Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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lundi 26 octobre 2015

Qu’est-ce que la nation ? Qu’est-ce que la patrie ?

Une nation est d’abord une réalité ethnique avant d’être une réalité politique. L’étymologie de nation (natio, en latin, du verbe nascere, ”naître”) renvoie à la terre de naissance, la terre-mère, celle des ancêtres. Elle a donc une dimension d’enracinement biologique, historique, géographique et culturel – mais non pas idéologique. Sa traduction en grec – ancien et moderne – est d’ailleurs ethnos, ce qui se réfère à un apparentement dans une mémoire et une lignée, et ce qui suppose une homogénéité. C’est pourquoi une trop grande immigration détruit une nation en abrogeant son caractère ethnique et donc sa cohérence et son empathie naturelle.




Aristote, à ce propos, estimait qu’une Cité (polis) doit être ethniquement homogène, ce qui est le fondement de la paix civile, de la connivence des valeurs (philia). Autrement, explique-t-il, une Cité rendue hétérogène par l’immigration étrangère est vouée à la dictature – pour établir de force la cohésion – ou à la guerre civile endémique. Si la notion de patrie (enracinée et ethnique) connaît un tel désaveu, la responsabilité en incombe en partie à l’Allemagne nazie qui a extrémisé les principes nationaux et ethniques en les défigurant dans une ubris criminelle. Le nazisme a dévoyé, neutralisé, diabolisé l’idée de nationalisme en Europe.

La responsabilité intellectuelle en incombe à Herder et à Fichte, deux philosophes allemands du début du XIXe siècle, qui ont largement inspiré le pangermanisme belliciste, catastrophique pour l’Europe, de l’empereur Wilhelm II et de Hitler. Fichte dans son célèbre Discours à la nation allemande (1807), non dépourvu de paranoïa, développe l’idée que le peuple allemand est intrinsèquement supérieur à tous les autres peuples européens parce qu’il a échappé à la romanisation et qu’il possède seul une ”âme culturelle” originelle. Cette thèse absurde, issue d’une frustration face à la France napoléonienne et d’un complexe allemand d’infériorité – transformé en complexe de supériorité schizophrénique– a donné lieu au nationalisme allemand des deux guerres mondiales, qui, par son extrémisme, a diabolisé et détruit tout sentiment ethno-national non seulement en Allemagne mais dans les autres pays européens, dont la France (Le IIIe Reich et son souvenir, son ubris, ses crimes et sa défaite ont provoqué chez le peuple allemand une implosion, une délégitimation de toute idée nationale et patriotique).

Cependant la fameuse ”crise des migrants réfugiés” (pseudo réfugiés à 90%), qui n’est que l’aggravation spectaculaire du processus d’immigration invasive et colonisatrice, ressuscite ce sentiment ethno-national chez les classes populaires européennes, sentiment totalement absent chez les dirigeants, uniquement préoccupés d’affairisme politicien. Cette situation peut déboucher sur un incendie incontrôlé.

Qu’elle soit française ou étendue à une ”nation européenne”, ou appliquée à Israël et à bien d’autres, l’idée de nation suppose quatre ingrédients : 
1) une homogénéité ethnique et culturelle globale où les différences sont bien moindres que les ressemblances (ce qui en exclut totalement les musulmans, appartenant à leur umma) ; 
2) le sentiment d’appartenance à une patrie commune enracinée dans l’histoire, formant en gros un même peuple qui se définit et se perçoit comme différent des autres et se sentant potentiellement opposé à eux (Carl Schmitt et ©ont bien montré que toute identité ethnique ou politique ne peut se construire que contre un ennemi. Le positif interagit avec le négatif. On peut le déplorer, mais la psychologie humaine est ainsi faite) ; 
3) l’existence de frontières parfaitement définies et protégées ; 
4) la réalité d’un État, fédéral ou centralisé, peu importe, souverain et indépendant, qui protège et assure la préférence nationale, notion centrale qui discrimine légalement l’étranger par rapport au citoyen.

L’idée ”européenne” des dirigeants actuels, même fédéraliste, ne vise absolument pas ce modèle (supra)national qu’on pourrait appeler les Etats-Unis d’Europe. Elle recherche l’abolition des fondements ethno-nationaux des peuples européens et, plus grave, l’abolition de l’européanité elle-même.  LIRE l'intégralité de l'article ICI
(extraits du blog de G. Faye via ES)

"Migrants"

samedi 25 mai 2013

La Bible et la Science par P. André Borrély [5-1] : Science et Prière

Il ne faut pas séparer la science de la prière liturgique ou privée. La science met en évidence un ordre, une pensée qui ne se pense pas. Et la prière consiste à faire remonter cette pensée qui ne se pense pas à la Pensée qui a mis cet ordre, cette intelligibilité, ce logos en le créant. Il n'y a pas d'incompatibilité entre la science et la prière, entre la raison et la foi, mais seulement entre la science et la croyance. Nous devons découvrir dans le domaine d'investigation de la science une énergie, c'est-à-dire une manifestation créée du Dieu incréé. L'univers est une unité hiérarchisée où toutes choses se tiennent, quoique épanchées sur des plans distincts, et le monde des réalités étudiées par la science pré-cοntient celui des réalités appréhendées par la foi. Gardons-nous bien de faire du sentiment dans le domaine propre de l'expérience religieuse. On ne saurait assimiler celle-ci à une religiosité d'états d'âme. Il ne s'agit pas de chercher à éprouver des états affectifs. Il ne s'agit pas davantage de démontrer par des déductions théoriques, des vérités intellectuelles, mais de retrouver ce que les hommes de la Bible mettaient sous le mot sagesse: des idées, soit, mais des idées expérimentées et vécues, susceptibles de bouillonner en l'homme et de chercher à se libérer en se répandant. 

La sagesse chrétienne, biblique, patristique et liturgique est une fusion profonde de la pensée et de l'agir, de l'expérience intérieure et de sa communication extérieure, de la vérité et de la vie. Aux yeux de cette sagesse, les idées, en soi, ne sont pas intéressantes, mais la Vérité doit subjuguer toutes nos puissances d'action. Si, dans sa première Épitre aux Corinthiens Saint Paul s'en est pris à la sagesse des Grecs de l'Antiquité — celle de Socrate — c'est parce qu'il y a vu et dénoncé en termes cinglants le tour d'esprit de ces Grecs qui leur faisait aimer discuter de problèmes intéressants.
Saint Paul a horreur de jouer avec les idées comme avec autant de balles tennis.  [à suivre]
 Père André Borrély
 (choix des illustrations Maxime le minime)

La Bible et la Science par P. André Borrély [4-2] : matière éternelle ou création ex nihilo ,


Dans la perspective d'une lecture judéο-chrétienne de la Bible, de la Genèse à l'Apocalypse, la seule vérité qui importe, c'est de savoir si vous pensez avec Aristote que la matière a toujours existé ou bien si vous admettez la création ex nihilo, à partir de rien ; au passage je jubile de faire remarquer au libre-penseur le plus anticlérical tout comme au chrétien complexé par les forts-en-gueule de l'athéisme du genre Michel Onfray que la raison en prend un coup au moins autant avec l'idée de l'éternité de la matière qu'avec l'affirmation de la création ex nihilo commune aux trois religions monothéistes. J'ose même dire qu'il m'est plus facile d'imaginer la création ex nihilo que l'éternité de la matière. En tout cas le matérialisme athée n'est en rien propriétaire de la raison, et son rationalisme ne saurait intimider les chrétiens, les juifs ou les musulmans. Car sa certitude que la matérialisme est éternelle n'est rien de plus qu'une croyance dont on ne voit pas en quoi pourrait bien consister sa supériorité sur la foi en Dieu et dont, par contre, est visible à l’œil nu l'infériorité par rapport à la science. [à suivre]
 Père André Borrély
(choix des illustrations Maxime le minime) 

lundi 14 janvier 2013

Un autre type d'économie grecque : l'οἰκονομία

 

          La formation du concept d’οἰκονομία

Le terme d’οἰκονομία est déjà présent dans la philosophie antique grecque. Aristote en fait notamment usage dans le Ier chapitre des Politiques tandis que Xénophon l’emploie abondamment dans son Économique. Dans les deux cas, il signifie : gestion des biens mobiliers et immobiliers du ménage ainsi que des êtres vivants qui le composent. Par extension chez Xénophon, et comme cela sera le cas dans tous les écrits de théorisation « économique » de l’Antiquité grecque et ultérieurement romaine1, le ménage est perçu comme l’entité « économique » de base avec ses propriétés agricoles dont l’auteur essaie de fixer les règles de bonne gestion.

Quand ce terme fait-il son apparition dans le vocabulaire chrétien et comment ce passage se fait-il ? Le terme d’οἰκονομία ne se rencontre que deux fois dans les Septante et ce, à deux versets d’intervalle :
καὶ ἀφαιρεθήση ἐκ τῆς οἰκονομίας σου καὶ ἐκ τῆς στάσεως σου (Isaïe, XXII, 19) et : καιἐνδύσω αὐτὸν τὴν στολή σου καὶ τὸν στέφανόν σου δώσω αὐτῷ καὶ κράτος καὶ τὴν οἰκονομίαν σου δώσω εἰς τὰς χεῖρας αὐτοῦ (Is., XXII, 21).
Il est clair que l’utilisation du terme se fait conformément à son sens antique (gestion de ses biens propres). Mais surtout, le terme ne semble pas avoir une importance particulière pour les milieux juifs hellénisants d’Alexandrie des IIIe et IIe siècles avant J.-C.

Le Nouveau Testament offre une première utilisation novatrice du concept. Certes dans Luc (XVI, 1-4) le terme est utilisé dans sa signification antique. Néanmoins, les épîtres de Paul offrent une approche nouvelle. D’abord, Paul fixe le rôle des évêques au sein du monde qui est le « domaine » de Dieu. Il parle d’οἰκονόμους μυστηρίων (1 Cor., IV, 1-2) et d’οἰκονόμοι Θεοῦ(Tite, I, 7). Les évêques sont les bons gérants (ou administrateurs) des biens surnaturels au sein de ce monde. Ils sont les représentants de Dieu sur terre. Toutefois, c’est une autre utilisation d’οἰκονομία par Paul qui retient notre attention. Dans plusieurs autres passages, le terme prend une allure prospective et devient une interprétation de l’amplitude du dessein divin sur le monde et son avenir, notamment dans l’Épître aux Éphésiens, la plus connue pour sa vision prospective d’une nouvelle humanité11 (Eph. I, 10 ; Eph. III, 2 & 9 ; 1 Tim. I, 4 ; Col. I, 25). C’est en relation avec la notion de πλήρωμα — sur laquelle nous reviendrons — que nous devons comprendre cette nouvelle utilisation. Il est important de souligner ici que la traduction de la Vulgate traduit οἰκονομία par dispensatio, ce qui explique en partie la non-prolifération dans la tradition patristique latine de ce concept.

Or, c’est justement la patristique qui offre le cadre de prolifération et de réinvestissement du terme. Néanmoins, il n’existe pas d’usage homogène au départ. Justin (première moitié du IIe siècle), dans son Dialogue avec Tryphon, utilise 11 fois le terme οἰκονομία dans le sens nouveau, alors que Tatien (fin IIe siècle) dans son Discours contre les Grecs reprend surtout le terme dans son sens antique. Que signifie cette diversité ? Nous avancerons l’hypothèse qu’il s’agit surtout de la nature de l’adversaire. En effet, l’exégèse patristique est confrontée à deux adversaires : les juifs et les païens (parfois appelés les nations, parfois les Grecs) dont les critiques divergent. Or, elle emprunte aux deux traditions ; le meilleur correspondant intellectuel diachronique d’Origène, Clément, Eusèbe ou Athanase n’étant autre que Philon d’Alexandrie (le premier à avoir esquissé une synthèse réinvestissable entre les deux traditions)12. Dès lors, ce sont la nature de l’adversaire selon le lieu et l’époque, et coextensivement le dosage (variable selon les auteurs) de la philosophie grecque dans cette synthèse, qui constituent la clef de voûte du système et l’explication des points d’achoppement. Ce référentiel commun caractérise aussi bien Tatien hypercritique sur la philosophie grecque que Clément qui en est totalement imprégné.

Pour certains auteurs du christianisme naissant, comme Justin, il est capital de pouvoir répondre aux critiques des juifs qui contestent l’incarnation de Dieu dans le Christ, tout en restant dans la logique de la continuité (cf. Paul, Épître aux Romains, qui demeure le texte fondamental sur cette question). Ainsi, Ignace d’Antioche (fin Ier s. - début IIe s.) serait-il le premier à utiliser l’expression κατ’οἰκονομίαν pour parler de la nécessité de comprendre l’incarnation comme un phénomène échappant à la logique et aux lois naturelles ou humaines et obéissant à un mode de régulation du monde spécifique à Dieu-administrateur de son domaine. Irénée de Lyon (fin IIe s. - début IIIe s.) capitalise sur cette utilisation d’Ignace tout en développant aussi le rapprochement paulinien entre οἰκονομία et πλήρωμα. En suivant les travaux par analogie d’Adhémar d’Alès13 sur les manuscrits latin et grec de l’œuvre majeure d’Irénée contre la gnose, nous apprenons que le terme οἰκονομία se rencontrerait probablement 85 fois en tout dans le texte grec (dont il ne nous reste qu’un fragment). Ce terme qui serait rendu par dispositio dans la version latine correspondrait aussi bien à « l’économie interne du plérôme » — nuance censée répondre aux gnostiques en utilisant leurs armes — qu’à « l’économie des Alliances » — qui permettrait de désamorcer les critiques juives sur la doctrine de l’Incarnation.
Irénée marque précisément la transition entre une période où les juifs constituent l’adversaire théologique principal14 et une époque où ce sont les païens qui constituent l’adversaire théologique majeur (les nations, les « Grecs »). La prolifération de l’utilisation du concept chez Irénée est un bon témoin des effets intéressants et novateurs induits par la contradiction apportée au christianisme. La nécessité de mettre en place un nouvel appareil théorique capable d’expliquer valablement le message chrétien de la Bible ne serait pas apparue si personne n’avait contesté les prétentions chrétiennes, comme le remarquent P. Berger & T. Luckmann15. De même, nous pouvons constater que ce conflit a un sens sociologique positif16puisque les penseurs chrétiens, dans leurs joutes théologiques, notamment avec les philosophes « grecs », se réapproprient et réinvestissent des concepts provenant justement des « Grecs ». Cela peut même être perçu comme non-orthodoxe lorsque certains auteurs parmi les plus « anti-grecs » comme Tertullien (première moitié du IIIe s.), reprennent la notion à leur compte pour expliquer le mystère de la Trinité. Le terme a d’ailleurs un certain succès auprès de l’école exégétique d’Antioche qui adopte une vision très littérale de lecture de la Bible, et de facto très opposée aux apports de la philosophie grecque. Il permet d’expliquer — ou plutôt de ne pas le faire — de manière apophatique les agissements divins. Ainsi, pour Épiphane d’Antioche (début IVe siècle) c’est « par incompréhensibilité économique » (κατ’οἰκονομίκὴν ἀκαταληψίαν) que Dieu a envoyé la famine à Israël pour le forcer à s’exiler en Égypte.
Comme dans beaucoup d’autres domaines concernant le dogme, c’est le IVe siècle qui est le cadre où s’opère la synthèse17. Les Pères cappadociens sont souvent présentés comme les continuateurs de la tradition d’Origène au sein de l’Église. Or, un personnage comme Basile de Césarée n’est pas un simple disciple d’Origène. Il essaie de combiner les enseignements des deux écoles exégétiques majeures d’alors : celle d’Antioche (littérale) et celle, allégorique, d’Alexandrie. Dans ses Homélies sur l’Hexaémeron, Basile commence par critiquer implicitement son maître Origène et les autres penseurs chrétiens, trop influencés par les lettres grecques, en faisant l’éloge de Théophile d’Antioche (fin Ier siècle - début IIe siècle), « ce Syrien aussi éloigné de la sagesse du monde qu’il était proche des biens véritables ». En effet, pour Basile18, les « Grecs » se contredisent mutuellement, ce qui témoigne de leur faiblesse, alors que les chrétiens, par l’intermédiaire de l’Écriture Sainte, ont eu la révélation du plan de Dieu dont l’unicité est garantie par l’οἰκονομία. Il s’agit d’une reprise de la problématique déjà exprimée par Épiphane : il y a incompréhensibilité « économique » que seule la révélation dévoile. Basile fixe les bornes qui non seulement limitent le débat au sein de la spéculation chrétienne mais aussi explicitent ce que les exégètes peuvent emprunter à la philosophie grecque sans pour autant tomber dans le piège de l’hérésie — du choix (αἵρεσις). Dans son court texte adressé « aux jeunes gens sur l’utilité des lettres grecques », Basile, s’inspirant largement de la République de Platon, fournit la recette de lecture des lettres « grecques », dans le cadre de l’économie divine. C’est une éducation vers la liberté parfaite (ἐλευθερία) alors que l’homme ne dispose au départ que d’une liberté limitée et implicitement dangereuse car permettant le choix (προαίρεσις)19.
Néanmoins, le choix erroné n’est pas forcément un péché. Comme l’affirme Grégoire de Nysse dans La création de l’homme, Dieu a octroyé à dessein cette faculté de choix, à l’intérieur de laquelle l’erreur est latente tandis que le péché est absent. L’οἰκονομία divine s’est développée ainsi pour devenir à la fois un mode d’administration par Dieu de son domaine, un mode de compréhension par l’homme de la cohérence intrinsèque de l’Écriture Sainte, et un mode de « tolérance » de l’erreur humaine. Ce dernier ajout constitue l’apport majeur des Cappadociens et il convient de préciser les circonstances de son apparition.
Il est toujours utile de rappeler que dans le contexte des combats autour de la doctrine trinitaire du IVe siècle, l’accusation d’hérésie n’a pas épargné Basile. L’Épître LVIII de Grégoire de Nazianze, adressée à son ami Basile, fait explicitement mention du fait qu’il semble refuser, dans ses discours, la divinité du Saint-Esprit. Comment intégrer le fait qu’un des évêques les plus influents de l’Église ne soit pas conforme à l’orthodoxie trinitaire ? Déjà en insistant sur le fait que pour l’instant nous sommes toujours en présence de plusieurs δόξαι et que l’orthodoxie commence à apparaître20. Grégoire de Nazianze explique que si Basile prêche ainsi, il le fait par οἰκονομία pour ramener au sein de l’Église les hérétiques qui sont majoritaires dans son diocèse. Ce n’est un témoignage ni de lâcheté ni d’hérésie. C’est un acte de tolérance religieuse, acte d’autant plus nécessaire que Basile est un personnage public très important. Grégoire, en répondant à un accusateur de Basile, explique que lui, il philosophe sans souci (ἐγὼ ἀκινδύνως φιλοσοφῶ) alors que Basile doit faire attention à ses actes et à ses paroles. Aussi introduit-il une distinction entre privé et public, et entre doctrine et prédication. Cette distinction implique une relativisation de l’importance de la prédication en fonction des impératifs de l’unité ecclésiastique. Il ne s’agit nullement d’une « accommodation » avec la doctrine, puisque le κήρυγμα ne reflète pas automatiquement le δόγμα. Leurs fonctions respectives ne sont pas les mêmes et ce serait tomber dans un piège nominaliste que de confondre les deux. Le fait que Basile ne mentionne pas le Saint-Esprit dans ses prêches, par « économie », ne signifie pas qu’il ne croit pas à sa divinité.


Cela signifierait-il pour autant que l’οἰκονομία nous autorise tous à « prendre des libertés » avec la règle établie ? Certainement pas ! Grégoire, dans son Oraison XLIII, qui constitue l’épitaphe de son ami Basile, revient sur cette question et précise les règles de l’οἰκονομεῖν. L’importance première du concept réside, nous explique-t-il, dans le fait qu’il opère le passage des débats ontologiques vers une présentation praxiologique de Dieu. Il a coupé court aux questions sur la gnosis de Dieu et a mis l’accent sur sa praxis. Par analogie, la même opération doit être conduite pour l’homme. Ce sont les actes qui sont importants et qui prouvent la sainteté d’un homme et non pas les débats sur ses croyances. Aussi, Basile a le droit d’οἰκονομεῖν car ses actes sont caractérisés par l’εὐσέβεια, la piété. Basile respecte les mystères et a accompli une œuvre philanthropique extraordinaire. Comment se pourrait-il qu’il ne soit pas inspiré par Dieu ? Comment se pourrait-il qu’il soit un hérétique ? L’orthopraxie semble prendre le pas sur l’orthodoxie. L’erreur doctrinale donc peut être tolérée « économiquement » car elle fait partie du dessein divin ; l’âme n’a pas été assez bien éduquée, mais à deux conditions :
ceux qui la tolèrent sont εὐσέβεῖς dans leurs actes ;
ceux qui l’ont commise ne dévient pas trop de l’orthopraxie.
Ce qui peut paraître comme du ritualisme pédant n’est en fait que le pendant de la certitude de la fragilité de la situation humaine par rapport à la connaissance. Mais cette fragilité est aussi celle du christianisme trinitaire qui tente de s’affirmer comme religion officielle de l’Empire.
En effet, le travail d’approfondissement des Cappadociens sur l’Église est incompréhensible sans prendre en compte les craintes sur l’unité de l’Église et les appréhensions de l’impact des hérésies — de la désunion donc — sur la relation entre l’Église et le pouvoir impérial. Eusèbe de Césarée, dans son œuvre de réflexion sur l’histoire ecclésiastique, fondatrice de la théologie politique chrétienne, explique ces appréhensions. Constantin a opté pour le christianisme car c’est une religion dont l’obsession unitaire est frappante, et parce que l’empire a besoin d’unité, ce que les cultes païens trop émiettés ne peuvent garantir. Or, les hérésies et les conflits doctrinaux menacent cette unité de l’Église. Il se peut donc que l’empereur change d’avis s’il constate que le christianisme n’est pas plus garant de l’unité que le paganisme. L’œuvre d’Eusèbe regorge de cette crainte. Il est même amené à citer son propre exemple au Concile de Nicée, où il a accepté le terme de « consubstantiel » malgré ses premières hésitations, afin d’être en phase avec ses ouailles, et afin d’assurer l’unité de l’Église, seule garante de sa protection au sein de l’Empire, et du non-retour en arrière.
Les Cappadociens sont d’autant plus imprégnés de cette œuvre d’Eusèbe qu’ils viennent d’avoir la preuve de sa pertinence. N’est-ce pas la persistance de la controverse arienne et son imbrication avec les luttes de succession de Constantin le Grand qui a facilité la tentative de restauration du paganisme par Julien ? Leur ancien condisciple d’Athènes n’a-t-il pas justement persiflé le christianisme à cause de ses querelles intestines ? L’Église peut-elle se permettre la persistance de ces querelles ? Comme Grégoire de Nazianze nous l’a montré, il apparaît que non. La synthèse opérée autour de la notion d’οἰκονομία permet de trouver un modus operandipour l’Église qui renforce son unité dans le cadre de la nouvelle donne politique, tout en orientant son personnel davantage vers l’action (philanthropique). C’est cette synthèse qui sert à l’Église orthodoxe de référentiel commun transcendant les siècles21.

(Extrait d'une étude de Tassos Anastasiadis Controverses politiques et tolérance canonique : la relecture au sein de l’Église orthodoxe grecque du XXe siècle de la notion patristique d’οἰκονομία
in Le droit romano-byzantin dans le Sud-Est européen sous la direction de Evangélos Karabelias
Études balkaniques Cahiers Pierre Belon)



10  Cf. Varron, Rerum rusticarum.

11  A. von Harnack, The Expansion of Christianity in the First Three Centuries, Eugene (US), 1998 (1903), t. I, p. 185.

12  A. Guillou, Du Pseudo-Aristée à Eusèbe de Césarée ou les origines juives de la morale sociale byzantine, in Actes du Congrès sur la vie quotidienne à Byzance, Athènes, 1989, pp. 29-42.

13  Adhémar d’Alès, Le mot Oikonomia, Paris, 1921.

14  Mais pas seulement théologique. Il s’agit du processus d’affirmation du christianisme en tant que culte reconnu – pour reprendre une terminologie moderne – distinct du judaïsme. Nous avançons que le fait de ne plus se préoccuper autant de la controverse avec le judaïsme signifie que ces auteurs ne craignaient plus d’être qualifiés comme « une secte juive de plus ». Cf. aussi, A. von Harnack, loc.cit.

15  P. Berger - T. Luckmann, The Social construction of reality : a treatise in the sociology of knowledge, Londres, 1984 (1966), pp. 122-126.

16  G. Simmel, Le conflit, Paris, 1995 (1908), p. 24 & p. 33.

17  A. Guillou, L’orthodoxie byzantine, in Archives des Sciences Sociales des Religions, 75 (1991), p. 1-10.

18  Basile, 1ère Homélie sur l’Héxaémeron.

19  La ressemblance morpholéxique et sémantique entre les deux termes traduit bien la relation entre la liberté volontaire donnée à l’homme qui se situe juste avant l’hérésie, le choix. Le conflit janséniste aurait-il eu un sens s’il avait été fait à partir de textes grecs et non pas de traductions latines ?

20  Guillou, L’orthodoxie byzantine, op.cit., p. 1.

21  Il faut souligner qu’en postulant que le concept se fige définitivement au IVes., nous ne contestons absolument pas que son utilisation a été sujette à controverse à de nombreuses occasions et pendant de longs siècles au sein des juridictions ecclésiastiques ou impériales. Nous affirmons uniquement que même si des patriarches et des canonistes, et même des empereurs se querellaient à propos de la « bonne « ou « mauvaise » utilisation de l’oikonomia, il n’y avait toutefois plus de contestation possible sur le sens premier de cette notion et sa position au sein de l’univers orthodoxe. Pour deux études sur les débats byzantins ultérieurs, cf. Gilbert Dagron, La règle et l’exception, in : Dieter Simon (éd.),Religiöse Devianz (Studien zur Europäischen Rechtsgeschichte 48), Frankfurt, 1990, p. 1-18 et Ioannis Konidaris, The Ubiquity of Canon Law , in : Angeliki Laiou - Dieter Simon (éds.), Law and Society in Byzantium 9th- 12th centuries, Dumbarton Oaks, 1994, p. 131-150.
 

vendredi 22 juin 2012

Philosophes et théologiens orthodoxes


La philosophie n’est pas la Théologie mais également la Théologie « scientifique » n’est pas la Théologie orthodoxe qui est la Parole de Dieu, littéralement. 

La Théologie orthodoxe qui vaut est celle de celui qui prie vraiment, c’est-à-dire de celui qui a expérimenté et qui continue de vivre de tout son être par son ascèse et sa prière incessantes, dans la Tradition ininterrompue de l’Eglise et des Pères – ayant transmis leur expérience de maître à disciple – une authentique relation personnelle avec Dieu, de sorte que ce n’est plus lui qui vit mais Dieu qui vit en lui. Le théologien orthodoxe véritable parle moins de Dieu que Dieu ne parle en lui. C’est la Parole, le Logos de Dieu qui le traverse et parle à travers lui. C’est le Verbe de Dieu qui le parle, de sorte que l’authentique théologien orthodoxe parle Dieu, plus qu’il ne parle de Dieu. 

Cependant bien des saints Pères ont eu une formation académique dans leur jeunesse avant de s’engager de tout leur être dans la vie en Christ. Cette formation, dans l’Antiquité particulièrement, mais aussi périodiquement dans l’Histoire jusqu’à nos jours comprenait également une formation philosophique classique si bien que le langage et les concepts de grand philosophes de l’Antiquité non seulement ne sont pas absents de la composition de leur texte mais ont servi à nos grands théologiens à transmettre leur connaissance de Dieu dans la matrice langagière, discursive voire conceptuelle des philosophes antiques. Il s’agissait pour eux comme ils le faisaient pour tout leur être, de réorienter, de transfigurer, de diviniser tout ce que constituait leur personne avec toutes ses constituantes et particularités, formation et culture y compris.


 D’ailleurs cet héritage de la Philosophie a été à ce point assumé par les Pères que les philosophes comme Platon, Aristote, et les Stoïciens sont bien souvent vus comme des précurseurs, quasiment au même titre que les prophètes, de la venue du Christ. Les fresques de certains monastères en attestent parfois depuis des siècles (voir ici et . L’amour de la sagesse s’est transfiguré en amour de la Sagesse de Dieu, et le moine bien souvent est celui qui est considéré comme celui qui vit « en vrai philosophe », c’est à dire qu’il n’échafaude point trop de constructions conceptuelles sophistiquées – mises en forme à la fois pour elles-mêmes et pour poser leurs jalons dans l’histoire des systèmes philosophiques – mais plutôt vit dans sa chair ce qu’il confesse et transmet. Ne pourrait-on également voir les « fols en Christ » comme des successeurs chrétiens des Cyniques ? 


De nos jours, dans notre pays même, nous avons des hommes qui ont eu cette formation de philosophe et qui œuvrent à leur tour pour l’amour de la Sagesse de Dieu et le renforcement du Corps du Christ. Chacun a sa personnalité, sa formation particulière, son tempérament propre et chacun dialogue avec un des divers lieux de discours de la pensée contemporaine et c’est une chose excellente que chacun exerce ses talents dans le domaine où il est efficacement pourvu pour faire la lumière sur la véritable tradition chrétienne. Ainsi en est-il par exemple de Jean-Claude Larchet, P.André Borrely, Bertrand Vergely, Christos Yannaras pour ceux dont je connais un peu le travail. Chacun connait le langage et le discours de l’autre, de celui à qui il s’adresse qu'il connaît bien et sait transmettre par son discours la vie du Christ ressuscité en se faisant juif avec les Juifs, grec avec les Grecs, philosophe avec les philosophes… tout comme l’Apôtre Paul, et avant lui, notre Maître et Seigneur, le Christ Lui-même, quand Il parlait en paraboles au peuple.




Qu’ils veuillent me pardonner et me corriger s’ils trouvent mon discours un peu court et pas assez précis, ni assez approfondi et s’il n’insiste pas assez sur les différences et les divergences qui existent entre eux. Je voulais leur rendre hommage malgré tout et les remercier pour le travail qu’ils font pour le salut de tous. Gloire à Dieu ! Que l’Esprit Saint les nourrisse, les guide et les habite afin qu’ils soient d’authentiques théologiens, porteurs du Logos et la Sagesse de Dieu !
Maxime le minime

dimanche 9 janvier 2011

L'altérité orthodoxe [3] VS dualisme et juridisme par Père André Borrely

P.André Borrelly
"Dans la lettre qu'ils adressèrent au pape Pie IX en 1848, les Patriarches orientaux écrivaient : «Chez nous, des innovations n'ont pu être introduites ni par les patriarches ni par les conciles, car le protecteur de la religion consiste dans le corps entier de l'Eglise, c'est-à-dire dans le peuple lui-même qui veut conserver intacte sa foi.» Les patriarches voulaient dire que tout laïc a reçu, à son baptême, le sacerdoce royal et prophétique, l'onction chrismale de l'Esprit, et donc que tout laïc est le gardien responsable du dépôt de la foi, de l'expression de la vérité de l'Eglise. Si les évêques ont pour mission de proclamer la vérité ecclésiale, les laïcs, eux, ont pour vocation de recevoir dans une démarche de liberté cette Vérité qui n'est pas quelque chose mais quelqu'un, à savoir le Ressuscité, lequel ne saurait demeurer pour les chrétiens une réalité extérieure qui leur serait assénée par le Magistère. Dans la proclamation épiscopale de la vérité de l'Eglise, tout fidèle doit pouvoir reconnaître la vérité existentielle dont il vit, pétri de grandes expériences.
Nous pouvons indéfiniment nous opposer sur la question de savoir si l'on peut recourir aux concepts de la philosophie aristotélicienne pour expliquer grâce à la théorie de la transsubstantiation le mystère eucharistique, ou bien si, à la fin de la sainte Cène, ce qui reste de pain peut être jeté à la basse-cour. Mais on peut adopter l'attitude de la théologie comprise comme l'envers silencieux de la raison raisonnante, comme intériorisation ascétique, orante et contemplative de l'expérience liturgique. On sera alors amené à faire ce que j'ai fait dans mon église : j'ai placé sur l'autel un carton sur lequel j'ai recopié cette phrase de saint Syméon le Nouveau Théologien: « Frère, ne communie jamais sans verser des larmes. »
Un prêtre de l'émigration russe à Paris, le P. Cyprien Kern avait eu la formule suivante : « La chorale de l'église est une chaire de théologie. » Dans 1'hymnographie liturgique de l'office byzantin, il y a une cohésion organique, mais ce n'est pas un système rationnel. Si, par exemple, vous voulez connaître la doctrine orthodoxe concernant la Mère de Dieu, plutôt que de vous plonger dans des manuels, allez donc à l'église chaque vendredi soir du Grand Carême et suivez l'office dit de l'Acathiste. Dans ses Chapitres sur la prière, Évagre le Pontique écrit : « Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien. » Durant quatre siècles, sous la domination ottomane, les chrétiens étaient mis à mort s'ils étaient soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la conversion d'un musulman au Christ : on suréleva donc les fenêtres de sorte que rien ne fût visible ni audible de l'extérieur. Il en fut de même en URSS. En 1996, j'ai entendu le Recteur de l'église de la Dormition, à Kassimov, évoquer la douce mémoire de son père, prêtre mort au Goulag, et comment on célébrait en ce temps-là la nuit de Pâques à voix basse pour ne pas attirer l'attention de la police. C'était l'époque où il était interdit de catéchiser les enfants, alors que l'Etat enseignait dogmatiquement l'athéisme. Et bien, que ce soit dans l'empire ottoman ou en URSS, c'est par la puissance festive et résurrectionnelle de la liturgie, c'est par la chaire de théologie de la chorale paroissiale, que la foi orthodoxe a survécu.
Vladimir Lossky a qualifié la théologie orthodoxe de théologie mystique. C'est exactement le sens du mot théologien quand on appelle saint Syméon le Nouveau Théologien ; c'est comme si on disait : le Nouveau Mystique. Mais ici encore les mots sont piégés. De même qu'il ne faut pas penser à science en parlant de théologie, mais plutôt à prière, célébration liturgique, sagesse, amour de la beauté divine et de la Lumière incréée, de même, mystique ne signifie pas ici un état d'oraison déterminé selon la classification de Thérèse d'Avila. La théologie mystique dont il s'agit est le bouillonnement et le jaillissement de l'expérience que l'Eglise ne cesse de faire du Mystère chrétien. C'est une théologie vécue et vivifiante. La pensée qui la constitue est une pensée en fusion et dynamique, une connaissance vitale, expérimentée et cherchant à se communiquer par le symbole qui évoque, l’icône qui nous parle d'une humanité déifiée et transfigurée, la poésie qui ne conceptualise pas mais évoque, suggère, le chant qui unit le beau et le vrai en une synthèse qui s'adresse à l'homme pris dans son intégralité et non point comme s'il n'était qu'intellect pur ou pure affectivité. Cette théologie est mystique dans la mesure où elle est expérience du Mystère.
Elle exclut deux comportements hélas fort répandus : le dualisme et le juridisme. Le dualisme est responsable d'une multitude de déchirures que l'œcuménisme est jusqu'ici impuissant à raccommoder. Si les chrétiens sont désunis, c'est bien parce qu'ils ont introduit la division entre la sainte Écriture et la Tradition, entre la parole et les rites sacramentels, entre les clercs et les laïcs, entre l'autorité et la liberté, entre la foi et les œuvres, entre le corps et l'âme, entre la pensée et la vie, entre la connaissance et l'amour, entre la foi et la raison, entre la philosophie et la théologie, entre les réalités spirituelles et les choses sensibles, entre la contemplation et l'action, entre la nature et la personne, entre la nature et la grâce, ou entre la nature et le surnaturel. Et ce dualisme paraît s'être prolongé dans la société déchristianisée avec la théorie marxiste de la lutte des bourgeois et des prolétaires. Je me demande même parfois s'il n'y a pas quelque chose de cela dans un certain féminisme." (à suivre)