoxes n'ont pas réussi à fournir une critique de la nouvelle ecclésiologie du point de vue orthodoxe (à de très rares exceptions près), mais des représentants haut placés de l'Église ont adopté et exprimé des aspects de celui-ci comme s'il était en harmonie avec le dogme orthodoxe. Des théologiens orthodoxes et des hiérarques renommés ont écrit et parlé de l'Église et de Son Baptême en des termes presque identiques à ceux utilisés dans les textes de Vatican II et de la théologie catholique romaine contemporaine.

L'accord conjoint conclu à Balamand, les divers accords de "baptême commun" signés par des représentants en Amérique, en Allemagne et en Australie qui reconnaissent les baptêmes des hétérodoxes en soi, et la discussion accrue sur une "Église divisée", comprise comme incluant à la fois l'Église orthodoxe et le catholicisme romain, sont tous des exemples de la lente adoption par certains orthodoxes des éléments essentiels de la nouvelle ecclésiologie.

La nouvelle convergence ecclésiologique se concentre dans l'acceptation d'une Église divisée dans le temps. Cela pourrait être qualifié de nestorianisme ecclésiologique, dans lequel l'Église est divisée en deux êtres distincts: sur d'une part l'Église céleste, hors du temps, seule vraie et entière; de l'autre, l'Église, ou plutôt des "églises", sur terre, dans le temps, déficientes et relatives, perdues dans les ombres de l'histoire, cherchant à se rapprocher les unes des autres et de cette perfection transcendante, autant que possible étant donné la faiblesse de la volonté humaine versatile.

Dans cette ecclésiologie, les divisions tumultueuses et préjudiciables de l'histoire humaine ont vaincu l'Église "à temps."La nature humaine de l'Église, étant divisée et déchirée, a été séparée de la Tête théanthropique. C'est une Église sur terre privée de sa nature ontologique et non "une et sainte", ne possédant plus toute la vérité par son union hypostatique avec la nature divine du Logos.

La "théologie baptismale" et la nouvelle ecclésiologie sont des exemples de la tendance à succomber à la tentation, d'abaisser la barre haute de l'unité de l'Église au minimum des moindres éléments communs et de forger une ecclésiologie de l'inclusivité qui embrasse le mensonge.

Nous épousons les vues du Père Georges Florovsky, bien qu'écrits des décennies avant le Concile Vatican II, car ils sont applicables non seulement à la théologie du protestantisme réformé mais aussi à la nouvelle ecclésiologie du protestantisme pontifical. Derrière la nouvelle image de l'Église présentée dans Unitatis Redintegratio et Lumen Gentium se cachent : un docétisme historique ecclésial unique, une insensibilité à la réalité et à la plénitude de la Révélation divine dans le monde, une insensibilité au mystère de l'Église, une incompréhension de sa profonde nature originelle. En effet, non seulement mystiquement, mais aussi historiquement, la division dans la foi est toujours apparue à travers le schisme et la chute, à travers la séparation d'avec l'Église. Le seul chemin de leur redéfinition est le chemin de la réunification ou du retour, et non de l'union. On pourrait dire que les "croyances" discordantes en général ne sont pas unifiées, car chacune est un tout fermé sur lui-même. Dans l'Église, une mosaïque de différentes parties est impossible. Il y a en face l'une de l'autre non pas des "croyances" avec des droits égaux, mais l'Église et le schisme, unis dans un esprit d'opposition. Elle ne peut être entière que par élimination, par un retour à l'Église. Il n'y a pas et il ne peut y avoir de Christianisme "partiel"-"est-ce que le Christ a été divisé?"(1 Cor. 1:13).

Il n'y a qu'Une Seule Église Sainte, Catholique et Apostolique—la Maison d'un seul Père; et les croyants, comme l'a dit saint Cyprien de Carthage, "n'ont pas d'autre maison que l'unique Église."[Saint Cyprien, De Catholicae Ecclesiae Unitate, chap. 6,PL 4.502. P. Georges Florovsky, "La Maison du Père", dans Œcuménisme I: Une approche doctrinale, Œuvres rassemblées, 1379 ]

Qu'on y voie du nestorianisme ecclésiologique ou du Docétisme historique de l'Église, la nouvelle ecclésiologie est, sans aucun doute, en contradiction totale avec la confession orthodoxe de foi en Une Seule Église Sainte, Catholique et Apostolique.

En conclusion, nous revenons une fois de plus à l'important examen de l'ecclésiologie de saint Ignace d'Antioche par le Père Jean Romanides, qui décrit bien la compréhension de soi diachronique de l'Église orthodoxe concernant toute l'unité ecclésiastique comme passant par l'Eucharistie:

En contraste frappant avec ses adversaires spiritualistes, Ignace présente un mysticisme complètement christocentrique et même sarkocentrique — seuls la chair et le sang de l'homme — Dieu ressuscité sont la source de la vie et résurrection de tous les hommes de tous les âges. (Ign. Éph. 1, 7, 19, 20; Mag. 6, 8; Sourire. 1, 3; Pol. 3; Mag. 9; Phil. 5, 9.) La nature humaine de Dieu n'est autre que le salut lui-même, à savoir (1) la restauration de l'immortalité à ceux qui participent collectivement à l'amour désintéressé, (2) la justification de l'homme par la destruction de la mort et de l'accusateur et ravisseur de l'homme, le diable, et (3) l'octroi du pouvoir de vaincre le diable en luttant pour atteindre à l'amour désintéressé pour Dieu et le prochain à travers la chair du Christ. Le mysticisme christocentrique et centré sur la chair d'Ignace n'est pas un simple luxe des plus enthousiastes, mais au contraire une nécessité absolue pour le salut, et constitue la base même de son ecclésiologie, qui est bien celle du Nouveau Testament et de l'ancienne Église. [cf  Jean S. Romanides ," L'ecclésiologie de Saint Ignace", La Revue théologique orthodoxe grecque 7:1 et 2 (1961-62)]

Saint Ignace affirme sans équivoque qu'en dehors de l'Eucharistie, il ne peut y avoir d'unité dans le Christ. Suppliant ses compagnons chrétiens il y a quelque mille neuf cents ans de se hâter vers l'unité de la foi et l'unité dans l'Eucharistie, en dehors desquelles il ne peut y avoir d'unité, il a écrit: "Hâtez-vous donc de vous réunir fréquemment pour l'action de grâces à Dieu [l'Eucharistie] et la glorification. Car lorsque vous vous réunissez fréquemment, les pouvoirs de Satan sont démolis et sa destructivité est dissoute par votre unité de foi."" Que personne ne se trompe. Si l'on n'est pas dans le lieu du sacrifice (θυσιαστήριον) il est privé du pain de Dieu. ... Par conséquent, celui qui n'assemble pas επί το αυτό [dans la synaxe eucharistique] est dans l'orgueil et s'est déjà condamné lui-même." [Saint Ignace d'Antioche, Épître aux Éphésiens, 13.]

    L'Église du Christ, telle que l'apôtre Paul l'a définie suprêmement, est Son corps, la plénitude de lui qui remplit tout EN tous (ἐστὶν τὸ σῶμα αὐτοῦ, τὸ πλήρωμα τοῦ τὰ πάντα ἐν πᾶσιν πληρουμένου). La plénitude du Christ est identifiée au Corps du Christ, qui est, comme le Christ Lui-même lorsqu'Il marchait sur terre dans le temps, comme Theanthropos, visible et indivisible, marqué par des caractéristiques divino-humaines.

    Comme l'a écrit Vladimir Lossky, " tout ce qui peut être affirmé ou nié sur le Christ peut également être appliqué à l'Église, dans la mesure où elle est un organisme théandrique."[Lossky, Vladimir, La théologie mystique de l'Église de Pâques (Crestwood, New York: St. Vladimir Seminary Press, 1976), 187.] Il s'ensuit donc que, de même que nous ne pourrions jamais affirmer que le Christ est divisé ou que l'un pourrait être Le Sien partiellement, incomplètement, nous ne pourrions pas non plus accepter que l'Église soit jamais divisée (cf. 1 Cor 1: 13) ou la participation à l'Église soit fragmentaire.

Si certains orthodoxes acceptaient la division de l'Église, ils accepteraient l'annulation de l'Incarnation et le salut du monde. Si un tel écart par rapport à la foi et à l'enseignement orthodoxes est passivement accepté par le plérôme de l'Église, on ne peut que s'attendre aux conséquences les plus désastreuses, non seulement pour un témoignage orthodoxe de l'hétérodoxe, mais même pour l'unité orthodoxe. Pour que la théologie orthodoxe contemporaine soit cohérente avec l'identité et la compréhension de soi de l'Église orthodoxe en tant qu'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, une réorientation et une réorientation de l'engagement orthodoxe avec les hétérodoxes sont absolument nécessaires.

En particulier:

1. Un examen approfondi de la soi-disant "théologie baptismale" ou "ecclésiologie baptismale" adoptée au sein du catholicisme romain, le Conseil œcuménique des Églises, et même par certains théologiens orthodoxes est nécessaire sur la base de la centralité de l'Eucharistie à l'unité de l'Église.

2. Il est nécessaire d'éclairer davantage le chemin historique et l'évolution théologique de la nouvelle ecclésiologie, afin de situer clairement ses origines théologiques dans l'Occident post-schisme.

3. De même, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier la nature et le degré de départ de l'ecclésiologie de saint Augustin du consensus patristique devant lui, ainsi que la nature et le degré de départ de Thomas d'Aquin de l'ecclésiologie de saint Augustin, en particulier en ce qui concerne le baptême des schismatiques et des hérétiques.

    La nouvelle ecclésiologie exprimée dans Unitatis Redintegratio est un défi spirituel et théologique de notre époque auquel chaque chrétien orthodoxe reste indifférent à son propre péril, car il comporte des inconvénients sotériologiques en conséquence. Face à une hérésie terriblement conflictuelle et trompeuse, nous sommes tous appelés à confesser le Christ aujourd'hui, comme l'ont fait nos anciens ancêtres à l'époque de l'Arianisme. Notre confession de foi, cependant, n'est pas seulement dans Sa Personne dans l'Incarnation, mais Sa Personne dans la continuation de l'Incarnation, l'Église. Confesser la foi aujourd'hui, c'est confesser et déclarer l'unité de Sa nature divine et humaine dans Son Corps, la seule et unique Église orthodoxe-"non mélangée, inchangée, indivise et inséparable.".[ Extrait des Discours du Quatrième Concile œcuménique: “ἀσυγχύτως, ἀτρέπτως, ἀδιαιρέτως, ἀχωρίστως.”] »

Archiprêtre Peter Heers

Version française (avec l'autorisation de l'auteur) d'un extrait de The Ecclesiological Renovation of Vatican II:  An Orthodox Examination of Rome's Ecumenical Theology Regarding Baptism and the Church ( Uncut Mountain Press)

par Maxime Le minime


jeudi 3 octobre 2024

I - RÉSUMÉ D'UN EXAMEN ORTHODOXE de la Rénovation Ecclésiologique de Vatican II

 

D'une pandémie méconnue en milieu orthodoxe : la pandémie du virus œcuméniste

En quoi pourrions-nous, nous Orthodoxes, être concernés par le concile Vatican II qui date maintenant de  plus de soixante ans ?

Si nous en jugeons par l'avancée plus ou moins discrète mais réelle de l'œcuménisme, pas seulement au  niveau des hiérarques mais également de par la contamination insidieuse mais perceptible qui se fait parmi un certain clergé et  leurs fidèles orthodoxes, nous pouvons craindre que ce qu'on appelle toujours "l'Église" ne s'éloigne de plus en plus du Corps du Christ pour se fondre dans des réseaux institutionnels géopolitiques tout ce qu'il y a de plus mondains, inaptes à assurer une saine et réelle nourriture spirituelle pour les chercheurs de Dieu exigeants. Les analyses et mises au point incontournables théologiquement qu'en a fait le Père Peter Heers dans son livre "The Ecclesiological Renovation of Vatican II An Orthodox Examination of Rome’s Ecumenical Theology Regarding Baptism and the Church" méritent au plus haut point d'être rappelées. C'est certes un peu long à lire mais il en va de la santé spirituelle de tous. J'ai traduit les deux dernières parties du livre de L'Archiprêtre Peter Heers : le "résumé" que je publie en un premier post qui sera suivi d'un second la "conclusion". Bon courage !

Maxime le minime

 

"Concernant Le baptême et l'Église


[…] Nous avons vu que les racines du développement latin de la doctrine du Baptême et de l'Église remontent aux premiers siècles de l'Église, en particulier au troisième siècle, lorsque la controverse a surgi entre le pape Étienne et saint Cyprien de Carthage concernant le baptême hérétique. Le pape Étienne soutenait le point de vue de la minorité, qui supposait qu'un mystère de l'Église, le baptême, pouvait être possédée — ne serait-ce que partiellement —  en dehors de l'unité de la Foi et de l'Église. Cette divergence fondamentale par rapport au consensus patristique — qui refusait de reconnaître qu'un mystère qui n'était pas de l'Église était du Christ — devait rester une pierre angulaire de l'ecclésiologie latine jusqu'à et après Vatican II. Et, pourtant, les conséquences du point de vue de Rome ont été différées aussi longtemps comme il a maintenu, avec toute l'Église, que l'Esprit Saint (en tant qu'énergie purificatrice et sanctifiante) n'était pas à l'œuvre parmi les schismatiques et les hérétiques.

On peut dire que le bienheureux Augustin est le père de la théologie sacramentelle latine et en particulier du divorce particulier de la théologie des sacrements avec la théologie de l'Église. Le penchant de l'évêque nord-africain pour réduire le mystère à une considération de "validité" allait devenir le fondement d'un minimalisme sacramentel général au cours des siècles qui ont suivi le Grand Schisme. Et pourtant, malgré ses innovations particulières, Augustin, comme le pape Étienne, soutenait que, même si les schismatiques et les hérétiques pouvaient posséder les signes extérieurs de l'Église, ils ne possédaient pas le Saint Esprit tant qu'ils restaient en dehors de l'unité de l'Église. Sur ce point particulièrement important pour l'ecclésiologie—un point qu'Augustin partageait avec toute la Tradition de l'Église— Rome a officiellement rompu les rangs au XVIIe siècle condamnation du jansénisme, faisant ainsi un pas de géant loin du patrum consensuel et vers la nouvelle ecclésiologie.

Ce serait donc une erreur flagrante de supposer (comme l'a fait un dirigeant œcuménique orthodoxe de premier plan) qu'avec Unitatis Redintegratio, Rome est revenue à ses racines dans le bienheureux Augustin. Bien que les vues d'Augustin sur la grâce, la liberté et une foule d'autres questions aient dominé la théologie occidentale pendant des siècles, ce n'est qu'après le Grand Schisme que ses vues novatrices sur les sacrements et l'Église ont fini par dominer la pensée théologique en Occident-seulement pour être sélectivement rejeté, comme dans le cas de la condamnation janséniste.

Pourtant, à un égard portant directement sur notre examen du Baptême - le sens qu'il attribuait  au "caractère baptismal — Les vues novatrices d'Augustin ont été déformées par Thomas d'Aquin et la tradition scolastique ultérieure. Cette redéfinition thomiste s'est avéré crucial dans la formation de la vision de Rome de l'appartenance à l'Église.

Bien avant cela, cependant, d'importants détournements du patrum consensuel ont eu lieu au cours des siècles qui ont immédiatement suivi le Grand schisme - des changements qui se sont combinés pour façonner la vision latine du baptême. L'enseignement selon lequel même un incroyant, en cas de besoin, pouvait baptiser a reçu un poids institutionnel lors des conciles du Latran et de Florence. L'abandon de l'immersion comme forme normale du baptême et son remplacement par affusion ont également reçu un soutien théologique important de Thomas d'Aquin au cours de cette même période. Au cours des siècles qui ont suivi le schisme, en Occident, l'unité des mystères a été brisée dans la pratique de telle sorte qu'un enfant était baptisé mais ni chrismé ni communié jusqu'à des années plus tard. Depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours, l'Occident a vécu l'initiation à la vie de l'Église comme le baptême (ou plutôt l'affusion) seul. Toutes ces innovations combinées ont préparé le terrain pour voir le baptême sous un jour légaliste et minimaliste, comme un rite d'initiation autonome, presque magique, séparé de l'unité de la foi.

Cet état de choses, qui a duré de nombreux siècles, a conduit à l'étape la plus critique de l'histoire du développement de la vision du baptême présentée dans Unitatis Redintegratio du XVIIe au XIXe siècle.

C'était une période où l'idée thomiste du "caractère baptismal" était élevée comme déterminante pour l'appartenance à l'Église. Une série d'interprétations erronées de ce qui constituait l'appartenance à l'Église conduirait finalement au Canon 87 du Code de droit canonique de 1917.

Ce canon est basé sur un mémoire du pape Benoît XIV, qui s'est inspiré à son tour du théologien jésuite Francisco Suárez, qui s'est également inspiré du traité d'Augustin sur le baptême. Le processus de désintégration que nous avons décrit en ce qui concerne les rites de l'initiation est pleinement apparent dans la théologie de l'initiation et de l'appartenance exprimé dans ce canon. Pour Augustin, l'appartenance se situait dans la triple unité de la foi, du baptême et de la "paix catholique" ou unité de l'Église. Pour Suárez, qui se réfère à Augustin mais le comprend mal, c'était la foi, la droiture et le caractère baptismal.

Pour Benoît XIV, se référant à Suárez, le critère d'appartenance à l'Église avait été réduit au caractère baptismal, ne dépendant que de "la forme et de la matière appropriées" (validité). Cette idée minimaliste et légaliste de l'appartenance à l'Église a servi de base aux opinions des théologiens du XXe siècle derrière Unitatis Redintegratio, notamment Yves Congar et le cardinal Bea.

Si, cependant, la compréhension totale d'Augustin du sacrement et du caractère est maintenue en vue, Congar, et Vatican II après lui, non seulement ont ignoré l'enseignement d'Augustin, ils l'ont inversé. Dans Unitatis Redintegratio, celui qui est manifestement séparé de l'unité de l'Église peut, par un signe extérieur, acquérir une réalité spirituelle interne qui l'unit à l'Église intérieurement, invisiblement, mais pas extérieurement. Pour Augustin, il était possible en dehors de l'unité de l'Église d'obtenir un signe extérieur d'appartenance à l'Église sans qu'il y ait de réalité spirituelle interne accompagnant ce signe, et donc sans la réalité spirituelle de l'unité. Sur ce point crucial, Vatican II a clairement choisi de ne pas revenir aux sources patristiques, ni même à Augustin, mais de rester avec et de développer ecclésiologiquement l'idée d'appartenance liée à la compréhension d'Aquin du "caractère biblique"."

Ainsi, à la veille du concile, une majorité de théologiens latins était parvenue à un nouveau consensus selon lequel, sur la base de certains éléments, en premier lieu le Baptême, les non-catholiques romains participaient, à différents niveaux, à la vie de l'Église. Au cours de l'assemblée, ce consensus en faveur d'une participation graduée à la vie de l'Église est devenu la base de la présentation d'une ecclésiologie nouvelle à part entière dans les textes finaux du concile. Des changements ont également été apportés à des aspects clés de la compréhension de Rome et de la considération des dissidents — des changements dont les racines remontent à la longue désintégration des rites d'initiation et de la théologie du baptême.

Dans le cadre de l'ouverture œcuménique et de la volonté d'inclure les hétérodoxes dans le mystère de l'Église, Vatican II a accepté l'idée que l'Église romaine n'est pas la totalité du Corps du Christ, mais seulement une partie de celui-ci. Cela est évident dans l'abandon de la simple identification de l'Église romaine avec l'Église du Christ et l'introduction de la célèbre phrase "L'Unique Église du Christ... subsiste dans l'Église catholique."Cela se manifeste également, cependant, dans la distinction entre la communion "pleine" et "incomplète" et la reconnaissance des "éléments ecclésiaux" en dehors de l'Église — des idées fondamentales pour la nouvelle ecclésiologie. Cette idée que, sur la force des éléments ecclésiaux tenus en commun, les" frères séparés " ne sont pas seulement en communion partielle avec l'Église romaine, mais, en fait, font partie de l'Église universelle, même si d'une manière dégradée, est largement basée sur l'acceptation d'un "Baptême commun."

L'image de l'Église qui émerge dans Unitatis Redintegratio et Lumen Gentium est une Église particulière à deux niveaux, avec deux types de Baptême, ou deux résultats de l'unique Baptême. Selon Unitatis Redintegratio, ceux qui possèdent le Baptême seul, sans la réalité de l'Eucharistie (ce qui signifierait la plupart des protestants), sont "vraiment incorporés" au Corps du Christ dans le Baptême sans toutefois partager le Sang du Christ dans l'Eucharistie. Pour ceux qui sont considérés comme possédant une Eucharistie "valide" parce qu'ils possèdent la succession apostolique, ce qui inclut les orthodoxes, même s'ils sont vraiment participants du Corps et du Sang du Christ, ils sont toujours "blessés", manquant non pas la plénitude du Christ, mais la plénitude de la communion avec Son Vicaire, le Souverain Pontife.

Cette image de l'Église, cependant, et en particulier, une telle idée du Baptême avec de tels résultats, est impensable pour les Saints Pères et l'Église orthodoxe. Ceux qui sont initiés au Christ sont initiés à Sa Plénitude, qui est Son Corps. Un baptême qui n'est pas consommé dans l'Eucharistie peut-il à juste titre être appelé Saint Baptême? Et peut - on dire que ceux qui participent à l'Eucharistie, qui est la perfection de la communion avec le Christ et entre les Fidèles, comme Rome l'accorde aux Orthodoxes, manquent de quelque chose?

L'état de communion incomplète décrit dans Unitatis Redintegratio - une communion basée sur des "éléments" et en dehors de l'unité de la Foi n'a ni précédent ni place dans l'Église. Cela est en contradiction directe avec la lettre et l'esprit des Saintes Écritures et la pensée du Christ clairement présentée par l'apôtre Paul.par Lui, en commun: "nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, et chacun est membre l'un de l'autre" (Rom. 12:5). L'unité en Christ signifie être dans le même "espace" avec Lui, c'est-à-dire être en Lui, en tant que membres de Son Corps. Comme les partisans de la nouvelle ecclésiologie eux-mêmes l'ont admis en évitant le terme "membre" comme gênant, il ne peut y avoir de "membres incomplets" du Christ, "dont tout le corps convenablement réuni et compacté par ce que chaque joint fournit, selon le travail efficace dans la mesure de chaque partie, fait croître le corps jusqu'à l'édification de lui-même dans l'amour" (Éph. 4:16). Il n'y a pas d'union ou de communion incomplète dans l'Église parce que l'Église est plénitude, l'Église est "son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous" (Éph. 1:23).

Il ne peut y avoir deux domaines différents de possibilités ecclésiales, ou deux classes différentes de baptisés, car "dans un seul Esprit, nous sommes tous baptisés en un seul corps "(1 Cor. 12:13). Il ne peut y avoir deux sortes de communion ou unité en Christ - une pleine et une incomplète, car nous "sommes tous un en Jésus-Christ "(Gal. 3:28). Il n'y a pas deux sortes différentes d'églises ou de corps de chrétiens au sein d'Une Seule Église une qui est par la volonté de Dieu et une autre qui n'est pas la volonté expresse de Christ, car toute "l'Église est soumise au Christ" (Éph. 5: 24), Qui la sanctifie et la purifie "afin de se la présenter à lui-même comme une église glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais qu'elle soit sainte et sans défaut "(Éph. 5:27).

L'Église est une, et son unité est à la fois verticale et horizontale, avec Dieu et entre les hommes, avec les Saints Pères du passé et les chrétiens des derniers temps. Cette unité n'englobe que ceux qui communient  à l'énergie vivifiante de la Sainte Trinité.

Comme l'a écrit saint Nicolas Cabasilas, cette unité se manifeste dans les mystères — chacun séparément et tous ensemble. L'unité des mystères et de la vie mystique dans le Christ signifie que l'énergie vivifiante et salvifique de la Sainte Trinité n'est pas donnée une fois pour toutes par le Baptême. Car non seulement l'initiation à cette énergie vivifiante n'est pas seulement par le Baptême, mais notre séjour continu dans le Corps en tant que porteurs de l'Esprit exige la formation continue du Christ à l'intérieur, par la communion aux mystères immaculés de l'Eucharistie.

De tout ce que cette étude s'est efforcée de présenter, nous pensons qu'il devrait être clair que la théorie de l'unité baptismale présentée dans Unitatis Redintegratio est incompatible avec l'ecclésiologie des Saints Pères.

Cette conclusion a été confirmée dans les nombreux exemples que nous avons cités à la fois dans Unitatis Redintegratio et dans les commentaires des principaux théologiens latins et dans le témoignage patristique de l'Église primitive et contemporaine." (À suivre)


Père Peter Heers

Version française (avec l'autorisation de l'auteur) d'un extrait de The Ecclesiological Renovation of Vatican II:  An Orthodox Examination of Rome's Ecumenical Theology Regarding Baptism and the Church ( Uncut Mountain Press)

par Maxime Le minime

vendredi 1 juillet 2011

SMALL IS BEAUTIFUL ! [1]

Oui, cela n'engage que moi, comme d'habitude, bien que le soutien du Patriarcat Œcuménique lui-même à la cause de la défense de l'environnement soit évident et là je ne vois aucune critique à faire.
Mais il y a plus que produire et consommer localement et le principe de subsidiarité - même s'il est d'origine catholique, là non plus je ne vois aucune critique à faire - ne devrait pas quitter les esprits européens ni chrétiens et on devrait l'appliquer à l'organisation ecclésiale intégralement ce qui devrait dissuader de donner trop d'importance et de laisser trop de prérogatives au centralisme de quelque nature qu'il soit. Oui en Grèce il y a beaucoup d'évêques pour beaucoup de petits diocèses; C'est cela qui se rapproche le plus des premières communautés chrétiennes de l'Eglise. Non ? Beaucoup de petits troupeaux en réseau dans la même Tradition fidèlement transmise par des pasteurs uniquement préoccupés de leur troupeau et non de leur carrière internationale...

Bon voilà une série estivale d'épisodes du film "Small is beautiful" Incontournable :



Small is beautiful _1/6 par Darwin_Kayser

vendredi 6 mai 2011

L'APOTRE PIERRE ET L'EGLISE DE ROME par Nicolas Afanassieff - Rappel à temps et à contre-temps

St Apôtre Pierre (Sinaï)
"La transposition de l'ecclésiologie actuelle dans l'Église primitive crée non seulement une image erronée de cette dernière, mais encore suscite en nous des problèmes qui n'existaient pas à l'époque et qui sont, pour cela insolubles. Dans l'ordre d'idées de l'ecclésiologie eucharistique, la conscience chrétienne primitive ne pouvait pas se demander qui se trouvait en ce temps-là à la tête de  l'Église ou se poser la question, plus concrète, de savoir si Pierre se trouvait à la tête de l'Église et où et quand. Dans la conscience ecclésiale des premiers temps, il n'y avait pas de fondement pour une telle question car il n'y existait pas d'idée du pouvoir sur les églises locales, fut-ce le pouvoir d'une seule personne, même celui de l'apôtre Pierre, ou le pouvoir d'une seule église, qu'elle soit celle de Jérusalem, d'Antioche ou de Rome. Dans Mt. XVI, 18 le Christ ne parlait pas de l’église universelle mais de l'Eglise qui est Son corps, se manifestant à l'assemblée eucharistique de chaque église locale. En promettant que cette Eglise serait édifiée sur Pierre, le Christ ne l'instituait pas comme Son fondé de pouvoir sur toute Son Eglise. Sur ce point M. Cullmann est eu accord complet avec la théologie catholique, car à ses yeux Pierre était le chef de l'église universelle pendant son séjour à Jérusalem. M. C. ne diverge avec la théologie catholique qu'en ce qu'il limite la période où Pierre a été le chef de l'Eglise à un très court laps de temps. A la lumière de l'ecclésiologie eucharistique, Mt. XVI, 17-19 permet seulement de conclure que le Christ a fait de Pierre un chef à l'intérieur d'une église locale, mais il ne l'a pas placé à la tête des églises locales. Ce qui plus est, nous avons une indication directe dans les écrits néo-testamentaires que la conscience ecclesiale primitive ne voyait pas en Pierre un chef de l'Eglise, J'ai en vue Eph.I, 22-23 (cf Col. I, 18). Authentique ou pas, cette épitre témoigne du fait que la conscience chrétienne primitive considérait le Christ comme chef de l'Eglise et qu'elle n'avait pas l'idée que le Christ ait pu instituer quelqu'un temporairement ou définitivement comme Son fondé de pouvoir. Nous retrouvons le même ordre d'idées dans I Cor. III, 11. Il serait erroné de voir dans Eph. I, 22-23 et surtout dans ICor.III,11 l'expression d'une polémique contre Pierre, car Pierre, tout comme Paul, non seulement n'avait pas la prétention d'être le chef de l'église universelle, mais il n'avait même pas cette idée. En outre, les premiers chrétiens ne sentaient pas la nécessité d'avoir un chef visible de l'Église , qui avait un Chef invisible,— c'est le langage de notre époque —, car pour eux le Christ était présent à chaque assemblée eucharistique."
Nicolas Afanassieff
extrait  de
L'apotre Pierre et l' évêque de Rome
A propos du livre d'Oscar Cullmann «Saint Pierre, Disciple -Apôtre - Martyr. Neuchatel - Paris 1952 Theologia 26, Athènes 1955, p. 465-475; 620-641
sur le site Myrobiblos.gr

vendredi 26 mars 2010

Révolution, Nationalisme, Phylétisme et Eglise orthodoxe

Après m'être associé à la joie de la fête nationale grecque et avoir même vanté les mérites de la révolution , il me faut tout de même apporter quelques nuances sur ces fameux bienfaits...
Cet extrait d'un texte très important pour nous Orthodoxes occidentaux de Geronda Placide Deseille sur le sujet le fera bien mieux que je ne pourrais le faire, le voici  donc :


"[...] La philosophie politique des protagonistes de la Révolution a été formulée par eux dans la «déclaration des droits de l'homme et du citoyen», selon laquelle la liberté de l'individu n'est limitée que par celle des autres individus; l'autorité et la loi n'émanent que de l'homme, envisagé collectivement, sans dépendance d'aucune Autorité transcendante. Mais, comme le remarque pertinemment encore Régis Debray, si « l’image de la Déclaration de 89 est la plus populaire», «il serait pour autant ingrat de laisser dans l'ombre ce qui a rendu possible l'incarnation des immortels principes; la nation, et la violence. Elles ont partie liée. L'idéal énoncé au monde par la Révolution française, ce fut la nation comme nouveauté radicale, plus que le droit comme promesse d'avenir. Et c'est la première qui a servi de propulseur au second» (1).
La Révolution a donné ainsi le signal à un essor du nationalisme qui a marqué toute l'histoire du XIXème siècle, et qui, en cette fin du XXème siècle a encore des retombées de l'Amérique latine aux Pays baltes, à l'Arménie et à la Géorgie, en passant par l'Afrique noire. «Se considérant comme exportable - missionnaire. (la Révolution française) a voulu enseigner la liberté aux peuples contre la tyrannie des trônes. Elle a opposé la souveraineté populaire au droit divin des rois et posé en principe éthique le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (2)
Ce nouveau nationalisme est d'une nature très différente du patriotisme qui animait les membres des anciennes nations chrétiennes. Il n'est plus fait de l'attachement à un terroir, de la fidélité à un souverain et de l'amour d'un patrimoine commun, mais il procède plutôt de l'enthousiasme pour l'idée qu'une communauté ethnique ou linguistique se fait d'elle-même et pour ses mythes nationaux tels que ses écrivains et ses publicistes les formulent et les exaltent. Cet individualisme collectif est facilement xénophobe, chaque nation tendant à opposer son particularisme à celui des autres (3).
Paradoxalement, dans l'Europe du XIXème siècle, ce nationalisme révolutionnaire, dont la racine était antichrétienne, servit la cause de nations catholiques romaines ou orthodoxes : la Belgique, la Pologne, l'Irlande se libéreront de la domination de nations non-catholiques, tandis que la Grèce et les nations balkaniques s'affranchiront du joug ottoman.

Le nationalisme et l'Eglise orthodoxe

Le mouvement de libération nationale n'eut pas, pour les pays orthodoxes que des conséquences bénéfiques. Dans un premier temps, il contribua à la formation de nations où l'Orthodoxie était proclamée religion d'état. Mais il portait en lui, de par ses origines, un germe de déchristianisation qui se développerait peu à peu et conduirait un jour à l'établissement de gouvernements athées et antichrétiens. Le lien qui rattache les révolutions marxistes à la Révolution française est manifeste.
Mais surtout, le nationalisme des deux derniers siècles est responsable de ce qui constitue l'une des plaies les plus redoutables du monde orthodoxe contemporain, le nationalisme religieux ou «phylétisme». Il fut condamné par le Concile local de Constantinople de 1872, alors que les Bulgares envisageaient la création d'une Église nationale sans limites géographiques précises, exerçant une juridiction universelle. Le rapport élaboré pour ce Concile dénonce avec rigueur et clarté ce mal qui n'a pas cessé de perturber l'Église orthodoxe, surtout là que se pose le problème de la Diaspora :
«Le phylétisme, c'est-à-dire la distinction fondée sur la différence d'origine ethnique et de langue, et la revendication ou l'exercice de droits exclusifs de la part d'individus et de groupes d'hommes de même pays et de même sang, peut avoir quelques fondements dans les états séculiers, mais ... dans l'Église chrétienne, qui est une communion spirituelle destinée par son chef et fondateur à comprendre toutes les nations dans l'unique fraternité du Christ, le phylétisme est quelque chose d'étranger et de totalement incompréhensible. La formation, dans un même lieu, d'églises particulières fondées sur la race, ne recevant que les fidèles d'une même ethnie, excluant tous ceux des autres ethnies, et dirigées par les seuls pasteurs de même race, comme le prétendent les adeptes du phylétisme, est un événement sans précédent... (4 )
Il est normal et sain que dans un pays de tradition orthodoxe, l'Église soit comme l'âme de la nation, et l'expression la plus profonde de son être collectif. Un sain patriotisme, exempt de tout exclusivisme et de tout chauvinisme, est pleinement conciliable avec l'esprit du christianisme. Dans des situations de diaspora, il est normal que des émigrés gardent un attachement pour leur patrie d'origine ; mais le rôle de l'Église ne doit pas être confondu avec celui d'une association culturelle ou d'un groupe folklorique, ni l'identité ethnique avec l'identité chrétienne.
L'Église de Dieu présente à Athènes est la même que celle qui est présente à Moscou ou a Bucarest ; un Russe ou un Roumain en résidence à Athènes peut, tout au plus, souhaiter que l'Église locale mette à sa disposition un lieu de culte où la Liturgie soit célébrée dans sa langue, mais ce lieu de culte doit dépendre de l'Église locale, et non d'un évêque qui représenterait sur place l'Église russe ou l'Église de Roumanie. La fidélité à la tradition canonique de l'Église, qui n'est que l'expression de vérités théologiques essentielles, exigerait qu'il en aille de même à Paris ou à Londres. Le respect du principe territorial n'implique d'ailleurs aucunement l'existence d'une Église autocéphale ou autonome dans chaque pays : en faire une exigence serait encore une forme de phylétisme ; rien n'empêche que le métropolite de Paris dépende d'une autocéphalie dont le siège serait à Londres, par exemple, ou du Patriarche œcuménique ; ce qui importe, c'est qu'il n'y ait pas dans un même lieu plusieurs communautés ecclésiales, plusieurs évêques, plusieurs métropolites indépendants les uns des autres.[...]"

1. Régis Debray, Que vive la république  Paris 1989 p. 59.
2. Emile Poulat, Liberté. Laïcité. l,a guerre des deux France et le principe de la modernité. Paris, 1987, pp. 127-128.
3. Cf. Marie-Madeleine Martin, Histoire de l'unité française. L'idée de patrie en France des origines à nos jours, Paris. 1949. 
4. Voir l'ensemble du texte dans : Métropolite Maxime de Sardes, Le Patriarcat œcuménique dans l'Église orthodoxe, Paris, 1975. pp. 378-387.

in  "Tous, vous êtes un dans le Christ
L'Église orthodoxe et le nationalisme
(ed. du Monastère SaintAntoine Le Grand 26190 Saint-Laurent-en-Royan)
pour commander 04 75 47 72 02



Jean VI Cantacuzène, empereur  et 
moine - sous le nom de Joasaph Christodoulos

samedi 20 mars 2010

Père Placide DESEILLE - extraits de ses écrits 1. L'Eucharistie et l'Eglise

"L’Eucharistie fait l'Église. Celle-ci n'est rien d'autre que le corps glorifié du Christ uni à ses membres, qu'ils soient déjà auprès de lui dans les cieux, ou qu'ils militent encore sur la terre. Cette Église-Corps du Christ est rendue présente ici-bas partout où existe une communauté de chrétiens qui se rassemblent, dans une ville ou une bourgade, autour de leur évêque ou de l'un de ses prêtres qui le représente, et reçoit de sa main le corps eucharistique du Seigneur. « Mêlée» à ce corps, comme disaient les Pères de l'Église, identifiée à lui, cette communauté locale n'est pas une « partie » du corps du Christ: elle participe à sa plénitude, elle est spirituellement le Christ tout entier, de même que chaque parcelle des saints dons n'est pas une partie du Christ, mais rend présent le Christ tout entier. Et à l'intérieur de chaque Église locale, il ne peut y avoir de discrimination entre chrétiens d'origine ethnique diverse, entre hommes et femmes, entre riches et pauvres. Tous sont un dans le Christ." 

 in  "La Divine Liturgie
(ed. du Monastère SaintAntoine Le Grand 26190 Saint-Laurent-en-Royan)
pour commander 04 75 47 72 02

jeudi 4 mars 2010

LETTRE A UN AMI CATHOLIQUE ROMAIN : De l'Uniatisme à l'Orthodoxie de l'Archiprêtre Gregorio Cognetti



Voici un extrait d'un témoignage de conversion à l'Orthodoxie d'un Catholique de rite byzantin qu'il est bon de lire pour comprendre en quoi il est problématique de "se sentir orthodoxe" tout en restant dans l'Église romaine... Vous pouvez lire l'intégralité du témoignage en allant sur le site "Comment je suis devenu orthodoxe" ou en cliquant directement [ici]


[...] L'Orthodoxie est un mode de vie, pas un rite. La beauté du rite découle de la réalité intérieure de la foi orthodoxe, et non pas d'une recherche de formes. La Divine Liturgie n'est pas une façon plus pittoresque de dire la messe : elle s’origine dans une réalité théologique qu’elle renforce, mais qui devient néanmoins nulle et incohérente si elle est détachée de l'Orthodoxie. Quand l'esprit de l'Orthodoxie est présent, même l’office le plus misérable, fait dans une cabane, avec deux icônes de papier posée sur une paire de chaises en guise d’iconostase, avec un chœur composé d’une poignée de fidèles chantant faux, est incomparablement plus élevé que les offices dans mon ancienne paroisse uniate - au milieu de magnifiques mosaïques byzantines du 12ème siècle, avec un chœur compétent (quand il y en avait un). Le respect presque paranoïaque des formes rituelles, c'est la vaine tentative de compenser l'absence d'un véritable ethos (disposition psychique) orthodoxe. [...] 

(Version et adaptation en  français de Maxime Le minime)

mardi 19 janvier 2010

SEMAINE DE L'UNITE : " Le retour du Fils prodigue" pour 2011


La situation actuelle de l’Eglise ? C’est très simple :

1. Rome est partie de la maison orthodoxe primitive avec la prétention non seulement à l’autonomie mais à la primauté universelle se proclamant « catholique » dans cette acception.
2. l’Eglise réformée est partie de la maison romaine avec à la fois le même désir d’autonomie, essaimant automatiquement en une multitude d’églises et ecclésioles ayant la même préoccupation et le désir louable de retrouver la source authentique, mais sans parvenir à la source vivante, en s’arrêtant simplement un peu tôt à la source textuelle .

Comment peut se faire l’unité des chrétiens ? C’est très simple :

En revenant à la maison paternelle. Par paliers, ou directement pour les plus audacieux.
Cela demande de l’humilité pour Rome. Ce qui est sûrement difficile car elle n’est pas tombée encore assez bas. Le bateau même s’il est dans un terrible naufrage a encore sa poupe émergée et un bout d’allure suffisant pour faire illusion.

On ne peut pas réduire les différences ni à des points de doctrine que l’on voudrait secondaires, ni à des différends historiques, politiques ou culturels qui seraient résorbables, pardonnables et oubliables.
On ne peut pas plus, paradoxalement et scandaleusement (à première vue seulement), se réunir uniquement sur des préceptes évangéliques comme cela est proposé assez logiquement par des assemblées habituées depuis des siècles à se fonder sur la « sola scriptura ».

Il s’agit de choses bien plus profondes, bien plus enracinées, bien plus incarnées que cela, il s’agit d’un mode de vie, d’une perception, d’une sensibilité, d’un mode d’être au monde. Il ne s’agit pas d’exégèse de textes, ni même de retour aux textes primitifs. Il s’agit d’un mode d’être présent au divin qui ne concerne pas seulement de savants théologiens mais des gens ordinaires. Une façon de se tenir devant Dieu et de vivre sa vie de chrétien. Et ça, nulle réunion la mieux intentionnée ne pourra le réunir. C’est de l’ordre de la Tradition, c'est-à-dire de ce qui a été transmis depuis des siècles.
Est-ce que le temps est insurmontable ? Non, l’humilité, l’amour, l’écoute, l’abandon et l’audace de changer avec le passage obligé par l'insécurité du saut cela permet d’aller, ou mieux de revenir, à la maison.

Je propose comme thème de la semaine pour l’unité pour 2011 le retour du fils prodigue à la maison du Père qui est aussi celle de la Mère de tous, l’Eglise orthodoxe de toujours.


samedi 2 mai 2009

L'indispensable et incontournable analyse de Jean-Claude LARCHET

A LIRE ABSOLUMENT sur Orthodoxie.com 
dans la recension du livre de l' Évêque Hilarion Alfeyev,
 «L'Orthodoxie», tome 1, «Histoire et structures canoniques de l'Église orthodoxe»
l'analyse des problèmes ecclésiologiques
de l'Eglise orthodoxe aujourd'hui

"[...]La deuxième partie, qui traite de "l'organisation canonique de l'Église dans le monde", se fonde sur le principe de l’Église locale qui est à la base de l’ecclésiologie orthodoxe traditionnelle, et c’est à bon droit que, après un exposé historique sur l'organisation canonique de l'Église orthodoxe à l'origine du christianisme et dans les siècles passés, elle formule des critiques sévères à l’encontre de l’ecclésiologie actuelle du Patriarcat de Constantinople. Il apparaît en effet que celle-ci est devenue, au cours des dernières décennies, très proche de l’ecclésiologie catholique romaine [...]"

"[...] Cependant l’ecclésiologie présentée ici reflète aussi pour une part les positions écclésiologiques récentes de l’Église russe (développées surtout sous l’égide du mentor de Mgr Hilarion, l’ex-métropolite, actuel patriarche Kirill), qui poussées dans leurs conséquences logiques (qui n’apparaissent pas ici, mais que l’on trouve dans les déclarations de l’ex-métropolite, actuel patriarche Kirill, et dans certaines déclarations officielles de Mgr Hilarion lui-même), paraissent également problématiques sur plusieurs points. [...]"

dimanche 8 février 2009

" Il faut des siècles..." par Père Alexandre Winogradsky

"Il faut des siècles
pour remonter et corriger des siècles de haine et d'ignorance.

Sommes-nous ou non les témoins et les dépositaires de l'Eternité ?
Pourquoi limiter le temps à nous-mêmes ?
Nous pouvons semer,
d'autres continueront de scruter le mystère de la plénitude divine."

dimanche 1 février 2009

Paix,diaspora et division dans l’Église, Règle 28 du 4° Concile œcuménique...


La lettre publiée ci-dessous est datée du 18 mars 2002.
Elle fut en partie publiée en anglais sur le site Orthodox Christian Laity.
Le présent texte français est une traduction privée, effectuée à partir de l’original en russe, elle était parue sur le site de l'OLTR qui organise le 13 février une table ronde sur "La primauté dans l’Église orthodoxe"
Cette lettre après relecture et dans un souci autant de vérité, de paix, de justice que d'efficacité d'organisation de l'Eglise semble toujours suffisamment d'actualité pour que comme le site Orthodoxy today nous en fassions le rappel en dehors de tout souhait que les Orthodoxes de l'ouest se placent à tout prix dans une "tradition russe" (qu'ils se classent "Hors Frontières", "Moscou" ou "Exarchat")
"A Sa Sainteté Bartholomée
Patriarche œcuménique
et Archevêque de Constantinople-Nouvelle Rome

Votre Sainteté, Bien-aimé Frère et concélébrant en Dieu,

Nous vous saluons fraternellement et vous souhaitons de nombreuses grâces et miséricordes de la part de Dieu et de Notre Sauveur. 

Nous avons reçu le message de Votre Sainteté N° 129 du 11 avril 2002 sur la situation de l'Archevêché des paroisses orthodoxes russes en Europe occidentale. En lisant cette lettre, nous avons été très troublés par le très grand nombre de reproches amers et d'accusations injustes que vous y formulez. Toutefois, nous souhaitons suivre le précepte du très sage Salomon (Proverbes 17, 9) "qui recherche l'amitié, oublie les torts ; y revenir sépare de l'ami". Ne souhaitant pas mettre à l'épreuve inutilement le sentiment d'amour fraternel entre nos Églises, nous n'allons pas nous arrêter en détail sur l'examen de ces expressions peu heureuses car nous pensons qu'il s'agit plutôt de fâcheux malentendus provenant, à notre avis, d'une compréhension erronée des problèmes que vous avez soulevés. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est plus utile de passer immédiatement à l'évaluation de l'interprétation de la règle 28 du quatrième Concile œcuménique proposée par Votre Sainteté, interprétation avec laquelle nous sommes en désaccord catégorique.

Cette règle définit réellement le domaine de responsabilité du siège patriarcal de l’Église de Constantinople en le délimitant par les diocèses anciens d'Asie (proconsulaire), de Thrace et du Pont, c'est à dire les provinces qui appartiennent maintenant à la Turquie, la Bulgarie et la Grèce. Il n'en découle pas du tout que doive être soumise au Patriarcat de Constantinople "toute province qui ne relève pas d'un autre siège patriarcal".

Il apparaît évident que cette interprétation inexacte provient ici d'une interprétation erronée du terme "chez les étrangers" (en tis varvarikis) et du contexte de cette expression. Une telle interprétation erronée suppose qu'il s'agit ici non pas des peuples barbares vivant soit dans l'empire romain soit au-delà de ses limites, mais des entités administratives (définies par l’État) peuplées surtout de barbares. Or, il ne fait aucun doute que cette expression recouvre non pas les provinces mais les peuples, elle n'est pas utilisée au sens administratif et politique mais au sens ethnique. Cela découle de façon évidente des considérations que nous développons ci-dessous.

Comme vous le savez, à l'époque hellénistique et byzantine, le terme "varvaros" se rapporte aux représentants des peuples dont la langue, la culture et les mœurs ne sont pas grecques. Ainsi, Saint Grégoire de Nysse, dans son troisième discours contre Eunome, parle de "philosophie barbare" (varvariki filosofia), Eusèbe de Césarée parle des "barbarismes dans la langue grecque" (idiomata varvarika), Saint Épiphane de Chypre des "noms barbares" (varvarika onomata) et le maître de Saint Jean Chrysostome, Libanius, de "coutumes barbares" (iti varvarika). De même, l'Apôtre Paul entend par "barbare" toute personne ne parlant ni latin ni grec – langues officielles (cf 1 Cor. 14, 1) "Si donc je ne connais pas le sens de la langue, je serai un barbare (varvaros) pour celui qui parle et celui qui parle sera un barbare (varvaros) pour moi". De tels "barbares" pouvaient vivre aussi bien à l'extérieur qu’à l'intérieur de l'empire romain. L'Apôtre Paul prêchait pour les barbares (Rom. 1,14) sans franchir les limites de l'empire. Les Actes des Apôtres (28,2 et 4) nomment les habitants de l'Ile de Malte "des barbares", bien que cette île fasse partie de l'empire, et cela, uniquement parce que la langue locale est le punique. En ce qui concerne le terme "varvarikon", il est certes employé pour désigner les territoires situés en dehors des limites de l'empire romain. C'est dans ce sens que ce terme est utilisé par exemple dans le 63ème (52ème) canon du Concile de Carthage, où il est dit qu’en Mauritanie il n'y avait pas de conciles parce que ce pays se trouve à l'extrémité de l'Afrique, il est limitrophe d'une terre barbare (to varvariko parakitê). Néanmoins, ce terme peut aussi se rapporter à tout ce qui est barbare, et à ce titre – aux territoires qui, bien que peuplés des barbares, entrent dans la composition de l'empire.

C'est justement dans ce sens que ce terme est utilisé dans le canon de Chalcédoine. On n'y parle pas de peuples barbares en général, mais seulement de peuples bien déterminés, des peuples des provinces susmentionnées (ton proirimenon diikiseon), c’est à dire des barbares vivant dans les diocèses du Pont, de l'Asie et de Thrace qui faisaient partie intégrante de l'empire romain d'orient. Ainsi le canon soumet au siège de Constantinople les évêques des barbares vivant dans les limites ecclésiales de ces trois diocèses.

Tous les commentateurs des canons, Alexis Aristène, Jean Zonaras et Théodore Balsamon, de même que l'auteur du Syntagma alphabétique, Matthieu Blastaris, entendent par l'expression "en varvarikis" justement les peuples barbares et, qui plus est, uniquement les peuples soumis à la juridiction de ces trois diocèses, soulignant que les peuples barbares des diocèses voisins n'étaient pas soumis par cette règle à la juridiction de Constantinople, mais ils restaient sous la juridiction d'autres Églises orthodoxes. Seuls sont soumis à l'Evêque de Constantinople, écrit Aristine, les métropolites du Pont, d'Asie et de Thrace, et c’est de lui qu’ils reçoivent la consécration épiscopale ; il en est de même pour les évêques des barbares dans ces diocèses, car le diocèse de Macédoine, d'Illyrie, de Théssalie, du Péloponnèse et de tout l’Epire et les peuples barbares dans ce diocèse se trouvaient alors sous l'autorité de l’évêque de Rome (Syntagma d'Athènes 2, 286 ; Kormtchaïa, Edition 1816, p. 73). C'est l’évêque de Constantinople qui est chargé de la consécration épiscopale des peuples barbares qui se trouvent dans les diocèses précités, écrit Zonara, car les diocèses restants, c'est à dire : de Macédoine et de Théssalie, d'Ellade et du Péloponnèse, d'Epire et d'Illyrie étaient alors soumis à l’évêque de la Rome ancienne (Syntagma d'Athènes 2, 283, 284). Nous pouvons lire dans le Syntagma de M. Blastaris : l’évêque de Constantinople a aussi le droit de sacrer les évêques des peuples barbares limitrophes de ces diocèses, comme les Alains et les "Rous" car les premiers sont limitrophes du diocèse du Pont et les seconds du diocèse de Thrace (Syntagma d'Athènes VI, 257). Dans ce dernier cas, il s'agit d'une pratique ecclésiale tardive (le témoignage de Blastaris se rapporte au XIVe siècle) selon laquelle sont incluses dans la juridiction de l’Église de Contantinople les terres barbares attenantes aux trois diocèses mentionnés. Il est par ailleurs souligné que la juridiction de l'évêque de Constantinople a été étendue à ces territoires justement du fait de leur voisinage avec la province canonique définie par la 28e règle du Concile de Chalcédoine, bien que dans le texte même des règles la possibilité d'un tel élargissement ne soit pas prévue.

Ainsi les commentateurs anciens et faisant autorité confirment que le Concile de Chalcédoine n'a donné à l’évêque de Constantinople un droit sur les territoires "barbares" que dans les limites de trois diocèses, dont seul le diocèse de Thrace se situe en Europe. Aristène et Zonaras, par exemple, indiquent clairement qu'en Europe le droit pour l’évêque de Constantinople d'envoyer des évêques pour les barbares s'étend seulement au diocèse de Trace, car les autres diocèses sont soumis à l’évêque de Rome. En ce qui concerne les frontières de l’Église de Constantinople en Asie, Balsamon écrit, dans l’interprétation du canon 28 du IVe Concile œcuménique : "Sache qu'on appelle pontiques les métropolites riverains de la Mer Noire jusqu'à Trébizonde, asiatiques les métropolites près d'Ephèse, de la Lycie, de Pamphilie et des environs, mais pas en Anatolie, comme disent certains. En Anatolie, c'est celui [l’évêque] d'Antioche qui possède le droit d'ordonner" (Syntagma d'Athènes II, 284).

Il convient également de constater qu'il ne s'agit pas dans ce canon de la diaspora mais des peuples "barbares" autochtones vivant non pas dispersés mais sur leurs propres terres. Ils sont devenus chrétiens surtout à la suite d'activités missionnaires : leur christianisme ne vient pas de leur patrie étrangère comme c'est le cas pour la diaspora. Et voilà pourquoi, on s'éloigne de la réalité historique et on mélange des concepts différents si on étend le champ d'application d’un canon concernant les peuples autochtones, devenus chrétiens par suite d'activités missionnaires, au phénomène de la diaspora composée de personnes qui partent en terre étrangère et qui ont été élevés dans la tradition orthodoxe de leur patrie.

Ainsi l'affirmation de Votre Sainteté disant que par le 28e canon de Chalcédoine "entrent dans le domaine de responsabilité du Patriarche œcuménique l’Europe occidentale et toutes les terres nouvellement découvertes d'Amérique et d'Australie" est une affirmation qui semble être entièrement inventée et privée de tout fondement canonique. En effet ces terres éloignées n'ont aucun lien avec les trois diocèses mentionnés dans le canon et n'en sont même pas limitrophes, et, d’autre part, la majorité des fidèles des Églises sur ces territoires ne sont pas des indigènes mais des représentants de peuples traditionnellement orthodoxes avec leurs traditions religieuses qu'ils souhaitent conserver. Pour ce qui est de l’appartenance juridictionnelle des territoires canoniques appartenant à l’Église de Rome avant le schisme de l’an 1054, aucune décision ayant autorité pan-orthodoxe n'a été prise par l’Église.

Tout cela est étayé aussi par des faits historiques indiquant que jusque dans les années vingt du vingtième siècle il n'y avait aucune autorité de fait du patriarche de Constantinople sur toute la diaspora orthodoxe dans le monde entier, et qu’il ne prétendait pas non plus à une telle autorité. A titre d'exemple, en Australie la diaspora orthodoxe était initialement desservie par Jérusalem et le patriarcat de Jérusalem y envoyait des prêtres. En Europe occidentale, dès le commencement, les paroisses et les communautés orthodoxes dépendaient canoniquement de leur Églises mères et non pas de Constantinople, de même que dans d'autres parties du monde où pour suivre l’enseignement du Christ (Matthieu 28, 1-20) des missionnaires zélés des Églises locales orthodoxes, y compris celle de Constantinople, prêchaient l 'Evangile et baptisaient les aborigènes qui devenaient enfants de l’Église, qui les avait éclairés par le baptême.

Pour ce qui est de l'Amérique, dès 1794, l'Orthodoxie sur ce continent a été représentée exclusivement par la juridiction de l’Église russe qui en 1918 regroupait 300 000 orthodoxes de nationalités différentes (Russes, Ukrainiens, Serbes, Albanais, Arabes, Aléoutes, Indiens, Africains, Anglais) ; y appartenaient également les grecs orthodoxes recevant l'antimension pour leurs paroisses de la part des évêques russe. Une telle situation était reconnue par toute les Églises locales qui pour les paroisses américaines envoyaient leur clergé dans la juridiction de l’Église orthodoxe russe. Le patriarcat de Constantinople aussi s'en tenait à cette même pratique. Par exemple, lorsque en 1912 les Grecs orthodoxes d'Amérique adressèrent une requête pour l'envoi d'un évêque grec à Sa Sainteté le Patriarche de Constantinople Joachim III, le Patriarche ne l’a ni envoyé lui-même, ni n’a adressé cette requête à l’Église orthodoxe de Grèce mais il a recommandé d'en référer à l'Archevêque Platon d'Aléoutie et d'Amérique du Nord afin que cette question soit tranchée par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe.

Le pluralisme juridictionnel en Amérique du Nord a commencé en 1921, lorsqu’a été créé l’"Archevêché grec d’Amérique du Nord et du Sud" sans l’accord de l’Église orthodoxe russe, qui n'en avait pas été informée. C'est justement à ce moment-là qu'apparaît ce que vous décrivez : "En dépit des Saints Canons, les Orthodoxes, en particulier ceux qui vivent dans les pays occidentaux, sont divisés en groupes ethnico-raciaux. Les Églises ont à leur tête des évêques choisis pour des considérations ethnico-raciales. Souvent ces derniers ne sont pas seuls dans chaque ville et parfois n'entretiennent pas de bonnes relations et se combattent ", ce qui "est une honte pour toute l'orthodoxie et la cause de réactions défavorables qui se retourne nt contre elle". Comme nous le voyons, la faute de cette triste situation n'incombe pas à l’Église russe. Au contraire, s'efforçant de faire entrer l'orthodoxie américaine dans le sillage canonique, en tant qu'Église Mère, en 1970, elle a accordé l'autocéphalie à son Église Fille. Par cet acte, l’Église russe a agi dans les limites de sa juridiction canonique, ayant en vue une future décision panorthodoxe concernant le rétablissement d'une Église orthodoxe locale unique en Amérique. Nous pouvons remarquer que, déjà en 1905, un projet de création de cette Église avait été présenté au Saint Synode par le saint Patriarche Tikhon qui était alors l’Archevêque d'Aléoutie et d'Amérique du Nord.

Il est triste de constater que la Très Sainte Église de Constantinople n'a pas soutenu l’acte de 1970 et n'a pas contribué à l'union tant souhaitée. Jusqu'à présent, cela reste une cause de discorde et de mécontentement qu’éprouvent de nombreux Orthodoxes en Amérique en ce qui concerne leur statut.

Malgré l'affirmation de Votre Sainteté, à savoir "qu'aucun autre siège patriarcal n'a reçu le privilège ni le droit canonique" pour appliquer sa juridiction en dehors des provinces qui n'appartiennent pas aux territoires canoniques des Églises autocéphales, l’histoire démontre que la 28è règle du IVe Concile œcuménique soumettant à Constantinople les trois diocèses mentionnés ne diminue en rien les droits des autres Églises autocéphales, en particulier dans le domaine de la juridiction ecclésiastique sur le territoire des terres étrangères. Ainsi l’Église de Rome désignait les évêques dans presque toute l'Europe, Thrace exceptée, l’Église d'Alexandrie dans les pays au Sud de l’Egypte et par la suite sur presque tout le continent africain, celle d'Antioche à l'Est, en Géorgie, en Perse, en Arménie, en Mésopotamie ; la juridiction de Constantinople, quand à elle, pendant longtemps après le Concile est restée confinée aux frontières qu’étaient celles des diocèses d'Asie, du Pont et de Thrace avant ce Concile.

Historiquement, il convient également de constater qu’aussi bien la primauté d'honneur établie par la règle 3 du IIe Concile œcuménique, que les pouvoirs juridictionnels dans les trois diocèses ont été donnés à l’Église de Constantinople uniquement pour des raisons politiques, à savoir parce que la ville où se trouvait son siège a acquis le statut politique de capitale, est devenue "la ville de l’empereur et du sénat". Ainsi le 28ième canon stipule : "Nous prenons la décision au sujet de la préséance de la Très Sainte Église de Constantinople, la Nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance parce que cette ville était la ville impériale. Mus par ce même motif, les 150 évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au Très Saint Siège de la Nouvelle Rome, pensant à juste titre que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la deuxième après elle". Nous n'avons pas pour le moment l'intention de nous lancer dans une discussion sur ce thème. Toutefois, il convient de ne pas oublier un fait évident : la situation actuelle de Constantinople après la chute de l'empire byzantin ne justifie absolument pas un recours trop insistant à ce canon, sans parler d'interprétations excessivement élargies à son sujet.

L'inclusion dans la juridiction de la Très Sainte Église de Constantinople de nouvelles provinces outre celles voisines de ces trois diocèses, qui a eu lieu au cours de l’histoire, n'est pas, d'après nous, liée à la règle 28 du IVe Concile œcuménique. Les raisons en furent tout à fait autres. Ainsi, les provinces mentionnées par Votre Sainteté d'Illyrie, d'Italie du Sud et de Sicile ne relevaient pas "toujours" de la juridiction du Patriarcat de Constantinople mais furent enlevées de force à l’Église romaine et transmises à l’Église de Constantinople par l'empereur iconoclaste Léon l’Isaurien, sans référence aucune au 28ième canon du Concile de Chalcédoine. Une des plus importantes raisons de ces actes de Léon l'Isaurien était que l’Église de Rome s'opposait à la politique iconoclaste de l' empereur byzantin dont le pouvoir politique s'étendait au territoire indiqué.

En ce qui concerne l’Église russe, elle était initialement soumise à l’Église de Constantinople non pas en vertu du canon 28 du IVe Concile œcuménique mais en vertu du principe général, selon lequel les peuples convertis se soumettent à l’Église mère qui les a christianisés tant qu'ils ne réunissent pas les conditions nécessaires à l'autocéphalie. En devenant église autocéphale, l’Église russe a reçu les mêmes droits de mission, au-delà de son territoire canonique, que les autres Églises orthodoxes locales dans la mesure où, comme cela fut montré ci-dessus, les Saints canons ne donnent aucune préséance à quelque Église que ce soit pour la réalisation de ce droit.

Telle est l'authentique tradition panorthodoxe dans cette question et la Très Sainte Église de Constantinople l’avait toujours respectée jusqu'au moment où le Patriarche Mélétios IV a élaboré la théorie de la subordination de toute la diaspora orthodoxe à Constantinople. C'est précisément cette théorie, à l’évidence anti canonique, qui apparaît, pour employer une expression de Votre Sainteté, "hostile à l’esprit de l’Église orthodoxe, à l'unité de l’orthodoxie et à l'ordre canonique". Elle est précisément l’expression "d'une intention expansionniste qui n'a pas de fondements canoniques et qui est inacceptable sur le plan ecclésiologique". En prétendant à un pouvoir spirituel universel, elle ne correspond pas à la tradition canonique orthodoxe et à l’enseignement des Saints Pères de l’Église, et représente un défi direct à l’unité orthodoxe. En effet, il n'y a aucune raison de convenir avec l’affirmation que l’ensemble de la diaspora orthodoxe ne se trouve point sous la juridiction spirituelle du Patriarcat de Constantinople uniquement parce qu'il "tolère cette situation temporairement et pour des raisons d'économie". Cette dernière phrase a particulièrement suscité notre incompréhension et notre inquiétude car elle semble indiquer l’intention de la Très Sainte Église de Constantinople de continuer à mener à l'avenir une politique unilatérale d'expansionnisme étrangère à l'esprit d’amour fraternel et de conciliarité. A cet égard, il convient de rappeler une remarque juste du Patriarche Diodore de Jérusalem de bienheureuse mémoire figurant dans la lettre à Votre Sainteté N° 480 du 25 juillet 1993, à sa voir que seul le Concile Panorthodoxe a le droit de résoudre la question complexe de la diaspora. Ajoutons encore que ni la Très Sainte Église Orthodoxe de Roumanie ni la Très Sainte Église Orthodoxe de Pologne ne partagent la vision des problèmes de la diaspora orthodoxe exposée par Votre Sainteté : c'est ce qui ressort des rapports de ces Églises aux réunions de la commission préparatoire pour le Saint et Grand Concile en 1990.

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes tout à fait en droit de contester l'affirmation de Votre Sainteté, à savoir que l'Exarchat des Paroisses Russes en Europe est" une des formes de la sollicitude pastorale obligatoires" de l’Église de Constantinople. La thèse de subordination obligatoire de cet Exarchat à la juridiction du Patriarcat de Constantinople est réfutée par l'histoire même de cette structure ecclésiastique. Rappelons que dans les documents officiels de l’Église de Constantinople concernant la situation des paroisses russes en Europe occidentale il est reconnu que leur Église Mère est l’Église Orthodoxe Russe, et que le système établi d'administration de ces paroisses a un caractère provisoire. Il en est question sans ambiguïté dans le Tomos du Patriarche Photius du 17 février 1931. Commentant ce document, le Très Saint Patriarche Photius écrit dans une lettre au Métropolite Serge, Locum Tenens du Trône patriarcal, N° 1428 du 25 juin 1931 : "la situation doit rester dans cet état provisoire jusqu'à ce que, Dieu aidant, soit rétablie l’unité de la Sainte Église Sœur de Russie". Dans ce même sens, Sa Sainteté le Patriarche Athénagoras, dans une lettre à l'Exarque des paroisses russes, l'Archevêque Georges d'Eudociade, N° 671 du 22 novembre 1965, témoignant du fait que "l’Église Russe s’est libérée des divisions et a acquis une organisation interne et a acquis une liberté d'action pour les affaires hors frontières ", annonce la suppression de l'Exarchat des paroisses russes de l'Europe occidentale "qui avait un caractère provisoire" et lui recommande de s'unir au Très Saint Patriarche de Moscou qui "pourra et devra toujours témoigner et manifester son amour paternel pour ces paroisses". La reprise en 1971 par le Patriarcat de Constantinople dans sa juridiction, du diocèse des paroisses russes en Europe et sa transformation en Exarchat par le Tomos du 19 juin 1999, n'a en rien changé le caractère provisoire de la situation actuelle de l'Archevêché russe dans la mesure où ce tomos, dans son premier paragraphe, se réfère au tomos du Patriarche Photius. Ainsi, la Très Sainte Église de Constantinople elle-même, dans ces documents officiels, a reconnu sans ambiguïté le droit à l’union de l'Archevêché des paroisses russes en Europe occidentale avec l’Église Mère – l’Église Orthodoxe Russe sans y voir la manifestation" d'un état d'esprit extrêmement sécularisé et erroné "ou" d’une conception ethnico-raciale erronée".

En ce qui concerne les propos de Son Éminence le Métropolite Cyrille de Smolensk et Kaliningrad mentionnés par Votre Sainteté, propos tenus pendant son séjour à Paris du 10 au 12 février 2001, ce thème a déjà été évoqué au cours d'une série de négociations par les délégations des Patriarcats de Constantinople et de Moscou à Zurich le 19 avril 2001 et dans une lettre du Métropolite Cyrille au Métropolite de Philadelphie Méliton, N° 2062 du 17 juillet 2001. De passage à Paris, Son Éminence le Métropolite Cyrille a été invité par l'Archevêque Serge d’Eucarpie à une rencontre avec le Conseil de l’Archevêché. A cette rencontre, l’hiérarque de notre Église n'a fait aucune proposition particulière, toutefois, lorsqu’on a demandé au Métropolite quelle était sa vision de l’avenir de l’Archevêché, il a exposé la position de notre Église qui n'a jamais été dissimulé et à laquelle nous sommes irrévocablement attachés. Cette position est la suivante : l'existence d'une structure ecclésiastique isolée des paroisses russes en Europe est le résultat de la tragédie du peuple russe provoquée par la révolution. A l'heure actuelle, quand enfin les conséquences de la révolution sont surmontées, le retour des paroisses de l'émigration au sein du Patriarcat de Moscou serait tout à fait normal. Cette aspiration au rétablissement de l'unité spirituelle de notre peuple est reflétée dans la déclaration que vous avez évoquée, faite par le Saint Synode de l’Église Orthodoxe Russe le 8 novembre 2000 où il est question des enfants "qui habitent en dehors des limites d e l’État russe ", (mais pas "en dehors des limites de l’Église russe" comme cela est cité de manière inexacte dans Votre lettre). Cela nous attriste toujours de constater que le souhait légitime et naturel de rassembler à nouveau nos propres ouailles vivant dispersées pour des raisons historiques et politiques connues, fasse l'objet d'attaques si brutales et injustes et ne recueillent pas de compréhension auprès du Primat d’une Église qui a subi une tragédie semblable.

La question de la diaspora orthodoxe est un des plus importants problèmes des relations inter orthodoxes. Etant donné sa complexité et le fait qu'il ne soit pas suffisamment régularisé, il entraîne de graves complications dans les relations entre les Églises et sans aucun doute diminue la force du témoignage orthodoxe dans le monde contemporain. Néanmoins, nous espérons vivement que les efforts soutenus et insistants des Églises Orthodoxes locales permettront finalement de trouver une solution panorthodoxe de ce problème lors du Saint et Grand Concile de l’Église Orthodoxe d'Orient. La responsabilité historique en paraît d'autant plus lourde pour les actes dirigés contre l’obtention d'un accord agréable à Dieu concernant cette question clé.

Voilà pourquoi pour le véritable bien aussi bien de l'orthodoxie que de l’Église de Constantinople qui nous est chère par des réminiscences historiques séculaires, nous appelons Votre Sainteté à suivre les préceptes des Saints Pères, exprimés dans le 8 ième canon du IIIe Concile œcuménique, "que les canons des Pères ne soient pas enfreints, ni que sous le prétexte d'actes sacrés ne s'insinue l’orgueil de la puissance mondaine et que, sans nous en rendre compte, nous perdions peu à peu la liberté, que nous a donné par Son propre Sang, Jésus Christ Notre Seigneur, le Libérateur de tous les hommes". Fidèle à la tradition des Saints Pères, nous demandons instamment et sincèrement à Votre Sainteté de renoncer à un état d'esprit faisant obstacle à l’accord ardemment désiré et de déployer des efforts pour convoquer rapidement le Grand et Saint Concile.

Nous demandons à Dieu paix, santé et longue vie pour Votre Sainteté, nous vous donnons à nouveau l’accolade fraternelle et nous continuons à vous respecter et à vous aimer dans le Christ.
+ Alexis,
Patriarche de Moscou et de toute la Russie" 
(Mémoire éternelle! Вечная память!)