jeudi 26 juin 2025
mercredi 13 juillet 2022
"Partout où ils viennent ils créent le chaos, c’est leur système. Ils créent le chaos et se barricadent derrière le peuple"
Syrie, Ukraine ou ailleurs… toujours les mêmes grossiers procédés criminels et la crédulité européenne complice
Entretien avec Sa Béatitude Grégoire III, Patriarche de l'Église Melkite Grecque-Catholique de 2000 à 2017
L’ancien Patriarche Melkite Grec-Catholique Grégoire III Laham, source: Gilles-Emmanuel Jacquet
Rencontré à Damas en avril 2017, Sa Béatitude Grégoire III Laham qui a été le Patriarche de l’Église Melkite Grecque-Catholique de 2000 jusqu’à mai 2017 revient sur les origines du conflit en Syrie, les relations inter-confessionnelles et le rôle des puissances étrangères, notamment occidentales, dans cette guerre.
La Syrie est un pays laïc et le gouvernement s’est toujours efforcé de traiter de manière équitable ses communautés religieuses. Comme l’explique le Patriarche « Il y a une liberté de culte » et les enfants suivent un enseignement religieux lié à leur confession : « Je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus que cela. Quelle liberté ? Quelle démocratie vont-ils encore exporter et apporter à notre pays ? Je ne vois pas. Un pays peut toujours progresser, ce n’est pas que je fasse l’apologie de mon pays, voyez-vous. Je le sens, je le vois, je l’expérimente. Il faut aussi dire autre chose que l’Occident n’a pas voulu écouter, comprendre et accepter : au début [de la crise] ce n’était pas vraiment pacifique, ça a commencé avec la violence à Dera’a et Khabab. Moi je suis de Khabab. Je suis né à Daraya où Saint Paul a été converti et Khabab c’est à côté du village où Saint Paul a passé trois ans après sa conversion. Quand il parle dans l’Épître aux Galates qu’après sa fuite il est passé dans le pays des Arabes, l’Arabie, ce n’est pas l’Arabie Saoudite mais ce sont les terres des Nabatéens. C’est l’Arabie dont parle Saint Paul, ce n’est pas l’Arabie Saoudite vous voyez, c’est différent. Il a passé trois ans là-bas. Dans cette région, entre Dera’a et Khabab, tous les commissariats de police ont été détruits le premier mois. J’ai su par mes paroissiens dont les enfants étaient dans l’armée ou dans la police qu’il était défendu à ces derniers de sortir de leurs casernes avec des armes ou une matraque ».
Revenant sur l’histoire des enfants de Dera’a qui est considérée comme le point de départ de la crise syrienne, Sa Béatitude Grégoire III Laham se rappelle qu’ « Une fois il y avait une réunion de la hiérarchie catholique en Syrie dont je suis le président, ici chez nous. J’ai dit aux évêques : « Nous sommes entre nous, dîtes la vérité, qu’est-ce qui se passe ? ». C’était au début de la crise. « Qu’est ce que le gouvernement a fait ? Comment le gouvernement a réagi ? ». « On n’a pas pu vraiment relever une violence de la part de l’État mais ce sont les autres [les émeutiers] et tout est payé ». L’évêque de Hauran, qui est maintenant à la retraite, m’a dit : « Voilà, en signe de solidarité j’ai voulu aller à Dera’a qui est le chef-lieu de district et voir les parents de ces enfants à qui on a enlevé les ongles…Je n’ai pas trouvé de traces de tout cela ». J’ai beau raconter ces choses là, ce que je viens de vous dire, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Italie…en 2013…personne n’a voulu me croire ! Jusqu’à maintenant je vois les rapports, mêmes ceux des personnes à qui j’ai présenté ces choses là et ils n’ont pas accepté mon témoignage. Jusqu’à maintenant on raconte les mêmes histoires que j’ai réfuté. Rien à faire ! Je me rappelle en 2013 les mêmes nouvelles, les mêmes textes, les mêmes conceptions dans les journaux allemands, français, anglais et italiens. Il y a une manipulation ou bien encore une indifférence, une nonchalance par rapport à la nécessité de chercher la vérité. Je ne défends pas Assad ou le gouvernement, je suis indépendant. Je vais vous dire une chose très importante : les autorités chrétiennes, le Patriarche Grec Orthodoxe, le Patriarche Syriaque Orthodoxe et moi-même Grec-Catholique, les évêques des différentes communautés chrétiennes en Syrie, on n’a jamais reçu d’insinuation ou d’ordre de faire ceci ou cela, ou de ne pas faire ceci ou cela. Jamais ils [les autorités] ne sont intervenus pour me dire ne faîtes pas ça ou dîtes ça…jamais ! Et en plus quand on recevait des gens qui venaient de l’étranger jamais on ne nous a demandé « Qu’est ce qu’ils viennent faire ? ». Ils le savaient mais ils n’exigeaient pas que ces gens-là défendent le régime, jamais ! Ils sont venus libres, ils nous ont rencontré, ils ont prié avec nous et ils nous ont écouté. Pas une seule personne du gouvernement s’est adressée à eux ou demandé qu’ils fassent un témoignage. Ils ont fait des témoignages en fonction de ce qu’ils ont vu et expérimenté ».
« Nous avons recueilli des documents dans lesquels il y a mes interventions en français surtout, un peu en anglais, un peu en arabe ; les interventions de la hiérarchie catholique, des patriarches, etc. Il y a un grand nombre de documents publiés par les hiérarchies chrétiennes, catholique et orthodoxe, ici en Syrie. Nous sommes les agents de la paix et de la réconciliation en Syrie. Jamais on ne nous a dit « faîtes ça » ou « ne faîtes pas ça ». Donc je ne vois pas ce qu’une opposition peut encore apporter à notre pays. On peut toujours se développer, il y a beaucoup à faire. D’ailleurs, déjà au début de la crise en juin 2011, j’ai publié un document en arabe où j’ai adressé au gouvernement toute une liste des réformes qu’il fallait faire…dans les campagnes pour les paysans…pour les communications, le chemin de fer, les bus…différentes réformes pour la presse, l’opinion, etc. Personne ne m’a jamais écrit un seul mot. On a critiqué parfois le gouvernement, on a présenté nos doléances, nos problèmes. Je vous le dis franchement, je ne suis pas en train de faire de la rhétorique pour l’État ou le Président Assad. Faire dépendre tout le pays et toute la situation d’une seule personne ce n’est pas politique et ce n’est pas diplomatique ».
Le Patriarche se souvient qu’au cours d’une entrevue avec des journalistes d’une agence de presse catholique italienne, ces reporters déclarèrent qu’il fallait que le Président syrien quitte le pouvoir : « C’est vraiment très flatteur pour le Président Assad que tout dépende de lui, que toute la crise dépende d’une seule personne. Je crois qu’il est digne qu’on l’accepte comme un grand leader de ce pays…6 ans, 7 ans, il est encore là et il a encore la confiance de son peuple. Bien sûr qu’il y a des opposants avec un raisonnement correct mais il y a aussi des opposants qui sont payés, tout est payé. Si une personne résiste pendant 7 ans c’est un leader qui est digne d’être le chef de son peuple. Vous avez pensé à l’époque d’Obama qu’en 2-3 mois le Président Assad s’en irait mais il est resté 7 ans. Dernièrement on a inauguré le début d’un grand projet de construction, il y a des nouvelles usines qui sont en train de reprendre leurs activités ici à Damas. Des gens d’Alep sont venus ouvrir de nouvelles usines ici au lieu de le faire à Alep où il y a des difficultés. Le gouvernement paie les employés de l’État qui sont sous le régime d’ISIS, il leur paie encore leurs salaires. Il n’y a jamais eu de coupures dans les salaires. Pourquoi voulez-vous qu’il [le Président Assad] s’en aille pour que ça change ? Il est là, il fait des changements, il est en train de développer [le pays], il y a beaucoup de choses qui se développent…les universités, les écoles, les banques, les commerces, les hôpitaux…Je ne comprends pas, quels changements vont-ils apporter ces messieurs qui sont dans l’opposition ? Avec tous les développements de l’opposition, qu’on puisse l’appeler maintenant – avec une conscience humaine – « modérée » je ne comprends pas. Avec tout l’arsenal qu’ils ont vous appelez ça « modéré » ? Ils ont tout ce que l’État a…vous voulez appeler ça des « modérés » mais ce n’est pas possible ! Il y a un mensonge international et c’est un mensonge bien monté, bien agencé. D’ailleurs le Saint Père l’a dit, on ne peut pas parler de la paix ou des conditions de la paix quand on continue à financer en argent ou en armes. Il y a des milliards qui ont été versés, des gens ont été payés. Je me rappelle qu’au début de la crise il y avait un employé chez nous. Sa sœur était âgée, elle a fait venir une dame qui la servait. Elle lui donnait 15 000 livres syriennes par mois, autrefois c’était encore bien mais après un certain temps elle n’est plus venue. Elle revint parfois pour deux jours…durant 10 jours elle ne revenait pas…alors la pauvre femme demanda à celle qui la servait pourquoi elle ne venait pas. Celle-ci lui dit « Vous me payez 15 000 livres par mois, je suis en train de manifester chaque jour ça et là, je reçois par jour 1000 livres syriennes ». Trente jours cela fait 30 000, c’est plus lucratif de manifester. Ils étaient payés chacun pour manifester. Dans ma petite ville, Daraya, il y avait un séminariste qui m’a raconté que lorsqu’il était en vacances à Daraya, tous les soirs à 5 heures de l’après-midi il y avait un petit groupe de jeunes qui sortait, qui commençait à vociférer, à crier, avec des slogans…et aussitôt il y avait des caméras qui couvraient la petite manifestation. Quinze minutes et après tout redevenait normal. Ils avaient été payés pour faire ce scénario chaque jour durant 15 minutes. Les caméras représentaient cela comme une grande manifestation continuelle or ça durait 15 minutes. Il était défendu d’employer les armes durant le premier mois de la crise ».
S’interrogeant sur la partialité de nombreux médias le Patriarche rappelle que le gouvernement syrien se défend contre une rébellion armée qui attaque aussi la population : « Toutes nos églises ont été attaquées, des roquettes ont été envoyées ici et là, on peut encore en voir les traces. Et puis il y a eu des morts, des gens, un enfant avec son père ont été tués…l’école des Arméniens Catholiques a été bombardée lors de la rentrée du matin ». Sa Béatitude Grégoire III Laham indique que les hôpitaux, écoles ou lieux de culte qui ont été détruits étaient occupés par les forces rebelles. Ainsi à Maaloula le monastère Saint Serge et Saint Bacchus ne subit pas seulement des dommages du fait des djihadistes eux-mêmes mais aussi à cause des combats : « On [les rebelles] tirait depuis le monastère. On [les rebelles] tirait sur les gens de Maaloula. L’armée a répondu et tiré sur ceux qui étaient barricadés à l’intérieur du monastère ». Dans ce cas comme dans d’autres localités de Syrie, les destructions sont ainsi imputées par certains médias et la propagande des groupes rebelles aux forces gouvernementales. Les attaques de ces dernières sont présentées comme délibérées et visant des cibles civiles qui sont en fait devenues des objectifs militaires servant aux combattants. Le Patriarche se souvient qu’au début de la crise des gens l’appelaient nuit et jour depuis Maaloula, Homs ou Yabroud : certains l’informèrent qu’ils étaient utilisés comme boucliers humains par les forces rebelles. Sa Béatitude ajoute que les combattants chassés de Bab al-Amr se cachèrent dans Homs près des églises, ce qui causa des dommages à ces édifices et à la ville.
Le Patriarche poursuit : « Comment vais-je défendre mon peuple ? Que peut faire le Président Assad ? Là où les opposants viennent ils amènent le chaos. Dans mon village, à Daraya, les gens vivaient ensemble, Chrétiens et Musulmans, sans aucun problème. Bien sûr il y avait des opposants à l’État…à Damas aussi parmi le peuple il y a des opposants…il ne faut pas fermer les yeux…À Daraya les opposants sont entrés et ils ont commencé à ordonner « Fermez ceci » ou « Faîtes ça », « Faîtes des manifestations » mais on a le droit de vivre non ?…Partout où ils viennent ils créent le chaos, d’ailleurs c’est leur système. Ils créent le chaos et se barricadent derrière le peuple dans les écoles, dans les églises, dans les mosquées. Là où l’armée et le gouvernement entrent c’est la paix et la sécurité. Je ne défends ni le Président ni le régime, je vous dis la vérité. Toutes ces attaques contre le Président…Que voulez-vous qu’il fasse ? Qu’il se croise les bras quand son peuple est attaqué ? Ici, si on n’avait pas réagi comme il faut nous aurions été envahis par l’opposition. Ils sont à 500 mètres de nous vous savez [dans le quartier de Jobar]. En 2016 c’était assez calme mais parfois il tombait une centaine d’obus par jour sur Damas. Ce sont des criminels…on parle d’opposition modérée mais ce sont des mensonges. Avant l’intervention du Hezbollah et de la Russie les insurgés venaient de Jordanie, ils étaient dans les beaux hôtels de Amman jusqu’au moment où ils étaient appelés à entrer en Syrie. C’était visible ».

Dégâts causés à un des bâtiments du Patriarcat Melkite Grec-Catholique à Damas par les tirs des rebelles syriens,
source: Gilles-Emmanuel Jacquet
Évoquant la Syrie mais aussi le Liban, la Jordanie et la Palestine où il a également vécu, Sa Béatitude Grégoire III Laham explique que « Les pays où Chrétiens et Musulmans vivent ensemble sont plus libéraux, plus développés, plus humains, plus sûrs et plus ouverts. C’est le résultat des interactions entre Chrétiens et Musulmans ainsi que l’acceptation par ces derniers de l’influence des Chrétiens dans la société ». Le Patriarche ajoute que de nombreux enfants musulmans fréquentent les écoles chrétiennes en Syrie, à Beyrouth, à Jérusalem ou ailleurs : « En Égypte nous avons 6000 Grecs-Catholiques et 7 écoles où nous avons 5000 enfants de confession musulmane…Toutes les écoles sont pleines d’enfants musulmans et chrétiens, on vit ensemble et ces écoles sont tenues par des religieux et des religieuses. Ce sont autant d’éléments qui créent des relations, du développement mais tout cela est détruit, on le détruit maintenant par cette invasion…je ne comprends pas…qu’est-ce qu’ils défendent les Européens ? Ils défendent leurs propres intérêts, c’est le chaos des intérêts, le « supermarket » des intérêts. Que la Russie et les États-Unis se mettent d’accord et on pourra vaincre. Il n’y a pas de pays dans le monde arabo-musulman qui accepte le Califat aujourd’hui. Il n’y a pas de Calife. Même l’Arabie Saoudite ne reconnaît pas le Califat. Impossible de penser à un Califat donc c’est une chose qui n’a pas du tout de sens ou de réalité. C’est dans l’esprit des gens et c’est manipulé…manipulations, supermarket, chaos…voilà les intérêts. Que l’Amérique se mette avec la Russie et la Syrie, vous pourrez ainsi gagner. Un évêque Syriaque Catholique du nord de la Syrie, de Hasakah, m’a raconté qu’il a vu de ses propres yeux des avions américains et au sol [les combattants d’] ISIS mais ils n’ont pas attaqué ISIS…lui [l’évêque] il les voit mais eux [les avions US] ne les voient pas. Ils n’ont pas attaqué ISIS mais ils prétendent qu’ils combattent ISIS. Ils combattent là où ils veulent combattre. Je ne comprends pas, que veut l’Europe ? Que veut l’Amérique ? Surtout l’Europe, malheureusement il n’y a plus l’Europe…je crois que l’Europe peut donner son point de vue mais l’Amérique ordonne et eux [les Européens] obéissent. J’aimerais un rôle plus important pour la France, l’Allemagne et l’Angleterre. J’attends quelque chose d’eux mais ils s’alignent comme ça [sur la position US] ». Le Patriarche conclut en s’interrogeant encore une fois sur sur le soutien européen et occidental aux rebelles et à l’opposition, sur ce qu’ils veulent vraiment apporter à la Syrie : « La conception la plus ouverte [de la société], si on met le Liban de côté, c’est la Syrie. Si on organise maintenant un référendum le Président aura les votes nécessaires et même plus. Malgré tout il est là. Plusieurs fois il a parlé en public sans aucune garde ou sécurité autour de lui ».
Gilles-Emmanuel Jacquet
Titulaire d’un Master en Science Politique de l’Université de Genève et d’un Master en Études Européennes de l’Institut Européen de l’Université de Genève, Gilles-Emmanuel Jacquet s’intéresse à l’Histoire ainsi qu'aux Relations Internationales et plus particulièrement aux conflits armés et aux processus de résolution de ces derniers, aux minorités religieuses ou ethnolinguistiques, aux questions de sécurité, de terrorisme et d’extrémisme religieux ou politique. Les zones géographiques concernées par ses recherches sont l’Europe Centrale et Orientale, l’espace post-soviétique ainsi que l’Asie Centrale et le Moyen Orient.
Gilles-Emmanuel Jacquet a travaillé pour l’unité légale du bureau Maghreb / Moyen Orient / Asie Centrale du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies à Genève puis pour le Ministère de la Justice ainsi que l’Alliance Française de Moldavie et le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en Moldavie. Gilles-Emmanuel Jacquet est chargé de cours dans différentes universités privées en Suisse (Geneva School of Diplomacy and International Relations, UMEF, UWG) et en Afghanistan (DIHE de Kaboul). Il travaille également comme reporter pour Pax Press Agency et collabore avec la revue « Regard sur l’Est » ainsi que « Realpolitik.TV ».
"Partout où ils viennent ils créent le chaos, c’est leur système. Ils créent le chaos et se barricadent derrière le peuple"
Syrie, Ukraine ou ailleurs… toujours les mêmes grossiers procédés criminels et la crédulité européenne complice
Entretien avec Sa Béatitude Grégoire III, Patriarche de l'Église Melkite Grecque-Catholique de 2000 à 2017
L’ancien Patriarche Melkite Grec-Catholique Grégoire III Laham, source: Gilles-Emmanuel Jacquet
Rencontré à Damas en avril 2017, Sa Béatitude Grégoire III Laham qui a été le Patriarche de l’Église Melkite Grecque-Catholique de 2000 jusqu’à mai 2017 revient sur les origines du conflit en Syrie, les relations inter-confessionnelles et le rôle des puissances étrangères, notamment occidentales, dans cette guerre.
La Syrie est un pays laïc et le gouvernement s’est toujours efforcé de traiter de manière équitable ses communautés religieuses. Comme l’explique le Patriarche « Il y a une liberté de culte » et les enfants suivent un enseignement religieux lié à leur confession : « Je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus que cela. Quelle liberté ? Quelle démocratie vont-ils encore exporter et apporter à notre pays ? Je ne vois pas. Un pays peut toujours progresser, ce n’est pas que je fasse l’apologie de mon pays, voyez-vous. Je le sens, je le vois, je l’expérimente. Il faut aussi dire autre chose que l’Occident n’a pas voulu écouter, comprendre et accepter : au début [de la crise] ce n’était pas vraiment pacifique, ça a commencé avec la violence à Dera’a et Khabab. Moi je suis de Khabab. Je suis né à Daraya où Saint Paul a été converti et Khabab c’est à côté du village où Saint Paul a passé trois ans après sa conversion. Quand il parle dans l’Épître aux Galates qu’après sa fuite il est passé dans le pays des Arabes, l’Arabie, ce n’est pas l’Arabie Saoudite mais ce sont les terres des Nabatéens. C’est l’Arabie dont parle Saint Paul, ce n’est pas l’Arabie Saoudite vous voyez, c’est différent. Il a passé trois ans là-bas. Dans cette région, entre Dera’a et Khabab, tous les commissariats de police ont été détruits le premier mois. J’ai su par mes paroissiens dont les enfants étaient dans l’armée ou dans la police qu’il était défendu à ces derniers de sortir de leurs casernes avec des armes ou une matraque ».
Revenant sur l’histoire des enfants de Dera’a qui est considérée comme le point de départ de la crise syrienne, Sa Béatitude Grégoire III Laham se rappelle qu’ « Une fois il y avait une réunion de la hiérarchie catholique en Syrie dont je suis le président, ici chez nous. J’ai dit aux évêques : « Nous sommes entre nous, dîtes la vérité, qu’est-ce qui se passe ? ». C’était au début de la crise. « Qu’est ce que le gouvernement a fait ? Comment le gouvernement a réagi ? ». « On n’a pas pu vraiment relever une violence de la part de l’État mais ce sont les autres [les émeutiers] et tout est payé ». L’évêque de Hauran, qui est maintenant à la retraite, m’a dit : « Voilà, en signe de solidarité j’ai voulu aller à Dera’a qui est le chef-lieu de district et voir les parents de ces enfants à qui on a enlevé les ongles…Je n’ai pas trouvé de traces de tout cela ». J’ai beau raconter ces choses là, ce que je viens de vous dire, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Italie…en 2013…personne n’a voulu me croire ! Jusqu’à maintenant je vois les rapports, mêmes ceux des personnes à qui j’ai présenté ces choses là et ils n’ont pas accepté mon témoignage. Jusqu’à maintenant on raconte les mêmes histoires que j’ai réfuté. Rien à faire ! Je me rappelle en 2013 les mêmes nouvelles, les mêmes textes, les mêmes conceptions dans les journaux allemands, français, anglais et italiens. Il y a une manipulation ou bien encore une indifférence, une nonchalance par rapport à la nécessité de chercher la vérité. Je ne défends pas Assad ou le gouvernement, je suis indépendant. Je vais vous dire une chose très importante : les autorités chrétiennes, le Patriarche Grec Orthodoxe, le Patriarche Syriaque Orthodoxe et moi-même Grec-Catholique, les évêques des différentes communautés chrétiennes en Syrie, on n’a jamais reçu d’insinuation ou d’ordre de faire ceci ou cela, ou de ne pas faire ceci ou cela. Jamais ils [les autorités] ne sont intervenus pour me dire ne faîtes pas ça ou dîtes ça…jamais ! Et en plus quand on recevait des gens qui venaient de l’étranger jamais on ne nous a demandé « Qu’est ce qu’ils viennent faire ? ». Ils le savaient mais ils n’exigeaient pas que ces gens-là défendent le régime, jamais ! Ils sont venus libres, ils nous ont rencontré, ils ont prié avec nous et ils nous ont écouté. Pas une seule personne du gouvernement s’est adressée à eux ou demandé qu’ils fassent un témoignage. Ils ont fait des témoignages en fonction de ce qu’ils ont vu et expérimenté ».
« Nous avons recueilli des documents dans lesquels il y a mes interventions en français surtout, un peu en anglais, un peu en arabe ; les interventions de la hiérarchie catholique, des patriarches, etc. Il y a un grand nombre de documents publiés par les hiérarchies chrétiennes, catholique et orthodoxe, ici en Syrie. Nous sommes les agents de la paix et de la réconciliation en Syrie. Jamais on ne nous a dit « faîtes ça » ou « ne faîtes pas ça ». Donc je ne vois pas ce qu’une opposition peut encore apporter à notre pays. On peut toujours se développer, il y a beaucoup à faire. D’ailleurs, déjà au début de la crise en juin 2011, j’ai publié un document en arabe où j’ai adressé au gouvernement toute une liste des réformes qu’il fallait faire…dans les campagnes pour les paysans…pour les communications, le chemin de fer, les bus…différentes réformes pour la presse, l’opinion, etc. Personne ne m’a jamais écrit un seul mot. On a critiqué parfois le gouvernement, on a présenté nos doléances, nos problèmes. Je vous le dis franchement, je ne suis pas en train de faire de la rhétorique pour l’État ou le Président Assad. Faire dépendre tout le pays et toute la situation d’une seule personne ce n’est pas politique et ce n’est pas diplomatique ».
Le Patriarche se souvient qu’au cours d’une entrevue avec des journalistes d’une agence de presse catholique italienne, ces reporters déclarèrent qu’il fallait que le Président syrien quitte le pouvoir : « C’est vraiment très flatteur pour le Président Assad que tout dépende de lui, que toute la crise dépende d’une seule personne. Je crois qu’il est digne qu’on l’accepte comme un grand leader de ce pays…6 ans, 7 ans, il est encore là et il a encore la confiance de son peuple. Bien sûr qu’il y a des opposants avec un raisonnement correct mais il y a aussi des opposants qui sont payés, tout est payé. Si une personne résiste pendant 7 ans c’est un leader qui est digne d’être le chef de son peuple. Vous avez pensé à l’époque d’Obama qu’en 2-3 mois le Président Assad s’en irait mais il est resté 7 ans. Dernièrement on a inauguré le début d’un grand projet de construction, il y a des nouvelles usines qui sont en train de reprendre leurs activités ici à Damas. Des gens d’Alep sont venus ouvrir de nouvelles usines ici au lieu de le faire à Alep où il y a des difficultés. Le gouvernement paie les employés de l’État qui sont sous le régime d’ISIS, il leur paie encore leurs salaires. Il n’y a jamais eu de coupures dans les salaires. Pourquoi voulez-vous qu’il [le Président Assad] s’en aille pour que ça change ? Il est là, il fait des changements, il est en train de développer [le pays], il y a beaucoup de choses qui se développent…les universités, les écoles, les banques, les commerces, les hôpitaux…Je ne comprends pas, quels changements vont-ils apporter ces messieurs qui sont dans l’opposition ? Avec tous les développements de l’opposition, qu’on puisse l’appeler maintenant – avec une conscience humaine – « modérée » je ne comprends pas. Avec tout l’arsenal qu’ils ont vous appelez ça « modéré » ? Ils ont tout ce que l’État a…vous voulez appeler ça des « modérés » mais ce n’est pas possible ! Il y a un mensonge international et c’est un mensonge bien monté, bien agencé. D’ailleurs le Saint Père l’a dit, on ne peut pas parler de la paix ou des conditions de la paix quand on continue à financer en argent ou en armes. Il y a des milliards qui ont été versés, des gens ont été payés. Je me rappelle qu’au début de la crise il y avait un employé chez nous. Sa sœur était âgée, elle a fait venir une dame qui la servait. Elle lui donnait 15 000 livres syriennes par mois, autrefois c’était encore bien mais après un certain temps elle n’est plus venue. Elle revint parfois pour deux jours…durant 10 jours elle ne revenait pas…alors la pauvre femme demanda à celle qui la servait pourquoi elle ne venait pas. Celle-ci lui dit « Vous me payez 15 000 livres par mois, je suis en train de manifester chaque jour ça et là, je reçois par jour 1000 livres syriennes ». Trente jours cela fait 30 000, c’est plus lucratif de manifester. Ils étaient payés chacun pour manifester. Dans ma petite ville, Daraya, il y avait un séminariste qui m’a raconté que lorsqu’il était en vacances à Daraya, tous les soirs à 5 heures de l’après-midi il y avait un petit groupe de jeunes qui sortait, qui commençait à vociférer, à crier, avec des slogans…et aussitôt il y avait des caméras qui couvraient la petite manifestation. Quinze minutes et après tout redevenait normal. Ils avaient été payés pour faire ce scénario chaque jour durant 15 minutes. Les caméras représentaient cela comme une grande manifestation continuelle or ça durait 15 minutes. Il était défendu d’employer les armes durant le premier mois de la crise ».
S’interrogeant sur la partialité de nombreux médias le Patriarche rappelle que le gouvernement syrien se défend contre une rébellion armée qui attaque aussi la population : « Toutes nos églises ont été attaquées, des roquettes ont été envoyées ici et là, on peut encore en voir les traces. Et puis il y a eu des morts, des gens, un enfant avec son père ont été tués…l’école des Arméniens Catholiques a été bombardée lors de la rentrée du matin ». Sa Béatitude Grégoire III Laham indique que les hôpitaux, écoles ou lieux de culte qui ont été détruits étaient occupés par les forces rebelles. Ainsi à Maaloula le monastère Saint Serge et Saint Bacchus ne subit pas seulement des dommages du fait des djihadistes eux-mêmes mais aussi à cause des combats : « On [les rebelles] tirait depuis le monastère. On [les rebelles] tirait sur les gens de Maaloula. L’armée a répondu et tiré sur ceux qui étaient barricadés à l’intérieur du monastère ». Dans ce cas comme dans d’autres localités de Syrie, les destructions sont ainsi imputées par certains médias et la propagande des groupes rebelles aux forces gouvernementales. Les attaques de ces dernières sont présentées comme délibérées et visant des cibles civiles qui sont en fait devenues des objectifs militaires servant aux combattants. Le Patriarche se souvient qu’au début de la crise des gens l’appelaient nuit et jour depuis Maaloula, Homs ou Yabroud : certains l’informèrent qu’ils étaient utilisés comme boucliers humains par les forces rebelles. Sa Béatitude ajoute que les combattants chassés de Bab al-Amr se cachèrent dans Homs près des églises, ce qui causa des dommages à ces édifices et à la ville.
Le Patriarche poursuit : « Comment vais-je défendre mon peuple ? Que peut faire le Président Assad ? Là où les opposants viennent ils amènent le chaos. Dans mon village, à Daraya, les gens vivaient ensemble, Chrétiens et Musulmans, sans aucun problème. Bien sûr il y avait des opposants à l’État…à Damas aussi parmi le peuple il y a des opposants…il ne faut pas fermer les yeux…À Daraya les opposants sont entrés et ils ont commencé à ordonner « Fermez ceci » ou « Faîtes ça », « Faîtes des manifestations » mais on a le droit de vivre non ?…Partout où ils viennent ils créent le chaos, d’ailleurs c’est leur système. Ils créent le chaos et se barricadent derrière le peuple dans les écoles, dans les églises, dans les mosquées. Là où l’armée et le gouvernement entrent c’est la paix et la sécurité. Je ne défends ni le Président ni le régime, je vous dis la vérité. Toutes ces attaques contre le Président…Que voulez-vous qu’il fasse ? Qu’il se croise les bras quand son peuple est attaqué ? Ici, si on n’avait pas réagi comme il faut nous aurions été envahis par l’opposition. Ils sont à 500 mètres de nous vous savez [dans le quartier de Jobar]. En 2016 c’était assez calme mais parfois il tombait une centaine d’obus par jour sur Damas. Ce sont des criminels…on parle d’opposition modérée mais ce sont des mensonges. Avant l’intervention du Hezbollah et de la Russie les insurgés venaient de Jordanie, ils étaient dans les beaux hôtels de Amman jusqu’au moment où ils étaient appelés à entrer en Syrie. C’était visible ».

Dégâts causés à un des bâtiments du Patriarcat Melkite Grec-Catholique à Damas par les tirs des rebelles syriens,
source: Gilles-Emmanuel Jacquet
Évoquant la Syrie mais aussi le Liban, la Jordanie et la Palestine où il a également vécu, Sa Béatitude Grégoire III Laham explique que « Les pays où Chrétiens et Musulmans vivent ensemble sont plus libéraux, plus développés, plus humains, plus sûrs et plus ouverts. C’est le résultat des interactions entre Chrétiens et Musulmans ainsi que l’acceptation par ces derniers de l’influence des Chrétiens dans la société ». Le Patriarche ajoute que de nombreux enfants musulmans fréquentent les écoles chrétiennes en Syrie, à Beyrouth, à Jérusalem ou ailleurs : « En Égypte nous avons 6000 Grecs-Catholiques et 7 écoles où nous avons 5000 enfants de confession musulmane…Toutes les écoles sont pleines d’enfants musulmans et chrétiens, on vit ensemble et ces écoles sont tenues par des religieux et des religieuses. Ce sont autant d’éléments qui créent des relations, du développement mais tout cela est détruit, on le détruit maintenant par cette invasion…je ne comprends pas…qu’est-ce qu’ils défendent les Européens ? Ils défendent leurs propres intérêts, c’est le chaos des intérêts, le « supermarket » des intérêts. Que la Russie et les États-Unis se mettent d’accord et on pourra vaincre. Il n’y a pas de pays dans le monde arabo-musulman qui accepte le Califat aujourd’hui. Il n’y a pas de Calife. Même l’Arabie Saoudite ne reconnaît pas le Califat. Impossible de penser à un Califat donc c’est une chose qui n’a pas du tout de sens ou de réalité. C’est dans l’esprit des gens et c’est manipulé…manipulations, supermarket, chaos…voilà les intérêts. Que l’Amérique se mette avec la Russie et la Syrie, vous pourrez ainsi gagner. Un évêque Syriaque Catholique du nord de la Syrie, de Hasakah, m’a raconté qu’il a vu de ses propres yeux des avions américains et au sol [les combattants d’] ISIS mais ils n’ont pas attaqué ISIS…lui [l’évêque] il les voit mais eux [les avions US] ne les voient pas. Ils n’ont pas attaqué ISIS mais ils prétendent qu’ils combattent ISIS. Ils combattent là où ils veulent combattre. Je ne comprends pas, que veut l’Europe ? Que veut l’Amérique ? Surtout l’Europe, malheureusement il n’y a plus l’Europe…je crois que l’Europe peut donner son point de vue mais l’Amérique ordonne et eux [les Européens] obéissent. J’aimerais un rôle plus important pour la France, l’Allemagne et l’Angleterre. J’attends quelque chose d’eux mais ils s’alignent comme ça [sur la position US] ». Le Patriarche conclut en s’interrogeant encore une fois sur sur le soutien européen et occidental aux rebelles et à l’opposition, sur ce qu’ils veulent vraiment apporter à la Syrie : « La conception la plus ouverte [de la société], si on met le Liban de côté, c’est la Syrie. Si on organise maintenant un référendum le Président aura les votes nécessaires et même plus. Malgré tout il est là. Plusieurs fois il a parlé en public sans aucune garde ou sécurité autour de lui ».
Gilles-Emmanuel Jacquet
Titulaire d’un Master en Science Politique de l’Université de Genève et d’un Master en Études Européennes de l’Institut Européen de l’Université de Genève, Gilles-Emmanuel Jacquet s’intéresse à l’Histoire ainsi qu'aux Relations Internationales et plus particulièrement aux conflits armés et aux processus de résolution de ces derniers, aux minorités religieuses ou ethnolinguistiques, aux questions de sécurité, de terrorisme et d’extrémisme religieux ou politique. Les zones géographiques concernées par ses recherches sont l’Europe Centrale et Orientale, l’espace post-soviétique ainsi que l’Asie Centrale et le Moyen Orient.
Gilles-Emmanuel Jacquet a travaillé pour l’unité légale du bureau Maghreb / Moyen Orient / Asie Centrale du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies à Genève puis pour le Ministère de la Justice ainsi que l’Alliance Française de Moldavie et le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en Moldavie. Gilles-Emmanuel Jacquet est chargé de cours dans différentes universités privées en Suisse (Geneva School of Diplomacy and International Relations, UMEF, UWG) et en Afghanistan (DIHE de Kaboul). Il travaille également comme reporter pour Pax Press Agency et collabore avec la revue « Regard sur l’Est » ainsi que « Realpolitik.TV ».
jeudi 2 janvier 2020
MONTENEGRO, les persécutions
L’évêque Méthode (Église orthodoxe serbe) se remet à l’hôpital de Belgrade des coups que lui ont assenés les policiers monténégrins
1 janvier 2020 par Jivko Panev

jeudi 26 décembre 2019
"Les Turcs eux-mêmes n’ont pas fait ce que ces athées souhaitent : s’emparer des églises…"
« Loi contre l’Orthodoxie au Monténégro »
extraits d'articles divers :
![]() |
| Duško Marković, le 14 décembre 2019 au Vatican |
![]() |
| Le président Milo Đukanović avec le secrétaire à la Défense William Cohen (à gauche dans son bureau au Pentagone le 4 novembre 1999. |
mardi 17 décembre 2019
LA FRANCE VENDUE À LA DÉCOUPE !
samedi 16 novembre 2019
POUR DIRE LA VÉRITÉ…
samedi 12 octobre 2019
L'ÉGLISE GRECQUE A RECONNU LES SCHISMATIQUES UKRAINIENS… mais rappelez-vous qui sont ces hommes
voir-> Greek Church Recognizes Ukrainian Schismatics
…et que pensent-ils qu'il va advenir des orthodoxes restés fidèles à leur patriarcat d'origine et à l'ecclésiologie orthodoxe ?
RAPPELEZ-VOUS
"Patriarcat de Kiev"

L'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev (EOU-PK) a été créée en juin 1992 par le métropolite Philarète de Kiev (né Mykhailo Antonovytch Denysenko à Blagodatnoye, dans la région de Donetsk, le 23 janvier 1929), par sécession de l'Église orthodoxe russe intervenue après son retrait de la direction de la métropole de Kiev et de toute l'Ukraine du Patriarcat de Moscou, ainsi que d'une fraction de l'épiscopat de l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne (cf. infra) qui l’a suivi dans son mouvement rebelle contre l’église orthodoxe canonique russe .
Philarète de Kiev est un ancien ecclésiastique connu du Patriarcat de Moscou, ordonné prêtre en juin 1951. Il est parvenu au poste d'Évêque de Kiev à l'époque soviétique grâce au soutien de dirigeants du KGB qui tenaient à avoir un religieux "contrôleur" dans l'Église. D'après le dissident soviétique prêtre Gleb Yakunin, Philarète était en même temps un agent du KGB avec le nom codé "Antonov". Fort de ce soutien politique, Philarète a durement persécuté des églises et ecclésiastiques dissidents durant l'époque soviétique et il avait même déclaré que les "uniates" ne seraient jamais admis en Ukraine...
Pendant les temps soviétiques, Philarète apparaissait donc comme un fidèle inconditionnel du patriarcat de Moscou, mais il fut grandement déçu de ne pas avoir été élu successeur du patriarche russe Pimen I décédé le 03.05.1990 (remplacé en fait par le Métropolite de Leningrad Alexei, devenu patriarche Alexei II).
Après la dislocation de l'URSS et l'indépendance de l'Ukraine fin 1991, Philarète change de camp et passe aux cotés des nationalistes ukrainiens. Son objectif est de se maintenir sur le trône du patriarcat de Kiev, mais pour cela il lui faut une propre église indépendante du patriarcat de Moscou qu'il déteste car il lui a échappé. Il œuvre donc activement dans les milieux religieux à l'intérieur et à l'extérieur de l'Ukraine pour la création, sous son contrôle, d'une église orthodoxe ukrainienne indépendante du patriarcat de Moscou.
Pour cela, il s’appuie sur l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne (EOAU) qui est reconstituée en mai 1990 et organisée nominalement sous la direction de Mstislav Skrypnik, âgé de 94 ans. Ce dernier était le neveu de Simon Petlioura (un autonomiste puis indépendantiste ukrainien qui a lutté contre l’armée rouge et l’armée blanche durant la révolution russe de 1917 à 1920) et fut seulement ordonné en 1942 durant l’occupation de l’Ukraine par la Wehrmacht. Comme Mstislav séjournait en Amérique du Nord, Denysenko dirigeait de fait l’EOU-PK en Ukraine. Mstislav mort en 1993, Vladimir Romanyuk (un ancien indépendantiste OUN) est nommé comme premier Hiérarque. Peu après, Romanyuk et Denysenko rompent avec l'EOAU et fondent l’EOU-PK. Romanyuk meurt dans des circonstances mystérieuses en 1995 à l'âge de 70 ans, soi-disant à cause d’une crise cardiaque, mais beaucoup pensent qu'il était victime d'un complot ourdi par Denysenko.
Personnage très contesté, Philarète (contrairement à ce que son nom ecclésiastique choisi indique: en grec "Φιλάρετος" = "amoureux de la vertu"), aurait eu des relations avec des milieux non réputées par leur moralité et il serait même marié et père d'enfants, ce qui est prohibé pour un évêque en orthodoxie. En dépit de ces critiques, Denysenko parviens à survivre dans les milieux ecclésiastiques et parvient à se faire élire à la tête de l'EOU-PK en juillet 1995.
L'EOU-PK de Philarète se réclame orthodoxe canonique, ce qui n’est pas exact compte tenu du fait qu’elle ne respecte ni le rite, ni le canon, ni les dogmes de l'Eglise Orthodoxe officielle, raison pour laquelle elle n’est pas reconnue en tant que telle ni par les par les autres Églises formant la «Communion orthodoxe», ni par le patriarche orthodoxe de Constantinople. La création puis l’expansion de cette église non-canonique fut encouragée par des partis politiques nationalistes de l’Ukraine, dans le cadre de leur approche idéologique générale anti-russe. Elle forme partie de leur stratégie de forger une nouvelle identité ukrainienne fondée sur des concepts civils et religieux anti-russes.
Philarète Denysenko l'a bien compris et il s'est aligné complètement à cette nouvelle orientation politique qui convenait parfaitement à ses propres intérêts et attentes. Ainsi, le 25 août 2010, Denysenko attribua à Oleh Tyahnybok - chef de l’Union panukrainienne «Liberté» (en ukrainien, Всеукраїнське об’єднання «Свобода», Vseukrainske ob'iednannia «Svoboda»), parti ukrainien nationaliste et néonazi d'extrême droite, fondé en 1991 - la distinction de l’Ordre du Saint-Vladimir, troisième classe, en reconnaissance de «son action méritoire dans le rétablissement de la spiritualité ukrainienne et la réaffirmation de l’Église Orthodoxe Ukrainienne»...
Comme récompense à sa fidélité et services rendus aux indépendantistes, Denysenko a obtenu comme siège de son église la prestigieuse cathédrale de Saint-Volodymyr, bâtie au milieu du XIXème siècle dans le cadre de la reconstruction architectonique de Kiev, voulue par les tsars après le troisième partage de la Pologne pour redonner à la ville la splendeur et le mysticisme d’une «Jérusalem russe».
La réponse du patriarcat de Moscou aux agissements de Denysenko n'a pas tardé à venir. Philarète a d'abord été suspendu du sacerdoce pour conduite immorale (parmi les faits reprochés y figurent des relations extra-conjugales avec des femmes débauchées...), puis défroqué et excommunié en 1997 en raison de son refus de se soumettre aux décisions de l'Église et pour avoir violé les canons ecclésiastiques [3].
L’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev - une église non-canonique, dissidente, nationaliste et anti-russe - est présente en Ukraine très majoritairement dans la partie occidentale, et dans la diaspora ukrainienne. L’EOU-PK reste l’un des maillons les plus profonds de la résistance ukrainienne indépendantiste à l’influence russe. Le clergé de l’EOU-PK a été accusé [4] d’avoir participé à des évènements organisés par des partis d’extrême droite ukrainienne (messes à la commémoration des soldats morts de la Division Waffen SS "Galizien" et d'autres collaborateurs ukrainiens de l'Allemagne nazi) et il a soutenu activement les protestations de l’Euromaïdan.
Après le coup d’état de février 2014 et la mise sur place du nouveau régime nationaliste ukrainien appuyé par les USA et l’UE, Philarète Denysenko vise l’objectif d’hisser l'EOU-PK au niveau de l’unique église nationale ukrainienne. Il a déjà présenté aux nouvelles autorités installées à Kiev ses excuses pour son mauvais comportement vers eux durant l’époque soviétique et il les a rejoints à leur hystérique campagne anti-russe: il a ainsi récemment traité Vladimir Poutine de menteur, d’un nouveau Caïn et de quelqu’un envahi par le Satan comme Judas l’Iscariote [5]. Manifestement de tels agissements et propos calomnieux ne sont pas dignes d’un ecclésiastique, notamment compte tenu de son passé peu élogieux… De plus, Philarète Denysenko a entrepris des missions politiques de soutien en faveur du nouveau régime nationaliste de Kiev; ainsi, en février 2015, il s'est rendu aux États-Unis, où il a décoré le sénateur John McCain - tristement célèbre pour ses interventions maladroites en faveur des putschistes nationalistes extrémistes ukrainiens - d'un ordre ecclésial (faux) "pour le soutien qu'il a accordé à l'Ukraine lors des évènements du Maïdan et de l'occupation de la Crimée et du Donbass". Violant le principe théologique chrétien fondamental «aimez les uns les autres», Denysenko a même demandé aux États-Unis des armes pour l’Ukraine et ce, afin de tuer des ennemis Russes !!!.
L'Église orthodoxe "autocéphale ukrainienne"
Une autre Église orthodoxe non canonique est l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne (EOAU), qui est née en 1920 d’un mouvement qui refusait le rattachement de l’Église ukrainienne à Moscou et qui déclare son origine canonique de l'Église orthodoxe de Pologne. Ayant été réprimée durant l’ère soviétique, l'ÉOAU renaît en avril 1990 en Ukraine centrale notamment suite à l’action de l’l'archiprêtre Oleg Kulik. Le 18 novembre 1990 dans la cathédrale de Sainte-Sophie à Kiev le patriarche de Kiev et de toute l'Ukraine Mstislav (Skrypnik), de la ligne épiscopale de l'Église orthodoxe polonaise, est intronisé. Depuis cette époque, Mstislav non seulement devient le premier patriarche de cet église, mais il réunifie aussi temporairement l'ÉOAU en Ukraine avec l'ÉOU aux États-Unis et la diaspora [6], auparavant seulement branche canonique de l'Église orthodoxe polonaise.
Le 26 juin 1992, l’administrateur des affaires métropolite Anthony (Masendych) conspire et appuie l'initiative du président Kravtchouk de transférer tous les biens de l'ÉOAU sous l'autorité de Philarète Denysenko. Le 11 juin 1993 le patriarche Mstsislaw décède. Se voyant mourir, le patriarche, s’estimant trahi, demande par testament que l'ÉOAU n'accueille pas l'ancien métropolite de l'ÉOR Philarète Denysenko, privé de dignité par son propre Église. Philarète Denysenko fonde alors sa propre église, l’EOU-PK, suivi par Vladimir Romanyuk et une partie de l'épiscopat de l'EOAU. Le reste de l'EOAU, qui n'a pas suivi le tandem Romanyuk-Denysenko, choisissent comme nouveau patriarche Dymytry (Yarema).
En octobre 2002 à Cleveland (Ohio, USA), se tient le Concile des archevêques de l'EOA-Sobornopravna de l'Amérique du Sud et du Nord, qui décide la chirotonie – intronisation de Mgr Velyka Moise (ex Oleg Kulik) au rang de Métropolite du Kiev et de toute la Rus-Ukraine. Le métropolite Moise est envoyé en Ukraine «pour la rénovation du Métropole de Kiev et la renaissance de l'EOAU-Sobornopravna avec le droit de l'administration complète et la tutelle spirituelle…». En 2005, l'EOAU-Sobornopravna de l'Amérique du Sud et du Nord devient l'EAOU de l'Amérique du Sud et du Nord et de la diaspora, présidée par le métropolite Michael (Yavchak-Champion), et s'unit avec l'EOAU en Ukraine, en reconnaissant le métropolite Mefodiy (Kudriakov) comme premier hiérarque. L'ÉOAU-Sobornopravna en Ukraine, présidée par le métropolite Moise acquiert alors le statut d'une juridiction indépendante. Le 18.06. 2005, le métropolite Moise est élu par son épiscopat et ses fidèles et intronisé au rang de patriarche de Kiev. L'intronisation a lieu au sanctuaire orthodoxe ukrainien, la cathédrale de Sainte-Sophie à Kiev. Son mouvement prend le nom d’EOAU-Canonique et il réclame son origine canonique de Kiev-Rus Métropole et non plus de l’ l'Église orthodoxe de Pologne. Un rapprochement avec le patriarcat orthodoxe de Constantinople est tenté. Toutefois, divisée et affaiblie, l’EOAU reste isolée car son autocéphalie autoproclamée n’est pas reconnue par les autres Églises formant la «Communion orthodoxe» (elle fut en effet reconnue par le patriarcat œcuménique de Constantinople hors des frontières de l’Ukraine, mais non reconnue en Ukraine). L’EOAU est présente majoritairement dans la partie occidentale de l’Ukraine, sans toutefois atteindre l’importance de l’EOU-PK ou de l’église gréco-catholique d’Ukraine, et aussi dans la diaspora ukrainienne. Le chef de l'Église porte le titre de Patriarche de Kiev et de toute l'Ukraine, avec résidence à Kiev (titulaire actuel: le Métropolite Méthode / Mefodiy (Kudriakov) depuis le 15.09. 2000).
L'Église gréco-catholique d'Ukraine















