L'APOTRE PIERRE ET L'EGLISE DE ROME par Nicolas Afanassieff - Rappel à temps et à contre-temps

St Apôtre Pierre (Sinaï)
"La transposition de l'ecclésiologie actuelle dans l'Église primitive crée non seulement une image erronée de cette dernière, mais encore suscite en nous des problèmes qui n'existaient pas à l'époque et qui sont, pour cela insolubles. Dans l'ordre d'idées de l'ecclésiologie eucharistique, la conscience chrétienne primitive ne pouvait pas se demander qui se trouvait en ce temps-là à la tête de  l'Église ou se poser la question, plus concrète, de savoir si Pierre se trouvait à la tête de l'Église et où et quand. Dans la conscience ecclésiale des premiers temps, il n'y avait pas de fondement pour une telle question car il n'y existait pas d'idée du pouvoir sur les églises locales, fut-ce le pouvoir d'une seule personne, même celui de l'apôtre Pierre, ou le pouvoir d'une seule église, qu'elle soit celle de Jérusalem, d'Antioche ou de Rome. Dans Mt. XVI, 18 le Christ ne parlait pas de l’église universelle mais de l'Eglise qui est Son corps, se manifestant à l'assemblée eucharistique de chaque église locale. En promettant que cette Eglise serait édifiée sur Pierre, le Christ ne l'instituait pas comme Son fondé de pouvoir sur toute Son Eglise. Sur ce point M. Cullmann est eu accord complet avec la théologie catholique, car à ses yeux Pierre était le chef de l'église universelle pendant son séjour à Jérusalem. M. C. ne diverge avec la théologie catholique qu'en ce qu'il limite la période où Pierre a été le chef de l'Eglise à un très court laps de temps. A la lumière de l'ecclésiologie eucharistique, Mt. XVI, 17-19 permet seulement de conclure que le Christ a fait de Pierre un chef à l'intérieur d'une église locale, mais il ne l'a pas placé à la tête des églises locales. Ce qui plus est, nous avons une indication directe dans les écrits néo-testamentaires que la conscience ecclesiale primitive ne voyait pas en Pierre un chef de l'Eglise, J'ai en vue Eph.I, 22-23 (cf Col. I, 18). Authentique ou pas, cette épitre témoigne du fait que la conscience chrétienne primitive considérait le Christ comme chef de l'Eglise et qu'elle n'avait pas l'idée que le Christ ait pu instituer quelqu'un temporairement ou définitivement comme Son fondé de pouvoir. Nous retrouvons le même ordre d'idées dans I Cor. III, 11. Il serait erroné de voir dans Eph. I, 22-23 et surtout dans ICor.III,11 l'expression d'une polémique contre Pierre, car Pierre, tout comme Paul, non seulement n'avait pas la prétention d'être le chef de l'église universelle, mais il n'avait même pas cette idée. En outre, les premiers chrétiens ne sentaient pas la nécessité d'avoir un chef visible de l'Église , qui avait un Chef invisible,— c'est le langage de notre époque —, car pour eux le Christ était présent à chaque assemblée eucharistique."
Nicolas Afanassieff
extrait  de
L'apotre Pierre et l' évêque de Rome
A propos du livre d'Oscar Cullmann «Saint Pierre, Disciple -Apôtre - Martyr. Neuchatel - Paris 1952 Theologia 26, Athènes 1955, p. 465-475; 620-641
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