Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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mardi 25 avril 2023

CONTRE LE PEUPLE ET LES LIBERTÉS

 

La politique de Macron : une révolution oligarchique contre le peuple

Par Pierre Le Vigan

Né en 1956, l’auteur collabore depuis quelque 40 ans à des revues d’idées. Urbaniste, il a travaillé dans le logement social. Il est aussi diplômé en histoire et philosophie. Il a publié une quinzaine de livres dont Le malaise est dans l’homme, Le front du cachalot (Carnets), Écrire contre la modernité, Inventaire de la modernité, Métamorphoses de la ville (éditions La barque d’or), Face à l’addiction (La barque d’or), Le Grand Empêchement. Comment le libéralisme entrave les peuples (Perspectives Libres éditions). Son dernier livre est intitulé « Eparpillé Façon Puzzle : Macron contre le peuple et les libertés ». Il est disponible aux éditions du Cercle Aristote.

« Liquidation », écrivait Frédéric Rouvillois dans son livre sur Macron comme définition de son projet (Liquidation. Emmanuel Macron et le saint-simonisme, Cerf, 2020). Le projet de Macron, c’est cela : liquider tout ce qui restait solide dans la société française, certaines mœurs et habitus, certaines structures, certains projets (devenir propriétaire d’une maison, la léguer, avoir un métier dont on est fier et pas seulement un ‘’job’’), rendre tout liquide, tout réversible, tout jetable (notamment les traces de notre histoire), tout interchangeable (les peuples, les gens, les sexes, les métiers, les territoires, etc). Éparpillé façon puzzle : cela veut dire que notre pays et notre peuple ont été mis en morceaux. Dispersés et hachés menu. Éparpillé : c’est le résultat de la politique de Macron. Un peuple dispersé, affaibli, atomisé.

Loin de n’avoir « rien fait », comme on l’entend parfois, Macron a presque tout réalisé de son programme. Vendre l’industrie française : c’est le capitalisme de connivence. Conforter l’oligarchie : c’est le pacte de corruption lié au covid, c’est à dire à l’interdiction de traiter les malades du covid hors procédures de vaccin (ceux permettant des super profits aux membres de la caste – ceux qui ont propulsé Macron et qui attendaient leur retour sur investissement).

Téléologie et domination du Capital

Il faut ici faire appel à Marx. Et d’abord souligner son point faible : la téléologie, voire une certaine eschatologie. C’est ce qu’il y a de moins convaincant chez Marx. « Pour nous, écrit Marx, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement. » (L’idéologie allemande). On peut en douter. Pour le dire autrement, peut-on penser que le règne du Capital (entendons par là les rapports sociaux lié à un certain état et un certain agencement des forces productives) aboutisse nécessairement, même avec un coup de pouce politique, au communisme selon Marx, c’est-à-dire à la fin de l’aliénation ? Non. On ne peut valider la thèse de l’inéluctabilité historique de la marche vers le socialisme marxien comme travail conscient de la transformation de la nature et de soi-même. On peut craindre au contraire que le brouillard des âmes et le brouillage de la conscience de soi comme sujet historique ne s’étendent, par le développement du fétichisme de la marchandise.

Pas de marche assurée au dépassement du capitalisme donc. Par contre, le règne du Capital (de la Forme Capital) peut aboutir à une version apocalyptique du « communisme », cette fois au sens stalinien, ou au sens de la dictature chinoise, c’est-à-dire à l’étatisme absolu. Mais la différence entre le totalitarisme néo-libéral et les totalitarismes communistes, c’est qu’il s’agit d’un étatisme antinational avec les néo-libéraux, l’État ayant fusionné avec les multinationales et la finance, qu’il a déjà sauvé en 2008 (cf. notamment Alain de Benoist, Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l’argent, Krisis, 2015). Nous vivons ainsi sous le « soleil noir du capital », comme écrit Anselme Jappe. Il est là, non pour nous chauffer l’âme, mais pour brûler nos vies et pour nous aveugler par le crétinisme télévisuel des médias de grand chemin.

Quand Macron fait du saint-simonisme

Frédéric Rouvillois dit encore : « Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, Macron fait du saint-simonisme sans le savoir » (Figaro-vox, 27 septembre 2020). Cela va plus loin que cela, et c’est encore plus grave que cela. L’utopie rationaliste et techniciste de Saint-Simon (le socialiste) se voulait un « nouveau christianisme » (1825). Avec Macron, c’est d’un anti-christianisme, ou d’un post-christianisme (car s’opposer suppose de connaître, ou d’être déçu, non d’être indifférent) qu’il s’agit. Ses mots d’ordre sont non seulement ceux du télétravail mais ceux de la télévie. Une vie désincarnée. « Eloignez-vous les uns des autres », « Suspectez tout le monde (de ne pas être vacciné, d’être ‘’un danger’’) », « Méfiez-vous de votre prochain », « Isolez-vous » et au final « Préparez-vous à la vraie vie dans le monde libéral : la guerre de tous contre tous ». C’est le refus de toute incarnation. C’est l’effacement de toutes les images fédératrices. C’est la destruction de toutes les formes instituantes : école, églises, histoire de France, élections prises au sérieux, fêtes solennelles. C’est la victoire de « ceux qui ont créé leur start up » sur « ceux qui ne sont rien » et qui pourtant sont tout le peuple. C’est la domination des arrogants improductifs voire nuisibles (les affairistes) sur les travailleurs, sur les producteurs.

Les libéraux des deux rives contre le peuple et le politique

La politique Macron est le stade ultime du libéralisme et du capitalisme. Mais en quel sens ? C’est ici que nous voyions un tournant et une accélération dans les politiques libérales menées depuis 1983. Que s’est-il passé pour que le libéralisme devienne l’ennemi des libertés ? Il a fallu que le libéralisme fasse un constat. Le libéralisme se heurte à la résistance de la nature humaine. Qu’en conclut-il ? Qu’il faut changer la nature humaine. Tel est l’objectif de Macron et plus largement du Great Reset (la grande réinitialisation) de Klaus Schwab et Thierry Malleret (un livre publié en 2020). Le libéralisme ne se remet pas en question. Il remet le réel en question. La société n’est pas conforme aux postulats libéraux ? Ne changeons pas le libéralisme, mais changeons la société. Les communistes ont parfois fonctionné de cette façon. En ce sens, les libéraux sont leurs élèves. Entendons : les élèves de ce que les communistes ont fait de pire.

Les libéraux ont donc constaté que la société n’était pas entièrement conforme aux schémas libéraux. Il faut donc changer la société. C’est pourquoi le libéral-libertaire Macron, unissant les libéraux des deux rives, les fossoyeurs de la France des deux rives, les oligarques des deux rives (une affaire qui a mieux marché que la sympathique tentative de Jean-Pierre Chevènement en 2002 d’unir les « Républicains des deux rives »), appuyé sur le crétinisme et l’inculture des bobos, veut donner au libéralisme un nouvel élan et ne peut le faire qu’en supprimant la démocratie, en la réduisant à des procédures hors sol, non représentatives.

C’est pourquoi la Ve République (qui n’était pas parfaite mais était un outil améliorable) a été vidée du meilleur de son contenu, avec l’extension des pouvoirs du Conseil Constitutionnel, du Conseil d’État, des juges, avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, avec la transformation du poste de premier ministre en simple poste de collaborateur (et pas le premier) du Chef de l’État, et avec bien entendu la tutelle de l’UE (si utile car déresponsabilisante).

Bilan : des élites robotisées et les robots conte la France. Les élites peuvent se permettre d’être anti-patriotes et hors sol, de partout et de nul part. Le peuple ne le peut pas. « A celui qui n’a rien, la patrie est son seul bien. »1.

« Crise » du Covid et «crise » du climat comme moyen de tétanisation du peuple

En rendant les élections de plus en plus déconnectées du peuple (la grande majorité des élus des chambres viennent des couches supérieures de la nation), en mettant dans les lois ordinaires toutes les lois d’exception qui devaient être temporaires, liées au terrorisme, à la « crise » du covid2, au « climat », la politique Macron vise aussi à sauver le capitalisme par une mutation totalitaire. Il s’agit de mêler fausse « urgence » écologique (alors que l’écologie sérieuse, c’est le long terme), réduite à ce qui intéresse le système, c’est-à-dire la « croissance verte » et non la relocalisation de nos économies et industries, et réformes sociétales consistant à mettre l’accent sur de faux problèmes (comme les inégalités de salaire homme-femme, qui sont depuis longtemps interdites par… le Code du travail).

S’ensuit tout un discours mensonger sur de soi-disant « réfugiés » climatiques, prétexte à de nouvelles vagues migratoires, et sur un « changement » climatique d’origine seulement anthropique, hypothèse bien incertaine (le climat a tout le temps changé, et l’influence du soleil peut être infiniment plus importante que l’action humaine. Lire ou relire Emmanuel Le Roy-Ladurie sur le perpétuel changement du climat. En outre, un réchauffement n’a pas que des aspects négatifs). Tétaniser les hommes pour les neutraliser. Mondialiser tous les problèmes pour faire oublier que des solutions locales et démocratiques peuvent exister. Mais aussi préparer un nouvel âge du capitalisme. Voilà l’agenda Macron.

Vaccinations et lutte du Capital contre la baisse tendancielle du taux de profit

Nous avons souligné les limites de Marx quand il croit pouvoir déceler un mouvement téléologique dans l’histoire. Mais cela ne peut faire oublier que Marx est totalement pertinent quand il inscrit l’économie dans une anthropologie et une philosophie, inscription richement prolongé par de nombreux marxiens, tel Karel Kosik3, Georg Lukacs, Tran Duc Thao, Roger Garaudy4, Lucien Sève5… Il n’y a, comme le soutenait Raymond Abellio même après s’être détaché de certains aspects du marxisme, de solide théorie de la valeur que celle, marxienne, de la valeur-travail. En conséquence, est aussi pertinente la théorie de la plus-value et la loi de baisse tendancielle du taux de profit. Le jeu des tendances et contre tendances de cette loi garde une grande valeur explicative. Or, dans la mesure où l’économie capitaliste du monde occidental, et surtout européen est de moins en moins productive, le capitalisme a besoin d’être de plus en plus parasitaire, prédateur, improductif. Il a besoin de contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit. Et c’est là qu’arrivent les « vaccins ».

Un vaccin obligatoire ou des vaccins obligatoires, et renouvelables plusieurs fois par an, constituent un formidable moyen de rétablir de hauts taux de profit dissociés de toute production socialement utile. Des profits sûrs avec la socialisation des risques et des éventuelles pertes (ou coûts de recherche), et avec la privatisation des profits. Processus classique d’un capitalisme de plus en plus ennemi de l’économie réelle, un capitalisme parasitaire et improductif qui a besoin de l’Etat pour restaurer ses profits, pour sauver les banques et les marchés financiers.

Passe sanitaire, confinements et couvre-feu contre la révolte populaire

Le puçage généralisé de tous, et, au-delà de cela, le transhumanisme comme fabrication synthétique de soi et marchandisation de soi sont des moyens de relancer l’exploitation de l’homme en poussant l’aliénation jusqu’à la création d’un homme nouveau, simplifié, interchangeable, déshérité, sans culture. Un homme en kit, dans lequel tout est amovible, y compris ses organes sexuels. C’est ce qui se passe avec la stratégie dite « anti-covid », avec passe sanitaire puis passe vaccinal, couvre-feu et confinements (et pourquoi pas bientôt des confinements contre le réchauffement climatique, sachant qu’il y a déjà des interdictions de circulation ?).

Ce qu’ont entrepris Macron et l’Union européenne comme projet de long terme, c’est une guerre de liquidation anthropologique de l’homme comme lié à ses semblables c’est-à-dire d’abord à son peuple, et être d’héritage culturel, issu d’une histoire, bénéficiaire d’une transmission. Libéral, on pourrait penser que le pouvoir macronien est issu pourtant en ligne directe du libéralisme de Benjamin Constant. Mais il y a dans cela une cohérence : la logique du libéralisme est l’individualisme. Elle est le tout à l’ego. Sa logique est la dissociation et l’éclatement du lien social. Sa logique est l’atomisation des gens et des peuples. Sa logique mène donc à la mort des peuples et à l’individualisation de tout (d’où la destruction du Code du travail, la destruction de la Sécurité sociale, des retraites par répartition, etc). La logique du libéralisme comme individualisme et culte des idées abstraites est la suppression du passé. Voilà comment on tue une civilisation pour y substituer une sous-civilisation de gens pucés et sous surveillance continue. Voilà comment on crée un « parc humain », comme dit Peter Sloterdijk. C’est pourquoi le libéralisme est contre les libertés et les peuples. Sa logique est orwellienne. 1984, nous y sommes.

Une nécessaire libération : se libérer du libéralisme pour se libérer du règne du Capital

Macron est l’actuel fondé de pouvoir de l’oligarchie. Un personnage anecdotique en un sens, mais si emblématique. Et c’est pourquoi il inspire les sentiments massivement hostiles que l’on peut constater chaque jour. Car la seule chose qu’il incarne, c’est justement l’abstraction, l’inhumanité et la brutalité de ce pouvoir oligarchique.

Le monde de Macron, c’est un libéralisme totalitaire au service de l’argent-roi. C’est pourquoi le réveil des solidarités locales et nationales est nécessaire. Il ne s’agit pas d’autre chose que d’une lutte de libération nationale et sociale. « Il faut refaire des hommes libres. », disait Bernanos (La liberté, pour quoi faire ?, 1946). Cela ne se fera pas sans reconquérir nos libertés de peuple, nos libertés nos libertés en commun.

PLV

Derniers livres de l’auteur : Eparpillé façon puzzle (Libres, 2022), La planète des philosophes (Dualpha, 2022), Métamorphoses de la ville (La barque d’or, 2021).

1 Au moment où on débat des droits de succession sur les héritages, il faut savoir qu’un Français sur trois n’hérite de rien, et qu’un ouvrier et employé sur deux hérite de moins de 8000 (huit mille) euros (de quoi acheter une place de parking à Montélimar).

2 le covid car c’est un virus et non la covid car qui dit virus ne dit pas forcément maladie] (2 % seulement des entrées en hospitalisations en 2020 y sont liés, France-info 17-11-2021).

3 La dialectique du concret, François Maspero, 1970, Les éditions de la Passion, 1988.

4 Marxisme du XXe siècle, 10-18, 1966.

5 Une introduction à la philosophie marxiste, éditions sociales, 1980.



dimanche 1 mars 2020

LE DÉSORDRE MONDIAL par Valérie Bugault, UNE ALTERNATIVE



Interview de Valérie Bugault, Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique.


Quelle est l’origine historique de ce « désordre mondial » que votre dernier livre analyse en détail ?

La question du désordre mondial doit effectivement être posée dans ces termes. L’histoire nous renseigne mieux que quoi que ce soit et que quiconque sur l’origine des événements géopolitiques actuels. Le tournant politique qui annonce les événements que nous connaissons se trouve au XVIIème siècle et plus particulièrement dans le mouvement de bascule politique initié par les Révolutions que nous qualifierions aujourd’hui de « colorées ». En France, les mécontentements populaires avaient eux-mêmes été créés, dans une très large mesure, par la libéralisation des prix du grain initiée par les banquiers-commerçants présents au sein du gouvernement royal. La fabrication, largement volontaire, de la paupérisation populaire ajoutée à des mécontentements structurels et conjoncturels inhérents à tout type de société ont été le terreau sur lequel se sont développées les émeutes bientôt transformées en Révolution.

Ces mouvements de masse ont par ailleurs été largement manipulés, encadrés et armés par des personnes répondant à une feuille de route, précise, qui avait pour objectif de renverser l’ordre politique en vigueur fondé sur l’organisation de la Société en trois Ordres. De ces trois Ordres, chacun sait que seuls les deux premiers, à savoir la Noblesse et le Clergé, occupaient alors le pouvoir. Même s’il existait une porosité entre les Ordres de la Noblesse et du Clergé – dont les fonctions étaient souvent occupées par les enfants d’une même famille – il n’en restait pas moins que ces deux Ordres obéissaient à une hiérarchie distincte. Les deux Ordres fonctionnaient en conséquence, l’un vis-à-vis de l’autre, comme des contre-pouvoirs effectifs. C’est précisément en raison de l’existence de ce contrepouvoir que la bourgeoisie commerçante a pu se développer puis prospérer jusqu’à acquérir dans la Société une place quantitative – sinon prééminente (qu’elle détient actuellement) – de plus en plus importante.
C’est sur cette bourgeoisie commerçante en plein essor que les banquiers-commerçants, c’est-à-dire les changeurs et orfèvres du Moyen-Âge, se sont appuyés pour initier leurs grandes manœuvres politiques.

Car il faut se souvenir que les banquiers changeurs détenaient, de longue date, sur l’institution royale, un pouvoir très important en raison du fait qu’ils fournissaient du crédit au Roi et aux différents grands seigneurs ; crédits nécessaires à l’armement et à l’entretien des armées, à la tenue et au maintien des différentes obligations politiques et sociales du Roi et de la noblesse en général. Seul le Clergé échappait alors, dans une très large mesure, au pouvoir des banquiers changeurs. Il faut se souvenir que l’Église du Moyen-Âge a historiquement, durant très longtemps, joué un rôle de modération sur le pouvoir des financiers. C’est précisément pour cette raison que la caste des banquiers-commerçants a, dès le XVIIIème siècle, estimé que l’Ordre clérical était son véritable ennemi. Les financiers n’ont eu de cesse, depuis le XVIIIème siècle, de développer toute une panoplie d’armes civiles conventionnelles (en finançant le développement, sur tous les fronts – économique et sociétaux – de théories réellement anti-cléricales) et non-conventionnelles (infiltration…) pour abattre, sur la durée, le Clergé. La Révolution Française a été, au niveau politique, le point de départ de ces manœuvres, de type militaire, visant à la disparition du clergé dans un contexte où le pouvoir temporel (pouvoir Royal et noblesse), très affaibli par ses incessants besoins financiers, était déjà tombé aux mains des banquiers-changeurs.

D’un point de vue technique, l’Ordre politique d’Ancien Régime était techniquement fondé sur deux groupes : un pouvoir temporel (la Noblesse, c’est-à-dire l’aristocratie organisée autour d’un Roi considéré comme le premier d’entre ses pairs) et un pouvoir spirituel (le Clergé). Ces deux ensembles se faisaient face et s’équilibraient. Juridiquement, le lien entre ces deux Ordres reposait sur la prééminence du spirituel sur le temporel, traduit par le fil conducteur de la suprématie de l’Ordre naturel, bientôt traduit en « droit naturel ».

Ici se trouve la source de la volonté, développée par les banquiers-commerçants, de disparition de tout « ordre naturel ». Dans leur quête du pouvoir, les orfèvres-changeurs devaient abattre tous les fondamentaux sur lesquels reposaient le pouvoir ancien. Au fil du temps a donc émergé, sur la discrète direction des banquiers-commerçants, un concept juridique nouveau, celui de « droit positif », dont la vocation était de s’opposer au « droit naturel ». Cette notion nouvelle de « droit positif » a été la porte ouverte à l’avènement d’un ordre juridique nouveau, dérogatoire au droit commun qu’était alors le droit civil, appelé « droit commercial ». De fil en aiguille, sur le continent européen et en France en particulier (à partir de 1807, date de l’avènement, sous Napoléon, du Code de Commerce), le droit commercial est passé du statut dérogatoire, qu’il avait au XIXème siècle, au statut de droit commun qu’il prend actuellement. Ainsi, historiquement, le positivisme a été le moyen, utilisé par les banquiers-commerçants, pour obtenir le remplacement du droit civil par le droit commercial dans sa fonction de droit commun. Rappelons que qui dit « droit commun », dit règle de gestion et de régulation de la Société dans son intégralité.

Nous sommes aujourd’hui, en France, en Europe, et dans le monde, au point culminant de la domination, artificielle et encore relativement officieuse, de la caste des banquiers-commerçants, qui sont les héritiers directs des orfèvres changeurs du Moyen-Âge. Cette domination doit donc nécessairement se traduire par l’avènement politique de cette caste, ce qui sera réalisé par l’instauration d’un gouvernement mondial, de type autoritaire car dépourvu de tout contre-pouvoir politique et social effectif. La constitution de ce gouvernement repose sur deux outils, l’avènement d’une monnaie mondiale efficiente contrôlée par les banquiers-commerçants, et la constitution de relais de pouvoir locaux formalisés sur le modèle de l’Union Européenne. Le contrôle du commerce maritime mondial a été la porte d’entrée à la prétendue impérieuse nécessité de doter le monde d’une monnaie mondiale unifiée… et dûment contrôlée.

Comment les banques furent le moteur d’un passage d’une économie « réelle » à une finance totalement virtuelle ?

La virtualisation de la finance internationale a été le résultat, prévisible, de Bretton Woods. Le dollar alors imposé en tant que monnaie mondiale, ne pouvait techniquement, tout comme l’étalon or jusqu’alors utilisé, pas suivre le développement structurel, permanent et de nature exponentielle, des échanges économiques mondiaux tel que voulu par la doxa du libre-échange, en vigueur depuis le XVIIIème siècle. Rappelons-nous que le « libre-échange » est la version modernisée de la « liberté du commerce » imposée, en occident, par les Révolutions de la fin du XVIIIème siècle, lesquelles ont été initiées, c’est-à-dire dirigées et commanditées, par la caste des banquiers-commerçants.

Dans leur quête désespérée pour conserver leur propre monnaie, le dollar US, en tant que monnaie mondiale, les américains ont dû avoir recours, en plus de la mainmise sur les réserves financières de leurs vassaux occidentaux, à des subterfuges afin de créer, artificiellement, des actifs financiers. L’impérieuse nécessité de l’adossement de la monnaie à des richesses a donné naissance au vaste mouvement de dérégulation financière, née aux États-Unis d’Amérique dans les années 1970. Ce que nous appelons aujourd’hui « financiarisation de l’économie » est le résultat de la dérégulation financière qui a permis la naissance d’actifs financiers fictifs c’est-à-dire grosso modo la transformation – sur le modèle de l’alchimie – d’actifs toxiques, qui sont en réalité des dettes, en richesses.

Il faut bien comprendre les mécanismes intangibles de la monnaie : une monnaie ne peut fonctionner qu’adossée à une « économie ». S’agissant de monnaie mondiale, c’est là que le bât blesse. Car les contraintes économiques d’une monnaie locale, adossée à une économie locale, sont incompatibles avec les contraintes économiques d’une monnaie mondiale, qui doit être adossée à une économie mondiale. Une économie locale prospère repose sur une balance commerciale bénéficiaire, c’est-à-dire sur le fait que les exportations doivent être supérieures aux importations. Or, pour être utile, une monnaie mondiale doit être émise en quantité suffisante pour pouvoir répondre à la totalité des échanges économiques mondiaux ; ce qui, techniquement, se traduit par le fait qu’une monnaie mondiale repose sur une économie mondiale. Or, pour pouvoir circuler en quantité suffisante pour répondre aux besoins mondiaux, le dollar US en tant que monnaie mondiale exigeait que les importations américaines soit supérieures aux exportations, ce qui a eu pour effet mécanique d’affaiblir l’économie (américaine) en déséquilibrant durablement et irrémédiablement sa balance commerciale.

Dès lors, le cercle vicieux se met en place : une économie faible ne peut pas justifier l’émission importante de monnaie sans faire perdre à celle-ci la confiance de ses utilisateurs. On a vu que l’émission importante de dollar avait en effet été adossé à la création d’actifs financiers fictifs qui ont eu pour effet de déstabiliser le fonctionnement monétaire et financier au niveau mondial par la circulation dans de très grandes quantité d’actifs toxiques hébergés par les banques et par tous les organismes financiers ; cette circulation d’actifs toxiques a définitivement, emporté, c’est-à-dire mis un terme à la confiance des utilisateurs du dollar en tant que monnaie mondiale, rendant dès lors nécessaire son remplacement.

Tel est précisément le principe actuellement dénoncé par le président Trump, qui exige, de façon de plus en plus impérieuse, l’abaissement par la Fed des taux directeurs américains. Cette exigence est justifiée par le fait qu’avec des taux trop élevés, les exportations américaines diminuent de façon mécanique. Trump défend, ce faisant, le retour à une conception purement locale du dollar américain. Ajoutons que ce type de position de Donald Trump est non seulement compatible mais surtout parfaitement alignée avec les visées de l’oligarchie mondialiste qui œuvre à l’avènement des DTS (panier de monnaies) comme monnaie mondiale ; les DTS étant la résurrection actualisée du Bancor défendu par Keynes en 1944.

A la mi-2019, nous en sommes là des évolutions financières mondiales. Ce stade de développement monétaire sera – et est d’ores et déjà – utilisé par les banquiers commerçants pour faire avancer leur agenda de monnaie mondiale, elle-même rendant « indispensable » l’avènement du futur gouvernement mondial en charge de réglementer l’économie et les populations. Les déboires financiers mondiaux vont permettre, par la décrédibilisation du dollar en tant que monnaie mondiale, de mettre en place une monnaie mondiale viable, qui prend aujourd’hui la forme des DTS (droits de tirage spéciaux) dans le même temps qu’il va faire disparaître l’empire américain de façon à laisser la place à un futur gouvernement mondial. [Mais que restera-t-il des USA, NdSF] C’est dans le contexte nouveau des DTS monnaie mondiale qu’il faut comprendre la récente réhabilitation, par la BRI, du statut de l’or dans les bilans des banques (des banques privées et, par voie de conséquence, des banques centrales). Depuis le 29 mars 2019, l’or n’est désormais plus considéré comme étant un « actif à risque » pour les banques qui peuvent dès lors l’acheter et le revendre sans autre restriction comptable.

A l’inverse, c’est dans ce même contexte de l’avènement d’une nouvelle monnaie mondiale (DTS) qu’il faut comprendre la récente levée de l’accord de 1999 visant à coordonner les ventes d’or faites par les banques centrales de la zone euro. Pour les banques centrales européennes, il n’est plus nécessaire de vendre l’or détenu, mieux vaut le garder bien au chaud car il est redevenu un « actif sûr » permettant une valorisation de la monnaie qui y est adossée, dans l’objectif de la détermination du pourcentage de DTS détenus par les différentes monnaies. Ces mesures relèvent toutes d’un plan préétabli visant à imposer les DTS comme future véritable monnaie mondiale.

J’ajoute, pour finir, que la part, aujourd’hui, prépondérante du dollar US dans l’évaluation du panier de monnaie que représente les DTS sera très probablement diminuée, voire même sérieusement diminuée, dans les années qui viennent. C’est à cette aune qu’il faut apprécier le réel enjeu de la guerre commerciale que se livrent actuellement les USA et la Chine.

Les paradis fiscaux et l’optimisation fiscale sont des phénomènes centraux de la domination des groupes financiers ?

Effectivement, la domination des banquiers-commerçants se compose de deux facettes économiques, d’une part le contrôle des monnaies et d’autre part le contrôle des multinationales, rendu possible justement par le contrôle des monnaies (qui permet l’affectation des richesses).

Contrairement à ce que la doxa veut faire accroire au public non averti, l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale et l’existence des paradis fiscaux ne sont absolument pas des accidents de l’histoire économique et monétaire. Pas plus qu’ils ne sont des phénomènes accessoires.

Tout au contraires, les paradis fiscaux sont la pierre angulaire de la domination politique des banquiers-commerçants. Car les paradis fiscaux, dont le profil a récemment évolué du concept de « corsaire » à celui de « pirate », sont le moyen privilégié utilisé par les plus grands détenteurs de capitaux pour affaiblir, à la fois structurellement et conceptuellement, les États entendus au sens politique initial du terme. Les Paradis fiscaux sont un double danger pour les États traditionnels :
d’une part ils servent à siphonner l’argent public, discréditant et décrédibilisant par la même occasion la fonction étatique ;
d’autre part, par leur apparente autonomie politique et leur réelle dépendance aux institutions financières qu’ils hébergent, les paradis fiscaux constituent des abus de droit public. Ces structures ont l’apparence des États mais ils ne répondent à aucun des critères qui qualifient le concept politique d’état. Qui dit « abus » dit également discrédit porté sur le droit ; un tel discrédit étant tout à fait nécessaire à l’établissement d’un Ordre politique nouveau.

Hier sous la domination politique des États avec un statut comparable à celui des « corsaires », les Paradis fiscaux ont, depuis la disparition des comptes numérotés, bifurqué vers une indépendance de plus en plus marquée vis-à-vis des autorités politiques et une accentuation corrélative de leur dépendance vis-à-vis des institutions financières gestionnaires des capitaux hébergés ; les « paradis terrestres » ont définitivement pris le statut politique de « pirates ». Cette évolution est en réalité une « révolution » juridique dans la mesure où un pas de plus a été franchi dans l’objectif de décrédibilisation des États, qui ont désormais définitivement perdu tout moyen de souveraineté monétaire et financière.

Parallèlement, le processus dit d’optimisation fiscale a été une étape essentielle du processus de perte de souveraineté financière des États. Initié aux USA au début du XXème siècle à la faveur de l’organisation fédérale de l’État (qui a permis la mise en concurrence fiscale des États fédérés), le processus d’optimisation fiscale s’est développé au niveau mondial à la faveur de l’imposition mondiale de la doxa du « libre-échange ». Techniquement, et sous couvert de régulation (des prix de transfert), l’OCDE a été l’une des principale cheville ouvrière – avec les institutions de l’Union Européenne et d’autres organismes (tels que les « fat four ») – permettant la mise en œuvre effective de l’optimisation fiscale au niveau international. L’optimisation fiscale a permis le transfert légal effectif, des États vers les paradis fiscaux, de sommes dans des proportions tout à fait colossales ; ces montants financiers échappant dès lors définitivement à toute souveraineté étatique. Pour dire les choses autrement, l’optimisation fiscale a généré des flux de capitaux vers les paradis fiscaux dans des proportions que les seules transactions occultes et trafics illégaux n’auraient jamais permis, renforçant d’autant le pouvoir de ces « paradis terrestres », véritables pirates politiques.

Quel est le rôle des banques centrales dans ce système ? Quelle est l’enjeu des « guerres des monnaies » que nous voyons se mettre en place avec la chute du dollar ?

Comme je l’ai souvent expliqué dans mes articles, livres et conférences, le concept de banque centrale n’est pas anodin. Il est né de la volonté des banquiers-commerçants de faire échapper la souveraineté monétaire au contrôle politique. Ces banques centrales ont été initiées par des banquiers qui susurraient à l’oreille de personnages politiques dans l’optique de centraliser la gestion des monnaies.

Le rôle et la fonction des banques centrales a toujours été, en plus de la centralisation monétaire (au niveau de l’émission des monnaies mais aussi à celui de la réglementation), la préservation des capitaux acquis, ce qui, techniquement, se traduit par l’objectif de lutte contre l’inflation. Les banques centrales, chapeautées par la BRI et accompagnées par le FMI et la Banque Mondiale – organismes issus des accords de Bretton Woods – sont en quelques sortes « les gardiens du temple monétaire et financier mondial ».

Quant à la « guerre des monnaies », ses enjeux sont, rien de moins que, l’établissement du futur gouvernement mondial. Au-delà de l’apparente lutte entre États et groupement d’États (UE) pour la prééminence de leur propre monnaie dans le panier de monnaies constitué par les DTS, le véritable enjeu monétaire mondiale se situe dans les instances qui contrôleront ces DTS. L’enjeu essentiel des DTS ne réside pas seulement dans la détermination de ses pourcentages mais aussi et surtout dans le fait qu’ils reposeront sur des matières premières limitées (et donc contrôlées) et que leur circulation sera elle-même sous complet contrôle (cryptomonnaie utilisant vraisemblablement le modèle technique de la blockchain).

C’est la raison pour laquelle il est important, pour les banquiers à la manœuvre, que la future monnaie mondiale :
soit émise dans des proportions limitées, permettant seule le contrôle total ; d’où les velléités de retour à une certaine forme d’étalon-or des monnaies ;
circule de façon totalement contrôlée, ce qui est aujourd’hui permis par les systèmes modernes de transmission de données et, en plus particulièrement, par le principe de la blockchain.

La réalisation d’une monnaie mondiale viable officiellement et totalement contrôlée par les principaux détenteurs de capitaux, lesquels contrôlent – par employés interposés – tant la BRI que le FMI, est une condition sine qua non de l’avènement d’un gouvernement mondial contrôlé par les mêmes banquiers-commerçants.

Les banques ont désormais la possibilité de ponctionner directement les comptes de leurs clients pour se renflouer si besoin. Dans le même temps, le pouvoir économique affirme sa volonté de supprimer l’argent « liquide ». Comment est-t-il possible de laisser une telle emprise aux banques ?

La question de l’emprise sociale acquise par les banques est intimement liée au renversement du pouvoir réalisé par les Révolutions du XVIIIème siècle, qui ont imposé un ordre social et politique nouveau gravitant autour des concepts de :

  • séparation des pouvoirs ;
  • régimes parlementaires de type représentatifs ;
  • partis politiques.


Depuis l’avènement politique de ces trois fondamentaux, les hommes politiques sont devenus les porte-paroles officieux des principaux détenteurs de capitaux dans le même temps qu’était acté le découplage institutionnel entre pouvoir et responsabilité. Les véritables donneurs d’ordre, les créanciers qui financent les partis politiques, restant toujours dans l’ombre, ils ne peuvent structurellement pas être appelé à répondre politiquement de leurs actions, c’est-à-dire des ordres qu’ils donnent et qui sont officiellement mis en œuvre par des « hommes de pailles » appelés « hommes politiques ».

Par ailleurs, le concept de « parlement » moderne, soi-disant à l’initiative des lois, est également une double supercherie. D’une part, bien qu’abondamment claironnée comme la condition de la démocratie, il n’existe pas de réelle séparation des pouvoirs alors que les pouvoirs législatif et exécutif sont détenus par des personnalités issues du ou des parti(s) politique(s) ayant gagné les élections (appelé « parti de pouvoir »). D’autre part, l’avènement d’un organisme politique essentiel (c’est-à-dire politiquement structurant) dont la seule mission est de fabriquer du droit est le gage majeur, essentiel et imparable, d’un futur problème d’excès de lois et autres réglementations.

Et que dire du « parlement » européen qui porte le nom de parlement mais qui ne dispose officiellement pas de l’initiative des lois !

Enfin, le pouvoir politique ne se conçoit que dans la durée ; or, le temps long, est officiellement et structurellement dénié aux partis politiques qui doivent sans cesse se faire concurrence pour « gagner » le cocotier des élections.

Toute cette organisation politique des États, directement issue du siècle des Lumières et mise en œuvre, en occident, à la faveur des Révolutions du XVIIIème siècle, s’analyse en une véritable imposture institutionnelle et politique. Il s’agit en réalité, à la mode anglaise, d’habiller d’honorabilité, la violente prise de pouvoir politique par les principaux financiers. Conformément à l’adage populaire, « l’habit ne fait pas le moine ». L’apparence de contrepouvoir, abondamment claironnée, qui prend la forme du principe de « séparation des pouvoirs » et le régime parlementaire représentatifs sont des fumisteries qui cachent la réalité de l’exclusivité du pouvoir.

En réalité, le principe de séparation des pouvoirs tel que mis en œuvre par les institutions issues du XVIIIème siècle est la pure et simple négation du concept de « pouvoir politique ». Le pouvoir que les principaux financiers ont pris sur les États est, par ailleurs, de type autoritaire car il est réellement dépourvu de tout contrepouvoir effectif. Ce phénomène est dû à l’anonymat dont ont su s’entourer les banquiers-commerçants à la manœuvre.

Les cryptomonnaies comme le Bitcoin sont-elles des alternatives au système financier ?

Pour répondre à cette question il faut revenir aux fondamentaux de la monnaie et plus particulièrement à la raison de son apparition sur Terre il y a fort longtemps. Avant même d’être matérialisée, la monnaie a toujours été un concept comptable, une unité de compte servant à mesurer la valeur des biens échangés de façon à faciliter les échanges, c’est-à-dire les flux de biens et services sur un territoire déterminé. Initialement, la monnaie n’est pas une réserve de valeur au sens où elle n’a pas, en soi, de valeur propre ; elle est un simple instrument de mesure de la valeur des biens et services. Pour être utile, le concept de monnaie doit donc être accepté par tous ses utilisateurs, il devient dès lors une institution publique de nature politique.

Peu à peu, la monnaie a pris l’habitude de s’incarner dans un bien matériel, bien variable d’une région à l’autre, d’une culture à l’autre. Coquillages, bétails, simple bâton gradué ou métaux rares… En occident ainsi qu’en orient, la monnaie s’est de plus en plus souvent incarné dans l’or ou l’argent, laissant à son émetteur la possibilité de modifier le poids et le contenu précis du métal ou de l’alliage utilisé lors de la réalisation des pièces ; ce principe a donné lieu à l’expression « battre monnaie » ainsi qu’au droit de seigneuriage qui donne à l’émetteur de la monnaie un avantage financier qui consiste en la détermination de la valeur initiale de la monnaie émise (laquelle pouvait différer de la valeur résultant du poids du métal précieux utilisé). Peu à peu, le concept monétaire a fini par être assimilé au vecteur matériel utilisé pour sa circulation, en l’occurrence l’or ou l’argent. Dans le même temps, au cours du Moyen-Âge, les orfèvres ont pris le monopole sur le commerce des métaux précieux et, faisant commerce desdits métaux, sont devenus des fournisseurs de crédits, c’est-à-dire des banquiers au sens moderne du terme (les fameux « banquiers-commerçants »).

C’est ainsi que de glissements sémantiques en habitudes commerciales, les orfèvres changeurs du Moyen-Âge sont devenus, à la faveur de la lutte politique entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel (cf. le conflit entre guelfes et gibelins), les fournisseurs monopolistes de la monnaie conçue comme ayant une valeur intrinsèque. Loin du concept politique initial, la monnaie est devenue un bien matériel accaparé par une caste particulière de commerçants. Or, accaparée, la monnaie devient inapte à remplir le rôle pour lequel elle avait été créée et qui était de faciliter les échanges. La monnaie appropriée par les banquiers ne rend de services qu’à ceux qui la contrôle, c’est-à-dire les banquiers commerçants qui décident dès lors de l’affectation des ressources monétaires et donc de ceux qui pourront ou non, et à quelles conditions, bénéficier de la ressource monétaire.

Pour répondre à la question posée, il convient d’analyser le concept de « Bitcoin » et de « cryptomonnaie » à l’aune de ces brèves explications.

Premièrement, les « bitcoins » et autres cryptomonnaies sont conçues comme étant dès l’origine des réserves de valeur. Ce premier problème induit le fait – sans même parler de la réalité plus ou moins probante de la valeur de la cryptomonnaie en question – que cette monnaie pourra faire l’objet de spéculation. Or, la spéculation permet l’appropriation de la monnaie, ce qui est, par essence, un empêchement rédhibitoire au rôle de facilitation des échanges qui est celui d’une monnaie.

Deuxièmement, certains types de cryptomonnaies (dont les Bitcoins), sans parler des possibilités multiples de piratages dont elles peuvent faire l’objet au moment de la circulation des données, requièrent de vastes ressources énergétiques. Ceux qui contrôlent l’énergie nécessaire à la circulation des Bitcoins pourront donc, d’une façon ou d’une autre, contrôler cette monnaie. Ici encore, on se heurte à la question de l’indépendance politique problématique de telles monnaies.

Troisièmement, on a vu qu’une monnaie au sens initial est, par essence, une institution politique car elle nécessite son acceptation par tous ses usagers, ce qui est la condition essentielle permettant la facilitation des échanges économiques. S’agissant de cryptomonnaies, rien n’impose a priori aux individus d’accepter une cryptomonnaie plutôt qu’une autre. Les usagers vont rapidement se heurter à la multitude des offres disponibles, générant une complexité qui s’oppose au rôle de facilitation des échanges que doit remplir une monnaie saine. Seules les cryptomonnaies dites d’État, c’est-à-dire générées par les États, pourraient remplir le rôle politique d’une monnaie, à condition que cette cryptomonnaie ne soit pas sous l’emprise d’intérêts particuliers et qu’elle soit effectivement soumise à un véritable contrôle politique, ce qui ne pourrait s’entendre que d’État émetteur, eux-mêmes de véritables entités politiques. On a vu que tel n’était pas le cas des États occidentaux, ainsi d’ailleurs que de la plupart des États du monde.
Il résulte de l’analyse ci-dessus que les cryptomonnaies en générale et les Bitcoins en particulier ne répondent à aucune des conditions d’existence d’une monnaie saine.

La déliquescence du secteur bancaire mondial est-elle pour vous le signe d’une prochaine crise financière d’importance ?

Ce que vous appelez la « déliquescence du secteur bancaire mondial », dont j’ai explicité les tenants et les aboutissants lors des questions précédentes, est le signe évident d’une future et très proche vaste spoliation des particuliers et des PME. Elle n’est nullement le signe d’une disparition du système financier mais au contraire le signe d’un resserrement du contrôle de ce secteur par quelques organismes financiers. Le secteur financier va se concentrer dans le même temps que l’argent disponible pour les particuliers et les petites entreprises va se raréfier. Concrètement, seuls les plus gros acteurs financiers survivront à la « crise » en cours. Ces acteurs, qui auront pris soin de rematérialiser la monnaie en l’adossant à des biens matériels tangibles accaparés (or, pétrole…), profiteront de la crise pour imposer une dématérialisation totale de la circulation monétaire, resserrant au passage leur contrôle sur la vie des particuliers et des PME.

La « crise » sera une aubaine pour réduire encore les contrepouvoirs politiques à la domination des banquiers commerçants…

Quel est votre définition de l’ « État Profond » qui est derrière le phénomène de globalisation ?

Ce que certains géopolitologues (tels Peter Scott Dale) appellent « État profond » est in fine la caste des banquiers commerçants qui a pris le contrôle politique en occident à l’occasion des Révolutions du XVIIIème siècle ; Révolutions que nous pourrions aujourd’hui qualifier de premières « Révolutions colorées » du monde.
Cette caste d’arrivistes a pris le soin de cacher sa domination par des subterfuges la mettant à l’abri de toute responsabilité publique, ce qui lui a procuré un contrôle politique total en toute impunité. C’est cette caste qui poursuit inlassablement, depuis trois cents ans, le basculement du monde dans un système politique centralisé entre ses propres mains.

Les banquiers-commerçants ont utilisé différentes armes pour asseoir leur domination politique, parmi lesquelles : le contrôle des monnaies, le libre-échange (qui est l’avènement juridique de la loi du plus fort économique), l’anonymat… et, bien sûr, un système d’institutions politiques à leur mesure (comme détaillé plus haut). Leur plus grand ennemi actuel est l’État, aussi poursuivent-ils inlassablement la disparition des États politiques pour imposer des États fantômes voués à disparaître à court ou moyen termes. Leurs outils sont de nature économique, juridique (droit anglo-saxon), ainsi que militaire (armées officielles, pactes militaires tel que l’OTAN) et paramilitaires (djihadistes et autres terroristes).

Dans votre livre, vous expliquez les concurrences au sein de l’oligarchie mondialiste. L’opposition entre la City et l’impérialisme américain est-elle, pour vous, un tournant historique ?

Davantage qu’un véritable « tournant historique », la récente opposition entre la City et les intérêts impérialistes américains représente une étape de plus dans la réalisation de la prise de contrôle mondiale absolue par la caste des banquiers commerçants. Nous assistons au déroulement d’un plan savamment conçu consistant à créer un problème avant de le résoudre dans le sens, bien compris, des intérêts spécifiques à cette caste. En l’occurrence, il ne faut pas oublier que les grands banquiers internationaux sont précisément à l’origine du développement des impérialismes britannique puis américain. Ils sont aussi, plus récemment, à l’origine du développement de la Chine sur le même modèle impérialiste. Ils ont également été à l’origine de l’empire napoléonien et de sa disparition, comme ils sont à l’origine de la disparition de tous les empires géo-centrés qu’ils avaient créés.

D’un point de vue méthodologique, le même schéma se retrouve au niveau du problème réglementaire. Alors que l’OMC impose le libre-échange mondial en œuvrant activement à la disparition des barrières réglementaires, c’est-à-dire aux réglementations étatiques protectrices des consommateurs de bien et des usagers de services. Les banquiers-commerçants financent dans le même temps des organisations non gouvernementales chargées de militer et d’œuvrer à l’élaboration d’une réglementation mondiale pour protéger le climat des dérèglements imposés par l’OMC. Cette méthode, très efficace, consistant à maîtriser les deux pans de la dialectique, permet à la caste de banquiers commerçants de générer artificiellement une demande mondiale de réglementation internationale ; demande à laquelle il ne pourra être correctement répondu que par la création d’un gouvernement mondial puisque les États auront, entre-temps, été neutralisés par les règles de l’OMC.

Dans l’hypothèse d’un développement ayant ses origines dans la finance, les empires géo-centrés ne doivent jamais oublier que leur développement sera immédiatement suivi de leur disparition car telle est la volonté des maîtres financiers. Les banquiers-commerçants ont, de tous temps, créé sous leur contrôle exclusif, des Frankenstein politiques de plus en plus gros (ville, État, puis Empire) avant de les détruire de façon à se rapprocher de leur objectif ultime du Frankenstein mondial (gouvernement mondial).

Si l’impérialisme géo-centré – dont l’impérialisme américain – est évidemment en soi un problème, l’impérialisme financier nomade est un problème encore beaucoup plus important auquel va, bientôt, devoir faire face l’humanité toute entière.

Quelle est le rôle de l’Union Européenne dans cette guerre interne au système ?

Formalisées sous contrôle américain, les institutions de l’Union Européenne trouvent en réalité leur origine dès la première partie du XXème siècle dans la domination déjà mondiale des grandes institutions bancaires. Cette « union économique européenne » avait d’ailleurs été initiée par un juriste nazi, Walter Hallstein, qui fut également, ultérieurement désigné comme le premier Président de la Commission européenne.

Il ne faut donc pas confondre la domination américaine sur l’Europe, qui a concrètement permis le développement du projet d’institutions européennes, et l’impérialisme américain lui-même, bien que les deux soient étroitement imbriqués lors de la signature du Traité de Rome le 25 mars 1957. L’actuel divorce entre les banques de la City et l’empire américain rend nécessaire cette précision, superflue en 1957.

En effet, le « Brexit » qui n’en finit pas de ne pas se produire, a été initié par certains grands acteurs financiers de la City of London dans l’objectif du changement de monnaie mondiale et du rabaissement du statut international à la fois du dollar US et de l’empire US lui-même. L’enjeu politique du « Brexit » est le suivant : les institutions financières de la City doivent s’affranchir du carcan réglementaire européen, dans le contexte où les institutions elles-mêmes restent largement sous domination de l’empire américain, afin de piloter librement le passage aux DTS, en tant que future monnaie mondiale. L’idéal, pour les banquiers de la City aurait sans doute été que le gouvernement britannique reste inclus dans les institutions européennes pendant que les financiers s’en affranchissaient. Toutefois, l’interpénétration historique entre financiers et gouvernement britannique ne permet pas la réalisation d’un tel scénario.

Pour les banquiers de la City tenants du globalisme, l’essentiel est que l’extraction de la Grande-Bretagne du carcan européen ne puisse servir ni de prétexte ni de modèle à d’autres États ; les institutions européennes doivent, à tout prix, persister tandis que la monnaie mondiale, intégrant l’euro et la livre comme deux de ses cinq grandes composantes, sera modifiée.

Un pas plus loin, le Brexit devra également servir de détonateur permettant de renforcer l’intégration des anciens pays européens afin, concrètement, d’acheminer lesdites institutions vers un fédéralisme intégral – lequel suppose la disparition, par démantèlement, des États unitaires comme la France.

Vous donnez un véritable programme de renouveau national dans votre livre. Comment revenir à une société plus juste et harmonieuse ?

Le retour à une société plus juste et harmonieuse n’est conceptuellement pas difficile, ce qui est difficile est :

  • de positionner clairement la problématique et
  • de générer un contrepouvoir politique à la domination exclusive des banquiers commerçants !

Une fois la question posée dans les bons termes, la solution paraît évidente. Elle se compose de deux versants ; de la même façon que le problème a été élaboré par la caste des banquiers commerçants selon deux facettes.

  • Un versant institutionnel : aucun retour à une société harmonieuse ne pourra se faire sans avoir revu, de fond en comble, l’organisation politique de la société.
  • Un versant technique qui est la disparition des piliers de la domination financière que sont :
    • la captation du contrôle monétaire par des organismes privés,
    • l’organisation juridique de l’anonymat des véritables décideurs politiques,
    • la suprématie du droit commercial – devenu, artificiellement, un véritable Ordre politique – sur le droit civil, qui représente l’Ordre politique naturel.
Nous avons donc à faire à une solution beaucoup plus politique que juridique ou économique. Car historiquement, le droit et l’économie ne sont que des outils permettant l’élaboration d’une ligne de conduite politique.
La politique, qui consiste en la régulation des forces sociales en présence sur un territoire déterminé, doit reprendre la maîtrise des outils juridiques et économiques. Si la force sociale est captée par des intérêts privés, comme c’est actuellement le cas, le phénomène politique n’existe pas… pas plus que n’existe la possibilité d’une civilisation. Phénomène politique et civilisation sont intimement liés ; ils sont tous deux axés autour de la délimitation d’un intérêt général commun, de biens communs et de la limitation des appétits individuels ou émanant d’une caste particulière c’est-à-dire sur la détermination politique de contrepouvoirs.

Docteur en droit,
 ancienne avocate fiscaliste,
 analyste de géopolitique juridique et économique.



Bien que de nature radicale, les évolutions politiques, géopolitiques, institutionnelles, économiques et juridiques actuelles, passent souvent sous le radar des analystes, qui ne voient que l’écume des transformations. Les Français, qui perçoivent de façon diffuse la gravité des évènements en cours, sont limités par leur perception et trop souvent, ne comprennent pas la cohérence de long terme des évènements. Car, sur le modèle de la tectonique des plaques, les modifications auxquelles nous assistons, préparées de longue date et longtemps restées invisibles, deviennent brutalement apparentes aux yeux de tous. Privés d’analyses cohérentes sur la durée, les Français ne disposent pas de réelles armes pour défendre le modèle de société qu’ils avaient accepté et qui leur est retiré, de façon aussi sournoise qu’autoritaire. Face à l’apparente inéluctabilité des phénomènes auxquels nous assistons, une réaction par le rejet est aujourd’hui la seule alternative politique disponible.

A l’heure des bilans, cette synthèse apporte des clefs de compréhension systémique que le lecteur curieux pourra utilement compléter par la lecture du livre Les raisons cachées du désordre mondial qui énumère les conditions du renouveau civilisationnel. Demain dès l’aube…

mardi 17 décembre 2019

LA FRANCE VENDUE À LA DÉCOUPE !

La France dépouillée de son patrimoine culturel, de ses entreprises, de sa défense, de ses traditions, de sa liberté d'expression… jusques à quand ?


Suite au scandale stratégique du rachat de Latécoère par un fonds d'investissement Américains, François Asselineau dresse un bilan non exhaustif des rachats de fleurons français par les américains. Même si c'est aussi le fait d'un refus de protectionnisme de nos politiques, toutes ces acquisitions sont largement permises par la libre circulation des mouvements de capitaux via l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ainsi l'Union européenne ne permet pas de faire le poids face aux États-Unis, mais bien de se laisser racheter par ces derniers.


Auteur : Laurent Izard
Editeur : L'artilleur
Collection : TOUC.ESSAIS
Édition : 16 Janvier 2019
Longueur : 320 Pages
EAN : 978-2810008568
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Alcatel, Rhodia, les Chantiers de l'Atlantique, Arcelor et maintenant Alstom : chaque année, la liste des entreprises françaises cédées à des groupes étrangers se rallonge. Le constat de cette dépossession accélérée est d'autant plus douloureux qu'il vaut pour les secteurs d'activité les plus divers : de l'immobilier de prestige parisien racheté par les princes du Golfe aux terres agricoles du centre de la France ciblées par les investisseurs chinois, partout, on fait face au même phénomène. 

La France vit désormais au quotidien la cession de ses richesses privées et publiques, tandis que nos dirigeants continuent de déplorer, comme s'il n'y avait pas de lien de cause à effet, les délocalisations toujours plus nombreuses... L'enquête de Laurent Izard montre l'urgence d'une situation qui conduit, lentement mais sûrement, à la perte de notre indépendance et à l'instabilité sociale. Rien n'est irréversible et une réorientation de nos politiques patrimoniales est possible. Encore faut-il être conscient de la gravité du problème et de ses conséquences pour notre pays.
Biographie de l'auteur

Laurent Izard est normalien et agrégé de l'Université en économie et gestion. Diplômé en droit de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, professeur de chaire supérieure, il est l'auteur de nombreux manuels d'enseignement supérieur en économie et en gestion des organisations.

lundi 23 juillet 2018

lundi 29 janvier 2018

La SAINTETÉ, bien au-delà du conservatisme ou du libéralisme


Les grands esprits ont toujours rencontré l'opposition violente des esprits médiocres.
Einstein
par P. Andrew Phillips
St John and What is Above Conservative and Liberal

Il n'y a rien de nouveau à être conservateur ou libéral. Les uns par nature préfèreront toujours l'ancien, les autres la nouveauté, certains seront toujours pessimistes, d'autres optimistes, les uns seront toujours négatifs, les autres positifs, certains seront toujours fermés, les autres toujours ouverts, les uns seront toujours individualistes, les autres portés vers le social, certains seront toujours introvertis, d'autres extravertis, certains seront toujours prudents, d'autres visionnaires, certains seront toujours littéraux, d'autres allégoriques, certains seront toujours passifs, d'autres actifs, certains seront toujours tournés vers le passé, d'autres vers le futur, certains seront toujours tournés vers le Divin, d'autres vers l'humain.

Au temps du Christ, il y avait des pharisiens (conservateurs intégristes) et des saducéens (libéraux syncrétistes). Les premiers détestaient que le bien soit fait le jour du sabbat, les seconds rejetaient la résurrection et les miracles. Après le Christ, il y eut des conservateurs monophysites qui voyaient le Christ seulement comme Dieu et des ariens libéraux qui ne voyaient dans le Christ qu'un homme. Puis il y eut l'école littérale d'Antioche et l'école allégorique d'Alexandrie. Plus tard, dans le catholicisme, il y eut des scolastiques libéraux et des scolastiques conservateurs, et dans le protestantisme il y eut des calvinistes et des protestants libéraux, sombres et moroses, qui rejetaient toute autorité.

De nos jours, les mondes catholique et protestant sont depuis longtemps très divisés entre conservateurs et libéraux. Cela est devenu particulièrement clair ces dernières années avec l'apparition de la question des attitudes vis-à-vis de l'homosexualité, mais en fait c'était déjà clair depuis les années 1960. Il est triste de constater qu'une telle division est également apparue dans les Églises orthodoxes, surtout aux États-Unis. Il y a là des sectes de vieux-calendaristes et des sectes de nouveau-calendaristes, même si ces derniers s'infiltrent souvent et se cachent derrière l'Église. Ils prétendent tous être orthodoxes mais, en dehors de la communion avec l'Église de la Tradition, en fait ils ne le sont pas.

Même à l'intérieur de l'Église, il existe des diocèses («juridictions») d'Églises locales qui attirent des catholiques romains et des protestants conservateurs, et d'autres qui attirent les catholiques romains et des protestants libéraux. Cependant, les conservateurs sont choqués quand ils apprennent que les orthodoxes ont comme norme les prêtres mariés, et qu'en outre l'Église permet le divorce, le remariage à l'Église et l'autorisation d'une contraception non abortive. Les libéraux sont choqués de devoir se tenir debout pendant des offices trop longs à leur goût, respecter les jeûnes, suivre des règles de prière, s'astreindre à porter une tenue décente et des noms de saints. Tous oublient une chose et, s'ils ne se le rappellent pas, ils finiront eux aussi par se retrouver hors de l'Église.



Ce qu'ils oublient, c'est le spirituel. Et la source du Spirituel est le Saint-Esprit, qui unit à la fois conservateurs et libéraux, car il est au-delà, bien au-dessus d'eux. Nous pouvons voir cela dans la vie de saint Jean de Shanghai. Les libéraux œcuménistes détestaient son ascétisme, la source de la grâce qu'il avait acquise, son amour des offices et des saints, en un mot, son amour de la Tradition orthodoxe. Les conservateurs anti-missionnaires détestaient son travail missionnaire, sa conscience que la Tradition du Saint-Esprit est destinée au monde entier. C'est pourquoi, ces gens -là, clergé et laïcs, nationalistes, politiciens de droite et agents de la CIA, ils l'ont jugé et perdu.

Quant à nous, nous suivons saint Jean et la Tradition du Saint-Esprit, la Sainteté. Notre père spirituel, l'archevêque Antoine de Genève, était le fils spirituel de saint Jean (né la même année que mon grand-père) et nous sommes donc les petits-enfants spirituels de saint Jean. Beaucoup oublient que saint Jean fut archevêque d'Europe occidentale (1951-1962), bien plus longtemps qu'il ne fut archevêque de San Francisco. Ici, en Europe occidentale, il est notre saint patron. Il se tient bien au-dessus des anti-missionnaires et des nationalistes, des intellectuels et des modernistes. Il se tient bien au-dessus du conservatisme et du libéralisme sans importance , car il fut et est inspiré par le Saint-Esprit.

C'est sur ce seul fondement que nous pouvons espérer construire une métropole orthodoxe d'Europe occidentale et, de là, une nouvelle église locale. Aucune église locale ne peut être construite sans l'envie d'acquérir le Saint-Esprit, c'est-à-dire sans la recherche de la sainteté. La quête de la sainteté signifie la vie monastique et ascétique, le jeûne, la prière et l'aumône, le repentir, la confession et la communion, et la vénération des saints, y compris des saints locaux, qui ont acquis l'Esprit Saint. Nous revenons donc à saint Jean de Shanghaï, qui dans toute l'Europe a rejeté à la fois les ghettos des pharisiens et les demi-orthodoxes modernistes.

(version française par Maxime M. de la source)

samedi 16 septembre 2017

"DU PASSÉ FAISONS TABLE RASE" ?


Voici en parallèle les témoignages de deux Français particulièrement sensibles à ces pays d'Europe qu'on appelait naguère "Pays de l'Est", pays pour lesquels non seulement ils ont du respect, mais dont ils goûtent et apprécient au plus haut point ce qui tend à faire défaut à nos pays occidentaux : l'amour et la perpétuation de leur patrimoine naturel et populaire.

Jean Ferrat qui eut son heure de gloire en URSS  de par ses sympathies communistes avait pourtant chanté dans sa chanson "La montagne" cette nostalgie de la vie rurale antique…
Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné

Les vieux, ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal
D'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre

refrain:
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver?

Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne

Les vignes, elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus savoir qu'en faire
S'il ne vous tournait pas la tête

Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l'autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s'en faire
Que l'heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones

Mais nous n'en sommes même plus là…


"Du passé faisons table rase" chantaient les communistes — on sait maintenant qu'ils n'y sont pas parfaitement parvenus malgré leur acharnement haineux de la Terre et du Ciel. Même s'ils ont tout fait d'une part pour déraciner le peuple de sa terre, de ses traditions et de sa culture propre en le réduisant à une condition prolétarienne internationale (tout en prétendant l'en délivrer par la Révolution et la dictature du prolétariat — qui comme on le sait s'est transformée en dictature sur le prolétariat)  et même s'ils ont tout fait  d'autre part pour couper le peuple du Ciel par leur propagande constante et en persécutant et détruisant le plus possible ce qui était chrétien.

Et voilà que d'autres  — des "modernes" —  ont repris sans le dire ni le chanter ce même slogan "Du passé faisons table rase", mais c'est maintenant du passé communiste que ceux-ci veulent se débarrasser ;  néanmoins retrouver leurs racines pré révolutionnaires est impensable pour ces nouveaux "libéraux". Leur objectif est non seulement de se purifier des années communistes mais également de jeter avec dégoût aux poubelles de l'histoire ces traces honteuses de la prétendue âme slave avec ses racines rurales, et de son expression. Ils ont objectivement pour visée de parachever le travail de leurs aïeux (quoi qu'ils en aient ce sont leurs pères, ces communistes !) en occultant d'un voile le plus épais possible toute une part de leur patrimoine…

Cet état d'esprit se retrouverait-il un peu partout dans l'aire naguère communiste ?


 Serait-ce cet esprit "moderne" qui serait  la cause de l'arrêt (que l'on souhaite momentané) du très intéressant projet de Jacob Karhu, ce sympathique Breton ?
Cet étudiant brillant  dont je poste la vidéo, demeure un jeune homme simple comme on voudrait en rencontrer souvent, bienveillant, sincère, amateur de nature et de vie simple, valorisant la beauté des paysages naturels heureusement préservés ainsi que les traditions architecturales rustiques bien fondées des pays qu'il visite. Ce serait triste que ce soient certains de ces bureaucrates modernistes  qui aient fait obstacle à son passionnant projet.  Ce serait triste que ces derniers (si c'est le cas) soient paralysés par la crainte  que l'Europe occidentale "civilisée"  les prenne — à l'occasion du reportage que ce jeune homme veut faire de son expérience  — pour des "attardés" parce qu'ils ne voudraient à aucun prix se différencier en quoi que ce soit du standard culturel de l'Union Européenne libérale.


  • Voici d'abord un extrait du texte incisif de Laurence Guillon, écrivain et traductrice :

"Ce passé qui me paraît plus vivant que mon présent imprègne la terre de Pereslavl, il est dans l'air, les nuages, l'eau du lac. Qu'est-ce que quatre siècles? Quatre vies de grands vieillards mises bout à bout. Et l'on faisait d'aussi jolies monnaies d'argent, elles circulaient ici de main en main. On construisait églises, monastères, palais féériques. L'esprit de la Russie était chrétien, païen, vivace, il produisait en permanence prières et chansons, vêtements nobles et magnifiques, architectures d'une fantastique originalité...
Je me suis prise de bec sur un fil de commentaires avec des libéraux russes, profondément vexés que je place si haut la culture russe, dans ce qu'elle a de plus russe, son art populaire, les chants conservés par Skountsev et Micha, les épopées, la foi orthodoxe... Une espèce d'intellectuelle m'a prise de haut: elle m'a débité toute l'histoire de la culture européenne infiniment supérieure à la sienne, que l'Eglise maintenait dans les ténèbres de l'obscurantisme, en remontant jusqu'à Homère, et avec quelle morgue de vieux professeur confit dans la poussière des musées... Vraiment persuadée d'avoir affaire à une inculte qu'il fallait éclairer. Homère, je le savais par coeur à neuf ans, maman me l'avait offert dans la Pleïade pour mon anniversaire, mais qui chante encore Homère? Alors que certains de mes amis chantent les épopées russes, elles m'arrivent encore vivantes, et que me chaut qu'Homère leur soit antérieur? Skountsev et Homère s'entendraient très bien, un même souffle immémorial les porte, et ne porte pas du tout les intellos libéraux tombés de l'arbre de la vie sur les canapés des musées où ils moisissent et momifient les reliques de notre génie perdu. Justement, c'est parce que Vassiliev est en prise avec l'eau vive de la tradition orale qu'il a pu monter l’Iliade au théâtre de si magnifique façon.
Il est toujours pour moi fascinant de constater que je fais beaucoup de peine à ces intellos russes lorsque je défends leur culture qu'ils méprisent. Ils deviennent très agressifs: non, non, nous sommes nuls de toute éternité, l'Europe est le mètre étalon de toute civilisation, et nous sommes des barbares, quel dommage que nous n'ayons pas été conquis par les Polonais, au fond, hein? Par les Allemands. Et maintenant, ce serait si bien de l'être par les Américains..."
(extrait de l'article "Monnaie d'argent"
écrit par Laurence sur son Blog Chroniques Pereslav



  • Voici la vidéo de Jacob Karhu présentant son beau projet en Roumanie et … sa déception de ne pouvoir le réaliser :