Si quelqu'un, en effet, veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu'il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses, qu'il se détourne du mal et fasse le bien, qu'il recherche la paix et la poursuive. 1 Pierre 3:10-11 Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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lundi 7 octobre 2024

II - CONCLUSION : LA RÉPONSE ORTHODOXE AU DÉFI THÉOLOGIQUE QUI NOUS ATTEND (suite)


Voici la suite et la conclusion d
analysée par l'archiprêtre Peter Heers

« En entreprenant cet examen de la nouvelle approche du baptême schismatique et hérétique adoptée par le Décret de Vatican II sur l'œcuménisme et de son importance pour la formation de la nouvelle ecclésiologie du concile, nous avons cherché à comprendre non seulement ce que le document conciliaire entendait dire, mais comment et pourquoi le concile est arrivé à une telle vision du Baptême et de l'Église.Nous avons montré que la nouvelle ecclésiologie embrassée par ce concile n'est pas du tout un retour à la vision patristique de l'Église, mais plutôt une innovation et un nouveau départ de celle-ci. En particulier, l'un des principaux piliers de la nouvelle ecclésiologie — la reconnaissance, sur la base d'un baptême valide et efficace, de "l'ecclésialité" de confessions traditionnellement étiquetées schismes ou hérésies —s'est avéré incompatible non seulement avec l'ecclésiologie patristique de l'Église primitive (Sts. Ignace, Irénée, Cyprien et coll.) mais aussi avec l'"ecclésiologie eucharistique" récemment exposée."

C'est un présupposé fondamental des Saints Pères que l'unité de l'Église est l'unité dans l'Eucharistie, jamais en dehors d'elle. Toute unité "en Christ", que ce soit entre les hommes ou entre les Églises locales, est unité dans l'Eucharistie. Tous les mystères, y compris, en premier lieu, le Saint Baptême, existent et sont vécus et rendus effectifs dans le mystère de l'Église, dans la Synaxe eucharistique. Le mystère de l'Incarnation, le mystère de l'Église, le mystère de l'Eucharistie et tous les saints mystères sont, en dernière analyse, inséparables, car ils expriment l'Unique Mystère du Christ. Par conséquent, il ne peut y avoir de "participation différenciée" dans l'Église telle que proposée par les théologiens du Concile Vatican, car toute participation prend enseignement menteur d'importance secondaire, mais, en effet, un nouveau dogme, ou plutôt une hérésie. Car tout nouvel enseignement dogmatique, y compris un nouvel enseignement sur la nature de l'Église, le Corps du Christ—un enseignement qui n'est pas en accord avec l'expérience et la Tradition bimillénaires de l'Église — constitue nécessairement une hérésie, une croyance totalement étrangère à la Foi.

Nous sommes convaincus que, vue dans son contexte historique et théologique approprié, la nouvelle image de l'Église révélée dans les textes ecclésiologiques de Vatican II est la dernière d'une longue série d'étapes loin du consensus patristique, sinon, en effet, d'une "deuxième Réforme" de l'Église romaine, cette fois servant à rapprocher Rome du protestantisme. Pourtant, les conséquences de la nouvelle ecclésiologie ne se limitent pas au milieu théologique du catholicisme et du protestantisme. En cette ère d'œcuménisme, la théologie orthodoxe a également été clairement affectée.

En effet, les implications de la nouvelle ecclésiologie sont immenses pour la participation orthodoxe au mouvement œcuménique et au dialogue théologique international avec le catholicisme romain. Le fait que les participants orthodoxes à la Commission Mixte Internationale pour le Dialogue Théologique entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe non seulement n'aient pas vu la nécessité d'examiner, et encore moins d'aborder, ce nouveau départ de la Foi, mais aient plutôt réduit la question ecclésiologique à une question de primauté, révèle l'état désastreux de notre témoignage à cet égard.

Il est en effet remarquable que, bien que cinquante ans se soient écoulés depuis la promulgation des textes conciliaires, la bibliographie des examens critiques orthodoxes couvre moins d'une demi-page. Non seulement les théologiens et les évêques orthodoxes n'ont pas réussi à fournir une critique de la nouvelle ecclésiologie du point de vue orthodoxe (à de très rares exceptions près), mais des représentants haut placés de l'Église ont adopté et exprimé des aspects de celui-ci comme s'il était en harmonie avec le dogme orthodoxe. Des théologiens orthodoxes et des hiérarques renommés ont écrit et parlé de l'Église et de Son Baptême en des termes presque identiques à ceux utilisés dans les textes de Vatican II et de la théologie catholique romaine contemporaine.

L'accord conjoint conclu à Balamand, les divers accords de "baptême commun" signés par des représentants en Amérique, en Allemagne et en Australie qui reconnaissent les baptêmes des hétérodoxes en soi, et la discussion accrue sur une "Église divisée", comprise comme incluant à la fois l'Église orthodoxe et le catholicisme romain, sont tous des exemples de la lente adoption par certains orthodoxes des éléments essentiels de la nouvelle ecclésiologie.

La nouvelle convergence ecclésiologique se concentre dans l'acceptation d'une Église divisée dans le temps. Cela pourrait être qualifié de nestorianisme ecclésiologique, dans lequel l'Église est divisée en deux êtres distincts: sur d'une part l'Église céleste, hors du temps, seule vraie et entière; de l'autre, l'Église, ou plutôt des "églises", sur terre, dans le temps, déficientes et relatives, perdues dans les ombres de l'histoire, cherchant à se rapprocher les unes des autres et de cette perfection transcendante, autant que possible étant donné la faiblesse de la volonté humaine versatile.

Dans cette ecclésiologie, les divisions tumultueuses et préjudiciables de l'histoire humaine ont vaincu l'Église "à temps."La nature humaine de l'Église, étant divisée et déchirée, a été séparée de la Tête théanthropique. C'est une Église sur terre privée de sa nature ontologique et non "une et sainte", ne possédant plus toute la vérité par son union hypostatique avec la nature divine du Logos.

La "théologie baptismale" et la nouvelle ecclésiologie sont des exemples de la tendance à succomber à la tentation, d'abaisser la barre haute de l'unité de l'Église au minimum des moindres éléments communs et de forger une ecclésiologie de l'inclusivité qui embrasse le mensonge.

Nous épousons les vues du Père Georges Florovsky, bien qu'écrits des décennies avant le Concile Vatican II, car ils sont applicables non seulement à la théologie du protestantisme réformé mais aussi à la nouvelle ecclésiologie du protestantisme pontifical. Derrière la nouvelle image de l'Église présentée dans Unitatis Redintegratio et Lumen Gentium se cachent : un docétisme historique ecclésial unique, une insensibilité à la réalité et à la plénitude de la Révélation divine dans le monde, une insensibilité au mystère de l'Église, une incompréhension de sa profonde nature originelle. En effet, non seulement mystiquement, mais aussi historiquement, la division dans la foi est toujours apparue à travers le schisme et la chute, à travers la séparation d'avec l'Église. Le seul chemin de leur redéfinition est le chemin de la réunification ou du retour, et non de l'union. On pourrait dire que les "croyances" discordantes en général ne sont pas unifiées, car chacune est un tout fermé sur lui-même. Dans l'Église, une mosaïque de différentes parties est impossible. Il y a en face l'une de l'autre non pas des "croyances" avec des droits égaux, mais l'Église et le schisme, unis dans un esprit d'opposition. Elle ne peut être entière que par élimination, par un retour à l'Église. Il n'y a pas et il ne peut y avoir de Christianisme "partiel"-"est-ce que le Christ a été divisé?"(1 Cor. 1:13).

Il n'y a qu'Une Seule Église Sainte, Catholique et Apostolique—la Maison d'un seul Père; et les croyants, comme l'a dit saint Cyprien de Carthage, "n'ont pas d'autre maison que l'unique Église."[Saint Cyprien, De Catholicae Ecclesiae Unitate, chap. 6,PL 4.502. P. Georges Florovsky, "La Maison du Père", dans Œcuménisme I: Une approche doctrinale, Œuvres rassemblées, 1379 ]

Qu'on y voie du nestorianisme ecclésiologique ou du Docétisme historique de l'Église, la nouvelle ecclésiologie est, sans aucun doute, en contradiction totale avec la confession orthodoxe de foi en Une Seule Église Sainte, Catholique et Apostolique.

En conclusion, nous revenons une fois de plus à l'important examen de l'ecclésiologie de saint Ignace d'Antioche par le Père Jean Romanides, qui décrit bien la compréhension de soi diachronique de l'Église orthodoxe concernant toute l'unité ecclésiastique comme passant par l'Eucharistie:

En contraste frappant avec ses adversaires spiritualistes, Ignace présente un mysticisme complètement christocentrique et même sarkocentrique — seuls la chair et le sang de l'homme — Dieu ressuscité sont la source de la vie et résurrection de tous les hommes de tous les âges. (Ign. Éph. 1, 7, 19, 20; Mag. 6, 8; Sourire. 1, 3; Pol. 3; Mag. 9; Phil. 5, 9.) La nature humaine de Dieu n'est autre que le salut lui-même, à savoir (1) la restauration de l'immortalité à ceux qui participent collectivement à l'amour désintéressé, (2) la justification de l'homme par la destruction de la mort et de l'accusateur et ravisseur de l'homme, le diable, et (3) l'octroi du pouvoir de vaincre le diable en luttant pour atteindre à l'amour désintéressé pour Dieu et le prochain à travers la chair du Christ. Le mysticisme christocentrique et centré sur la chair d'Ignace n'est pas un simple luxe des plus enthousiastes, mais au contraire une nécessité absolue pour le salut, et constitue la base même de son ecclésiologie, qui est bien celle du Nouveau Testament et de l'ancienne Église. [cf  Jean S. Romanides ," L'ecclésiologie de Saint Ignace", La Revue théologique orthodoxe grecque 7:1 et 2 (1961-62)]

Saint Ignace affirme sans équivoque qu'en dehors de l'Eucharistie, il ne peut y avoir d'unité dans le Christ. Suppliant ses compagnons chrétiens il y a quelque mille neuf cents ans de se hâter vers l'unité de la foi et l'unité dans l'Eucharistie, en dehors desquelles il ne peut y avoir d'unité, il a écrit: "Hâtez-vous donc de vous réunir fréquemment pour l'action de grâces à Dieu [l'Eucharistie] et la glorification. Car lorsque vous vous réunissez fréquemment, les pouvoirs de Satan sont démolis et sa destructivité est dissoute par votre unité de foi."" Que personne ne se trompe. Si l'on n'est pas dans le lieu du sacrifice (θυσιαστήριον) il est privé du pain de Dieu. ... Par conséquent, celui qui n'assemble pas επί το αυτό [dans la synaxe eucharistique] est dans l'orgueil et s'est déjà condamné lui-même." [Saint Ignace d'Antioche, Épître aux Éphésiens, 13.]

    L'Église du Christ, telle que l'apôtre Paul l'a définie suprêmement, est Son corps, la plénitude de lui qui remplit tout EN tous (ἐστὶν τὸ σῶμα αὐτοῦ, τὸ πλήρωμα τοῦ τὰ πάντα ἐν πᾶσιν πληρουμένου). La plénitude du Christ est identifiée au Corps du Christ, qui est, comme le Christ Lui-même lorsqu'Il marchait sur terre dans le temps, comme Theanthropos, visible et indivisible, marqué par des caractéristiques divino-humaines.

    Comme l'a écrit Vladimir Lossky, " tout ce qui peut être affirmé ou nié sur le Christ peut également être appliqué à l'Église, dans la mesure où elle est un organisme théandrique."[Lossky, Vladimir, La théologie mystique de l'Église de Pâques (Crestwood, New York: St. Vladimir Seminary Press, 1976), 187.] Il s'ensuit donc que, de même que nous ne pourrions jamais affirmer que le Christ est divisé ou que l'un pourrait être Le Sien partiellement, incomplètement, nous ne pourrions pas non plus accepter que l'Église soit jamais divisée (cf. 1 Cor 1: 13) ou la participation à l'Église soit fragmentaire.

Si certains orthodoxes acceptaient la division de l'Église, ils accepteraient l'annulation de l'Incarnation et le salut du monde. Si un tel écart par rapport à la foi et à l'enseignement orthodoxes est passivement accepté par le plérôme de l'Église, on ne peut que s'attendre aux conséquences les plus désastreuses, non seulement pour un témoignage orthodoxe de l'hétérodoxe, mais même pour l'unité orthodoxe. Pour que la théologie orthodoxe contemporaine soit cohérente avec l'identité et la compréhension de soi de l'Église orthodoxe en tant qu'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, une réorientation et une réorientation de l'engagement orthodoxe avec les hétérodoxes sont absolument nécessaires.

En particulier:

1. Un examen approfondi de la soi-disant "théologie baptismale" ou "ecclésiologie baptismale" adoptée au sein du catholicisme romain, le Conseil œcuménique des Églises, et même par certains théologiens orthodoxes est nécessaire sur la base de la centralité de l'Eucharistie à l'unité de l'Église.

2. Il est nécessaire d'éclairer davantage le chemin historique et l'évolution théologique de la nouvelle ecclésiologie, afin de situer clairement ses origines théologiques dans l'Occident post-schisme.

3. De même, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier la nature et le degré de départ de l'ecclésiologie de saint Augustin du consensus patristique devant lui, ainsi que la nature et le degré de départ de Thomas d'Aquin de l'ecclésiologie de saint Augustin, en particulier en ce qui concerne le baptême des schismatiques et des hérétiques.

    La nouvelle ecclésiologie exprimée dans Unitatis Redintegratio est un défi spirituel et théologique de notre époque auquel chaque chrétien orthodoxe reste indifférent à son propre péril, car il comporte des inconvénients sotériologiques en conséquence. Face à une hérésie terriblement conflictuelle et trompeuse, nous sommes tous appelés à confesser le Christ aujourd'hui, comme l'ont fait nos anciens ancêtres à l'époque de l'Arianisme. Notre confession de foi, cependant, n'est pas seulement dans Sa Personne dans l'Incarnation, mais Sa Personne dans la continuation de l'Incarnation, l'Église. Confesser la foi aujourd'hui, c'est confesser et déclarer l'unité de Sa nature divine et humaine dans Son Corps, la seule et unique Église orthodoxe-"non mélangée, inchangée, indivise et inséparable.".[ Extrait des Discours du Quatrième Concile œcuménique: “ἀσυγχύτως, ἀτρέπτως, ἀδιαιρέτως, ἀχωρίστως.”] »

Archiprêtre Peter Heers

Version française (avec l'autorisation de l'auteur) d'un extrait de The Ecclesiological Renovation of Vatican II:  An Orthodox Examination of Rome's Ecumenical Theology Regarding Baptism and the Church ( Uncut Mountain Press)

par Maxime Le minime


mercredi 7 août 2019

LE BONHEUR D'AIMER DIEU par Père FRANÇOIS de bienheureuse mémoire



Le Père François Brune, né le 18 août 1931, est décédé mercredi 16 janvier 2019. Ordonné prêtre dans l’Église catholique et membre des Sulpiciens, il est devenu à la fin de sa vie, le dimanche d’avant la grande fête de Pâques 2018, prêtre orthodoxe. 

Théologien, professeur, chercheur, le Père François Brune était un grand serviteur de Dieu, mondialement connu. 

Il a écrit une vingtaine d’ouvrages, certains traduits en 7 langues : « Pour que l’homme devienne Dieu » « Les morts nous parlent », « La fracture théologique, un Christ deux christianismes ». 



Sa vie a été un long cri d’amour pour Dieu, vécu dans une grande simplicité et humilité. Dans ses écrits, ses conférences, sa filmographie, il s’est toujours élevé contre une théologie fondée sur saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. Il partageait la beauté et la vérité d’une vie qui incluait l’expérience de notre lien intime au divin. Il indiquait la voie de l’Église des premiers siècles, des pères grecs, et des mystiques chrétiens de tous les temps. 



Sans fermer les yeux sur ses faiblesses, il se référait toujours à l’Église orthodoxe comme ayant su garder le message vrai de la foi, inaltéré. Plusieurs de ses livres sont aujourd’hui traduits en russe. Le Père François Brune est devenu orthodoxe à la fin de sa vie. (source)


Voici le texte qui était proposé à l'entrée de la cathédrale de la Sainte Trinité :

"Qui suis-je ? Qui m'a mis là ? Mes parents, bien sûr ! Mais au-delà, avant eux, qui ? Et pour quoi ? Pourquoi dans ce monde, sur cette planète et dans ce pays, dans cette culture, cette religion ? Tout cela a-t-il un sens ? Lequel ? Et que dois-je faire ?
Tout cela, je l'ai personnellement vécu et éprouvé comme ça. Il ne s'agit pas de littérature. Je l'ai éprouvé avec d'autant plus de violence que le monde sortait à peine de la pire guerre de son Histoire. On découvrait peu à peu jusqu'où avaient pu aller les forces de haine dans le cœur des hommes ! L’homme, le seul parmi tous les vivants de cette planète à pratiquer des massacres périodiques de sa propre espèce, accompagnés d'actes de tortures, de recherches raffinées pour humilier, faire souffrir au maximum le groupe adverse avant de l’anéantir !
Mais, entre deux guerres, il y avait toujours des périodes de réconciliation, de bonne entente sur de nouvelles bases. Je devais découvrir que l'ensemble du monde, de la Création, ne connaissait même pas ces périodes de paix. Le monde dans lequel nous vivons comporte deux aspects profondément opposés. D'un côté il est merveilleux : je ne vais pas vous faire tout un passage lyrique sur la splendeur de la nature, des montagnes aux plaines, des fleuves aux océans, des couchers de soleil aux aurores boréales. Je ne vais pas vous décrire l'incroyable fantaisie des différentes formes de vie, sur terre, dans les airs ou au fond des eaux... tout cela vous le savez. Mais il y a aussi un autre aspect : derrière les frondaisons des arbres, à travers les chants variés des oiseaux, dans les profondeurs des océans, toute cette vie grouillante n'est qu'une immense partie de chasse épouvantable, chacun essayant d'échapper à son prédateur, mais poursuivant en même temps sa proie pour arriver à survivre. Au-delà de l'immense paix d'un beau coucher de soleil, il y a la transition entre la chasse de jour et la chasse de nuit qui n'est pas moins impitoyable. Notre corps lui-même est un terrible champ de bataille, non seulement à sa surface, mais en profondeur, entre cellules ! Je veux bien que chacun, selon son tempérament, soit plus sensible à l'harmonie de la nature ou à sa cruauté. Mais, qu'on le veuille ou non, les deux aspects sont là. Je sais qu'il y a aussi l'épisode des amours et des naissances qui nous attendrit toujours dans les films sur les animaux. Mais il ne s'agit que d'une variante au schéma général, car, ces petits, il faut bien les nourrir ! Il n'y a pas de lions végétariens. Il n'y a guère que les herbivores qui seraient des victimes innocentes, encore que l'on commence à deviner que les plantes ne sont peut-être pas totalement insensibles. Alors ?...
Mon tempérament, ma sensibilité, ont fait que je suis toujours resté profondément marqué par cette empreinte du mal dans le monde. J'aurais probablement sombré dans un nihilisme total,  un désespoir profond, si je n'avais pas eu, très tôt, une certaine force en moi qui m'a permis toujours de triompher, tant bien que mal, de ce pessimisme profond.
Cette petite force, c'est la prière ! Dans l'Église catholique et romaine, on ne donne pas la communion, le corps du Christ, aux nouveau-nés, mais seulement vers 7 ou 8 ans. En I938, j'avais 7 ans et je me préparais à cette première communion.
À cette époque-là, on sentait aussi l'approche de la guerre. Je me souviens que, le soir, dans mon lit, je priais le plus longtemps possible, jusqu'à ce que le sommeil l'emporte, pour que cette guerre soit évitée. Je pense que c'est ainsi qu'une certaine rencontre s'est faite entre moi et Dieu. Rien d'extraordinaire, pas d'extase, de paroles intérieures, de vision de lumière et autres phénomènes... Mais une certitude de Sa présence et de Son attention à ce que je Lui disais, la certitude que j'étais important pour Lui parce qu'Il m'aimait ; je n'étais pas non plus plus important que les autres, mais Il nous aimait tous, réellement.

Je crois que c'est ce contact avec Dieu, avec Jésus, qui m'a permis de traverser toutes ces années d'épreuves sans sombrer dans le désespoir. Quand j'avais 15/16 ans, nous habitions une petite ville de la banlieue de Paris. Après les cours de l'après-midi, qui finissaient vers 17 heures, j'allais, presque tous les jours, à la cathédrale qui n'était pas très loin de cette école et je m'y trouvais, seul, dans le silence, pour prier. C'était dans la chapelle de la Vierge, la Mère de Dieu, derrière le Chœur de la cathédrale, une magnifique église gothique du XIIIe siècle qui avait échappé aux bombardements.

J'étais alors en « terminale » et nous étions répartis en deux sections. Les « scientifiques » n'avaient que trois heures de philosophie par semaine, mais dans la section «littéraire », nous avions 9 heures, avec un professeur, ancien croyant, catholique, devenu communiste et athée. Je lui dois beaucoup par ailleurs, mais ce n'est pas lui qui m'a aidé à trouver le sens de ce monde. C'est ma petite prière quotidienne qui m'a aidé à tenir, dans un noir absolu, une incompréhension totale de ce monde et même du silence de Dieu ! Je ne comprenais rien, rien à rien, mais je continuais à Lui faire confiance, peut-être seulement parce que je n'avais aucun autre recours.

Les philosophes ont essayé d'expliquer cet état épouvantable du monde par différentes théories qui ne sont en réalité qu'une autre manière de se résigner à un état de fait, à ce que l'on ne peut pas changer. Ce monde, pour exister, nous expliquent-ils, a besoin de lois complexes, souvent contradictoires. Sans ces lois et les tensions qu'elles génèrent, ce monde ne pourrait pas exister. Dieu lui-même, avec toute Son intelligence, ne pouvait pas inventer, créer, un monde plus simple, sans tous ces conflits. La vache, nous expliquent-ils encore, en se déplaçant, écrase forcément des milliers d'insectes.
C'est la diversité des formes de vie qui engendre forcément tous ces conflits. Mais c'est cette diversité même qui fait la beauté de cet univers. Allez expliquer ça à une mère qui vient de perdre son enfant ! Le philosophe français Teilhard de Chardin, prêtre jésuite, mais aussi paléontologue, complétait ces explications traditionnelles par la notion d'évolution :
Il était physiquement (ou métaphysiquement ?) impossible à Dieu de créer un monde en état de perfection. L'état d‘harmonie du monde, de perfection, ne pouvait être que le résultat d'une longue évolution. Mais jusqu'à ce stade ultime, le mal et la souffrance régneront. 
Le Père Teilhard ne semble pas avoir expliqué, dans aucun de ses ouvrages, pourquoi il était impossible à Dieu de faire autrement. C'était, semble-t-il, pour lui, formé par la paléontologie, une évidence.

Dans ce monde sans cesse bouleversé par des guerres, des révolutions, des révoltes, des complots, des attentats, comment trouver un sens à tout cela et comment donner un sens à sa propre vie ?

« Oh, puissions-nous être nos arrière, arrière-grands-parents ! Une aile de mouette, une tête de libellule, ce serait déjà trop et souffrirait déjà trop » s'exclamait  Gottfried Benn, grand poète allemand, mais aussi chirurgien pendant la dernière guerre.

On se souvient de l’apologue imaginé par le philosophe français Henri Bergson : Le monde serait heureux, harmonieux, mais tout ce bonheur ne serait possible que parce que, quelque part, loin des regards, quelqu'un serait sans cesse horriblement torturé. Alors, disait le philosophe, plutôt rien, le néant, pas de monde heureux, plutôt que cette monstruosité !

Que de fois j'aurais anéanti le monde ! Oui, plutôt rien que tant de souffrance !

Ce monde n'est évidemment pas celui que Dieu a voulu ! C'est un monde détraqué, faussé. Même cette lutte permanente pour survivre, aux dépens des autres, en ne sauvant sa vie que par la mort des autres, ce monde ne peut pas avoir été conçu, voulu par Dieu ainsi.

Je me rappelle que, dans son autobiographie, le cardinal Newman (théologien de l'Église anglicane devenu catholique), cherchant à rendre évidente la tradition du « Paradis Perdu » rapportée dans le premier livre de la Bible, en était arrivé à une démonstration très simple, mais très efficace. J'en reprends ici l'idée : Descendez dans la rue ou dans le métro et regardez la tête des gens. De toute évidence, ce sont les survivants d'une catastrophe cosmique épouvantable dont les visages gardent le reflet. Ce ne sont pas des créatures rayonnantes de bonheur, heureuses de vivre, souriantes, épanouies, se sentant protégées par la bienveillance de tous, ni surtout attirées par Dieu. Ce n'est pas ce monde-là que Dieu a créé. Ce n'est pas possible ! Lisez les journaux, regardez les émissions de télévision, partout on se tue, on se mitraille. Même dans les opéras les nouveaux compositeurs remplacent la musique par des bruits de vaisselle que l'on casse à coups de marteau ou des grincements de porte et autres bruits désagréables, C'est bien le reflet de notre monde !

On trouve dans les littératures anciennes des textes de Stoïciens où un de ces philosophes, pour consoler un père qui vient de perdre son fils, lui explique : « un beau vase s'est brisé ! Mais tu savais bien que les vases sont fragiles ! ». Les bouddhistes, qui semblent avoir eu un lien avec nos Stoïciens, incitent de même leurs adeptes à ne pas trop aimer ceux qui partagent leur vie. Ils souffriront moins lorsque le malheur arrivera. C'est un renoncement à vivre pleinement, un demi-suicide ! Cela n'explique rien ; cela n'explique pas pourquoi le monde est dans cet état. C'est une sorte d'essai pour « faire avec », pour continuer à vivre quand même.

Tous ces essais d'explication de l'état de ce monde n'impliquent l'existence et l'action d'aucun Dieu créateur, tout au plus évoquent-ils un Dieu honoraire, sans lien réel avec ce monde. Les scientifiques  aujourd'hui sont de plus en plus ouverts à l'idée d'un Dieu créateur de toute l'immensité de l'univers. Mais l'essentiel n'est pas leur accord. Comme le disait Paul Evdokimov, théologien français de la communauté russe émigrée : « On ne prouve pas l'existence de Dieu, on l'éprouve. » Et ce n'est pas là un simple jeu de mots. Il rejoignait ainsi l’affirmation d'Évagre le Pontique, moine du IVe siècle «  Nul n'est théologien, s'il n'a vu Dieu. » Voir Dieu, l'éprouver ! C'est la seule vraie connaissance de Dieu, loin de tous les concepts philosophiques. Or, ce qu'éprouvent tous les mystiques, c'est non seulement son immensité, sa puissance, mais surtout son amour. Dieu est l'Amour absolu. Il n'a donc certainement pas créé un monde à moitié rongé par la haine et la souffrance. N'est sorti de Lui que de l'amour. L'expérience des mystiques est aujourd'hui confirmée par le témoignage de millions et même de dizaines de millions de personnes que l'on a crues mortes pendant quelques secondes, parfois quelques minutes, mais qui sont revenues à la vie de ce monde en rapportant l'expérience extraordinaire qu'elles avaient vécue pendant cette mort provisoire. J‘ai recueilli une anthologie de ces récits dans « Les morts nous parlent ». Il y a bien quelques variantes d'un récit à l'autre, mais le schéma central reste toujours le même : la rencontre d'un Amour inimaginable, total, infini, quoi  que l'on ait fait. Pas le moindre reproche, la moindre volonté de vous humilier. Certes, on y découvre aussi tout le chemin qu'il nous faudra faire pour rejoindre cet Amour, mais il n'y a que de l'Amour. Ces témoins ne savent pas trouver de termes assez forts. Ils se sont sentis « submergés » d'amour,  « écrasés » d'amour. le récit du Livre de la Genèse fausse tout. Dieu ne nous a jamais chassés de son Amour ! Ce serait se renier Lui-même, renier ce qui le constitue. Ce Dieu-là n'a pas créé pour nous un monde brisé, gangrené par le mal, comme une sorte de piège tendu, pour voir comment nous réagirions. Il ne fait pas des expériences avec nous comme nous le faisons avec des rats. Les épreuves, les horreurs de ce monde-là ne viennent pas de Dieu. Non. de Lui ne peut venir que de l’Amour, sans calcul, sans ruse. Dieu ne joue pas avec nous, nos vies, nos sentiments. Le mal qui est dans ce monde ne peut pas venir de Lui !

Contrairement à ce que racontent bien des philosophes et même des théologiens, Dieu, créateur de milliards de galaxies, sait très bien faire un monde sans souffrance et sans mal. Il l'a fait et des millions de morts provisoires ou de mystiques en sont témoins. Ils ont vu ou plutôt aperçu, lors d'une brève expérience, ces mondes de l'au-delà, en pleine harmonie, dans le bonheur, la joie, sans souffrance, mais aussi sans haine, sans rivalités, sans désir de domination, sans orgueil.

Alors, d'où vient ce mal ? Pourquoi ne sommes-nous pas déjà dans ces mondes-là ? Le problème, c'est que pour vivre dans ces mondes-là, dans ces mondes d'amour, il faut être capable d'aimer comme ceux qui y vivent déjà. L'amour ne s'impose pas. Il ne peut naître que dans une totale liberté. Or l'amour, c'est la seule chose que Dieu ne sait pas faire, qu'il ne peut pas créer. Il peut le solliciter, essayer de l’évoquer, de l’inspirer, mais Il ne peut pas le créer. Il aurait pu nous faire mille fois plus intelligents, capables de battre en calcul les ordinateurs les plus puissants. Il aurait pu nous faire capables de voler comme les oiseaux ou même de plonger dans l'espace comme les fusées. Il aurait pu nous créer hors d'atteinte de tous les virus, du feu et de l'eau. Dieu a su créer les fleurs, des milliards de fleurs, toutes différentes.
Il a même su créer le sourire d'un bébé heureux, ce qui est probablement le sommet de la Création. Mais il ne pouvait pas faire des machines capables d'aimer. Cette force mystérieuse qui fait justement le bonheur des saints, des mystiques et de ces morts provisoires est d'une nature différente de tout le reste. Dieu ne peut pas la créer directement. Cette force mystérieuse ne peut venir que de chacun de nous, du plus profond de chacun de nous. Les robots peuvent faire des choses extraordinaires, mais ils ne peuvent pas aimer. Dieu n'attend pas de nous l'obéissance mécanique des robots : ni même des esclaves ou des domestiques, guettant pour leur obéissance une petite gratification, peut-être une augmentation de salaire ou une promotion. L'amour est quelque chose de si merveilleux que Dieu même ne peut pas le créer en nous, le faire surgir en nous, sans nous. Il peut nous offrir de participer à son Amour, d'aimer avec Lui, en Lui, mais pour cela Il lui faut notre consentement. L'amour implique toujours une totale liberté. Dieu ne veut pas être toléré ; Il veut être invité, attendu, espéré, désiré. Si nous ne Le désirons pas, son amour ne pourra pas nous rendre heureux. Cela veut dire que nous pouvons accepter son Amour ou Le refuser. Il semble bien que nous tous, sur cette planète, nous n'ayons pas vraiment accepté, désiré l'Amour de Dieu.

François Varillon, reprenant Maurice Zundel, un grand spirituel et mystique suisse du siècle dernier, a fort bien analysé ce qu'implique l'amour :

« L'aimant dit à l'aimé: « Tu es ma joie », ce qui signifie « Sans toi je suis pauvre de joie ». Ou bien: « Tu es tout pour moi », ce qui veut dire: « Sans toi je ne suis rien ». Aimer, c'est vouloir être par l'autre et pour l'autre... Le plus aimant est donc le plus pauvre. L’infiniment aimant – Dieu – est infiniment pauvre...

Amour et volonté d'indépendance sont incompatibles, sinon en surface. Le plus aimant est donc le plus dépendant. L'infiniment aimant – Dieu – est   infiniment dépendant (ce qui est inintelligible si Dieu n'est pas pur Amour, je veux dire si on cède au prurit imaginatif de concevoir l'amour comme un aspect de Dieu, et non comme son être même, aussi infiniment intense qu’ infiniment pur) « L'aimant dit à l'aimé : « je ne puis te regarder de haut sans manquer à l'amour ». Si l'aimant est en quelque manière plus grand que l'aimé, son amour n'est amour que dans l'acte où il nie sa supériorité et se fait l'égal de l'aimé. Le plus aimant est donc le plus humble. L’infiniment aimant – Dieu – est  infiniment humble.
C'est pourquoi on ne peut voir Dieu dans la vérité de son Être qu'en considérant le Christ, qui signifie l'humilité divine par le geste du lavement des pieds. »

Je suis sûr que bien des croyants poursuivent intérieurement un dialogue avec quelque défunt qu'ils ont fortement aimé, ou avec leur ange-gardien, la Mère de Dieu ou avec Dieu lui-même. Pour moi, c'est, le plus souvent, directement avec le Christ. Oh, je ne suis pas dupe, je sais bien que n'importe qui me dira que c'est moi qui fais les demandes et les réponses. C'est sûrement un peu vrai. Mais les saints et surtout les mystiques ont tous connu et pratiqué ce genre de dialogues intérieurs et souvent la suite de leur vie et certaines circonstances ont prouvé que ce dialogue était vrai. Alors, avec le Christ, avec Dieu, je poursuis ce dialogue intérieur et je sens, il me semble qu'Il l'accepte et qu'Il me répond vraiment. Je crois même très bien sentir quand c'est moi qui fais la réponse et pas Lui. Cela sonne faux quand c'est moi qui réponds. Alors avec Lui, je peux tout me permettre, plaisanter, dire des bêtises, Il m'aime tellement que je peux faire et dire n'importe quoi avec Lui... comme un enfant avec son père ou sa mère, comme avec quelqu'un qui me suit dans tout ce que je fais, non pas pour me contrôler, mais pour me protéger, au besoin contre moi-même comme avec quelqu'un qui sait tout de moi, mais qui m'aime quand même. Aimer Dieu ainsi, c'est participer à I’Amour que les trois personnes divines se donnent entre elles. Tous les mystiques, même non chrétiens, l'ont compris, mais évidemment hors du contexte trinitaire, cela se comprend moins bien.

J'ai donc cette liberté incroyable avec Dieu au fond de moi-même. Mais il ne s'agit pas là d'un privilège unique. Dieu vous aime tout autant, chacun d'entre vous. Simplement, vous n'osez pas le croire. Ne vous imaginez pas non plus que dans la condition sociale où vous vous trouvez Dieu ne peut pas s'intéresser à vous autant qu'aux personnages influents dans la société. Balayeur de rue ou empereur, Dieu s'intéresse à vous et vous aime tous autant, infiniment. Acceptez pleinement la place dans le monde que Dieu vous a donnée et, à partir de là, cherchez à découvrir ce que Dieu attend de vous.
Si incroyable que cela nous paraisse, ce Dieu, créateur de milliards d'univers, est fou d'Amour pour chacun de nous. Il est prêt à mourir en croix des milliers de fois, indéfiniment, pour chacun de nous, si cela pouvait aider à notre salut.
C'est ce qu'Il a affirmé à Julienne de Norwich, une mystique anglaise du XIVe siècle. Aussi, ne voit-elle en Dieu jamais de colère envers nous, pas même « un soupçon de blâme » pour nos péchés, mais seulement une immense compassion.

Dieu nous aime tous infiniment, quoi que nous fassions et quand Il pardonne, c'est toujours uniquement pour nous ramener vers Lui, jamais pour nous humilier. C'est ce qu'a parfaitement ressenti Gabrielle Bossis, une mystique française du siècle dernier. Gabrielle ne vivait pas dans un couvent, perdue en prière. Elle n'a pas fondé d'association religieuse ou caritative. Elle n'avait rien d’extraordinaire. C'était une jeune femme toute simple, assez douée sur le plan artistique : elle composait des saynètes pour des pensions de jeunes filles et fabriquait elle-même décors et costumes. Elle poursuivait simplement, à travers toutes ses occupations, ce dialogue intérieur et continuel avec Jésus.

Au cours d'un de ces dialogues intérieurs, voici comment Il lui pardonnait : « Raconte la douleur de tes fautes, non pas tant parce qu’elles t'ont salie, que parce qu'elles m'ont peiné. Car tu as eu ce courage triste de peiner un Homme-Dieu qui avait donné Sa Vie pour toi. Tu le savais pourtant. Tu as passé outre et devant Son regard qui te suivait avec douleur, tu as fait tout ce que tu as voulu, et que, Lui, ne voulait pas.

« Connais-en le chagrin – chagrin sans larmes — dans ton vouloir renouvelé, qui te portera aux humbles amours, au sentiment de ton néant. Alors, je foncerai comme l'aigle avide de ravir, et Je t’emporterai dans les allées solitaires du jardin fermé. Tu chercheras à me parler du passé. Je poserai Ma main sur ta bouche. Tu entendras les mots de tendresse de la Miséricorde qui feront fondre ton cœur. »

Nos « fautes » ne sont pas niées, cependant elles ne sont pas comprises comme des « offenses », mais comme des blessures faites à l’Amour de Dieu et Dieu ne veut pas que nous ressassions le passé, même pour demander pardon. « Je poserai ma main sur ta bouche ».

Mais, évidemment, un tel Amour implique aussi, sans même le dire, une attente terrible d'un même amour en retour.
Avons-nous, nous tous, toute l'Humanité, ressenti cet Amour comme trop écrasant, trop absolu, trop exigeant ? Pourtant, cet Amour sait aussi être délicat, patient, discret. Quand Dieu nous incite à faire quelque chose, Il n'insiste jamais. Si nous le refusons. Il se retire aussitôt. Observez vous-même, en vous-même. Vous le sentirez bien, si vous êtes sincère avec vous-même.

Quand le refus de cet Amour a-t-il eu lieu ? Au début de la création de l'homme, comme dans le récit symbolique du livre de la Genèse, dans la Bible et comme le cardinal Newman se le représentait, sous forme de catastrophe cosmique spirituelle initiale ? Mais nous savons maintenant qu'à un niveau profond de la réalité le temps n'existe pas. Alors, si le mal est si puissant dans le monde, c'est peut-être qu'une grande partie de ce monde refuse l’Amour de Dieu, aujourd'hui, maintenant, à tout moment. Il faut probablement distinguer entre la cause et les effets. Les effets se déploient dans le temps. On ne le voit que trop.

Mais la cause, elle, comme la physique contemporaine nous permet de le comprendre, peut échapper au temps. Le récit symbolique du péché d'Adam et Ève, dans la Bible, correspond probablement à une vérité profonde. En hébreu « Adam » veut dire «  Homme ». Nous sommes tous Adam. Et si, à un niveau qui échappe à nos sens, il n'y a pas de temps, il n'y a pas non plus de réincarnation possible. Il ne peut y avoir d’incarnation antérieure à une autre, ni de progrès d'une incarnation à une autre.

Les hommes auraient refusé d'entrer dans ce jeu de  l’Amour infini de Dieu. Ils auraient réclamé le droit de chercher par eux-mêmes leur bonheur. Nous l'avons vu, l’Amour ne s'impose pas.

La science contemporaine tend de plus en plus à admettre que la matière et l'esprit ne sont que les deux faces de la même médaille. Certains spécialistes de physique quantique commencent à en faire l'hypothèse. L'un des plus avancés dans ces recherches est certainement Emmanuel Ransford, scientifique australien, mais qui écrit le plus souvent en français.
Il parle de «  psychomatière » ou d‘ « holomatière » pour tenter d'exprimer cette présence de l'esprit au cœur de la matière et, inversement, cette présence de la matière dans l'esprit.

Ceux qui ont déjà lu mes livres savent que j'attache une très grande valeur à certains messages qui nous sont parvenus de l'au-delà de personnes parfaitement mortes, mais qui sont arrivées, par différents moyens, à communiquer avec nous.
Il s'agit surtout de textes reçus en « écriture automatique », terme généralement employé en ésotérisme pour désigner ce processus. Le récepteur tient son crayon, mais à peine, seulement pour qu'il ne tombe pas et une force invisible fait bouger ce crayon entre ses doigts en formant des mots, puis des textes. Cela commence souvent par des gribouillis mais, peu à peu, les lettres prennent forme, puis des mots entiers apparaissent.

C'est un domaine que j'ai assez bien étudié et que l'on trouve dans toutes les langues. J'ai pu ainsi constater que la plupart des messages reçus, aussi bien en allemand qu'en espagnol, en anglais ou en italien ne contiennent rien d'important, pas plus qu'en français. C'est un véritable déluge de « révélations », toutes plus fantaisistes les unes que les autres, souvent sans intérêt, parfois dangereuses et même très dangereuses, la plupart des lecteurs de ces messages n'ayant aucune possibilité de faire par eux-mêmes le discernement nécessaire. C'est une véritable résurgence des « gnoses » anciennes.

Cependant, parfois, certains de ces messages font exception et peuvent même présenter un très grand intérêt. C'est notamment le cas des messages que Pierre Monnier, jeune officier français, mort en 1915, pendant la première guerre mondiale, envoya à sa mère, après sa mort, jusqu'en 1937. Ces textes sont connus sous le nom de « Lettres de Pierre ». Je l'ai déjà longuement exposé dans « Les morts nous parlent» et dans «  Christ et Karma ». Or, depuis l'au-delà, le 14 avril 1920, Pierre Monnier expliquait à sa mère : « Vous ne savez pas encore associer deux manifestations qui vous semblent diamétralement opposées... Ce que la science vous révélera, c'est la matérialité de l’effluence spirituelle, et la spiritualité de la matière, ce qui supprime de fait toute frontière entre les deux mondes dissemblables dans leurs résultats apparents, mais identiques en somme, la matière et l'esprit étant une même chose à un degré différent de condensation ».

Si esprit et matière sont vraiment si proches, l'un impliquant l'autre, on comprend mieux que le passage du corps du Christ de l'état charnel à l'état spirituel soit possible et, inversement de même, la matière ou l'esprit étant alternativement dominants, ce qui explique les différentes apparitions, à Marie-Madeleine, aux pèlerins d’Emmaüs, au Cénacle, les portes étant fermées, ou encore, à la fin de l'Évangile de St Jean : Le Christ, au bord du lac, attendant ses apôtres partis pécher et, finalement aussi lors de I’ Ascension. Tous ces allers et retours entre manifestation charnelle, dans la matière, et disparition dans l'autre monde, celui de l'esprit, n'ont alors plus rien de tellement extraordinaire et la Résurrection du Christ n'est rien d'autre que ce passage de notre monde matériel, charnel, au monde spirituel, le phénomène inverse se produisant parfois, lors de certaines apparitions du Christ.

Il n'est pas difficile alors de comprendre aussi que nos pensées, nos sentiments, puissent façonner le monde dans lequel nous vivons.  La constitution de ce monde dépend de la force créatrice de Dieu qui n’est qu’une force d’Amour, mais aussi de la force de nos pensées et de nos sentiments et là, c'est trop évident, il n'y a pas que de l'amour. Bien souvent la jalousie, la haine, l'emportent, entraînés par l'orgueil. Cependant, nous ne sommes pas non plus totalement pervers.
Nous sommes capables aussi d'un peu d'amour. Mais, parmi nous, la grande force d'Amour, c'est celle du Christ, avec nous, et surtout en nous. Mais, de la même façon, parmi nous et en nous, il y a une force de haine, d'orgueil, particulièrement puissante. La tradition lui donne plusieurs noms : Satan, Lucifer, le diable, le Malin.

Permettez-moi de citer encore Pierre Monnier : « Alors, frères, rentrez en vous-mêmes et regardez par quelle fuite votre âme se vide de toute force. La grande blessure a pour cause votre égoïsme qui naît de l'orgueil, générateur du péché sur la terre. Le Roi du Monde, le Malin, est tout orgueil et c'est lui qui attire les hommes dans le chemin de la perdition, par des flatteries pernicieuses qui détruisent l'âme. »

Jetez un regard sur l'Histoire du Monde. Vous comprendrez vite que les peuples ont été souvent entraînés à des massacres, des catastrophes, par des fous d'orgueil, tels Napoléon, Hitler, ou tant d'autres. Je vous laisse compléter la liste ! Mais, seuls, ceux-ci n'auraient pu rien faire, s'il n'y avait pas eu des foules entières à partager leur délire dans le même orgueil.

Le bonheur d'aimer Dieu ! Il y a déjà le bonheur bien connu d'être aimé de Dieu. Il est facile de comprendre que se sentir aimé de Dieu est une expérience merveilleuse, pleine de douceur. Cet amour peut même se manifester parfois avec une force extrême, presque avec violence comme en témoignent tous les mystiques qui ont éprouvé cet Amour lors d'une extase et ceux qui ont fait une expérience de mort provisoire. Ils se sont sentis « submergés », « écrasés » d'amour. Mais ce sont des expériences très brèves, presque instantanées. Après, reste le souvenir de les avoir vécues, mais on ne les éprouve plus. Le souvenir de ces expériences peut cependant suffire à soutenir toute une vie de recherche de Dieu. Elles agissent comme une nostalgie, merveilleuse et terrible.

Mais, le plus souvent, Dieu fait sentir son Amour de façon toute simple, dans une douceur merveilleuse. Oh ! Bien sûr, il y a dans ce monde des plaisirs et des bonheurs d'une intensité beaucoup plus grande, comme le bonheur d'un amour mutuel partagé ou l'amour d'un enfant auquel on peut tout donner. Mais dans l'amour que Dieu nous fait parfois sentir avec cette douceur, il y a une pureté extraordinaire qu'on ne retrouve pas dans nos amours humaines et ce bonheur grandit, peu à peu, à la mesure de notre réponse. II peut alors dépasser tous les bonheurs de ce monde.

Mais ce bonheur de se sentir vraiment aimé par Dieu n'est déjà pas accordé à tout le monde. Bien des croyants, profondément croyants, gens de prière et de générosité ne l'ont pas connu. Ils ne sont pas pour autant moins aimés de Dieu. Mais Dieu donne à chacun ce qu'il convient, en fonction de sa progression spirituelle personnelle, mais aussi en fonction de sa mission dans le milieu où il se trouve.

Encore faut-il aussi ouvrir son cœur à Dieu pour éprouver son Amour. Beaucoup d'hommes et de femmes vivent un peu comme des somnambules. Ils travaillent, s'amusent, s’étourdissent sans jamais se demander pourquoi ils sont dans ce monde, ni chercher à savoir ce qui les attend ensuite. Il semblerait, comme dans les contes de fées, qu'un méchant sorcier les ait frappés de sa baguette magique, non pour les figer dans le sommeil, comme dans « La Belle au bois dormant », mais pour les transformer en marcheurs éveillés, mais inconscients, en « morts-vivants » ou en « zombies », comme dans certains films d'horreur. Mais oui, c'est bien cela et ce sorcier qui nous détourne par tous les moyens de l'essentiel, vous le connaissez, c'est Satan, qui cherche sans cesse à pervertir l'œuvre de Dieu, et surtout dans ce qu'elle a de plus grand et de plus sublime : le cœur de l'homme.

Il est capital de bien comprendre que Dieu n'est absolument pour rien dans ce mal qui ronge et massacre son œuvre. Il n'y est pour rien ! Il est même venu, au contraire, par son Incarnation, partager notre misère pour nous aider à en sortir.
Il n'est pas du côté des bourreaux, mais du côté des victimes, avec nous, pour nous. Il est capital de bien comprendre cela. J'ai mis personnellement bien des années à innocenter Dieu complètement de tout ce mal qui ravage sans cesse le monde à un endroit ou à l'autre. Intellectuellement, je l'avais bien compris, j'en étais vraiment convaincu. Mais chaque fois qu'un nouveau drame, une nouvelle monstruosité, une nouvelle horreur, se présentait à moi, je sentais qu'en moi, sourdement, sans aller jusqu‘à me le formuler, mais irrésistiblement, montait en moi une accusation contre Dieu que j'essayais en vain de réprimer. Pourquoi, permets-Tu cela, pourquoi n’interviens-Tu pas davantage ? Or, tant qu'on ne s'est pas vraiment convaincu de cette totale innocence de Dieu, on ne peut pas vraiment l'aimer. Devant chacune des horreurs qui se multiplient sans cesse à travers le monde, je sais que Dieu en souffre plus que moi, parce qu'Il aime plus que moi et qu'Il en souffre directement dans ceux qui souffrent. Il faut que tout cela soit non seulement intellectuellement compris, mais surtout, psychologiquement assimilé en profondeur. Il faut que notre subconscient soit complètement imprégné de cette certitude, au point que cette sournoise accusation contre Dieu ne puisse pas remonter au fond de notre
cœur. Alors, on pourra connaître un très grand bonheur, on pourra, sans aucune réserve, se laisser aimer par Dieu, jouir du bonheur d'être aimé par Dieu, même au milieu de toute la souffrance de ce monde. Mais on pourra aussi, peu à peu, jouir d'un bonheur, nouveau sans doute pour la plupart d'entre nous et qui sera un soutien extraordinaire pour surmonter toutes les épreuves de notre vie : le bonheur d'aimer Dieu.

Car il y a un bonheur encore plus grand que de se sentir aimé de Dieu : aimer Dieu. Et cela aussi les mystiques l'ont éprouvé et ils ont aussi senti que Dieu en était heureux. Si incroyable que cela puisse paraître. Dieu, créateur de milliards de milliards de mondes attend, humblement, devant notre porte, que nous Lui ouvrions la porte de notre cœur, que nous L’aimions. On est là en pleine folie, c'est vrai ! Faire le bonheur de Dieu en L’aimant ! Mais le lavement des pieds que le Père Varillon évoquait, c'est cela. Une telle tâche incombait seulement à la femme du maître de maison. Il pouvait aussi l'exiger de ses esclaves étrangers, mais pas de ses autres esclaves, juifs (ou hébreux) comme lui. Petit détail le confirmant : Jésus s'est d'abord ceint d'un linge et c'est avec ce linge qu'il essuie les pieds de ses apôtres, tenue et fonction caractéristique de l'esclave, nous disent les experts. C'est vous dire toute la force d'un tel geste ! Dieu prend auprès de nous la place, le rôle de l'esclave étranger, de celui dont on peut tout exiger, même les services les plus humbles.
C'est St Jean qui nous rapporte cet épisode et il le fait à l'endroit du récit évangélique où les trois autres évangélistes rapportent le déroulement du repas pascal avec l'institution de l’eucharistie. Mais, pour St Jean, ce récit du lavement des pieds, qu'il est le seul à rapporter, est encore plus important. Dieu, créateur de milliards de milliards de mondes, nous montre par ce geste qu'il est prêt à se mettre à genoux devant chacun d'entre nous pour lui laver les pieds. Je n'invente rien. Je ne fais qu’expliciter ce que le récit de St Jean implique. Sinon, dans quel but nous aurait-il raconté cette scène ?
On est là en pleine folie ! Nous ne pouvons pas nous imaginer la puissance d'un tel Amour. Cela nous dépasse tellement !
Dieu est bien infini, tout-puissant, mais c'est un infini d‘Amour. Cet Amour, les saints dans leurs extases et ceux qui ont vécu une mort provisoire ont commencé non pas à le comprendre mais à l'éprouver.

Le bonheur d’aimer Dieu ! On peut le mesurer à la douleur de ceux qui l'ont connu et qui, brusquement, en ont été privés.
C'est ce bonheur-là que Mère Teresa de Calcutta, Ste Teresa, aujourd'hui proclamée sainte dans l'Église catholique, n’éprouvait plus. Elle n'avait pas du tout perdu la foi en l'existence de Dieu, comme on le raconte souvent, mais elle n'éprouvait plus aucun amour pour Dieu. Elle prononçait bien les mots d'amour de la liturgie ou des psaumes, mais ces mots n'avaient plus pour elle aucune charge affective : ils étaient aussi atones que ceux de l'annuaire du téléphone ou
des horaires de trains. Perte épouvantable ! Épreuve terrible ! Ce n'est pas qu'elle avait démérité aux yeux de Dieu. Mais il arrive que Dieu veuille associer ses saints à sa Passion, certains en partageant avec Lui sa crucifixion, comme St François d‘Assise ou Padre Pio, d'autres en partageant sa déréliction en Croix.

C'est par Amour pour nous qu'Il nous a créés. Il veut sentir que nous en sommes heureux et si nous sommes vraiment heureux de son Amour. Il le saura par la réponse de notre amour. Cette attente de Dieu, de nombreux mystiques l'ont ressentie. Ils en sont alors tout étonnés, bouleversés.

Mais, parfois, Dieu va encore plus loin. Il réclame notre amour, le quémande ; Il supplie presque. Ainsi auprès de Gabrielle Bossis : « Tu t'étonnes toujours de Mon Amour ? Ça, c'est la folie d'un Dieu. C'est la grande explication. Crois donc tout simplement à cet Amour d'un Être Tout-Puissant et d'un autre ordre que vous… Sois vaincue par l'Amour et demande grâce. Prends Mon  Amour pour M'aimer ». Il s'agit bien d'un Être Tout-Puissant, mais « d'un autre ordre » !

« Étrange chose n'est-ce pas, qu'une créature puisse consoler son Dieu ! Mon Amour renverse les rôles comme un moyen nouveau pour vous, comme une tendresse de protection à Me donner. » Zundel et Varillon avaient bien perçu ce « renversement » des rôles qu'implique le véritable Amour.

«  Ne Me quitte pas ! Je suis comme un enfant plein de terreur qui supplie qu'on ne le laisse pas seul... Je vois l'enfer déchaîné et Je suis Seul pour me défendre : prie avec Moi ! »

Ce dernier texte peut sembler excessif, mais n'oublions pas que, par son Incarnation,  le Christ est en tout homme et donc dans le cœur de tous les monstres de l'humanité, tous les tortionnaires des camps d'extermination de tous les pays. La lutte entre le Bien et le Mal, entre l’Amour et l'orgueil se déroule en chacun de nous, entre le Christ et le Malin. À nous
de choisir qui nous voulons suivre. avec qui nous voulons combattre.

Vous aussi vous pouvez entretenir avec Dieu un dialogue intérieur tout au long de votre vie, à travers toutes les circonstances de votre vie, en essayant d'accomplir la volonté de Dieu sur vous. C'est la première façon de L'aimer.

Acceptez pleinement le pays, la langue où vous êtes né. Acceptez votre condition sociale. Vous pourrez peut-être modifier tout cela selon les circonstances et selon la volonté de Dieu. Je suis né dans une famille catholique, pratiquante. J'ai été ordonné prêtre dans l'Église catholique et, au bout d'un long cheminement suis devenu prêtre orthodoxe. L'essentiel, c'est ce qui se passe dans votre cœur. Et cela agit sur le destin du monde, que vous soyez balayeur de rue ou empereur.
L'essentiel est d'aimer Dieu et de chercher sa volonté.

Mais L'aimer implique aussi qu'on cherche à Lui complaire et donc à faire ce qu'Il a envie de nous voir faire. C'est ce que certains, parmi nous, sous l'influence de Satan, ont refusé. Il y a d'ailleurs là comme un affinement progressif de conscience. On fait d’abord ce qu’Il veut pour les choses importantes, mais en faisant ce qu’il nous plaît pour les choses qui nous paraissent secondaires. Mais en Amour tout est important. L'Amour de Dieu est merveilleux, mais il est aussi
dévorant. Il donne Tout, mais il veut aussi tout. Il faut alors, progressivement, apprendre à faire coïncider ce qu'Il aime avec ce que l'on aime. C'est la conversion du cœur, le remplacement du vieil homme par l'homme nouveau, dont parle St Paul.

Pour arriver à cette coïncidence entre la volonté de Dieu et la nôtre, il faut s'habituer peu à peu à faire tout ce que l'on fait avec Lui, pour Lui, même s'il s'agit des choses les plus insignifiantes. Alors, ce bonheur de L’aimer se fera de plus en plus constant et de plus en plus intense, car c'est une participation à l'Amour dont Dieu s'aime Lui-même, à l’Amour de la vie intra trinitaire.

Aussi longtemps que Dieu vous l’accordera développez donc en vous ce bonheur d'aimer Dieu, développez-le pour votre bonheur, à vous, et, plus encore, pour le plus grand bonheur, l'immense bonheur de Dieu, ce bonheur, que vous ne pouvez pas imaginer qu'Il puisse éprouver à vous aimer et à sentir votre amour en retour, parce que Son Amour est d’« un autre ordre »."

Père François BRUNE, prêtre orthodoxe



MÉMOIRE ÉTERNELLE !




vendredi 28 février 2014

L'ORTHODOXIE, CETTE INCONNUE (10) par Père André BORRELY : Saint Augustin, un génie (trop) solitaire... (2)

La déchirure gravissime fut celle de la Réforme. A cette époque, l'Orthodoxie vivait sous la Τουpκοκpατια, la domination des rayas par les Turcs. En grec byzantin et contemporain, o ραγιας est synonyme d'esclave. Dans l'usage courant, il devient synonyme de chien. 


Dans les dernières semaines de mon diaconat je me trouvais, comme le prévoit l'Ordo, à côté de Mgr Mélétiοs venu consacrer notre église Saint Irénée et les prêtres et moi avons aidé le Métropolite à enfouir dans l'autel les reliques d'une jeune femme brûlée vive par les Turcs à la fin du 16ème siècle. Et le Métropolite utilisait un livre liturgique datant du 18ème siècle et imprimé à Venise parce qu'il était interdit aux chrétiens de publier de tels ouvrages en Grèce, dans les Balkans et en Asie Mineure considérés par les Turcs comme terre d'Islam. Et si vous allez un jour au Phanar, vous verrez une porte d'entrée que plus personne n'a jamais franchie depuis que, le jour de Pâques, le 10 avril 1821, les Turcs pendirent le patriarche Grégoire V à cet endroit avant de jeter son cadavre dans le Bosphore. 


La conséquence de cette absence fut que l'affrontement fratricide des catholiques et des protestants devint un phénomène latin-latin. Qu'il s'agisse de la grâce ou du mystère trinitaire, du libre-arbitre ou du péché originel, de la prédestination et d'un certain pessimisme, les théologiens occidentaux sont partis de l'oeuνre du génie solitaire que fut saint Augustin, alors que l'Orthodoxie n'eut que l'embarras du choix entre St Athanase, St Basile de Césarée, les deux Grégoire (de Nysse et de Nazianze), St Jean Damascène, St Maxime le Confesseur. Et le christianisme oriental demeura indifférent à l'augustinisme, tout comme l'Occident chrétien fut indifférent à la théologie de St Grégoire Palamas. Dans sa Somme théologique,  Thomas d'Aquin se réfère fréquemment à l'oeuvre de St Augustin.



Luther a été, à l'origine, un membre de l'Ordre de Saint Augustin. Luther se présentait comme un augustinien : Augustinus meus totus est, Augustin est entièrement mien.
Ou encore: Il était un homme de bien; s'il avait vécu aujourd'hui, il aurait été d'accord avec nous... Je suis un augustinien et, de plus, un disciple fidèle du fondateur de mon ordre. C'est dans la pensée d'Augustin que le jansénisme plongea ses racines. Et ce n'est pas sans signification que Jansénius ait intitulé Augustinus l'ouvrage, dans lequel est exposée la doctrine janséniste qui laissa indifférent l'Orient lequel ne s'était pas non plus passionné pour le conflit doctrinal qui avait opposé  Augustin et Pélage.

(à suivre)

mercredi 5 septembre 2012

L'"Immaculée Conception" selon l'Orthodoxie par Vladimir LOSSKY



"Quelques orthodoxes, animés d'un zèle très compré­hensible pour la vérité, se croient obligés de nier l'authenti­cité de l'apparition de la Mère de Dieu à Bernadette et refusent de reconnaître les manifestations de la grâce à Lourdes, sous prétexte que ces phénomènes spirituels ser­vent à confirmer le dogme mariologique étranger à la tradi­tion chrétienne. Cette attitude, croyons-nous, n'a pas de justification, car elle provient d'un manque de discerne­ment entre un fait d'ordre religieux et son utilisation doctri­nale par l'Église romaine. Avant de porter un jugement négatif sur l'Apparition de Notre Dame à Lourdes, en courant le risque de commettre un péché contre la grâce illimi­tée de l'Esprit Saint, il aurait été plus prudent (et plus juste) d'examiner avec la sobriété d'esprit et l'attention religieuse les paroles entendues par la jeune Bernadette et les circons­tances dans lesquelles ces paroles lui ont été adressées. 

Pendant toute la période de ses quinze apparitions à Lour­des, la Sainte Vierge a parlé une seule fois pour se nommer. Elle dit :   "Je suis l'Immaculée Conception".  Or, ces paroles ont été prononcées le 25 mars 1858, à la fête de l'Annoncia­tion. Leur sens direct reste clair à ceux qui ne sont pas obligés de les interpréter en dépit de la saine théologie et des règles de la grammaire : la conception immaculée du Fils de Dieu est le suprême titre de gloire de la Vierge sans tache.

 Les auteurs catholiques-romains insistent souvent sur le fait que la doctrine de l'immaculée Conception de la Sainte Vierge a été reconnue, explicitement ou implicitement, par plusieurs théologiens orthodoxes, surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les listes impressionnantes des manuels de théologie rédigés à cette époque, pour la plupart dans la Russie du sud, témoignent en effet jusqu'à quel point l'enseignement théologique à l'Académie de Kiev et dans d'autres Écoles d'Ukraine, de Galicie, de Lithuanie ou de Biélo-Russie a été affecté par les thèmes doctrinaux et dévotiοnnels propres à l'Église de Rome. Tout en défen­dant héroïquement leur foi, les orthodoxes de ces régions limitrophes subissaient inévitablement l'influence de leurs adversaires catholiques-romains, car ils appartenaient au même monde de civilisation baroque, avec ses formes parti­culières de piété.

On sait que la théologie latinisée des Ukrainiens a provoqué un scandale dogmatique à Moscou, vers la fin du XVIΙe siècle, au sujet de l'épiclèse. Le thème de l'Immacu­lée Conception était d'autant plus assimilable qu'il s'expri­mait dans la dévotion plutôt que dans une doctrine théolo­gique définie. C'est sous cette forme déνοtionnelle qu'on trouve quelques traces de mariologie romaine dans les écrits de saint Dimitri de Rostov, prélat russe d'origine et d'éducation ukrainienne. C'est le seul nom important parmi les autorités théologiques que l'on cite habituellement pour montrer que le dogme de l'Immaculée Conception de Marie est acceptable pour les orthodoxes. 

Nous n'allons pas dresser, à notre tour, une liste (combien plus impo­sante !) de théologiens de l'Église de Rome, dont la pensée mariologique s'oppose résolument à la doctrine transfor­mée en article de la foi, il y a un siècle. Il suffira de citer un seul nom, celui de saint Thomas d'Aquin, pour constater que le dogme de 1854 va à l'encontre de tout ce qu'il y a de plus sain dans la tradition théologique de l'Occident séparé. Que l'on relise les passages du Commentaireaux Sentences (I, III, d.3, q.I, art. 1 et 2; q.4, a. I) et de la Somme théologique (IIIa, q.27), ainsi que d'autres écrits où le Docteur angélique traite la question de l'Immaculée Conception de la Vierge : on y trouvera l'exemple d'un jugement théologique sobre et précis, d'une pensée clair­voyante, sachant utiliser les textes des Pères occidentaux (saint Augustin) et orientaux (saint Jean Damascène) pour montrer le vrai titre de gloire de la très Sainte Vierge et Mère de notre Dieu. Depuis cent ans, ces pages mariologi­ques de saint Thomas d'Aquin sont scellées pour les théolo­giens catholiques-romains, obligés de se conformer à la ligne générale mais elles ne cesseront pas d'être un témoignage de la tradition commune pour ceux des ortho­doxes qui savent apprécier le trésor théologique de leurs frères séparés."
En la fête de la Conception de la très Sainte Vierge Marie
Vladimir LOSSKY
Note adjointe à l'article publié
 dans « Le Messager » n° 20, décembre 1954
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