Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
Affichage des articles dont le libellé est Slobodan Despot. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Slobodan Despot. Afficher tous les articles

vendredi 26 juin 2020

Ès-langue française (Aveux publics, 4)

Un article de Slobodan Despot paru dans la rubrique «Le Bruit du Temps» de l’Antipresse n° 192 du 04/08/2019.


Lorsque nous sommes descendus des montagnes dans la vallée du Rhône, il m’a fallu entrer à l’école. Ni une, ni deux, on m’a placé dans une classe spéciale où je n’avais d’autre devoir que d’apprendre le français. Bien m’en a pris.

Rendez-nous nos classes d’intégration!

On appelait cela les classes d’intégration. Elles ont été supprimées depuis belle lurette, juste au moment, bien entendu, où elles devenaient vitales. En ces lointaines années 1970, la Suisse faisait déjà face à une immigration de masse — mais qui venait de son voisinage immédiat, les pays catholiques du sud de l’Europe. Cela n’en suscitait pas moins des inquiétudes, notamment celle exprimée par l’«initiative Schwarzenbach» «contre l’emprise étrangère» qui fut rejetée par le peuple en 1970. Un demi-siècle plus tard, lorsqu’on voit à quel point ces vagues de Ritals et d’Espingouins sont incorporées dans le tissu national, ces peurs peuvent faire sourire. Mais ces sourires devenus automatiques empêchent en même temps de réfléchir aux changements de nature et de composition des migrations successives. Passons.
A l’époque, les Italiens et les Espagnols venaient grossir la force laborieuse de ce pays dont la population citadine de souche s’orientait déjà vers les activités plus «nobles» (lisez: moins harassantes et mieux payées) de l’esprit (lisez: l’administration, le tertiaire et les professions libérales). Ils gardaient de forts liens avec leurs terres d’origine, mais s’employaient passionnément à s’intégrer à une société qui leur apparaissait comme un modèle rêvé. A leur suite, ce sont les Portugais et les «Yougos» (Albanais compris) qui ont endossé ce rôle d’humbles ouvrières de la fourmilière helvétique. Par-delà les querelles nationales importées et les activités de l’ombre, la réussite des «Kosovars» dans le sport ou les PME montre que la Suisse peut intégrer beaucoup de travailleurs silencieux parce qu’elle a besoin de beaucoup de travailleurs silencieux pour que ses mandarins puissent mandariner en toute quiétude.
Quoi qu’il en soit, le canton du Valais où j’ai grandi abordait l’intégration des enfants d’immigrés de la manière la plus pragmatique: en les plongeant sans sommation dans le bain linguistique. Hop! Si vous êtes ici, c’est que vous l’avez voulu, or ici, on parle français (ou allemand) et l’on se tient comme il faut! On était loin des discours sentimentaux sur l’«altérité», le «déracinement» et de tous les ululements de provenance académique qui, aujourd’hui, enfoncent les nouveaux arrivants dans leur statut de métèques a priori inintégrables et les orientent tout naturellement vers le communautarisme.
C’est par la langue qu’on s’intègre le plus intimement à une culture. A commencer par la langue-organe et ses papilles gustatives. Les enfants s’y font dix fois plus vite que les adultes. Encore faut-il leur enseigner une langue qui leur servira de passeport culturel et d’ascenseur social, plutôt qu’un sabir de rue qui les condamnera à vie à demeurer dans la masse obscure.

Une enfance à l’ombre de la Tour des Sorciers

Le maître qui détermina ma vie

En ce qui me concerne, on m’a placé à l’automne 1974 dans la classe de M. Fernando Santos, au départ de la route de Gravelone, à l’ombre de la Tour des Sorciers, un donjon ventru tout doit sorti de Tolkien où, comme son nom l’indique, on questionna jadis les sujets mal notés. L’immeuble où se logeait notre école était, lui, tout neuf et surplombait la jolie ville médiévale de Sion. La veille de mon premier jour d’école, je n’ai pas pu m’endormir. Je contemplais, sur la commode de ma chambre, mon cartable à bretelles en cuir bleu tout neuf avec des catadioptres oranges en me demandant où il allait m’emmener et quels continents de savoir il me ferait découvrir.
Ma classe comptait une trentaine d’élèves de tous âges, filles et garçons, italo-ibériques pour la plupart. J’étais le seul Slave, et, avec mes sept ans, de loin le plus jeune. Les plus vieux avaient déjà de la moustache. Les filles se sont immédiatement occupées de moi avec une tendresse de grandes soeurs. M. Santos menait cette compagnie bigarrée d’une main de fer. Il était très menu, mais irradiait d’énergie et de résolution. Il avait un nez pointu, un visage triangulaire et des yeux de Wisigoth d’un bleu très clair et très froid. Il était très catholique mais antifranquiste (oui, cela a existé). Tout en lui était abrupt, à commencer par sa prononciation à la Salvador Dalí, si rocailleuse que j’avais décidé le premier jour de ne jamais prrrononcerrrr et encore moins écrrrirrrr cette langue abominable qu’il prétendait m’enseigner.
Selon la tradition familiale, ma mère débarqua peu après le début des cours, furibonde, dans sa classe.
«Monsieur Santos! A ce qu’il me semblait, mon fils devait apprendre le français chez vous. Or il revient à la maison en parlant espagnol!
— Qué boulez-vous, Madammm? Por qué botre Eslobodan pouisse comprrrendrrrr la matièrrrr qué yé lui trrransmets, il doit pourrr commencer mé comprrrendrrrr, moi!»
Je l’ai bien compris, M. Santos. O combien! Il a été le plus grand professeur de ma vie. En une année, une seule, il m’a enseigné l’essentiel de la langue française, jusqu’à des (presque) «zéro faute» dans la dictée de Mérimée.
Il n’épargnait personne et ne reculait pas devant la pédagogie physique. Sa manière de nous tirer le duvet sur la tempe était particulièrement douloureuse. Mais il ne s’épargnait pas non plus. Il avait décidé que j’avais du «potentiel» et que je devais par conséquent trrrabailler encore bien plus que les autres. Le mercredi, au lieu de me renvoyer à la maison, il m’emmenait chez lui, où sa femme préparait la paella. Après quoi, je répétais mon français jusqu’au soir avec leurs propres enfants, Fernand et Isabelle.
Cela n’était encore rien: M. Santos passait également à la maison chez nous, après l’heure du repas, vérifier si je potassais mes manuels.

Ma porte d’entrée dans la littérature française

Il n’y a pas d’âge pour apprendre

Les manuels en question — le Cours supérieur d’orthographe de Bled, Le Français par les textes de Beaugrand et autres — n’étaient évidemment pas «faits» pour mon âge. Les usines à débiles mentaux d’aujourd’hui les réserveraient sans doute aux classes terminales, non sans les agrémenter de dessins infantiles et de mises en garde contre le sexisme, le racisme, la tabagie, l’éco-inconscience, la viandophagie… bref toute la liste des bondieuseries actuelles (1).
L’âge, M. Santos n’en avait cure. Il s’employait à tirer ses élèves vers le haut, par tous les moyens, plutôt que de les laisser mariner dans leur complaisance. La plupart des maîtres que j’ai eus par la suite, heureusement, partageaient cette attitude, en particulier à la Royale abbaye de Saint-Maurice. J’avais sept ans? Et alors? Blaise Pascal n’en avait que seize lorsqu’il publia son traité de géométrie. Il ne s’agissait pas de prendre les enfants pour des génies, loin de là, mais de cultiver des modèles qui provoquent plutôt que des copinages qui confortent. La curiosité et l’esprit de défi-comme-jeu des jeunes humains sont des ressorts prodigieux. Les laisser se faner sur pied en mettant la priorité sur leur «socialisation» (c’est-à-dire sur l’accoutumance à la médiocrité) est un crime contre l’humanité future. Crime dont nous commençons à sentir les effets très concrets, dans l’Europe social-infantilisée.
Le capitalisme ultralibéral, de toute évidence, s’accommode mieux d’une population trop abrutie que d’une population trop instruite. Par la suite, la lecture de Zinoviev, de Naomi Klein, de mon ami Jean Romain, de Michéa et de Brighelli me donnera à penser qu’il y a un véritable complot contre l’intelligence des masses dans le projet libéral-libertaire. Mais toutes ces digressions me détournent du coeur de mon sujet: l’entrée en langue française et le monde de merveilles que j’y ai découvert. J’y reviendrai dans le prochain épisode.
/A suivre/
NOTES
Je ne condamne pas sans preuves. Lorsque ma fille aînée est entrée, à six ans, dans le système scolaire public du canton de Vaud, sa «compétence» linguistique écrite et parlée a spectaculairement régressé par l’effet des programmes et de l’osmose. Elle n’a retrouvé son niveau de français préscolaire que vers l’entrée au lycée.



Les choses par leur nom

lundi 30 mars 2020

Non, la France n’est pas en guerre !


Par Slobodan Despot − Le 22 mars 2020 − Source antipresse.net



…Enfin, pas celle qu’on lui promet. La France risque de se réveiller demain en comprenant qu’elle était elle-même la cible de la guerre proclamée par M. Macron. Mais il sera trop tard. Avec ou sans virus, elle devra vivre pieds et poings liés.


Le monde qui est entré dans le Coronavirus n’en sortira plus. Ce qui en sortira sera quelque chose de radicalement différent. Nous ne savons pas quelle sera la portée de ce virus sur le corps physique de l’humanité, mais nous voyons déjà son action sur son corps social. L’exemple français est très parlant.
La guerre… contre qui ?

Le 16 mars dernier, M. Macron a solennellement proclamé: «Nous sommes en guerre» et la nation entière lui a emboîté le pas, lui qu’elle détestait hier encore. Depuis les balcons où ils sont confinés, les Français comptent les entorses à la loi martiale et s’empressent de les dénoncer sur les réseaux sociaux voire plus haut. Ils sont si émoustillés par les harangues dont on les bombarde à longueur de journée qu’ils ne remarquent même pas le danger de cet entraînement.
Non, la France n’est pas en guerre. Pour sa sauvegarde en tant que peuple et en tant que démocratie, elle doit s’ôter cette idée de la tête. Elle est en situation de pandémie, une situation que les structures compétentes de l’Etat sont censées savoir affronter. Ce qui l’attaque n’est pas un adversaire humain, c’est une maladie. Lorsque la France était ravagée par la peste, on ne parlait pas de guerre, mais de fléau de Dieu. Lorsque la France entre concrètement en guerre contre quelqu’un, comme lorsqu’elle participa au bombardement de la Serbie ou de la Libye, le président ne va surtout pas dire au peuple qu’il est en guerre.

La guerre dont on parle aujourd’hui n’en est pas une… à moins qu’on ait oublié d’ajouter l’adjectif: guerre civile.

La transmissibilité de cette maladie est un levier de contrôle absolu de la population. S’il ne s’agissait que de notre vie, personne ne pourrait rien nous imposer. Mais par la contagion nous sommes liés par un réseau de responsabilités — et donc de culpabilités — enchaînées. En proclamant que le virus est l’ennemi, les citoyens sont tous des vecteurs potentiels de l’ennemi. Autrement dit, des collabos, et à ce titre potentiellement justiciables comme tels: avec rigueur et de manière expéditive. Par extension de la métaphore, la régulation de leurs conditions de vie et de travail peut dorénavant elle aussi être «militarisée». 1

C’est ainsi qu’avec la «déclaration de guerre» de M. Macron, le collimateur s’est subrepticement déplacé de la maladie vers ses vecteurs potentiels sans même qu’ils aient senti la pastille rouge du pointeur laser se poser sur leur front.
Pour en arriver là, il aura fallu les nouvelles dantesques de Chine, puis ce brusque saut de cavalier vers l’Iran et l’Italie à nos portes. L’Italie où la maladie se déchaîne… avant tout sur ceux qui, hélas, étaient d’emblée les plus exposés 2. Il aura fallu, dès le départ, une surenchère de dramatisation médiatique, souvent inconsciente. Par exemple, le simple fait de parler initialement du Coronavirus au lieu d’un coronavirus, membre d’une famille étudiée depuis les années 1960 et comprenant aussi bien le SARS de 2003 que des «types de coronavirus bénins», naturellement hébergés par l’homme.

En France, le jour où la guerre est officiellement déclarée (16 mars), le COVID_19 a officiellement fait 148 morts sur 6645 cas confirmés. C’est grave et préoccupant, mais on est loin, comme l’explique le Pr Didier Raoult, du pic de mortalité saisonnière associée aux infections virales de 2017 qui avait fait plus de 10 000 morts (et qui correspondrait, pour un même taux de mortalité déclaré de 2,2%, à quelque 500 000 contaminés).
Devoir de pessimisme, congé de la raison

«Certes», nous dit-on, «mais attendez de voir!» En effet, nous ne savons rien de ce qu’il arrivera demain. Les courbes de progression du virus peuvent frôler la verticale, il peut soudain muter et tuer 60% des contaminés comme le H5N1. Tout peut arriver — y compris un dégonflement de la menace comme ce fut le cas avec H1N1. Mais on a comme l’impression que personne n’a envie d’entendre les hypothèses intermédiaires. Seule l’option du pire a pignon sur rue, car l’incertitude en matière de santé publique ne profite qu’aux pessimistes. Ce devoir de pessimisme, c’est l’avantage stratégique d’une épidémie en termes de contrôle des masses. On n’en voudra à personne d’en avoir fait trop; on lynchera celui qui sera suspecté de n’en avoir pas fait assez.3

C’est une véritable crémaillère vers la dictature, un mur de confinement auquel chacun, depuis le simple pékin psychosé jusqu’au ministre qui ne peut «faire moins» que ne lui enjoignent les médias, ajoute de bon cœur sa petite brique — tout en se privant d’une part de raison et de libre arbitre.

Si l’État français se considérait réellement en guerre avec le virus, il réquisitionnerait des usines pour fabriquer des masques au lieu de bloquer celles qui peuvent en procurer rapidement 4. Il mettrait immédiatement à profit les résultats encourageants de la chloroquine 5 plutôt que de les noyer dans des débats cauteleux. Il desserrerait l’étau psychologique dévastateur que représente le confinement à domicile, mesure carcérale qui génère déjà des conflits graves et des effondrements psychologiques. La résistance morale de la population est un facteur clef de toutes les guerres, autant que les forces armées, et c’est ce facteur dont les mesures extrêmes sont en train de priver le pays.

L’état de guerre, c’est l’abolition de la vie parlementaire et des libertés, le gouvernement par décret-loi, le droit d’ingérence du pouvoir dans toutes les sphères de la vie privée et le monopole de l’État et de ses relais sur les fake news. C’est sans doute à quoi M. Macron rêvait de parvenir — et que le virus lui a offert sur un plateau. Reste à savoir combien de temps la peur, chez les Français, fera passer la pilule de l’oppression.

  1. Ainsi, la nuit du 20 au 21 mars, le Sénat a pris des mesures d’exception à vocation sanitaire impliquant des modifications du droit du travail qui seront non temporaires. En outre ces mesures permettront au parlement de légiférer sans contrôle pour sauver l’économie. 
  2. Voir les statistiques de l’Institut de santé publique italien du 17 mars. 
  3. On a beaucoup reproché à Roselyne Bachelot d’avoir accepté un très important stock de vaccins et de masques. Aujourd’hui les journalistes la réhabilitent en disant qu’on ne peut jamais en faire trop, justifiant ainsi les mesures les plus draconiennes! Forts de l’idée que l’épidémie progresse en France parce que M. Macron n’en n’aurait pas assez fait au début, les médias nous martèlent qu’il faut désormais accepter les mesures les plus contraignantes, même pour longtemps. 
  4. On apprend en dernière minute que LVMH va «se mobiliser» pour produire les masques dont la France a besoin. Quel Etat attend le geste de bonne volonté d’une multinationale pour se procurer un article d’importance vitale? 
  5. Essai clinique mené par le Pr Raoult sur 24 patients. «Au bout de six jours de traitement au Plaquénil (le nom commercial de la molécule, ndlr), 75% des porteurs ont une charge virale négative.» Les États-Unis et la Chine ont immédiatement compris l’intérêt de cette molécule. 

lundi 2 juillet 2018

L’actualité brûlante des contes de fées



extrait du dernier Drone de Slobodan Despot

[…] un aspect du Petit Poucet qui m’a toujours inspiré de vastes méditations.Qu’on me permette ici de rappeler cet épisode clef du conte de Perrault. S’étant égarés dans les bois, le petit Poucet et ses frères sont recueillis dans une maison qui se trouve être celle d’un ogre. Lequel ogre s’apprête à faire d’eux son petit-déjeuner le lendemain matin — car sa femme, par pitié, l’a persuadé de décaler son festin d’un jour. Or, juste en face d’eux, dans la même chambre, dorment les sept filles de l’ogre, sept petites princesses couronnées qui sont les prunelles des yeux de leur papa. Pour échapper au human breakfast, le petit Poucet intervertit son bonnet et ceux de ses frères avec les couronnes des fillettes modèles. Et le mangeur d’enfants, aveuglé par son avidité, finit par tuer sa propre progéniture...
Or c’est aux filles de l’ogre que je repense toujours, bien davantage qu’à la fratrie du petit Poucet. A elles, et plus précisément à leur conscience. Car si le jeune Poucet, cadet de ses frères, avait assez d’esprit pour sauver sa bande des griffes de ce monstre, on peut supposer que les têtes féminines du même âge n’étaient pas plus idiotes.
Que savaient-elles donc du monstrueux penchant de leur père, ces enfants gâtées? Pouvaient-elles tout ignorer de sa sanglante besogne? Se voilaient-elles la face? Étaient- elles anthropophages, elles aussi? On les imagine mal, avec leurs jolies couronnes, déchiqueter à pleines dents de la chair crue. Je les vois plutôt déguster une tendre escalope du bout de la fourchette, le dos bien droit, en faisant mine d’ignorer qu’elle provient d’un petit garçon de leur âge.
Quand on vit sous le toit d’un ogre, et qu’on ne s’enfuit pas à toutes jambes, la fausse candeur est de mise.
[…]
Vous l’avez deviné: les filles de l’ogre, c’est nous tous! Européens, Occidentaux, cadres et administrateurs du monde entier, bref toute la «suprasociété» globale. Ce dixième ou ce cinquième d’humanité qui vit avec des exigences de confort et de consommation dépassant tout ce que la Terre peut supporter. Tous, nous vivons sous la protection d’un monstre qui se nourrit de chair humaine et qui régurgite de quoi nous alimenter nous aussi. Notre père nourricier, depuis 1945, est l’oncle Sam, qui a assuré notre prospérité, notre impunité — et notre ductilité — pendant trois générations tout en colonisant la planète entière. A l’heure où j’écris, l’oncle Sam maintient la planète sous sa perfusion de bombes, à raison d’une goutte létale toutes les douze minutes, ou 120 par jour, quelque part, n’importe où, sans même être officiellement en guerre avec qui que ce soit. Il consacre les 53% de son budget à la défense, autrement dit à l’agression. Depuis la chute de son meilleur ennemi, l’URSS, il a mis en selle le terrorisme islamique en tant que faux chien fou qu’il lâche sur les indociles ou qu’il fouette et jugule selon ses besoins. Il délocalise la torture, renverse les gouvernements élus, soutient les pires sous-ogres de la planète, pille toutes les ressources du monde grâce à sa joint ventureunique entre l’État et les corporations (finançant les razzias des oligarques avec l’argent des esclaves contribuables), s’emploie à taxer tout l’argent du monde et vit aux dépens du village global comme les voyous des favelas organisent leur petit ménage: l’œil injecté de cocaïne et le revolver sur la tempe de tous leurs voisins.
Bref, notre père nourricier est, hors toute concurrence, le système criminel le plus avide et le plus tentaculaire depuis la chute du nazisme. La disproportion est si criante qu’il apparaît obscène de poursuivre et condamner qui que ce soit d’autreavant que la Méduse atlantique à la chevelure de serpents ne soit neutra- lisée. Mais justement: nul ne peut regarder la Méduse dans les yeux sous peine de pétrification. […]

dimanche 24 décembre 2017

JOYEUX NOËL à TOUS !

Je n'attendrai pas un jour de plus, de par la pertinence et l'excellence de l'article de Slobodan Despot d'une part (qui suit) et l'exigence du calendrier d'autre part de ceux qui fêtent Noël, catholiques ou orthodoxes, avec le calendrier grégorien. Calendrier qui faut-il le rappeler aux imbéciles persécuteurs forcenés de ce qui reste du Christianisme,  autant qu'incultes,  ne se rendent même pas compte que la crèche catholique est avant tout un élément culturel de notre patrimoine comme l'est tout simplement le calendrier qui sans plus de précision scientifique continue d'être utilisé par le monde entier pour compter les années et qui est fondé tout simplement, comme les crèches (!) sur le jour fixé par convention pour l'anniversaire de la naissance du Christ… Pauvres tâches d'athéistes militants haineux qui sont tout prêts à scier la branche même sur laquelle ils demeurent encore misérablement perchés avant la dictature islamiste à venir qu'ils appellent de tous leurs voeux, nous gratifiant de leur continuelle fiente acide et nauséabonde, leurs cerveaux étant descendus au niveau de leurs intestins…

Lisez plutôt l'extrait suivant du numéro  108 du 24/12/2017

LA CRÈCHE DE M. MÉNARD

A quelques jours de Noël, par une procédure urgente, le tribunal administratif de Montpellier a ordonné l’enlèvement de la crèche municipale de Béziers. L’État français a ainsi prévenu une dangereuse attaque terroriste avant même que ses auteurs l’aient envisagée.

Protagoniste #1: l’État

L’État français en a eu assez d’être traité de mollasson. A force de laisser les suspects fichés «S» vaquer librement à leurs occupations jusque dans la sécurité des aéroports, à force de se laisser systématiquement déborder par des individus soudain «radicalisés» bien que «suivis» depuis des années par les services compétents, l’État a décidé de prendre les choses en main et de frapper la menace au coeur. Il a ordonné le démantèlement de la crèche installée par Robert Ménard dans la mairie de Béziers! La décision précise même que l’«installation» peut bien être enlevée, «n’étant composée que de santons ordinaires.»
Voici donc le juge des référés promu critique d’art en civil, comme on disait en URSS. Mais ce n’est pas le seul précédent de l’affaire. Il y a bien mieux! L’interdiction de cette quatrième crèche biterroise ne fait pas suite à une dénonciation des «assosses» laïques outrées par la vue du bœuf et de l’âne gris, mais à une plainte du préfet de l’Hérault, autrement dit de l’État lui-même.
À juste titre, l’État a vu dans cette crèche le ferment d’une redoutable dérive.
La République française est laïque, une et indivisible. L’État ne tolère aucune concurrence à sa propre doctrine et interdit par conséquent toute irruption de bondieuserie sur la place publique. Il n’est qu’à voir la férocité avec laquelle il réprime les prières de rue dans les quartiers où fermente la France de demain.
Il ne les réprime pas? Ah bon? C’est sans doute qu’il n’y voit pas malice. Des hommes prostrés à genoux, tous dans la même direction, le front sur le pavé, quoi de plus agréable aux yeux de l’État depuis qu’on a aboli la conscription générale?
Ou alors, c’est qu’il est débordé. Il passe un temps fou à combattre l’obscurantisme religieux, jusqu’au-delà de ses frontières. Voyez avec quelle discrète efficacité il a contribué ces dernières années à l’éradication des chrétiens d’Orient!
Mais qu’on n’aille pas crier au parti pris! L’État français fait aussi le ménage chez nos frères mahométans. Il combat avec énergie la propagation du chiisme iranien. Il n’entend goutte aux querelles de chameliers, mais il se fie à ses informateurs et clients, les princes d’Arabie. Des gens aussi profondément incrustés dans la duplicité, la cruauté et toute l’écœurante panoplie des vices que l’argent facile peut procurer ne présentent aucun risque de contamination mystique. Avec de tels jouisseurs, de vrais laïcards ne peuvent avoir que des atomes crochus. Et pas que des atomes. Des doigts aussi.
C’est pourquoi l’État français fait les meilleures affaires avec l’Arabie saoudite, qui coupe des têtes avec les mêmes sabres qu’elle fait virevolter aux invités de marque pour la photo et qui extermine massivement, y compris par la famine organisée, les musulmans pauvres au Yemen, avec leurs hôpitaux de misère, leurs écoles de gueux et leurs maisons de crotte, à l’aide d’équipements high-tech français.
L’État français a des principes. Il combat toutes les religions, sauf la sienne: la religion de l’État. Comme elle est abstraite, stérile et austère, il faut bien l’imposer un peu. Un excellent moyen consiste à lui inventer des ennemis qui n’en sont pas. Ainsi l’entrepreneur multirécidiviste en crèches publiques Robert Ménard.

Protagoniste #2: Robert

Je connais un peu Robert Ménard. C’est un homme à mon goût: un chemin tortueux, non une ligne droite. Il a un passé d’engagements et de remises en question. Avant de devenir un conservateur sécuritaire, il a été marxiste-léniniste. Avant de répudier la corporation médiatique, il avait fondé Reporters sans frontières. Il a les vertus de son imprudence: il est vif, franc et drôle. Tout le contraire des holothuries d’extrême-droite avec lesquelles on l’associe. Il a compris que les «ismes» ne menaient pas très loin et que les frontières incrustées dans les têtes sont bien plus hermétiques que celles séparant les États. Son CV le prédisposait à tout, sauf à devenir un défenseur des bondieuseries catholiques. C’est ce qui le rend intéressant.

Protagoniste# 3: la crèche

Ce n’est que très récemment qu’on a découvert tout le potentiel de nuisance des crèches de Noël. Elles étaient considérées jadis comme les manifestations les plus bénignes de la superstition chrétienne. Elles aidaient paraît-il les paysans à passer les longues semaines de l’arrière-automne: pendant qu’ils sculptaient des Jésus-Marie-Joseph dans du bois brut, ils buvaient moins. Il n’y a pas si longtemps, on en faisait même construire par les enfants des écoles. Autant leur enseigner à fumer! Moi-même, j’ai sentimentalement conservé une crèche-caverne fabriquée par ma fille avec du papier kraft et des figurines en pâte à modeler — alors que nous ne sommes mêmes pas catholiques!
C’est bien là que réside le danger: la crèche, malgré ses airs puérils et naïfs — à cause d’eux, même! — est un puissant symbole identitaire, un signe de ralliement de fanatiques qui vont bien au-delà du camp papiste! Mais il y a pire encore. Le message occulte de la crèche n’a pas échappé à l’œil vigilant des experts de l’État, et c’est ce qui explique l’urgence de la procédure d’interdiction.
Une crèche, l’air de rien, n’est rien d’autre qu’un manuel pour la fabrication de bombes. Au milieu, le berceau avec le futur kamikaze. Autour, le couple de militants chargé de l’encadrer et de le radicaliser. Dans le deuxième cercle, les trois artificiers venus apporter soi-disant en guise d’offrande les composantes du gilet explosif: la charge, le gilet et le détonateur. On a même pensé à amener des animaux pour servir de cobayes lors du tir d’essai.
Glaçant de cynisme!

Les cellules terroristes

Or le territoire français est truffé de groupuscules qui, chaque année à la même période, préparent des attentats en série. Attentats contre la foi et le foie, contre l’environnement et le porte-monnaie, contre la charité et le bon goût.
On appelle ça les «fêtes de Noël». On s’y assemble par familles entières pour célébrer la consommation. Une minorité pratiquante, entre la bûche et le digestif, trinque parfois à l’enfant Jésus dans sa paille. Les plus fanatiques forcent même leurs gosses à veiller jusqu’à la messe de minuit.
Ils sont galvanisés par de redoutables meneurs appelés évêques. On les reconnaît à leur minuscule croix épinglée au revers, à leurs petites lunettes cerclées d’acier et à leurs yeux de lapins pris dans les phares. Leur physique d’écrevisses trahit une prédisposition très modérée au martyre, c’est pourquoi ils évitent par tous les moyens d’importuner quiconque — en particulier les mahométans — avec leurs croyances.
Cette habitude de la dissimulation les rend furtifs et donc d’autant plus dangereux. Leurs subalternes, les curés, se montrent parfois plus expansifs: c’est qu’ils proviennent de régions encore mal éclairéescomme l’Afrique ou la Pologne (la disparition des curés de l’espèce vernaculaire ayant donné lieu à un mouvement migratoire encore mal étudié).

Coup de pub

C’est donc avec les plus pressantes raisons du monde que l’État français a ordonné à la ville de Béziers de démonter son dispositif terroriste. Mais Ménard est un renard! A pinailleur, pinailleur et demi. La décision du juge stipulait que la crèche devait être retirée du «hall de l’Hôtel de ville»: on s’est donc contenté de déplacer la crèche de trente mètres, vers un bâtiment annexe. La simple visite des curieux s’est du coup transformée en procession balisée.



Le maire manipulateur a eu beau jeu, dès lors, de se réclamer de l’appui populaire. Encore un peu, et il va demander un référendum national sur l’interdiction des crèches… On pourrait parier que les évêques, dans leur machiavélisme, se prononceraient pour. Mais ils risqueraient bien de se retrouver un peu esseulés, en compagnie de quelques francs-maçons à pince-nez et du dernier carré des socialistes français. Le gros de la population se fout du symbole religieux, mais trouve quand même ça joli.
«Il est cocasse», me faisait observer l’autre jour le président Paucard, «de constater que les derniers bruyants défenseurs de la France chrétienne s’appellent Zemmour, Finkielkraut et Lévy». Ce n’est plus tout à fait vrai. Robert Ménard vient de se joindre, peut-être malgré lui, à ce tiercé de bons catholiques.
Or, soit dit entre nous, Ménard n’est sans doute pas plus chrétien que vous et moi. Mais là est justement le problème! A la base, personne n’est chrétien. Les meilleurs chrétiens, au cours de l’histoire, étaient justement ceux, bien souvent, qui n’en étaient pas. Ou pas des croyants très spectaculaires. Un moine russe a publié un best-seller traitant de ces cas-là, qu’il appelle les «saints non saints».
Le milieu chrétien est un monde louche. Il suffit d’ouvrir l’Évangile: ce ne sont que centurions, percepteurs et putains. Comme si, de nos jours, on créait une religion avec des mercenaires de Blackwater, des banquiers de l’UBS et des journalistes du Monde. En plus, ils ne se disaient même pas chrétiens, au début, mais se prétendaient plus juifs que juifs.
Le grand drame du christianisme, ce fut son association avec l’Empire. Il n’est même pas entièrement responsable. Est-ce la faute des chrétiens si Constantin a trouvé leurs idées à son goût? Son successeur Julien, dit l’Apostat, a pourtant bien essayé de les sauver de la compromission en restaurant les anciennes divinités. Mais ce fut une aventure sans lendemain. Comme si un rouquin, en 2017, avait essayé de rendre sa grandeur à l’Amérique. L’histoire ne repasse pas les plats, disait Céline.

Le mobile des martyrs

A la réflexion, l’État aurait peut-être dû montrer plus de doigté avec les santons à Ménard. Un petit détour par la psychologie du croyant n’eût pas été inutile. La lecture du Vrai croyant (The True Believer) d’Eric Hoffer en donne un aperçu assez édifiant. Mais zut: Hoffer n’est toujours pas traduit en français!
Le croyant, l’adhérent, le disciple, ne se définit pas toujours par l’adhésion aux thèses de son gourou. Dans le cas des suppôts de Jésus, c’est même tout le contraire, bien souvent. L’adhésion est négative. On n’est pas pour le Messie, on est contre ceux qui le pourchassent, à cause de leur brutalité ou de leur bêtise.
Personne n’y a pensé, mais le paranoïaque Hérode, lorsqu’il fit massacrer tous les bébés de Judée pour éliminer justement celui qui lui a échappé en s’exfiltrant vers l’Égypte, lui a fait une pub du tonnerre. Son travail préparatoire vaut bien, à sa manière, celui de Jean Baptiste. Trente ans plus tard, combien de simples hères se rallieront au va-nu-pieds de Nazareth à cause de cette épuration qui était certainement restée dans toutes les mémoires? Dommage que les enquêtes d’opinion n’existaient pas encore…
Il faut lire, même si cela paraît ringard, les vies de saints [1]. Les piquer au hasard. Non par piété, mais par curiosité littéraire et psychologique. Combien, parmi ces champions de la foi, de martyrs par bravade, par ronchonnage ou par dégoût? Combien qui ne connaissaient même pas les premiers mots du Notre Père? Prenons, tout près de nous, l’histoire peut-être mythique de Saint Maurice (un migrant africain) et de ses compagnons, soldats de la légion thébaine suppliciés au champ d’Agaune pour avoir, au nom de Dieu, refusé d’honorer les dieux. Combien de «vrais chrétiens» parmi eux, et combien de simples bons camarades?
«Non? Vous allez tout de même pas leur faire ça pour si peu? Sans blague, les gars? Non mais sans blaaague!… Si? Alors vous pouvez me raccourcir aussi. Je tire l’échelle. Un monde peuplé de mufles comme vous ne mérite pas ma présence.»
Ou prenons Sophie Scholl et ses compagnons de la «Rose Blanche» face aux nazis: qu’y a-t-il de doctrinaire chez eux, quoi de plus flamboyant, de plus fanatique, que le bon goût et la simple civilité? Et quoi de plus «monstrueux» chez leurs juges et bourreaux que le réflexe pète-sec du respect aveugle des lois de l’État? Quoi que disent les lois et quel que soit l’État.
Combien de mécréants, d’incroyants, de viveurs qui se sont associés, voire substitués aux martyrs de la foi? Comme ces moines paillards, dans le monastère le plus dépravé de Russie, qui rataient la messe plus souvent que l’apéro mais se firent fusiller jusqu’au dernier plutôt que de plier face aux bolcheviks? Ces brigands-là aussi sont entrés dans la légion des «saints de tous les jours» du père Tikhon.
Où l’on voit que c’est un club assez différent des martyrs d’Allah. Ces derniers, on a dû leur promettre un jardin de délices que leur envieraient même les barons de la drogue: pas moins de 72 vierges, bien entendu adultes et consentantes. Les chrétiens sont plus modestes. Ils ne demandent qu’à être assis au pied du Christ. Ou plus simplement encore: à ne plus voir les gueules de maroufles d’ici bas.

Epilogue

Le réflexe chrétien est une mauvaise herbe. Plus on l’arrache, et plus il repousse. Le mieux, disent les botanistes experts, est de le laisser s’étouffer par lui-même. Mais l’État français n’a pas cette patience. N’est-il pas l’héritier fébrile et irrepenti des massacreurs de la Vendée, auteurs du premier autogénocidede l’histoire? N’est-il pas l’inspirateur de tous les bolcheviks et khmers rouges de la planète? Noblesse oblige! Il n’est pas question de fléchir devant quelques santons.
Il est d’autant plus urgent d’agir que le réflexe honni se réveille partout. Le chef de l’État lui-même se serait retenu au dernier moment de faire un signe de croix (hhissssss!) devant le cercueil de Johnny. L’État français ira donc au bout de la logique qui le fait exister depuis 1789. Il accélère le mouvement d’effacement-reformatage des disques durs mentaux. Le voici maintenant qui retire de l’enseignement le passé simple, temps de l’action témoignée, la forme sur laquelle tout l’Évangile est construit. On n’y verra aucune causalité, mais il est clair que le texte biblique deviendra peu accessible pour nos petits-enfants. Bon, tous les autres textes aussi...
Le problème, c’est que l’autre camp ne dormira pas lui non plus. A en juger par l’expérience du XXe siècle, les faucheurs se fatiguent plus vite que la mauvaise herbe. Et l’on verra sans doute un jour la France sortir du cauchemar totalitaire en se frottant les yeux comme après une énorme cuite. Comme le fait la Russie depuis une vingtaine d’années…
PS — Le christianisme exigerait une bonne séance de rebranding. L’appellation limite et rebute, comme tous les «ismes». C. S. Lewis déjà, dans son Abolition de l’Homme, avait contourné le problème en le rebaptisant Tao sans aucune perte de sens. On pourrait l’appeler tout bêtement l’assemblée (ecclesia) des gens normaux. C’est accueillant et détendu. L’opposé exact des cellules de solitude, de voyeurisme et de masturbation où la modernité enferme les individus.
NOTES
  1. Par exemple Tous les saints de l’Orthodoxie, de Claude Laporte, aux éditions Xenia (devenu presqu’introuvable): C’est le plus exhaustif calendrier de saints jamais compilé, avec quelque 12’000 canonisés aux vies parfois encore plus étranges que leurs noms.

jeudi 15 décembre 2016

LE VRAI RÔLE DES MÉDIAS DE MASSE

sur

http://antipresse.tumblr.com/manifeste

par Slobodan Despot
LE VRAI RÔLE DES MÉDIAS DE MASSE

«Dans l’Occident moderne, l’altruisme émotif n’est pas une vertu, ni même une option: c’est un devoir. C’est un camouflage obligé pour sortir de chez soi, tout comme l’est la burqa pour les femmes en Arabie Saoudite.»

La rumeur parcourt l’«antisphère» depuis l’élection de Trump: les médias officiels sont morts! Ils ont tout misé sur Hillary ils ont donc tous perdu et plus personne le leur accorde le moindre crédit. Circulez, y a plus rien à en tirer!

C’est évidemment une vue de l’esprit. Les médias ne sont pas là pour dire le vrai, ils sont là pour organiser notre vie. Ils sont, dans un sens général (englobant donc aussi les «antimédias»), le filtre par où nous recevons les 95% de notre connaissance du monde qui nous entoure. Le paysan du XIXe siècle pouvait encore se prévaloir d’un rapport presque direct à la réalité, construit par une expérience immédiate patiemment accumulée tout au long de sa vie et validé par une tradition immémoriale. Le paysan d’aujourd’hui n’a, de ce lointain ancêtre, que le nom. Pour acquérir un bien agricole en UE, il doit franchir une vingtaine d’étapes administratives qui supposent davantage de familiarité avec la bureaucratie qu’avec les bêtes. Son contact avec la terre est lui-même médiatisé par les roues de son tracteur. De l’observation du ciel et des vents, il ne tire plus rien, ayant des applications météo gratuites dans son smartphone. Un smartphone sur lequel il tue le temps comme n’importe qui en labourant à la vitesse du pas les sillons interminables de ses champs de taille démesurée qu’impose l’agriculture industrielle.

Supposez que les services de météorologie lui donnent de fausses informations, que la bureaucratie change soudain ses critères en fonction de la théorie du réchauffement climatique, qu’une vague de suspicion frappe la céréale qu’il produit en monoculture ou que son fournisseur lui vende des semences stériles qu’il devra racheter contre bon argent l’année suivante s’il veut semer à nouveau. Il est mort! Il est totalement dépendant, totalement démuni, lui dont l’aïeul, tout en n’ayant pas le sou, était seul maître dans son enclos après Dieu. Une inflexion du cours des denrées, une entourloupe de Monsanto peuvent entraîner des vagues de suicides parmi les paysans désespérés, comme cela se voit aujourd’hui en Inde et ailleurs.

J’ai pris l’exemple du paysan comme un archétype de l’humain «archaïque» et antimédiatique — tout en sachant que c’était un faux exemple. Le paysan moderne est un technicien connecté, comme tout le monde dans notre société. Même des monastères régis par des règles de silence et d’isolation sévères dépendent la vente de leurs produits sur l’internet. Ils dépendent de leur médiatisation! Et il n’est pas un secteur d’activité dont la prospérité, et la survie même, ne dépendent de la pensée industrielle: de sa capacité de rationalisation, d’optimisation, de simplification. De la loi aveugle du nombre!
L’altruisme obligé, ou la burqa de l’homme blanc

C’est dans ce contexte de mécanisation et de déshumanisation systémiques qu’est née la civilisation la plus sentimentale de tous les temps. L’humain de l’ère industrielle — cœur dur et tripe molle selon Bernanos — vit avec une larme perpétuelle au coin de l’œil. Mais c’est le contexte médiatique qui va décider à quel moment, et à quel propos, sa larme va grossir en goutte et rouler sur sa joue. Téléthon: on récolte des millions pour le malheur médiatisé, mais on n’aura pas la moindre mansuétude pour le nécessiteux qu’on croise sur son palier. Migration: on met en scène la générosité de l’accueil, mais on n’a aucune pitié pour les parias qui se retrouvent à la rue pour n’avoir plus pu assumer les charges d’une société où une part croissante des taxes part justement… dans la générosité obligatoire!

La critique est facile, sur un plan général. On peut aisément en faire un système de pensée. C’est le système de pensée qui fonde le discours de ces mouvements dits «populistes» voire d’«extrême droite» qui constituent essentiellement le lobby des gens sans lobbies. Lesquels mouvements risquent bien, une fois arrivés, de remplacer une inhumanité par une autre. Entretemps, comme les révolutionnaires de jadis dans la civilisation bourgeoise, ils renvoient à cette société l’image la plus cruelle et la plus juste. Et, tout au fond de cette critique, se niche le plus petit dénominateur commun qui, par-delà les intérêts politiques et économiques, rassemble prolos et bourgeois, fils d’immigrés et vieux aristos sous les mêmes bannières: la volonté d’être non pas fascistes ni blancs ni Français ni Allemands; la volonté de rester ce qu’ils sont. De rejeter le camouflage imposé. Autrement dit, de rejeter la médiatisation qui les force dans un moule d’idées et de comportements qui les dénature.

Dans l’Occident moderne, en effet, l’altruisme émotif n’est pas une vertu, ni même une option: c’est une obligation. C’est un camouflage imposé pour sortir de chez soi, tout comme la burqa pour les femmes en Arabie Saoudite ou dans les quartiers sous charia d’Angleterre. Et, de même que leur voile intégral recouvre parfois des jeans serrés, voire des dessous de dentelle provocants, de même notre altruisme de façade recouvre une sécheresse de cœur encore jamais vue dans cette espèce dont nous sommes issus et qui s’appelait l’humanité.
A l’abri du sens

En un mot, nous nous sommes accommodés à vivre dans une hypocrisie permanente et absolue du fond de laquelle nous dénonçons l’hypocrisie des autres milieux ou des autres époques. Le «fond» de notre pensée, nous l’exprimons à mi-voix et uniquement à des proches et plus personne n’est assez fou pour clamer tout haut les évidences les plus cuisantes. De temps à autre, des «fuites» impliquant des ministres bien-pensants ou des vedettes de show-biz (se souvient-on de John Galliano?) nous rappellent à quel point le langage public de leur caste doit être corseté pour qu’ils finissent, quand ils se croient «en cercle privé», par s’épancher en des grossièretés explosives. Un seul mot malheureux peut mettre fin à une carrière par ailleurs exemplaire. Le discours des responsables politiques ou économiques est soigneusement lissé par les spin doctors afin de ne jamais laisser dépasser le moindre coin de bois rugueux sous la nappe satinée des euphémismes et des platitudes. Il importe de ne rien dire qui fasse sens! Lorsque vous franchissez cette limite, lorsque vous exprimez du sens, vous tombez dans la marmite du «populisme», d’où que vous soyez parti (voir à ce sujet le scandale soulevé par le banquier socialiste Thilo Sarrazin, en Allemagne).

Il importe de bien comprendre que cette terreur du «politiquement correct» n’est pas spécifiquement… politique. Comme le rappelle Angelo Codevilla), la correction politique passe avant l’exactitude factuelle parce que le Parti ou l’avant-garde éclairée (autrement dit le détenteur du monopole du langage public) incarne une réalité supérieure à la réalité elle-même. Une réalité «2.0», dirait-on aujourd’hui. Or depuis que nous sommes sortis du millénarisme marxiste et de ses illusions, plus aucun parti politique ne peut prétendre à une telle ambition: réécrire la réalité elle-même. La seule instance dotée des pouvoirs et des instruments d’un tel projet est le complexe académico-médiatique que les autorités publiques et l’économie entretiennent, mais qu’elles craignent plus que tout. L’université demeure aujourd’hui le dernier bastion des utopies collectivistes du XIXe siècle et en même temps le creuset des recherches de pointe en biotechnologie, cybernétique ou intelligence artificielle qui prétendent redéfinir concrètement l’être humain et son environnement. Sans l’assistance des médias (dont elle forme l’ensemble des cadres), l’université ne pourrait jamais justifier les crédits colossaux alloués à des recherches sans aucun intérêt ni écho pour les populations qui les financent, et encore moins s’assurer couverture et soutien pour des projets d’ingénierie humaine susceptibles d’accorder un droit de vie et de mort sur le «matériau humain» à une étroite et obscure avant-garde de technocrates. Il est aisé de voir que la théorie du genre elle-même ainsi que ses ramifications constitue une stratégie d’intimidation et de prise de pouvoir sociétale des milieux académiques, doublée d’un formidable désinhibiteur pour l’expérimentation la plus sacrilège: celle portant sur le sexe et la reproduction de notre espèce.
L’altruisme des sangsues

Au refaçonnage en laboratoire de la réalité biophysique correspond le remplacement de la réalité éprouvée par une réalité de synthèse au travers des médias. En ce sens, le processus est agnostiqueet apolitique. N’importe ce que vous pensez, pourvu que vous pensiez artificiel: c’est pourquoi, par exemple, le grotesque nazisme ukrainien ne dérange absolument pas les médias de grand chemin! N’importe ce que vous croyez voir, pourvu que vous le voyiez à travers nos lucarnes. Tout ce que nous sentons, tout ce que nous pensons est passé au crible des médias et des valeurs qu’ils colportent. Les contradictions ne leur font pas peur, au contraire. Elles contribuent à désorienter le cobaye — et donc à le rendre encore plus dépendant. Les médias ne servent pas à informer la meute, ils servent à la dresser.

D’où cette insistance sur le culte de l’Autre en tant que négation du Même (de soi), couplée à la dérive émotionnelle qui court-circuite les garde-fous rationnels. Tandis qu’on nous intime d’être altruistes dans le contexte général, il nous est permis et recommandé d’être cupides comme des sangsues dans notre vie privée («Vos intérêts», «Faire fructifier votre argent», «profiter de vos avantages», etc.). En couplant la générosité abstraite à la mesquinerie concrète, on façonne des masses d’humains écervelés, abreuvés de slogans de fraternité et de partage, mais mus par un égocentrisme strict excluant tout esprit de sacrifice et toute confiance en l’autre, conditions premières d’une identité collective.

C’est pourquoi les mouvements identitaires (= défense du Même) sont proscrits, c’est pourquoi le réalisme politique, social ou éducatif est a priori décrié, c’est pourquoi les individus au langage franc et à l’engagement sacrificiel sont inévitablement poussés vers l’«extrême droite». N’échappent à la mise au ban que les grégaires et les veules qui acceptent de brouter l’herbe entre leurs quatre pattes sans s’intéresser au destin du troupeau.

Et c’est aussi pourquoi la faillite totale du système médiatique sur la victoire de Trump n’était pas une simple erreur d’appréciation. C’était littéralement une «erreur système»: la faillite momentanée d’une matrice informatique mise en place non pour rendre compte de la réalité, mais pour la remplacer.


Slobodan Despot (Antipresse n° 54)


Illustration vidéo de l'article de S. Despot 



Les médias occidentaux se basent-ils toujours sur des sources crédibles dans leur reportages sur la Syrie ? La réponse de cette journaliste canadienne a laissé sans voix son interlocuteur.

mardi 4 août 2015

Croatie: la parade désertée Zagreb célèbre l’éradication de la Krajina serbe

sur le site CAUSEUR

croatie krajina serbie


Ce 4 août, la Croatie fête le vingtième anniversaire de la plus grande victoire militaire de son histoire: l’écrasement de la République de Krajina serbe, cette “sécession dans la sécession” qui avait décidé de rejeter l’indépendance de la Croatie en 1991 et de s’adosser à ce qu’il restait de la fédération yougoslave, c’est-à-dire à la Serbie.

En seulement quatre jours, du 4 au 8 août 1995, pratiquement tout le peuplement de ces vieux confins militaires de l’Empire autrichien, qui avaient héroïquement résisté aux Ottomans pendant des siècles, fut éradiqué. Quelque 250 000 personnes furent expulsées de leurs foyerssous un feu d’artillerie indiscriminé. L’opération fit environ 10 000 morts et disparus. La Serbie de Milošević resta passive. L’armée de Krajina elle-même, qui avait tenu en échec les troupes croates depuis quatre ans, se débanda en quelques heures sans opposer de résistance. La rumeur a couru par la suite que les services spéciaux de Belgrade s’étaient chargés de dissuader les commandants locaux de tout acte de bravoure. La Krajina, trop coûteuse à défendre, avait été sacrifiée et l’amputation devait être nette. La Croatie, de son côté, jouissait du soutien sans failles de ses alliés occidentaux: Allemagne, Etats-Unis et OTAN.

L’ampleur du désastre, toutefois, surprit tout le monde, à commencer par ses commanditaires. Contrairement aux spéculations naïves ou cyniques des Occidentaux, la minorité serbe tout entière suivit ses chefs dans l’exil plutôt que de tendre les bras à la “jeune démocratie” croate. Le 10 août, alors que toutes les routes entre Croatie et Serbie étaient engorgées de réfugiés à bout de forces, la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright convoquait la presse pour dénoncer un crime de guerre… ailleurs! La prise de l’enclave musulmane de Srebrenica en Bosnie orientale par l’armée serbe de Bosnie était alors déjà vieille d’un mois et n’avait pas encore suscité de réactions notables. Mais les disparus musulmans de Srebrenica tombaient à pic pour occulter les disparus serbes de Krajina. Parmi les raisons de la focalisation stricte des Occidentaux sur le massacre de Srebrenica, la nécessité de détourner l’attention de leur propre crime en Krajina n’est pas la plus anodine.

L’éradication de la Krajina serbe fut objectivement le plus grand drame humain de la guerre civile yougoslave et le plus vaste nettoyage ethnique en Europe depuis 1945. Elle surpasse de trois fois l’ampleur supposée de l’opération “Fer à cheval” des forces serbes au Kosovo, en 1999, dénoncée à grand fracas par les médias occidentaux durant l’agression de l’OTAN — et qui s’avéra être une pure invention des services secrets allemands!

Aussi impressionnant que sa magnitude est l’escamotage dont cet événement majeur a fait l’objet dans les médias et la conscience du monde contemporain. La Serbie elle-même, par la suite, l’a traité sur un mode honteux, n’assurant pratiquement aucune assistance organisée aux malheureux qui s’étaient réfugiés sur son territoire. Ailleurs en Europe, ce crime fut atténué à l’aide de la même casuistique qu’on a déployée pour justifier, depuis l’an dernier, les exactions du régime de Kiev face à sa propre population dans le Donbass. Le gouvernement de Zagreb était notre allié, nous l’avions reconnu (du reste hâtivement) dans ses frontières (du reste arbitraires) de 1991, il avait donc carte blanche pour récupérer par tous les moyens disponibles l’intégralité de son territoire. La souveraineté de l’Etat primait toute considération humanitaire.

Quatre ans plus tard, en 1999, la volonté de la Serbie de rétablir l’ordre dans sa propre province méridionale du Kosovo agitée par le terrorisme de l’UÇK fut contrecarrée par l’argument diamétralement opposé: ici, l’urgence humanitaire (largement manipulée) primait toute souveraineté. La Serbie fut donc bombardée pendant 78 jours pour avoir voulu faire respecter sa loi sur son territoire, puis amputée de sa province.

L’hypocrisie et l’injustice de l’opération “Tempête” en Krajina — terre d’origine de ma famille paternelle — étaient telles que j’en ai été obsédé des années durant. Citoyen et soldat suisse, je ne savais comment réagir, comment exprimer face à un monde indifférent, car désinformé, la révolte que j’éprouvais face à cette perversion qui n’annihilait pas seulement la tribu de mes origines mais l’humanité en général. Quelques années plus tard, j’ai consigné et développé le conte qui allait devenir mon roman Le Miel. L’exode des Krajichniks n’y apparaît qu’à l’arrière-plan: toute évocation descriptive eût été choquante — et même de mauvais goût — pour un public occidental conditionné à n’associer à l’identité “serbe” que la notion de bourreau et jamais celle de victime. Je résumai donc cette véritable extermination par une synecdoque: ce fut “le plus grand embouteillage de tous les temps”, puisque la file des automobiles, des tracteurs et des marcheurs en fuite s’étendait sur des centaines de kilomètres.

Mais voici que, vingt ans plus tard, l’interprétation officielle de ces temps troublés se lézarde et s’effrite comme un pâté de sable. Ironiquement, c’est le gouvernement croate lui-même qui, dans sa suffisance, a suscité le mouvement en organisant une parade commémorative et en y invitant ses voisins et alliés. Il s’attendait à recevoir une caresse sur la tête, le voici évincé comme un chien galeux. Les uns après les autres, les gouvernements se sont débinés, des Etats-Unis et de l’Allemagne jusqu’à la Slovénie voisine. Plutôt que de susciter les congratulations attendues, le jubilé n’aura fait que révéler les cicatrices hideuses de cette agression: une province fantôme au cœur de l’Europe, dont les habitants, d’abord expulsés puis dépossédés de leurs biens, n’ont ni la possibilité ni l’intention de revenir. Quand aux colons croates que le gouvernement Tudjman appelait à venir repeupler le désert, ils demeurent un vœu pieux.

On peut expliquer la réserve des Occidentaux par des raisons diplomatiques. C’est l’argument diplomatique qui ne mange pas de pain: il s’agirait, écrivent les médias, de ne pas “froisser” la Serbie qui oscille entre l’UE et l’alliance russe. Voyons! Qui s’est soucié, ce dernier quart de siècle, de ne pas froisser la Serbie?

Cet alibi dissimule une gêne et une contradiction abyssales. Pourquoi les chancelleries n’iraient-elles pas célébrer le vingtième anniversaire d’un événement qu’elles ont unanimement approuvé? En fin de compte, personne n’a été formellement condamné pour la conduite de l’opération Tempête en 1995. Ni son initiateur, feu le président Tudjman. Ni les responsables exécutifs, les généraux Gotovina et Markač, acquittés par le TPI en 2012. Si l’opération Tempête est manifestement un crime de guerre, aucun de ses participants n’a été jugé criminel. Miracles de la casuistique!

Dans la Croatie moderne, jeune membre de l’Union Européenne, les protagonistes de cet événement sont considérés comme des héros. Le premier d’entre eux, Franjo Tudjman, par ailleurs ancien général communiste et historien révisionniste, chef du parti ultranationaliste HDZ, a son monument dans des dizaines de villes et localités. Son mérite est indéniable dans la création d’une Croatie partiellement souveraine et (presque) ethniquement pure. Lors de la réunion préparatoire à l’opération “Tempête”, le 31 juillet 1995 à Brioni, en présence de son état-major au complet, il avait clairement défini le but de l’attaque, qui était le nettoyage ethnique : “Nous devons frapper si fort que les Serbes vont pratiquement disparaître”. Intentions cachées? Nullement. On a appris depuis, mais l’on savait même alors, que la reconquête croate était étroitement encadrée par les services américains. “Le réarmement et l’entraînement des forces croates en vue de la présente offensive font partie d’une opération classique de la CIA: probablement l’opération la plus ambitieuse en son genre depuis la fin de la guerre du Vietnam”, écrivait The Independent de Londres le 6 août 1995 sans indignation excessive. Un peu plus tard, leWashington Times dévoilait l’implication directe du Pentagone au travers, notamment, d’une armée privée1

Il est évident que l’opération Tempête n’aurait jamais été déclenchée sans ces appuis diplomatiques et militaires. Cette désaffection a suscité un profond désarroi en Croatie, où certains ont fini par se demander s’il était bien opportun de parader. On entendait ces derniers jours à la radio nationale des vétérans de 1995 dénoncer pathétiquement ce qu’ils perçoivent comme une trahison.

Pourquoi donc les Occidentaux se détournent-ils aujourd’hui de ce qui est en grande partie leur oeuvre?

L’alliance américaine n’a rien d’une assurance vie. Au contraire. Nombre de régimes douteux de par le monde l’ont appris à leurs dépens, mais le malheur des autres nous sert rarement de leçon. Au cours de l’après-guerre froide, les Etats-Unis ont mis en place une stratégie de déstabilisation et de recolonisation globale dont les extrémistes jetables et les nazis de circonstance sont des pièces centrales. La guerre civile yougoslave aura été le laboratoire et le modèle des interventions ultérieures.

En Yougoslavie, comme plus tard en Ukraine, les Etats-Unis et l’Allemagne ont sciemment appuyé les mouvements les plus aptes à instaurer une haine durable entre des peuples vivant jusqu’alors dans une paix relative2 La réhabilitation ouverte de la Croatie nazie de 1941, à laquelle on a assisté depuis la fin des années 1980, n’a inquiété personne, sinon les populations qui, un demi-siècle plutôt, avaient subi un génocide sous le même drapeau. Sur le moment, ces énergies ténébreuses étaient utiles pour repousser et disloquer le “serbocommunisme” et, avec lui, toute tentative de maintien de l’unité yougoslave. Elles en étaient même les seules capables, puisqu’en plus de combattre l’ennemi, elles imposaient la terreur sur le plan interne et évitaient ainsi toute contestation. Pour que la story servie aux opinions soit simple, les protagonistes doivent parler d’une seule voix.

Scénario identique en Ukraine : sitôt que le président élu s’est détourné de l’UE (en novembre 2013), on a vu se déchaîner contre lui des forces qu’on croyait exorcisées depuis Nuremberg et qui, à la faveur de l’Euromaïdan, ont repris pignon sur rue. Secteur droit aura été le fer de lance décisif dans le renversement violent de Ianoukovitch: tant qu’il servait, on s’est abstenu de trop décortiquer ses racines idéologiques. Le fait que l’unité de choc de l’Ukraine “européenne” arbore les insignes et l’idéologie d’une division SS ne suscite aucune réaction concrète en Occident, où les sympathisants de la même idéologie sont, pourtant,réprimés et surveillés. En déclarant qu’il n’avait rien vu de tel à Maïdan, malgré les preuves photographiques, Bernard-Henri Lévy a parfaitement résumé la stratégie de l’aveuglement ciblé du bloc occidental.

On ne le remarque guère, mais Ukraine et Krajina sont deux variantes d’un même nom, signifiant “les confins”. Les parallèles entre le cas ukrainien et le précédent croate sont saisissants et trop nombreux pour être détaillés ici3. Des parallèles tout aussi éclairants sont à établir entre la stratégie islamique des Etats-Unis en Bosnie et leurs louvoiements ultérieurs au Moyen-Orient. On se souvient (ou non) que l’Occident a soutenu en Bosnie musulmane le courant le plus fondamentaliste, emmené par l’auteur de la Déclaration islamique, Alija Izetbegović, tout en ignorant les forces concurrentes au sein même de la société musulmane bosniaque. Jürgen Elsässer, dans son enquête Comment le Djihad est arrivé en Europe, démontre que le terrorisme islamique n’aurait pu prendre pied sur notre continent si les services ne l’y avaient pas aidé. Par la suite, l’élimination officielle de Ben Laden en 2011 a ouvert la porte à une alliance ambiguë, mais effective, des Américains avec les courants les plus fanatiques de l’islam sunnite.

En contemplant, tout seuls, leur encombrant défilé militaire, les dirigeants de Zagreb auront peut-être l’occasion de méditer sur la signification réelle de l’événement qu’ils glorifient tant. Ils comprendront peut-être que, comme Noriega, comme Ben Laden en Afghanistan, comme Izetbegović et Thaçi, comme Porochenko, Iatseniouk et leurs cyborgs primaires, la Croatie dont ils héritent, celle de Tudjman et Gotovina ornée de chemises noires et de croix gammées, aura servi d’extrémiste jetable et de nazi de circonstance. Même si, aujourd’hui encore, on y voit des svastikas sur les pelouses des stades, ceux qui ont tisonné cet extrémisme voici un quart de siècle savaient parfaitement jusqu’où il pouvait s’étendre et qui il pouvait menacer. Comme l’avait répondu Churchill aux objections de MacLean lorsqu’il avait décidé de livrer la Yougoslavie aux communistes de Tito: “Allez-vous vivre là-bas? — Non. — Moi non plus.” Depuis quand les maîtres partagent-ils la gamelle de leurs chiens?

Le 4 août 1995, je me suis senti anéanti dans ma part d’âme et de sang serbe. Ce 4 août 2015, je me sens humilié dans l’autre moitié de mon origine, ma part d’âme et de sang croate.
*Photo: SIPA. Reportage n°AP20332520_000005. 
  1. “Pentagon played role in U.S. help for Croatia”, The Washington Times, 30.10.1995 
  2. Sur le modus operandi allemand, le livre d’Erich Schmidt-Eenboom est fondamental — mais n’existe hélas qu’en allemand. Der Schattenkrieger, Klaus Kinkel und der BND, ECON Verlag, Berlin 1995. 
  3. Voir Diana Johnstone, “Ukraine and Yugoslavia”, Counterpunch.org 
Slobodan Despot

Slobodan Despot


directeur des éditions Xenia et écrivain