- Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.
- Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.
- Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.
- C'est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.
- Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture;
- revêtez la cuirasse de la justice;
- mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Evangile de paix;
- prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin;
- prenez aussi le casque du salut, et
- l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu.
- Faites en tout temps par l'Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.St Paul(Éphésiens 6)
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mercredi 4 mars 2020
ARMÉS pour le CARÊME par St Paul
jeudi 7 juin 2018
À propos de jugement entre frères et sœurs - St Paul
1 Corinthiens 6
1 Lorsque l'un d'entre vous a un litige avec un autre, comment ose-t-il demander justice devant les injustes, et non devant les saints? 2 Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde? Et si c'est par vous que le monde doit être jugé, êtes-vous incapables de rendre des jugements de faible importance? 3 Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? Combien plus les affaires de la vie courante! 4 Or si vous avez des litiges concernant les affaires de la vie courante, vous prenez pour juges des gens dont l'Église ne fait aucun cas! 5 Je le dis à votre honte. Ainsi, il n'y a parmi vous pas un seul homme sage qui puisse juger entre ses frères et soeurs! 6 Au contraire, un frère est en procès contre un frère, et cela devant des incroyants! 7 C'est déjà pour vous un échec complet que d'avoir des procès les uns avec les autres. Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt une injustice? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt dépouiller? 8 Mais c'est vous au contraire qui commettez l'injustice et qui dépouillez les autres, et c'est envers des frères et soeurs que vous agissez ainsi! 9 Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront pas du royaume de Dieu?
vendredi 16 octobre 2015
St Paul notre maître - le nourricier de nos prières, de notre théologie, de notre ecclésiologie
Éphésiens 4
"11C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme bergers et enseignants. 12Il l’a fait pour former les saints aux tâches du service en vue de l’édification du corps de Christ, 13jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à la maturité de l’adulte, à la mesure de la stature parfaite de Christ. 14Ainsi, nous ne serons plus de petits enfants, ballottés et emportés par tout vent de doctrine, par la ruse des hommes et leur habileté dans les manœuvres d’égarement. 15Mais en disant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tout point de vue vers celui qui est la tête, Christ. 16C’est de lui que le corps tout entier, bien coordonné et solidement uni grâce aux articulations dont il est muni, tire sa croissance en fonction de l’activité qui convient à chacune de ses parties et s’édifie lui-même dans l’amour. "
jeudi 28 août 2014
Sur le Blog PRIÈRE ORTHODOXE : LA PRIÈRE par St JEAN CHRYSOSTOME [11]
jeudi 30 mai 2013
L'abjecte charité ?
Voilà un mot qui n'est plus politiquement correct.
Malgré cela, par ailleurs, je pose la question :
Tout de même, qu'est-ce qui est le pire ?
Ce qui est rare est cher dit-on,
la chanson dit aussi "Je t'aime encore plus quand tu n'es pas là..."
Quand on traduit le mot de l'Apôtre Ἡ ἀγάπη en latin par Caritas puis du latin en français par Charité, il ne s'agit pas d'aumône bien sûr, il s'agit bien plutôt de l'Amour qui s'origine en Dieu Lui-même, et c'est de cet amour divin infini que prône St Paul comme modèle et dont il cerne les caractéristiques et qu'il vaudrait mieux substituer au mot galvaudé de charité.
Depuis
que l'antichristianisme militant a voulu éradiquer le Christianisme de
la société comme de la culture et se substituer à toutes les
institutions qu'avait – la première – inventées l’Église au service du
prochain – et ceci depuis la plus haute antiquité chrétienne romaine orientale d'abord, puis occidentale – en en supprimant
toute référence au divin, le mot même de charité est devenu
coupable, abject, et synonyme d'hypocrisie, de domination et de mépris,
contribuant de façon ignoble à maintenir le peuple dans une dépendance,
une aliénation et un assujettissement condamnables...
Comme
si l'Assistance laïque désormais généralisée, anticipant – voire inventant et
programmant – le moindre besoin présupposé du citoyen, sans discernement
ni prise en compte de ses besoins réels exprimés, allant jusqu’à une
prise en charge quasi obligatoire de tous les domaines de la vie des
personnes, les privant de toute décision personnelle et leur laissant de
moins en moins d'autonomie et de libre-arbitre, n'était pas une forme
de domination tout ce qu'il y a de plus totalitaire ! Un système
coercitif mou et prégnant, condamnant le peuple à un réflexe de demande de prise en
charge pour tout, lui ôtant toute initiative de puiser dans ses propres
ressources, et l'affaiblissant chaque jour davantage, en lui faisant
croire qu'il aura toujours besoin de la "société", en lui instillant de
façon perverse l'illusion qu'il a avant tout des droits à être assisté !
Comme si cette assistance n'était pas une forme d'asservissement...
De
quel pouvoir abusivement dominateur le peuple s'est-il libéré ? De
quelle idéologie aliénante s'est-il débarrassé en bannissant la
"charité" ?
Il faudrait alors rappeler la signification complète et originelle du mot charité. Car de même que le mot Philanthropie [φιλανθρωπία ] qui est d'abord l'Amour de Dieu pour les hommes a subi une réduction de sens en désignant dans le langage commun les bonnes œuvres que font les hommes pour leurs semblables, le mot caritas latin ne désigne plus l'Amour inconditionnel et sans mesure de Dieu, mais dans sa traduction française quelque chose d'équivalent aux bonnes œuvres également. De nos jours le mot charité a tendance à ne s'employer que dans l'expression "faire la charité" autrement dit faire l'aumône presque uniquement. Finalement l'infinie miséricorde divine, également contenue dans la caritas est devenue simple pitié humaine et la condescendance s'est teintée de mépris aux yeux des antichrétiens. Dans les deux cas on a confondu les fruits avec l'arbre de l'Amour. Ceci dit l'enseignement du Catholicisme
n'est pas totalement étranger à cette substitution : trop insistant
sur le moralisme, sur le juridisme et réduisant de plus en plus (sauf
dans ses mouvements mystiques) la foi chrétienne à des interdits, des
jugement moraux, un système de dettes, de rachats, de bonnes actions,
réduisant l'Agapè [Ἡ ἀγάπη] à ses réalisations caritatives, insistant dans le même mouvement davantage sur l'humanité du Christ que sur sa divinité, sur sa passion plus que
sa résurrection.
![]() |
du Dictionnaire Gaffiot |
Malgré cela, par ailleurs, je pose la question :
Tout de même, qu'est-ce qui est le pire ?
-
Est-ce la charité des bonnes bourgeoises faisant l'aumône ou se
dévouant dans de bonnes œuvres pour avoir bonne conscience d'avoir fait
de bonnes actions – ce qui finalement les rendait tout de même un peu
meilleures, un peu moins égoïstes et qui faisait plutôt du bien aux
personnes aidées sans pour cela qu'elles en ressentent du mépris et avec
l'avantage de connaître la personne qui leur donnait ; en percevant
l'effort que faisait cette dernière, ce qui n'était pas sans donner une
perspective optimiste sur la nature humaine.
- En quoi
les assistantes sociales, débordées, impuissantes trop souvent, rejetées
– combien de fois – par les assistés eux-mêmes sont-elles mieux perçues
et donc préférables par les assistés qui ne perçoivent bien souvent
plus celles qui leur obtiennent telle ou telle aide que comme des employées
obligées (elles sont payées pour ça non ?) de leur obtenir ce que les
assistés "ont le droit" d'obtenir ( et plus vite que ça !). Croit-on que
les employés divers des services sociaux, excédés, font moins souvent
la morale que les bourgeoises bien intentionnées d'antan ?
La charité du latin caritas de carus a un sens bien plus profond que celui qu'a fini par lui donner l'église romaine et sa suite sécularisée...
![]() |
du Dictionnaire étymologique du latin Paul Regnaud |
la chanson dit aussi "Je t'aime encore plus quand tu n'es pas là..."
Quand on traduit le mot de l'Apôtre Ἡ ἀγάπη en latin par Caritas puis du latin en français par Charité, il ne s'agit pas d'aumône bien sûr, il s'agit bien plutôt de l'Amour qui s'origine en Dieu Lui-même, et c'est de cet amour divin infini que prône St Paul comme modèle et dont il cerne les caractéristiques et qu'il vaudrait mieux substituer au mot galvaudé de charité.
Si linguis hominum loquar, et angelorum, caritatem autem non habeam...
Ἐὰν ταῖς γλώσσαις τῶν ἀνθρώπων λαλῶ καὶ τῶν ἀγγέλων, ἀγάπην δὲ μὴ ἔχω...
1 Corinthiens 13
13.1
Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai
pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui
retentit.
13.2
Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les
mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi
jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis
rien.
13.3
Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des
pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai
pas la charité, cela ne me sert de rien.
13.4
La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n'est
point envieuse; la charité ne se vante point, elle ne s'enfle point
d'orgueil,
13.5
elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt,
elle ne s'irrite point, elle ne soupçonne point le mal,
13.6
elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la
vérité;
13.7
elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte
tout.
13.8
La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les
langues cesseront, la connaissance disparaîtra.
13.9
Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie,
13.10
mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel
disparaîtra.
13.11
Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme
un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme,
j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant.
13.12
Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure,
mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie,
mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu.
13.13
Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, la
charité; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité.
Maxime le minime
lundi 14 janvier 2013
Un autre type d'économie grecque : l'οἰκονομία
La formation du concept d’οἰκονομία
Le terme d’οἰκονομία est déjà présent dans la philosophie antique grecque. Aristote en fait notamment usage dans le Ier chapitre des Politiques tandis que Xénophon l’emploie abondamment dans son Économique. Dans les deux cas, il signifie : gestion des biens mobiliers et immobiliers du ménage ainsi que des êtres vivants qui le composent. Par extension chez Xénophon, et comme cela sera le cas dans tous les écrits de théorisation « économique » de l’Antiquité grecque et ultérieurement romaine1, le ménage est perçu comme l’entité « économique » de base avec ses propriétés agricoles dont l’auteur essaie de fixer les règles de bonne gestion.
Quand ce terme fait-il son apparition dans le vocabulaire chrétien et comment ce passage se fait-il ? Le terme d’οἰκονομία ne se rencontre que deux fois dans les Septante et ce, à deux versets d’intervalle :καὶ ἀφαιρεθήση ἐκ τῆς οἰκονομίας σου καὶ ἐκ τῆς στάσεως σου (Isaïe, XXII, 19) et : καιἐνδύσω αὐτὸν τὴν στολή σου καὶ τὸν στέφανόν σου δώσω αὐτῷ καὶ κράτος καὶ τὴν οἰκονομίαν σου δώσω εἰς τὰς χεῖρας αὐτοῦ (Is., XXII, 21).Il est clair que l’utilisation du terme se fait conformément à son sens antique (gestion de ses biens propres). Mais surtout, le terme ne semble pas avoir une importance particulière pour les milieux juifs hellénisants d’Alexandrie des IIIe et IIe siècles avant J.-C.
Le Nouveau Testament offre une première utilisation novatrice du concept. Certes dans Luc (XVI, 1-4) le terme est utilisé dans sa signification antique. Néanmoins, les épîtres de Paul offrent une approche nouvelle. D’abord, Paul fixe le rôle des évêques au sein du monde qui est le « domaine » de Dieu. Il parle d’οἰκονόμους μυστηρίων (1 Cor., IV, 1-2) et d’οἰκονόμοι Θεοῦ(Tite, I, 7). Les évêques sont les bons gérants (ou administrateurs) des biens surnaturels au sein de ce monde. Ils sont les représentants de Dieu sur terre. Toutefois, c’est une autre utilisation d’οἰκονομία par Paul qui retient notre attention. Dans plusieurs autres passages, le terme prend une allure prospective et devient une interprétation de l’amplitude du dessein divin sur le monde et son avenir, notamment dans l’Épître aux Éphésiens, la plus connue pour sa vision prospective d’une nouvelle humanité11 (Eph. I, 10 ; Eph. III, 2 & 9 ; 1 Tim. I, 4 ; Col. I, 25). C’est en relation avec la notion de πλήρωμα — sur laquelle nous reviendrons — que nous devons comprendre cette nouvelle utilisation. Il est important de souligner ici que la traduction de la Vulgate traduit οἰκονομία par dispensatio, ce qui explique en partie la non-prolifération dans la tradition patristique latine de ce concept.
Or, c’est justement la patristique qui offre le cadre de prolifération et de réinvestissement du terme. Néanmoins, il n’existe pas d’usage homogène au départ. Justin (première moitié du IIe siècle), dans son Dialogue avec Tryphon, utilise 11 fois le terme οἰκονομία dans le sens nouveau, alors que Tatien (fin IIe siècle) dans son Discours contre les Grecs reprend surtout le terme dans son sens antique. Que signifie cette diversité ? Nous avancerons l’hypothèse qu’il s’agit surtout de la nature de l’adversaire. En effet, l’exégèse patristique est confrontée à deux adversaires : les juifs et les païens (parfois appelés les nations, parfois les Grecs) dont les critiques divergent. Or, elle emprunte aux deux traditions ; le meilleur correspondant intellectuel diachronique d’Origène, Clément, Eusèbe ou Athanase n’étant autre que Philon d’Alexandrie (le premier à avoir esquissé une synthèse réinvestissable entre les deux traditions)12. Dès lors, ce sont la nature de l’adversaire selon le lieu et l’époque, et coextensivement le dosage (variable selon les auteurs) de la philosophie grecque dans cette synthèse, qui constituent la clef de voûte du système et l’explication des points d’achoppement. Ce référentiel commun caractérise aussi bien Tatien hypercritique sur la philosophie grecque que Clément qui en est totalement imprégné.
Pour certains auteurs du christianisme naissant, comme Justin, il est capital de pouvoir répondre aux critiques des juifs qui contestent l’incarnation de Dieu dans le Christ, tout en restant dans la logique de la continuité (cf. Paul, Épître aux Romains, qui demeure le texte fondamental sur cette question). Ainsi, Ignace d’Antioche (fin Ier s. - début IIe s.) serait-il le premier à utiliser l’expression κατ’οἰκονομίαν pour parler de la nécessité de comprendre l’incarnation comme un phénomène échappant à la logique et aux lois naturelles ou humaines et obéissant à un mode de régulation du monde spécifique à Dieu-administrateur de son domaine. Irénée de Lyon (fin IIe s. - début IIIe s.) capitalise sur cette utilisation d’Ignace tout en développant aussi le rapprochement paulinien entre οἰκονομία et πλήρωμα. En suivant les travaux par analogie d’Adhémar d’Alès13 sur les manuscrits latin et grec de l’œuvre majeure d’Irénée contre la gnose, nous apprenons que le terme οἰκονομία se rencontrerait probablement 85 fois en tout dans le texte grec (dont il ne nous reste qu’un fragment). Ce terme qui serait rendu par dispositio dans la version latine correspondrait aussi bien à « l’économie interne du plérôme » — nuance censée répondre aux gnostiques en utilisant leurs armes — qu’à « l’économie des Alliances » — qui permettrait de désamorcer les critiques juives sur la doctrine de l’Incarnation.Irénée marque précisément la transition entre une période où les juifs constituent l’adversaire théologique principal14 et une époque où ce sont les païens qui constituent l’adversaire théologique majeur (les nations, les « Grecs »). La prolifération de l’utilisation du concept chez Irénée est un bon témoin des effets intéressants et novateurs induits par la contradiction apportée au christianisme. La nécessité de mettre en place un nouvel appareil théorique capable d’expliquer valablement le message chrétien de la Bible ne serait pas apparue si personne n’avait contesté les prétentions chrétiennes, comme le remarquent P. Berger & T. Luckmann15. De même, nous pouvons constater que ce conflit a un sens sociologique positif16puisque les penseurs chrétiens, dans leurs joutes théologiques, notamment avec les philosophes « grecs », se réapproprient et réinvestissent des concepts provenant justement des « Grecs ». Cela peut même être perçu comme non-orthodoxe lorsque certains auteurs parmi les plus « anti-grecs » comme Tertullien (première moitié du IIIe s.), reprennent la notion à leur compte pour expliquer le mystère de la Trinité. Le terme a d’ailleurs un certain succès auprès de l’école exégétique d’Antioche qui adopte une vision très littérale de lecture de la Bible, et de facto très opposée aux apports de la philosophie grecque. Il permet d’expliquer — ou plutôt de ne pas le faire — de manière apophatique les agissements divins. Ainsi, pour Épiphane d’Antioche (début IVe siècle) c’est « par incompréhensibilité économique » (κατ’οἰκονομίκὴν ἀκαταληψίαν) que Dieu a envoyé la famine à Israël pour le forcer à s’exiler en Égypte.
Comme dans beaucoup d’autres domaines concernant le dogme, c’est le IVe siècle qui est le cadre où s’opère la synthèse17. Les Pères cappadociens sont souvent présentés comme les continuateurs de la tradition d’Origène au sein de l’Église. Or, un personnage comme Basile de Césarée n’est pas un simple disciple d’Origène. Il essaie de combiner les enseignements des deux écoles exégétiques majeures d’alors : celle d’Antioche (littérale) et celle, allégorique, d’Alexandrie. Dans ses Homélies sur l’Hexaémeron, Basile commence par critiquer implicitement son maître Origène et les autres penseurs chrétiens, trop influencés par les lettres grecques, en faisant l’éloge de Théophile d’Antioche (fin Ier siècle - début IIe siècle), « ce Syrien aussi éloigné de la sagesse du monde qu’il était proche des biens véritables ». En effet, pour Basile18, les « Grecs » se contredisent mutuellement, ce qui témoigne de leur faiblesse, alors que les chrétiens, par l’intermédiaire de l’Écriture Sainte, ont eu la révélation du plan de Dieu dont l’unicité est garantie par l’οἰκονομία. Il s’agit d’une reprise de la problématique déjà exprimée par Épiphane : il y a incompréhensibilité « économique » que seule la révélation dévoile. Basile fixe les bornes qui non seulement limitent le débat au sein de la spéculation chrétienne mais aussi explicitent ce que les exégètes peuvent emprunter à la philosophie grecque sans pour autant tomber dans le piège de l’hérésie — du choix (αἵρεσις). Dans son court texte adressé « aux jeunes gens sur l’utilité des lettres grecques », Basile, s’inspirant largement de la République de Platon, fournit la recette de lecture des lettres « grecques », dans le cadre de l’économie divine. C’est une éducation vers la liberté parfaite (ἐλευθερία) alors que l’homme ne dispose au départ que d’une liberté limitée et implicitement dangereuse car permettant le choix (προαίρεσις)19.Néanmoins, le choix erroné n’est pas forcément un péché. Comme l’affirme Grégoire de Nysse dans La création de l’homme, Dieu a octroyé à dessein cette faculté de choix, à l’intérieur de laquelle l’erreur est latente tandis que le péché est absent. L’οἰκονομία divine s’est développée ainsi pour devenir à la fois un mode d’administration par Dieu de son domaine, un mode de compréhension par l’homme de la cohérence intrinsèque de l’Écriture Sainte, et un mode de « tolérance » de l’erreur humaine. Ce dernier ajout constitue l’apport majeur des Cappadociens et il convient de préciser les circonstances de son apparition.Il est toujours utile de rappeler que dans le contexte des combats autour de la doctrine trinitaire du IVe siècle, l’accusation d’hérésie n’a pas épargné Basile. L’Épître LVIII de Grégoire de Nazianze, adressée à son ami Basile, fait explicitement mention du fait qu’il semble refuser, dans ses discours, la divinité du Saint-Esprit. Comment intégrer le fait qu’un des évêques les plus influents de l’Église ne soit pas conforme à l’orthodoxie trinitaire ? Déjà en insistant sur le fait que pour l’instant nous sommes toujours en présence de plusieurs δόξαι et que l’orthodoxie commence à apparaître20. Grégoire de Nazianze explique que si Basile prêche ainsi, il le fait par οἰκονομία pour ramener au sein de l’Église les hérétiques qui sont majoritaires dans son diocèse. Ce n’est un témoignage ni de lâcheté ni d’hérésie. C’est un acte de tolérance religieuse, acte d’autant plus nécessaire que Basile est un personnage public très important. Grégoire, en répondant à un accusateur de Basile, explique que lui, il philosophe sans souci (ἐγὼ ἀκινδύνως φιλοσοφῶ) alors que Basile doit faire attention à ses actes et à ses paroles. Aussi introduit-il une distinction entre privé et public, et entre doctrine et prédication. Cette distinction implique une relativisation de l’importance de la prédication en fonction des impératifs de l’unité ecclésiastique. Il ne s’agit nullement d’une « accommodation » avec la doctrine, puisque le κήρυγμα ne reflète pas automatiquement le δόγμα. Leurs fonctions respectives ne sont pas les mêmes et ce serait tomber dans un piège nominaliste que de confondre les deux. Le fait que Basile ne mentionne pas le Saint-Esprit dans ses prêches, par « économie », ne signifie pas qu’il ne croit pas à sa divinité.
Cela signifierait-il pour autant que l’οἰκονομία nous autorise tous à « prendre des libertés » avec la règle établie ? Certainement pas ! Grégoire, dans son Oraison XLIII, qui constitue l’épitaphe de son ami Basile, revient sur cette question et précise les règles de l’οἰκονομεῖν. L’importance première du concept réside, nous explique-t-il, dans le fait qu’il opère le passage des débats ontologiques vers une présentation praxiologique de Dieu. Il a coupé court aux questions sur la gnosis de Dieu et a mis l’accent sur sa praxis. Par analogie, la même opération doit être conduite pour l’homme. Ce sont les actes qui sont importants et qui prouvent la sainteté d’un homme et non pas les débats sur ses croyances. Aussi, Basile a le droit d’οἰκονομεῖν car ses actes sont caractérisés par l’εὐσέβεια, la piété. Basile respecte les mystères et a accompli une œuvre philanthropique extraordinaire. Comment se pourrait-il qu’il ne soit pas inspiré par Dieu ? Comment se pourrait-il qu’il soit un hérétique ? L’orthopraxie semble prendre le pas sur l’orthodoxie. L’erreur doctrinale donc peut être tolérée « économiquement » car elle fait partie du dessein divin ; l’âme n’a pas été assez bien éduquée, mais à deux conditions :ceux qui la tolèrent sont εὐσέβεῖς dans leurs actes ;ceux qui l’ont commise ne dévient pas trop de l’orthopraxie.
Ce qui peut paraître comme du ritualisme pédant n’est en fait que le pendant de la certitude de la fragilité de la situation humaine par rapport à la connaissance. Mais cette fragilité est aussi celle du christianisme trinitaire qui tente de s’affirmer comme religion officielle de l’Empire.En effet, le travail d’approfondissement des Cappadociens sur l’Église est incompréhensible sans prendre en compte les craintes sur l’unité de l’Église et les appréhensions de l’impact des hérésies — de la désunion donc — sur la relation entre l’Église et le pouvoir impérial. Eusèbe de Césarée, dans son œuvre de réflexion sur l’histoire ecclésiastique, fondatrice de la théologie politique chrétienne, explique ces appréhensions. Constantin a opté pour le christianisme car c’est une religion dont l’obsession unitaire est frappante, et parce que l’empire a besoin d’unité, ce que les cultes païens trop émiettés ne peuvent garantir. Or, les hérésies et les conflits doctrinaux menacent cette unité de l’Église. Il se peut donc que l’empereur change d’avis s’il constate que le christianisme n’est pas plus garant de l’unité que le paganisme. L’œuvre d’Eusèbe regorge de cette crainte. Il est même amené à citer son propre exemple au Concile de Nicée, où il a accepté le terme de « consubstantiel » malgré ses premières hésitations, afin d’être en phase avec ses ouailles, et afin d’assurer l’unité de l’Église, seule garante de sa protection au sein de l’Empire, et du non-retour en arrière.
Les Cappadociens sont d’autant plus imprégnés de cette œuvre d’Eusèbe qu’ils viennent d’avoir la preuve de sa pertinence. N’est-ce pas la persistance de la controverse arienne et son imbrication avec les luttes de succession de Constantin le Grand qui a facilité la tentative de restauration du paganisme par Julien ? Leur ancien condisciple d’Athènes n’a-t-il pas justement persiflé le christianisme à cause de ses querelles intestines ? L’Église peut-elle se permettre la persistance de ces querelles ? Comme Grégoire de Nazianze nous l’a montré, il apparaît que non. La synthèse opérée autour de la notion d’οἰκονομία permet de trouver un modus operandipour l’Église qui renforce son unité dans le cadre de la nouvelle donne politique, tout en orientant son personnel davantage vers l’action (philanthropique). C’est cette synthèse qui sert à l’Église orthodoxe de référentiel commun transcendant les siècles21.
(Extrait d'une étude de Tassos Anastasiadis Controverses politiques et tolérance canonique : la relecture au sein de l’Église orthodoxe grecque du XXe siècle de la notion patristique d’οἰκονομία
in Le droit romano-byzantin dans le Sud-Est européen sous la direction de Evangélos Karabelias
Études balkaniques Cahiers Pierre Belon)
10 Cf.
Varron, Rerum rusticarum.
11 A.
von Harnack, The Expansion of Christianity in the First Three Centuries,
Eugene (US), 1998 (1903), t. I, p. 185.
12 A.
Guillou, Du Pseudo-Aristée à Eusèbe de Césarée ou les origines juives de
la morale sociale byzantine, in Actes du Congrès sur la vie quotidienne à
Byzance, Athènes, 1989, pp. 29-42.
13 Adhémar
d’Alès, Le mot Oikonomia, Paris, 1921.
14 Mais
pas seulement théologique. Il s’agit du processus d’affirmation du
christianisme en tant que culte reconnu – pour reprendre une terminologie
moderne – distinct du judaïsme. Nous avançons que le fait de ne plus se
préoccuper autant de la controverse avec le judaïsme signifie que ces auteurs
ne craignaient plus d’être qualifiés comme « une secte juive de
plus ». Cf. aussi, A. von Harnack, loc.cit.
15 P.
Berger - T. Luckmann, The Social construction of reality : a treatise
in the sociology of knowledge, Londres, 1984 (1966), pp. 122-126.
16 G.
Simmel, Le conflit, Paris, 1995 (1908), p. 24 & p. 33.
17 A.
Guillou, L’orthodoxie byzantine, in Archives des Sciences Sociales
des Religions, 75 (1991), p. 1-10.
18 Basile,
1ère Homélie sur l’Héxaémeron.
19 La
ressemblance morpholéxique et sémantique entre les deux termes traduit bien la
relation entre la liberté volontaire donnée à l’homme qui se situe juste avant
l’hérésie, le choix. Le conflit janséniste aurait-il eu un sens s’il avait été
fait à partir de textes grecs et non pas de traductions latines ?
20 Guillou, L’orthodoxie
byzantine, op.cit., p. 1.
21 Il
faut souligner qu’en postulant que le concept se fige définitivement au IVes.,
nous ne contestons absolument pas que son utilisation a été sujette à
controverse à de nombreuses occasions et pendant de longs siècles au sein des
juridictions ecclésiastiques ou impériales. Nous affirmons uniquement que même
si des patriarches et des canonistes, et même des empereurs se querellaient à
propos de la « bonne « ou « mauvaise » utilisation de l’oikonomia,
il n’y avait toutefois plus de contestation possible sur le sens premier de
cette notion et sa position au sein de l’univers orthodoxe. Pour deux études
sur les débats byzantins ultérieurs, cf. Gilbert Dagron, La règle et
l’exception, in : Dieter Simon (éd.),Religiöse Devianz (Studien zur
Europäischen Rechtsgeschichte 48), Frankfurt, 1990, p. 1-18 et Ioannis
Konidaris, The Ubiquity of Canon Law , in : Angeliki Laiou -
Dieter Simon (éds.), Law and Society in Byzantium 9th- 12th centuries,
Dumbarton Oaks, 1994, p. 131-150.
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