Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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lundi 30 mars 2020

Non, la France n’est pas en guerre !


Par Slobodan Despot − Le 22 mars 2020 − Source antipresse.net



…Enfin, pas celle qu’on lui promet. La France risque de se réveiller demain en comprenant qu’elle était elle-même la cible de la guerre proclamée par M. Macron. Mais il sera trop tard. Avec ou sans virus, elle devra vivre pieds et poings liés.


Le monde qui est entré dans le Coronavirus n’en sortira plus. Ce qui en sortira sera quelque chose de radicalement différent. Nous ne savons pas quelle sera la portée de ce virus sur le corps physique de l’humanité, mais nous voyons déjà son action sur son corps social. L’exemple français est très parlant.
La guerre… contre qui ?

Le 16 mars dernier, M. Macron a solennellement proclamé: «Nous sommes en guerre» et la nation entière lui a emboîté le pas, lui qu’elle détestait hier encore. Depuis les balcons où ils sont confinés, les Français comptent les entorses à la loi martiale et s’empressent de les dénoncer sur les réseaux sociaux voire plus haut. Ils sont si émoustillés par les harangues dont on les bombarde à longueur de journée qu’ils ne remarquent même pas le danger de cet entraînement.
Non, la France n’est pas en guerre. Pour sa sauvegarde en tant que peuple et en tant que démocratie, elle doit s’ôter cette idée de la tête. Elle est en situation de pandémie, une situation que les structures compétentes de l’Etat sont censées savoir affronter. Ce qui l’attaque n’est pas un adversaire humain, c’est une maladie. Lorsque la France était ravagée par la peste, on ne parlait pas de guerre, mais de fléau de Dieu. Lorsque la France entre concrètement en guerre contre quelqu’un, comme lorsqu’elle participa au bombardement de la Serbie ou de la Libye, le président ne va surtout pas dire au peuple qu’il est en guerre.

La guerre dont on parle aujourd’hui n’en est pas une… à moins qu’on ait oublié d’ajouter l’adjectif: guerre civile.

La transmissibilité de cette maladie est un levier de contrôle absolu de la population. S’il ne s’agissait que de notre vie, personne ne pourrait rien nous imposer. Mais par la contagion nous sommes liés par un réseau de responsabilités — et donc de culpabilités — enchaînées. En proclamant que le virus est l’ennemi, les citoyens sont tous des vecteurs potentiels de l’ennemi. Autrement dit, des collabos, et à ce titre potentiellement justiciables comme tels: avec rigueur et de manière expéditive. Par extension de la métaphore, la régulation de leurs conditions de vie et de travail peut dorénavant elle aussi être «militarisée». 1

C’est ainsi qu’avec la «déclaration de guerre» de M. Macron, le collimateur s’est subrepticement déplacé de la maladie vers ses vecteurs potentiels sans même qu’ils aient senti la pastille rouge du pointeur laser se poser sur leur front.
Pour en arriver là, il aura fallu les nouvelles dantesques de Chine, puis ce brusque saut de cavalier vers l’Iran et l’Italie à nos portes. L’Italie où la maladie se déchaîne… avant tout sur ceux qui, hélas, étaient d’emblée les plus exposés 2. Il aura fallu, dès le départ, une surenchère de dramatisation médiatique, souvent inconsciente. Par exemple, le simple fait de parler initialement du Coronavirus au lieu d’un coronavirus, membre d’une famille étudiée depuis les années 1960 et comprenant aussi bien le SARS de 2003 que des «types de coronavirus bénins», naturellement hébergés par l’homme.

En France, le jour où la guerre est officiellement déclarée (16 mars), le COVID_19 a officiellement fait 148 morts sur 6645 cas confirmés. C’est grave et préoccupant, mais on est loin, comme l’explique le Pr Didier Raoult, du pic de mortalité saisonnière associée aux infections virales de 2017 qui avait fait plus de 10 000 morts (et qui correspondrait, pour un même taux de mortalité déclaré de 2,2%, à quelque 500 000 contaminés).
Devoir de pessimisme, congé de la raison

«Certes», nous dit-on, «mais attendez de voir!» En effet, nous ne savons rien de ce qu’il arrivera demain. Les courbes de progression du virus peuvent frôler la verticale, il peut soudain muter et tuer 60% des contaminés comme le H5N1. Tout peut arriver — y compris un dégonflement de la menace comme ce fut le cas avec H1N1. Mais on a comme l’impression que personne n’a envie d’entendre les hypothèses intermédiaires. Seule l’option du pire a pignon sur rue, car l’incertitude en matière de santé publique ne profite qu’aux pessimistes. Ce devoir de pessimisme, c’est l’avantage stratégique d’une épidémie en termes de contrôle des masses. On n’en voudra à personne d’en avoir fait trop; on lynchera celui qui sera suspecté de n’en avoir pas fait assez.3

C’est une véritable crémaillère vers la dictature, un mur de confinement auquel chacun, depuis le simple pékin psychosé jusqu’au ministre qui ne peut «faire moins» que ne lui enjoignent les médias, ajoute de bon cœur sa petite brique — tout en se privant d’une part de raison et de libre arbitre.

Si l’État français se considérait réellement en guerre avec le virus, il réquisitionnerait des usines pour fabriquer des masques au lieu de bloquer celles qui peuvent en procurer rapidement 4. Il mettrait immédiatement à profit les résultats encourageants de la chloroquine 5 plutôt que de les noyer dans des débats cauteleux. Il desserrerait l’étau psychologique dévastateur que représente le confinement à domicile, mesure carcérale qui génère déjà des conflits graves et des effondrements psychologiques. La résistance morale de la population est un facteur clef de toutes les guerres, autant que les forces armées, et c’est ce facteur dont les mesures extrêmes sont en train de priver le pays.

L’état de guerre, c’est l’abolition de la vie parlementaire et des libertés, le gouvernement par décret-loi, le droit d’ingérence du pouvoir dans toutes les sphères de la vie privée et le monopole de l’État et de ses relais sur les fake news. C’est sans doute à quoi M. Macron rêvait de parvenir — et que le virus lui a offert sur un plateau. Reste à savoir combien de temps la peur, chez les Français, fera passer la pilule de l’oppression.

  1. Ainsi, la nuit du 20 au 21 mars, le Sénat a pris des mesures d’exception à vocation sanitaire impliquant des modifications du droit du travail qui seront non temporaires. En outre ces mesures permettront au parlement de légiférer sans contrôle pour sauver l’économie. 
  2. Voir les statistiques de l’Institut de santé publique italien du 17 mars. 
  3. On a beaucoup reproché à Roselyne Bachelot d’avoir accepté un très important stock de vaccins et de masques. Aujourd’hui les journalistes la réhabilitent en disant qu’on ne peut jamais en faire trop, justifiant ainsi les mesures les plus draconiennes! Forts de l’idée que l’épidémie progresse en France parce que M. Macron n’en n’aurait pas assez fait au début, les médias nous martèlent qu’il faut désormais accepter les mesures les plus contraignantes, même pour longtemps. 
  4. On apprend en dernière minute que LVMH va «se mobiliser» pour produire les masques dont la France a besoin. Quel Etat attend le geste de bonne volonté d’une multinationale pour se procurer un article d’importance vitale? 
  5. Essai clinique mené par le Pr Raoult sur 24 patients. «Au bout de six jours de traitement au Plaquénil (le nom commercial de la molécule, ndlr), 75% des porteurs ont une charge virale négative.» Les États-Unis et la Chine ont immédiatement compris l’intérêt de cette molécule. 

mardi 1 octobre 2019

RETROUVER LE TROUSSEAU DE CLÉS QUI OUVRENT LES PORTES DES IDÉES

Je ne lis plus les médias de masse depuis presque une décennie. Mon temps de cerveau disponible est trop précieux. J’étais pourtant avide de propagande atlantiste pendant des années: Financial Times, The Economist, Le Monde, Les Échos. Dès l’université, on m’avait dit que c’est ce que les puissants et les «gars dans le coup» lisaient. Je me disais qu’en lisant comme eux, je finirais logiquement par trouver mon prochain boulot dans les petites annonces de The Economist, le nec plus ultra pour le corporate slave occidental.

Puis mes activités m’ont amené à fréquenter les lecteurs assidus de ces publications. Une chose m’a immédiatement frappé: l’incapacité de mes interlocuteurs, des gens pourtant grassement rémunérés (i.e. considérés intelligents par le Système) et capables d’appréhender la complexité dans leur domaine de compétence, de regarder au-delà de l’analyse simpliste que servent les médias de masse sur des questions de géopolitique ou d’économie. J’étais en présence de banquiers incapables d’expliquer la crise financière de 2008 au-delà de la version officielle, tétanisés à l’idée de donner leur opinion sur l’affaire Kerviel et les lanceurs d’alerte dans la finance. Des diplomates qui recrachaient la propagande anglo-saxonne sur la dernière invasion démocratique américaine du moment, alors qu’ils avaient accès aux télégrammes diplomatiques de leur pays tous les matins. Des expatriés qui, à la pause de l’happy hour, ânonnent les analyses de leur quotidien favori, mais décrochent dès qu’un point de vue qu’ils n’ont pas déjà lu ou entendu dans un média agréé ou une conversation en ville surgit dans le débat.
Par déduction, j’ai compris que c’étaient ces médias que nous lisions tous, et que j’abandonnais progressivement, qui formataient les drones que je fréquentais. Ces médias n’étaient qu’une propagande premium pour les gagnants de la mondialisation: cette classe moyenne-supérieure mondialisée en costume-cravate-latte venti qui, tels des locustes se déplaçant au gré du vent, se répandent dans toutes les capitales économiques du monde, fats, repus, bronzés, connectés et persuadés d’être du bon côté du manche. Avec raison: il sont la garde prétorienne du 1 %.
Après un détour par la réinformation anglo-saxonne, la presse internationale russe, chinoise, iranienne même, après avoir passé au tamis à maillage étroit la sphère de la réinformation francophone, j’ai croisé la route d’un autre drone, celui de l’Antipresse.
Instinctivement, j’ai senti la gravité, au sens astronomique du terme, du média qui instille chez son lectorat la plus subtile des réinformations, celle qui n’a pas l’air d’en faire. La plume de ses contributeurs, de facture supérieure à ce qu’on trouve dans les médias français, m’a convaincu que c’était la manière de ramener une partie du lectorat francophone au bercail. Des analyses anticonformistes, énoncées de belle manière, qui battent à plates coutures la dépêche de l’AFP, les éditos germanopratins et une grande partie de ce que produit la sphère de réinformation française. C’est ce positionnement hybride qui m’a séduit: redonner aux lecteurs leur sens critique tous azimuts par la redécouverte d’une littérature oubliée, par le maniement expert de la langue française, loin des polémiques et des attaques frontales, le clash, dont raffolent les médias français sans faire avancer le Schmilblick.
Avant d’entrer dans le combat des idées, et la nécessaire redéfinition de la civilisation européenne, il nous faut retrouver le trousseau de clés qui ouvrent les portes des idées et des concepts énoncés il y a des siècles par nos sages. «Les hommes ignorants posent des questions auxquelles des sages ont répondu il y a mille ans», disait Goethe.
Au sujet de l’Asie et particulièrement de la Chine, j’écris dans l’Antipresse parce que la Chine est devenue trop importante au sein de l’économie et la géopolitique mondiales pour qu’on laisse le champ libre aux calomniateurs, élucubrateurs et agents de tous bords pour façonner l’opinion publique sur ce sujet qui lui paraît lointain, mais la concerne chaque jour un peu plus, qu’elle en ait conscience ou pas.
Il suffit de voir ce qu’on nous a dit sur l’Irak, la Libye, l’Ukraine et la Syrie pour qu’on ne se laisse pas berner une nouvelle fois au sujet de la Chine. J’estime essentiel de contribuer à rétablir un début d’équilibre et de neutralité au sujet de ce grand pays, complexe et constamment caricaturé dans les médias. Parce que la Chine se définit elle-même comme communiste, on lui attribue tous les maux du stalinisme et du bolchevisme, pour la critiquer, la sanctionner et tenter de la faire rentrer dans le rang de la démocratie libérale occidentale.
Je remercie l’Antipresse de donner à des gens comme moi cette opportunité d’exprimer une voix dissonante.

dimanche 7 octobre 2018

Zat Rana: se reconnecter intérieurement avec Blaise Pascal


Zat Rana est l’un de ces bloggueurs très populaires du domaine anglosaxon qui se tiennent «à l’intersection de la science, de l’art et de la philosophie» et essaient de redéfinir une éthique et un rapport à la réalité pour les générations de l’ère numérique. Dans ce texte que nous avons choisi de traduire, il offre une intéressante adaptation d’une pensée de Pascal aux circonstances concrètes de notre vie «en réseau». On peut suivre le reste de ses écrits sur Medium ou via son site .


Cette faculté essentielle qu’on ne vous a jamais enseignée

Avant de mourir à l’âge de 39 ans, Blaise Pascal avait eu le temps d’apporter des contributions immenses à la science physique et aux mathématiques, notamment dans les domaines de la mécaniques des fluides, de la géométrie et des calculs de probabilités.
L’influence de son travail allait cependant s’étendre bien au-delà du domaine des sciences naturelles. Ce que nous appelons aujourd’hui les sciences humaines ont également profité du socle qu’il a contribué à bâtir.
Ce qui est étonnant, c’est qu’il fit une grande partie de ses découvertes dans l’adolescence, voire dans la vingtaine. A l’âge adulte, inspiré par son expérience religieuse, il s’est davantage consacré à la philosophie et à la théologie.
Juste avant de mourir, il rassemblait des fragments de réflexions qui seraient ultérieurement publiées sous le titre de Pensées.
Bien que ce livre soit essentiellement le plaidoyer d’un esprit scientifique en faveur d’une vie de foi et de religion, il contient des méditations frappantes de netteté et de lucidité sur ce qu’être humain veut dire. C’est une esquisse de psychologie moderne élaborée bien avant que la psychologie soit établie comme branche des sciences.
Il y a énormément d’observations intellectuellement provocantes à citer dans ce livre, qui aborde la nature humaine à partir d’une grande variété d’angles, mais l’un de ses aphorismes les plus célèbres résume assez bien le fond de sa pensée:
«Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.» (Fragment 126, note SD)
D’après Pascal, nous redoutons le silence de l’existence, par peur de l’ennui nous optons pour des distractions sans but, et nous ne pouvons nous empêcher d’esquiver le fardeau de nos émotions en nous réfugiant dans les fausses consolations de l’esprit.
Le fond du problème, en somme, c’est que nous n’avons jamais appris l’art d’être seul.

Les dangers de la connectivité

Aujourd’hui plus que jamais, la mise en garde de Pascal paraît pertinente. S’il fallait décrire notre évolution depuis ces cent dernières années en un seul mot, ce pourrait être: connectivité.
Les technologies de l’information dominent notre développement culturel. Du téléphone à l’internet en passant par la radio et la TV, nous avons trouvé moyen de nous rapprocher constamment les uns des autres, à l’échelle planétaire.
Sans quitter mon bureau au Canada, je peux me transporter pratiquement n’importe où grâce à Skype. Je peux me trouver à l’autre bout du monde et savoir ce qui se passe chez moi en un clic.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de souligner les bénéfices de ces innovations. Mais leurs contrecoups commencent aussi à se manifester. Au-delà des préoccupations générales sur la protection de la sphère privée et la collecte de données, il y a peut-être un effet secondaire bien plus néfaste.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde où nous sommes connectés à tout, sauf à nous-mêmes.
Si l’observation de Pascal sur notre incapacité à demeurer en repos dans une chambre vaut pour la condition humaine en général, alors le problème a certainement été aggravé de manière exponentielle par les facilités modernes.
La logique est évidemment séduisante. Pourquoi rester seul quand vous pouvez constamment avoir de la compagnie?
Eh bien, la réponse, c’est que n’être jamais seul n’est pas la même chose que ne jamais se sentir seul. Pire encore: moins vous vous sentez à l’aise en étant seul, et plus vous risquez de ne jamais vous connaître vous-même. Du coup, vous allez passer encore plus de temps à éviter cette situation et à regarder ailleurs. Au fil du temps, vous devenez accro à ces technologies mêmes qui étaient censées vous libérer.
Le fait que nous puissions utiliser le bruit du monde pour occulter le malaise de notre confrontation avec nous-mêmes ne va pas pour autant éloigner le malaise.
Pratiquement tout le monde s’estime conscient. Les gens croient savoir ce qu’ils ressentent, ce qu’ils veulent et où se trouvent leurs problèmes. En réalité, très peu d’individus le savent vraiment. Et ceux qui y sont parvenus seront les premiers à vous dire combien la conscience est un terrain mouvant et la quantité de solitude qu’il faut pour y parvenir.
Dans le monde actuel, on peut vivre toute une vie sans jamais égratigner le masque qu’on porte; de fait, c’est ainsi que vivent nombre de gens. Nous perdons de plus en plus le contact avec notre être, et là est le vrai problème.

L’ennui comme stimulant

Si nous en revenons aux fondamentaux — et c’est à quoi Pascal s’emploie — notre aversion à la solitude s’avère une aversion à l’ennui.
Au fond, nous ne sommes pas nécessairement accro à notre TV parce qu’elle nous apporte une gratification irremplaçable, de même que nous ne sommes pas accro à la plupart des stimulants parce qu’ils nous profitent plus qu’ils ne nous nuisent. Non, ce à quoi nous sommes accro, c’est l’état de non-ennui.
Pratiquement toutes les influences malsaines qui s’exercent sur nos vies prennent racine dans le fait que nous craignons la néantitude du néant. Nous ne pouvons nous imaginer être, simplement, plutôt que faire. Et du coup nous recherchons le divertissement, la compagnie, voire plus si affinités.
Nous voulons ignorer le fait que ne jamais affronter cette néantitude revient à ne jamais nous affronter nous-mêmes. Or l’évitement de cette confrontation nous rend solitaires et anxieux malgré notre connectivité si intime avec tout ce qui nous entoure.
Par chance, il existe une solution. Le seul moyen de ne pas être détruit par cette peur — comme par n’importe quelle peur — consiste à lui faire face. Cela revient à laisser l’ennui vous conduire où il veut, afin d’éprouver tout ce qui peut arriver à votre perception de vous-mêmes. C’est alors que vous vous entendrez penser, et c’est alors que vous apprendrez à connaître ces régions de vous-mêmes masquées par les divertissements.
Ce qui est formidable, c’est qu’une fois qu’on a franchi cette barrière initiale, on se rend compte que d’être seul, ce n’est pas si grave. Que l’ennui lui-même peut être un stimulant.
Quand vous vous entourez de moments de solitude et de silence, vous vous découvrez une intimité avec votre environnement que les stimuli forcés ne permettent pas. Le monde devient plus riche, les voiles commencent à s’écarter et vous voyez les choses comme elles sont vraiment, dans leur entièreté, dans toutes leurs contradictions et dans toute leur étrangeté.
Vous apprenez qu’il y a d’autres choses auxquelles vous pouvez prêter attention que celles qui emplissent l’espace de leur rumeur. Si une pièce silencieuse ne vous fait pas saliver d’excitation comme l’idée de vous immerger dans un fil ou un programme TV, cela ne signifie pas forcément qu’il n’y a pas là des profondeurs à explorer.
Parfois la direction où cette solitude vous emmène peut être déplaisante, surtout lorsqu’on entre dans l’introspection — vos pensées et vos sentiments, vos doutes et vos espoirs — mais dans le long terme, c’est bien plus agréable que de vivre une vie de fuite sans même comprendre qu’on est un fuyard.
Etreindre la solitude vous permet de découvrir la nouveauté dans des choses que vous croyiez entendues: c’est comme redevenir un enfant vierge de tout conditionnement qui découvre le monde. Cela permet également de résoudre la plupart des conflits intimes.

Pour résumer

Plus ce monde évolue, et plus il va nous inciter à sortir de notre être et à le renier.
Même si la formule de Pascal affirmant que le manque d’aisance dans la solitude est la racine de tous nos problèmes peut être une généralisation sommaire, elle n’est pas entièrement exagérée.
Tout ce qui nous a connectés nous a également isolés. Nous sommes si accaparés par les distractions que nous en oublions de nous occuper de nous-mêmes, ce qui en retour nous fait sentir de plus en plus seuls.
Curieusement, le principal coupable n’est pas notre accaparement par un stimulus externe en particulier. C’est la peur du néant, notre accoutumance à un état de non-ennui. Nous éprouvons une horreur instinctive face au simple état d’être.
Si nous ne comprenons pas la vertu de la solitude, nous ne saurons jamais que l’ennui, une fois qu’on lui a fait face, peut devenir à son tour un stimulant. Et la seule manière de lui faire face consiste à se trouver du temps, chaque jour ou chaque semaine, pour simplement rester là, assis, avec nos pensées, nos sentiments, notre moment de calme.
Le plus ancien des préceptes philosophiques nous apporte un conseil personnel: connais-toi toi-même. Il y a à cela une bonne raison.
Sans nous connaître nous-mêmes, il est presqu’impossible de trouver une bonne manière d’interagir avec le monde qui nous entoure. Sans prendre le temps de comprendre cela, nous n’avons pas de socle sur quoi bâtir le reste de notre existence.
Rester seul et se connecter intérieurement est une faculté que personne ne nous enseigne. C’est un manquement cocasse, parce qu’elle est plus importante que la plupart de celles qui nous sont enseignées.
La solitude n’est peut-être pas un remède à tout, mais c’est un déjà un bon départ.
Traduit de l’anglais par Slobodan Despot
  • Article de Zat Rana paru dans la rubrique «Désinvité» de l’Antipresse n° 149 du 07/10/2018.

lundi 2 juillet 2018

L’actualité brûlante des contes de fées



extrait du dernier Drone de Slobodan Despot

[…] un aspect du Petit Poucet qui m’a toujours inspiré de vastes méditations.Qu’on me permette ici de rappeler cet épisode clef du conte de Perrault. S’étant égarés dans les bois, le petit Poucet et ses frères sont recueillis dans une maison qui se trouve être celle d’un ogre. Lequel ogre s’apprête à faire d’eux son petit-déjeuner le lendemain matin — car sa femme, par pitié, l’a persuadé de décaler son festin d’un jour. Or, juste en face d’eux, dans la même chambre, dorment les sept filles de l’ogre, sept petites princesses couronnées qui sont les prunelles des yeux de leur papa. Pour échapper au human breakfast, le petit Poucet intervertit son bonnet et ceux de ses frères avec les couronnes des fillettes modèles. Et le mangeur d’enfants, aveuglé par son avidité, finit par tuer sa propre progéniture...
Or c’est aux filles de l’ogre que je repense toujours, bien davantage qu’à la fratrie du petit Poucet. A elles, et plus précisément à leur conscience. Car si le jeune Poucet, cadet de ses frères, avait assez d’esprit pour sauver sa bande des griffes de ce monstre, on peut supposer que les têtes féminines du même âge n’étaient pas plus idiotes.
Que savaient-elles donc du monstrueux penchant de leur père, ces enfants gâtées? Pouvaient-elles tout ignorer de sa sanglante besogne? Se voilaient-elles la face? Étaient- elles anthropophages, elles aussi? On les imagine mal, avec leurs jolies couronnes, déchiqueter à pleines dents de la chair crue. Je les vois plutôt déguster une tendre escalope du bout de la fourchette, le dos bien droit, en faisant mine d’ignorer qu’elle provient d’un petit garçon de leur âge.
Quand on vit sous le toit d’un ogre, et qu’on ne s’enfuit pas à toutes jambes, la fausse candeur est de mise.
[…]
Vous l’avez deviné: les filles de l’ogre, c’est nous tous! Européens, Occidentaux, cadres et administrateurs du monde entier, bref toute la «suprasociété» globale. Ce dixième ou ce cinquième d’humanité qui vit avec des exigences de confort et de consommation dépassant tout ce que la Terre peut supporter. Tous, nous vivons sous la protection d’un monstre qui se nourrit de chair humaine et qui régurgite de quoi nous alimenter nous aussi. Notre père nourricier, depuis 1945, est l’oncle Sam, qui a assuré notre prospérité, notre impunité — et notre ductilité — pendant trois générations tout en colonisant la planète entière. A l’heure où j’écris, l’oncle Sam maintient la planète sous sa perfusion de bombes, à raison d’une goutte létale toutes les douze minutes, ou 120 par jour, quelque part, n’importe où, sans même être officiellement en guerre avec qui que ce soit. Il consacre les 53% de son budget à la défense, autrement dit à l’agression. Depuis la chute de son meilleur ennemi, l’URSS, il a mis en selle le terrorisme islamique en tant que faux chien fou qu’il lâche sur les indociles ou qu’il fouette et jugule selon ses besoins. Il délocalise la torture, renverse les gouvernements élus, soutient les pires sous-ogres de la planète, pille toutes les ressources du monde grâce à sa joint ventureunique entre l’État et les corporations (finançant les razzias des oligarques avec l’argent des esclaves contribuables), s’emploie à taxer tout l’argent du monde et vit aux dépens du village global comme les voyous des favelas organisent leur petit ménage: l’œil injecté de cocaïne et le revolver sur la tempe de tous leurs voisins.
Bref, notre père nourricier est, hors toute concurrence, le système criminel le plus avide et le plus tentaculaire depuis la chute du nazisme. La disproportion est si criante qu’il apparaît obscène de poursuivre et condamner qui que ce soit d’autreavant que la Méduse atlantique à la chevelure de serpents ne soit neutra- lisée. Mais justement: nul ne peut regarder la Méduse dans les yeux sous peine de pétrification. […]

lundi 2 avril 2018

"Deux conceptions du sacrifice", une analyse sans faille par S. Despot

LE BRUIT DU TEMPS par Slobodan Despot

Le 23 mars dernier, dans un supermarché des faubourgs de Carcassonne, deux conceptions du sacrifice se sont confrontées. Et l’une a égorgé l’autre. Mais laquelle a vaincu?

Les djihadistes poussent en France comme champignons après la pluie. Certains partent faire leur guerre sainte en Syrie, d’autres accomplissent leur destin là où ils se trouvent. Certains sont lourdement armés et organisés en bandes, d’autres solitaires et seulement équipés de couteaux. Certains sont recrutés par des cadres terroristes, d’autres «autoradicalisés» sur les réseaux sociaux. Tous ont une arme imparable: ils ont renoncé à leur propre vie. Ils ont déposé d’entrée de jeu leur tête sur le billot, pour leur cause, pour leur dieu, par nihilisme ou lavage de cerveau, peu importe. Ce sacrifice est le gage suffisant de leur salut, et ils se réjouissent de «sauver» autant que possible d’infidèles en les entraînant avec eux dans l’au-delà.

L’hybridation du Mal

Radouane Lakdim était, selon le criminologue Xavier Raufer, un «hybride racaille-salafiste», comme les banlieues en sont remplies. Lorsque les journalistes ont accouru dans la cité d’Ozanam, ils ont été rembarrés, menacés, dépouillés par des «milices narco-islamistes», et ils en ont témoigné pour une fois sans périphrases (notamment sur l’irénique France-Info), parce qu’ils ont senti la lame s’approcher de leur propre cou. Les banlieues chantent le sacrifice du héros, qui n’est évidemment pas le gendarme.
Ces «zones de non-droit» sont devenues pour la France des zones de ténèbre et d’épouvante où même les flics et les pompiers rechignent à s’aventurer. Ce qui y règne ne saurait être qualifié de bon ni d’acceptable sous aucun régime reconnaissant la distinction du bien et du mal. Ce qui y règne est la violence pure, le grégarisme, le chantage et la rapine. Ces trous noirs engloutissent tout ce qu’on y investit — comme les bébêtes «politiques de la Ville» — sans restituer le moindre rayon de lumière. Les «souchiens» les contournent et préfèrent regarder ailleurs.
Le cinéaste Jacques Audiard est l’un des rares qui s’y aventurent et qui soient parvenus à y établir ce qu’il considère comme des relations de confiance. Dans son film Dheepan, western de l’ère de la globalisation, il met en scène, justement, ces racailles qui basculent islamistes en un clin d’œil. Pourtant, lui aussi tient ses boules Quiès à portée de main. Voici ce qu’il déclarait en janvier 2016, dans l’entretien qu’il m’a accordé lors du festival de cinéma alternatif de Küstendorf:
Cachez-moi ce Mal que je ne saurais voir, clame le Tartuffe moderne qui a envahi les rédactions, les ministères, les académies et les écoles. Et quand le Mal se fait trop ostensible, trop hurlant, il le noie dans les alibis. Il l’émiette dans la «fracture sociale», il le psychologise et le psychiatrise. Le Mal n’en recule pas pour autant, pas plus que les «circonstances» censées le fabriquer ne se modifient.
Plutôt que de le combattre le Mal, on s’attache à le «comprendre» dans l’espoir vain que cette hypothétique compréhension permettra de le déraciner. Or «s’interroger sur le fondement psychique de l’acte terroriste revêt aussi peu d’intérêt, ou à peu près autant, que de s’interroger sur ce qui fait qu’un beau matin, je veux changer de coupe de cheveux, ou refaire la déco de mon bureau» (Ingrid Riocreux). Mais l’étude a un gros avantage: elle dispense de l’action.
Un des principaux leviers d’inaction tient dans la plaidoirie académique sur le thème du cépalislam. En effet, la racaille fanatisée, c’est pas l’islam, mais d’un autre côté, le soufisme non plus n’est pas l’islam, et que dire du courant chiite? La radicalisation brutale des jeunes dans la jungle inhumaine des villes a certainement beaucoup à voir avec la société industrielle en soi. La religion technologique est porteuse de violence et d’ensauvagement, Rousseau déjà l’avait dit, et un Heidegger, un Günter Anders, un Ellul ou un Unabomber ont largement illustré ce constat. Mais cette potentialité se réalise, en l’occurrence, par l’adhésion à une idéologie précise.
Or l’islam est dès les origines, et comme son nom l’indique, un logiciel de soumission décentré et autorépliquant qui n’aura ni l’envie ni le droit de s’arrêter avant d’avoir plié la planète à sa loi… ou d’avoir été mis hors-jeu par le développement de la conscience. Comme il l’a déjà été, du reste, dans ces pays du Moyen-Orient qui furent réislamisés de force depuis les années 1990 avec l’aide des fanatiques saoudiens et du colonialisme anglo-saxon. On ne peut pas plus en vouloir à l’islam de se répandre qu’à l’eau de s’étaler. Pour ne pas être submergé, il convient de l’endiguer, par l’éducation et par la coercition. C’est ce que font toutes les sociétés historiquement habituées à cohabiter avec lui: l’Inde, la Russie, la Chine… mais aussi l’Afghanistan, l’Irak ou la Syrie avant l’intervention de leurs «amis» occidentaux.

De la tolérance à la connivence

Toutes… sauf l’Europe et la France en particulier, où les pouvoirs se sont mis sur le mode complaisant. C’est pourquoi le mal islamiste prolifère sans obstacle, entouré d’alliés passifs ou actifs qui lui savonnent la pente. Et qui font les yeux ronds lorsque leurs protégés, pourtant tous «suivis par les services», finissent par faire ce qu’ils ont promis de faire. Les pouvoirs français aiment désigner des ennemis abstraits, sans aucun impact sur leurs intérêts et sans aucune agressivité concrète à l’égard de leur pays (dans les années 1990, ils mettaient même en garde contre le «terrorisme serbe»!). L’ennemi de proximité, en revanche, ils le cajolent. Perversion ou stupidité? A moins que nous nous trompions par naïveté et qu’ils soient déjà de son côté?
Moins d’une semaine avant l’attentat de Trèbes, M. Macron® recevait ainsi Hashim Thaçi, le «président» de la «république du Kosovo» non reconnue par les Nations Unies. Rien n’a pu entacher la cordialité de leurs relations: ni le statut conflictuel de cet Etat-croupion, ni son échec socio-économique patent, ni sa pépinière de djihadistes, ni sa fonction de plaque tournante pour les pires trafics affectant le continent, ni même le rapport au Conseil de l’Europe du parlementaire suisse Dick Marty sur le commerce d’organes humains, mettant en cause les plus hautes hiérarchies locales.
Dans les jours qui ont suivi, le même chef d’État qui recevait ce «parrain de la pègre» s’est associé sans ciller aux sanctions contre la Russie à cause d’un empoisonnement absurde qui lui avait été imputé sans l’ombre d’une preuve. Cependant qu’au Kosovo, la police locale terrorisait et molestait une réunion de pèlerins orthodoxes avant de rouer de coups et d’enlever un secrétaire d’État serbe. Contre cette barbarie, la France officielle n’a pas émis la moindre protestation. Par sa complaisance, elle l’a sans doute même encouragée.
Cet épisode qui n’eut aucune couverture médiatique n’est qu’une illustration récente de la complicité de la France officielle avec le terrorisme le plus brutal de notre temps. Les affaires libyenne et syrienne sont autrement plus éloquentes, sans parler de la volonté officielle d’«accueillir» les djihadistes français coincés en Syrie. Peut-on croire que le soutien de l’islamisme à l’étranger soit sans rapport avec l’islamisation du territoire national? Peut-on croire que la participation active de la France officielle à l’éradication des chrétiens du Kosovo et d’Orient ne soit qu’un effet regrettable mais collatéral de la défense des intérêts nationaux dans le monde?
Oui, on peut le croire. Il suffit que M. Macron® esquisse un geste de bénédiction devant le cercueil de Johnny Hallyday pour que les stryges laïcardes (celles-là mêmes qui n’ont rien à redire aux prières de rue islamiques) se mettent à ululer. Et cet incident microscopique servira à entretenir dans les masses le mythe d’une France encore, malgré tout, chrétienne — au moins dans ses obsèques et ses baptêmes. «Le Rite est l’écorce de la foi et le commencement du désordre», nous rappelle le Livre du Tao. Hormis ces quelques rites, et hormis l’édifice des droits de l’homme qui n’aurait pu exister sans le christianisme, la «fille aînée de l’Église» est aujourd’hui l’un de ses ennemis les plus acharnés.

L’arme du martyre

Pensait-il à cela, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame lorsqu’il décida d’échanger sa vie contre celle d’une otage de Radouane Lakdim? Songeait-il qu’il servait un État hostile à ses convictions les plus sacrées? Sans doute que non. Probablement ne pensait-il même pas à son catéchisme, même s’il y était attaché. Son acte, a-t-on dit, est l’aboutissement d’une vie d’éducation au don de soi. Il est mort en tant que gendarme et en tant que chrétien, deux «professions» qui ont en commun l’esprit de sacrifice.
L’aurait-il fait s’il avait dû y penser? La foi vécue n’est pas un règlement, mais un mode de vie. Comme Antigone, Arnaud Beltrame vivait selon les lois non écrites qui sont au-dessus des lois. Aucune loi écrite ne vous commande de donner votre vie pour autrui.


Voilà donc le lien paradoxal qui unit le djihadiste au gendarme. Tous deux ont volontairement déposé leur vie. Tous deux sont les produits d’une éducation suffisamment forte pour leur faire accepter le sacrifice suprême.
Et voici la différence. L’éducation qui a conduit Radouane à donner sa vie pour en voler d’autres est un pacte satanique assorti d’une promesse absurde de paradis posthume peuplé de vierges offertes. L’éducation qui a conduit Arnaud à donner sa vie pour en sauver une autre est la seule susceptible de construire une société où l’homme ne soit pas un loup pour l’homme, mais son égal et son frère.
L’éducation de Radouane, le système préfère ne pas en parler. Il la noie dans les méandres sociopolitiques du cépalislam. Il en combat les effets — comme il peut —, sans jamais remonter aux causes.
L’éducation d’Arnaud, le système n’aime pas en parler non plus. Elle dément toutes les «valeurs» sur lesquelles le système est assis, en particulier l’incitation à l’égoïsme radical et la volonté d’éteindre toute noblesse dans l’individu pour la remplacer par des vertus collectives. Il ne veut pas voir, pourtant, que c’est l’éducation d’Arnaud, préservée comme un mot de passe dans la semi-clandestinité, qui maintient encore la cloison entre un peuple et une cage à rats.
On a pu dire que ce n’était pas la mission d’un homme d’armes que de jouer à l’agneau. Mais qu’a fait le Christ? Si d’aventure le gendarme avait réussi à maîtriser le djihadiste, sa bravoure serait distinguée mais rapidement oubliée. Sa mort, en revanche, transforme son geste en martyre, c’est-à-dire en témoignage universel. Son échec est une victoire, comme celui du Christ à Pâques.
Le martyre du lieutenant-colonel Beltrame a rallongé de quelques jours la Semaine sainte de l’an de grâce 2018. Il est annonciateur d’une double résurrection: celle de son âme et celle d’un peuple dont il est désormais l’un des saints protecteurs. Son geste dissipe la peur et ouvre les yeux. Et il entraîne — de la gauche à la droite et des chrétiens aux athées —, une adhésion qui n’a rien à voir avec les croyances. Les «lois au-dessus des lois» d’Antigone sont valables pour toute l’humanité, en tous lieux.
Pourtant, l’on a vu des apparatchiks (dont le Castaner qui veut l’«accueil» des djihadistes) pouffer de rire à ses obsèques. Les individus capables de se marrer en un tel moment ne sont pas des gens, mais des spectres cartilagineux. Leur règne s’éparpillera un jour aux quatre vents comme les oripeaux d’un épouvantail. Et ils iront rejoindre dans les trous noirs leurs amis djihadistes.