Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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jeudi 12 septembre 2024

INTERPRÉTATION ORTHODOXE DE L'APOCALYPSE [3] (suite)

     « Sauvez-vous de cette génération perverse », exhortait saint Pierre aux chrétiens le jour de la Pentecôte (Actes 2, 40).


Saint Prophète Isaïe


    De même, le Seigneur a averti que « cette génération ne passera en aucun cas que toutes ces choses n’arrivent » (Matthieu 24,34). Les choses auxquelles il faisait référence étaient les événements des derniers jours, et la génération est la nôtre. Saint Jean Chrysostome (mort en 407) soulignait que le Seigneur ne parlait « pas de la génération alors vivante, mais de celle des croyants. » Les chrétiens soucieux d’être sauvés « de cette génération perverse » se trouvent dans une position unique. Le monde dans lequel ils vivent est dans une impasse : il a achevé son rejet du Christ et a déclaré la fin de l'histoire normale, c'est-à-dire chrétienne. Tous les croyants restés en ces temps "post-chrétiens" pourraient bien être considérés comme les "derniers chrétiens". Les charnières de foi de ces croyants montrent clairement qu'ils peuvent en fait n'avoir aucune descendance spirituelle !

    La société mondaine est tellement biaisée, avec ses idéaux humanistes et athées, que des événements étranges et effrayants sont devenus la norme. Les normes se sont inversées : le mal est considéré comme le bien, le bien est considéré comme le mal. « Malheur à ceux , se lamentait Isaïe à notre sujet, qui appellent le mal bien et le bien mal ; qui mettent les ténèbres pour la lumière, et la lumière pour les ténèbres ; qui mettent l'amer pour le doux, et le doux pour l'amer » (Isaïe 5 : 20).

    La distinction entre vertu et vice a disparu ; les valeurs ont été relativisées dans l’oubli. En conséquence, les nobles aspirations sont sapées ou condamnées, les conduites déviantes récompensées et félicitées. Le Dieu des vivants est « mort », et les praticiens vaudous du monde entier plantent des épingles dans son cadavre afin de jeter une malédiction mortelle et infernale sur l’humanité.

(à suivre)


vendredi 20 juillet 2018

PHOTOGRAPHIE ET VISION ORTHODOXE


par P. Vasile

Ce n’est un secret pour personne, j'aime la photographie. J'ai toujours été et je serai toujours fasciné par les révélations mystiques de la chambre noire, où tous vos rêves et d'ombres de lumière prennent vie sous l'éclat luisant de la lampe inactinique rouge. Lorsqu'elle est vue à travers l'objectif de la caméra, même la vie ordinaire devient quelque chose de spécial, traduisant la vision du photographe ; le moment singulier est glorifié et conservé pour l'éternité ; une période de vie peut être contenue occasionnellement dans un cadre gelé.

Il y a cependant un mythe dont on ne parle pas parmi les photographes, plus d'une idée fausse que, pour qu'une image soit bonne, il faut utiliser l'équipement parfait. Avec cette idée dans la tête, les photographes sont toujours à la recherche de l'objectif parfait qui, par magie, en fera le meilleur photographe au monde.

Parmi les objectifs, on doit distinguer deux types, l'objectif fixe et l'objectif avec zoom. Pendant des années, les photographes se sont battus avec soit un objectif fixé en permanence sur le corps de l’appareil photo ou le pénible changement fréquent d’objectif pour le faire correspondre à leur vision photographique. L'invention du zoom a été considérée comme une grande révolution, car maintenant, en tournant une bague, le monde se rapproche de vous sans effort. Le zoom a cependant tué la créativité de plusieurs façons.

Avec un objectif fixe, que l'on appelle aussi une focale fixe, vous devez vous rapprocher ou vous éloigner vous-même de votre sujet, vous devez participer à la photo que vous prenez, vous devez vous investir personnellement. L’instant devient vivant quand vous vous adaptez au champ de vision fixe de votre objectif et en vous adaptant à cette vision, vous devenez une personne différente à chaque clic du déclencheur. Avec le zoom, vous pouvez rester confortablement à l'écart, en rapprochant la scène à votre guise, comme un observateur froid qui enregistre la vie dont il ne se soucie pas. Vous ne vous adaptez pas à la vision unique de l'objectif, mais au contraire, vous changez le monde en fonction de votre vision lorsque vous effectuez un zoom avant et arrière impassiblement.

Je soulève cette question parce que dans le monde chrétien d'aujourd'hui, je vois des gens qui utilisent des objectifs semblables pour jeter un coup d'œil dans le monde spirituel. Je les appelle respectivement « Chrétiens Zoom » et les « Chrétiens Focale fixe ».

Le « Chrétien Zoom » n'a pas de vision unique particulière sur sa vie spirituelle ; il traverse la vie en changeant ses vues à sa guise, prenant seulement ce qu'il aime de ce qu'il observe et expérimente. Il n'est pas dogmatique et la vérité n'est que relative à sa personne. Sa vie est fondée sur des sentiments, des intuitions et des expériences et il est très enclin à changer son point de vue aussi facilement que l’on tourne la bague d’un zoom. Il ne veut pas s'adapter à une vision singulière de la vie, mais il veut que le monde s'adapte à ses humeurs et ses désirs changeants.

Le Chrétien « Focale fixe » voit le monde à travers la focale fixe qu'il a héritée de sa tradition et il la garde inchangée. Il travaille constamment à comprendre le monde spirituel en s'adaptant à la vision unique qu'il défend. Il doit être créatif, il doit s'adapter, il doit souffrir et travailler, mais à la fin il ne fait pas qu’admirer ce monde de loin, car il s'y implique, et par participation il est changé par lui, il y est intégré.
L'un des photojournalistes les plus célèbres, Henri Cartier-Bresson, a fait des photos toute sa vie avec un unique appareil, avec un seul objectif (un Leica avec une focale fixe de 50mm, si vous êtes curieux). Ce réglage rare lui permettait de ne pas se concentrer sur l'équipement, ni sur la technique, mais sur sa vision qui ne faisait plus qu'une avec l’appareil photo. Comme il l'a dit lui-même "C'est par une stricte économie de moyens que la simplicité d'expression est atteinte".

Spirituellement, c'est aussi vrai. C'est souvent par des moyens simples que nous atteignons une grande perspicacité spirituelle. Ce n'est pas par notre propre découverte que nous trouvons Dieu, mais en utilisant les moyens simples du jeûne et de la prière que nous permettons à Dieu de nous trouver. Ce n'est que par la simplicité que nous atteignons la paix et dans la paix il y a Dieu.

Nous sommes nés dans une société de « zoomers » qui veulent que le monde s'adapte constamment aux visions fluctuantes que nous en avons. Nous devons devenir des focales fixes et nous attacher à la vision fixe et dogmatique de l'Église, comme Dieu l'a révélé aux prophètes, aux apôtres et aux saints. En utilisant la pureté de leur prévoyance, nous serons plus concentrés pour nous transformer, par la participation, à la vision que Dieu a pour nous depuis le commencement du monde.
(version française par Maxime le minime de la source)

lundi 14 mai 2018

Décadence de l'empire romain

Guillaume Cuchet, « Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement »


Guillaume Cuchet
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien. Anatomie d’un effondrement, Éditions du Seuil, Paris, 2018, 276 p.

De nombreux auteurs ont constaté, depuis un demi-siècle, la décadence spectaculaire du catholicisme en France et plus largement en Europe et s’en sont inquiété : Louis Bouyer dans La décomposition du catholicisme (1968), Serge Bonnet, À hue et à dia. Les avatars du cléricalisme sous la Ve République (1973), Michel de Certeau et Jean-Marie Domenach, Le christianisme éclaté (1974), Paul Vigneron, Une histoire des crises du clergé français contemporain (1976), Jean Delumeau, Le christianisme va-t-il mourir ? (1977), Émile Poulat, L’Ère postchrétienne (1994), Mgr Simon, Vers une France païenne ? (1999), Denis Pelletier, La crise catholique (2002), Daniele Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d’un monde (2003), Yves-Marie Hilaire, Les Églises vont-elle disparaître ? (2004), Denis Pelletier, La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978) (2005), Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, Le mystère français (2013), Yvon Tranvouez, La décomposition des chrétientés occidentales (2013).
Dans ce livre – qui détourne le titre du livre de Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, mais pour annoncer l’inversion du processus dont il analysait les commencements – Guillaume Cuchet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris-Est Créteil, spécialisé dans l'histoire du catholicisme, se propose de définir le moment où a commencé cette décadence et de déterminer les raisons de celle-ci. L’un des principaux outils scientifiques qu’il utilise est l’analyse statistique. L’un des critères objectifs qu’il considère, est le taux de pratique dominicale régulière, passée, dans la population française, de 27% en 1952 à 1,8% en 2017. On peut contester ce critère, car, soulignait un article récent de La Croix, on peut être catholique « pratiquant » en ayant d’autres engagements, et il est vrai qu’à défaut d’une telle pratique dominicale, une culture chrétienne peut subsister un certain temps, mais la perte de contact avec la vie liturgique ne peut que l’affaiblir progressivement et la conduire à sa disparition.
Le premier tiers du livre définit l’adhésion au catholicisme telle qu’elle ressort d’une masse de données statistiques établies par le clergé entre 1945 et 1965, et en particulier des statistiques soigneusement et régulièrement établies sur une période plus large (1880-1965) par le chanoine Boulard, sociologue et auteur de quatre volumes de Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, XIXe-XXe siècle.
Selon G. Cuchet, c’est dans les années 60, plus précisément en 1965, que peut être datée la rupture qui a inauguré le processus de décadence du catholicisme en France. Cette rupture coïncide avec le concile Vatican II, ce qui est paradoxal, car ce concile était conçu, par ceux qui l’ont organisé, comme un aggiornamento devant vivifier le catholicisme confronté au monde moderne. Mais, souligne l’auteur qui a examiné diverses hypothèses, « on ne voit pas quel autre événement aurait pu engendrer une telle réaction. Par sa seule existence, dans la mesure où il rendait soudainement envisageable la réforme des anciennes normes, le concile a suffi à les ébranler, d’autant que la réforme liturgique qui concernait la partie la plus visible de la religion pour le grand nombre, a commencé à s’appliquer dès 1964. »
Dans la deuxième moitié de son livre, l’auteur analyse de manière précise les causes, liées au concile, de la rupture et du processus de décadence qui, globalement, continue de nos jours.
Le concile a engendré une perte de repères chez les fidèles. Le texte concilaire Dignitatis humanae, publié en 1965, sur la liberté religieuse, est apparu « comme une sorte d’autorisation officieuse à s’en remettre désormais à son propre jugement en matière de croyances, de comportements et de pratique, qui contrastait fortement avec le régime antérieur », ce qui suscitait chez le père Louis Bouyer cette remarque chagrine : « Chacun ne croit plus, ne pratique plus que ce qui lui chante. »
Dans le domaine de la piété, note Cruchet, des aspects de la réforme liturgique qui pouvaient paraître secondaires, mais qui ne l’étaient pas du tout sur le plan psychologique et anthropologique, comme l’abandon du latin, la communion dans la main, la relativisation des anciennes obligations, ont joué un rôle important. De même que les critiques de la communion solennelle qui se sont multipliées à partir de 1960 et surtout de 1965, ainsi que la nouvelle pastorale du baptême (à partir de 1966) et du mariage (en 1969-1970), qui avait tendance à hausser le niveau d’accès aux sacrements en exigeant des candidats davantage de préparation et d’investissement personnel.
Dans le domaine des croyances, c’est le fait même du changement de discours qui a compté. La variation de l’enseignement officiel rendait sceptiques les humbles, qui en déduisaient que, si l’institution s’était « trompée » hier en donnant pour immuable ce qui avait cessé de l’être, on ne pouvait pas être assuré qu’il n’en irait pas de même à l’avenir. Toute une série de« vérités » anciennes sont tombées brutalement dans l’oubli, comme si le clergé lui-même avait cessé d’y croire ou ne savait plus qu’en dire, après en avoir si longtemps parlé comme de quelque chose d’essentiel.
Un autre domaine dans lequel la conjoncture a pu déstabiliser les fidèles, note l’auteur, « est celui de l’image de l’Église, de sa structure hiérarchique et du sacerdoce. La “crise catholique” des années 1965-1978 fut d’abord une crise du clergé et des militants catholiques. L’abandon de la soutane (dès 1962) et de l’habit religieux, la politisation (à gauche) du clergé, les départs de prêtres, de religieux et de religieuses, parfois suivis de leur mariage, sont apparus à beaucoup comme une véritable “trahison des clercs”, sans équivalent depuis les “déprêtrisations” de la Révolution, qui a eu les mêmes effets déstabilisants. »
Par ailleurs, « le concile a ouvert la voie à ce qu’on pourrait appeler “une sortie collective de la pratique obligatoire sous peine de péché mortel”, laquelle occupait une place centrale dans l’ancien catholicisme. […] Cette ancienne culture de la pratique obligatoire s’exprimait principalement dans le domaine des “commandements de l’Église” que les enfants apprenaient par cœur au catéchisme et dont il convenait de vérifier, lors de l’ examen de conscience préparatoire à la confession, si on les avait bien respectés », et qui incluaient notamment le devoir de sanctifier les dimanches et jours de fêtes, de confesser ses péchés et de communier au moins une fois par an, de jeûner les vendredi, aux veilles de grandes fêtes et aux périodes carémiques dites des « Quatre Temps ». Toutes ces exigences ont été assouplies, au point de disparaître, sauf la communion qui devenait systématique et se faisait sans aucune préparation, la confession et le jeûne ayant pratiquement disparu. L’assouplissement du jeûne eucharistique s’était cependant accompli en plusieurs étapes préalables: en 1953, Pie XII avait décidé, tout en maintenant l’obligation du jeûne depuis minuit avant la communion, que la prise d’eau ne le romprait plus désormais; en 1957, le motu proprio Sacram communionem réduisait le jeûne à trois heures pour la nourriture solide et une heure pour les liquides ; en 1964, Paul VI décréta qu’il suffirait dorénavant d’une heure dans les deux cas, ce qui signifiant concrètement la disparition du jeûne eucharistique, puisqu’une heure est le temps de déplacement jusqu’à l’église et le temps de la messe qui précède la communion.
Pendant cette période conciliaire et post-conciliaire, « il est frappant, note l’auteur, de voir à quel point le clergé a désinstallé volontairement l’ancien système de normes qu’il s’était donné tant de mal à mettre en place », créant inévitablement dans le peuple le sentiment qu’on lui « changeait la religion », et provoquant, dans une partie de celui-ci, une impression de relativisme généralisé.
L’auteur consacre deux chapitres entiers à des causes de décadence qui lui paraissent fondamentales: la crise du sacrement de pénitence et la crise de la prédication des fins dernières.
1) Selon G. Cuchet, « la crise de la confession est un des aspects les plus révélateurs et les plus saisissants de la “crise catholique” des années 1965-1978. » « La chute de la confession constitue en soi un fait sociologique et spirituel majeur dont il est probable qu’historiens et sociologues n’ont pas pris toute la mesure. Rien moins, en somme, que la foudroyante mutation par abandon massif, en l’espace de quelques années seulement, d’une pratique qui a profondément façonné les mentalités catholiques dans la longue durée. » En 1952, 51% des adultes catholiques déclaraient se confesser au moins une fois par an (à Pâques comme il était d’obligation depuis le canon 21 du concile Latran IV de 1215); en 1974, ils n’étaient plus que 29%, et en 1983, 14%. Selon l’auteur, le point de rupture se situe vers 1965-1966, quand la confession a cessé d’être présentée comme le « sacrement de pénitence » pour être présentée comme le « sacrement de réconciliation ». Cela allait de pair:
— avec la fin de la « pratique obligatoire » déjà évoquée, et avec une dépénalisation de l’abstention de la pratique religieuse, considérée auparavant comme un péché parce qu’en rupture avec les commandements de l’Église présentés comme des devoirs impérieux dont il fallait s’acquitter;
— avec une perte du sens du péché dans la conscience de beaucoup de fidèles, mais aussi chez les clercs qui craignaient désormais d’évoquer cette notion, tout comme celle des fins dernières. L’auteur note à ce propos : « Le clergé a cessé assez brutalement de parler de tous ces sujets délicats, comme s’il avait arrêté d’y croire lui-même, en même temps que triomphait dans le discours une vision de Dieu de type rousseauiste : le « Dieu Amour » (et non plus seulement « d’amour ») des années 1960-1970. » « “Les curés ont goudronné la route du ciel”, résumait, au début des années 1970, une vieille paysanne bretonne dans un entretien avec le sociologue Fanch Élégoët. Jadis étroite et escarpée, c’était désormais une autoroute empruntée par tout le monde, ou presque. Moyennant quoi, s’il n’y avait plus de péché ni d’enfer, du moins de péché un peu sérieux susceptible de vous priver du ciel, l’utilité de la confession, dans sa définition traditionnelle, était effectivement moins évidente »;
— avec une déconnexion entre confession et communion. « Dans l’ancien système, on se confessait plus qu’on ne communiait et la confession était d’abord perçue comme une sorte de rituel de purification conditionnant l’accès à l’eucharistie ». Le développement de la communion fréquente, accompagné de la perte du sens du péché, et l’idée d’une partie du clergé, influencé par la psychanalyse, selon laquelle il fallait déculpabiliser les fidèles et les « libérer du confessionnal », a eu pour effet que les fidèles étaient désormais invités à communier sans avoir à se confesser. La communion s’est alors banalisée, tandis que la possibilité même de se confesser n’existait pratiquement plus, les confessions individuelles régulières étant remplacées, à partir de 1974, par des « cérémonies pénitentielles » célébrées une fois par an, avant Pâques ; dans ces rassemblements, les fidèles ne confessaient plus rien (l’auteur les qualifie de « formes de pénitence sans confession ») mais recevaient une absolution collective après avoir écouté un vague discours où la notion de péché était le plus souvent contournée. Et lorsque la possibilité de ses confesser subsistait dans certaines paroisses ou était par la suite restaurée, « les fidèles ne savaient plus très bien comment se confesser , ni même s’il était toujours utile de le faire ».
2) Le dernier chapitre est consacré à une cause de décadence qui paraît également fondamentale à l’auteur: la crise de la prédication des « fins dernières », l’auteur se demandant, dans le titre du chapitre, si cela ne signifie pas au fond « la fin du salut ». L’auteur note que dans les anciens catéchismes et les traités de théologie, une place importante était accordée à la mort, au jugement, et aux deux destinations finales de l’au-delà, l’enfer et le paradis. Inquiets, dès le mois de décembre 1966, de les voir disparaître de l’enseignement et de la prédication, les évêques de France, notaient: « Le péché originel […], ainsi que les fins dernières et le Jugement, sont des points de la doctrine catholique directement liés au salut en Jésus-Christ et dont la présentation aux fidèles fait effectivement difficulté à beaucoup de prêtres chargés de les enseigner. On se tait faute de savoir comment en parler. » Peu de temps avant, le cardinal Ottaviani, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait constaté que le péché originel avait à peu près totalement disparu de la prédication courante. G. Cuchet remarque qu’il ne s’agissait pas seulement d’un problème de présentation du dogme, d’ordre pastoral et pédagogique, mais qu’ « en réalité, il s’agissait bien d’un problème de foi et de doctrine, et d’un malaise partagé entre le clergé et les fidèles. Tout se passait en fait comme si, assez soudainement, au terme de tout un travail de préparation souterrain, des pans entiers de l’ancienne doctrine considérés jusque-là comme essentiels, tels le jugement, l’enfer, le purgatoire, le démon, étaient devenus incroyables pour les fidèles et impensables pour les théologiens. » L’auteur situe cette crise (bien qu’elle ait depuis un certain temps connu des signes avant-coureurs) dans les années 60, tout comme la crise de la confession, en remarquant qu’elle a un rapport étroit avec celle-ci : « L’effondrement de la pratique de la confession obéit à une chronologie identique, en particulier la quasi-disparition en quelques années, voire en quelques mois, du groupe si consistant autrefois de ceux qui se confessaient fréquemment. Le rapport est direct, s’il n’est pas exclusif, avec l’effacement de la notion de péché mortel (au sens de péché susceptible de vous valoir la damnation). » Mais cela avait aussi des incidences sur d’autres sacrement liés aux « fins dernières ». Dans le nouveau rituel du baptême, les exorcismes étaient considérablement réduits (car il ne paraissait pas souhaitable d’insister sur le rôle de Satan auquel une partie du clergé ne croyait plus et qui semblait appartenir à une mythologie dont il fallait libérer les fidèles jugés naïfs); il y avait aussi « une nette sourdine mise sur le péché originel, dont [le baptême] était censé délivrer pour assurer la vie éternelle ».
En ce qui concerne le baptême toujours, une autre réforme allait engendrer la désaffection de beaucoup de fidèles: à partir de décembre 1965, « une nouvelle pastorale du baptême, dont le souci prioritaire était jusque-là de faire baptiser les enfants le plus tôt possible, tend au contraire à en retarder l’échéance, de manière à impliquer davantage les parents dans la préparation ». Il faudrait ajouter qu’un certain nombre de clercs allaient jusqu’à décourager le baptême des enfants, au prétexte qu’il doit s’agir d’un acte libre, volontaire et pleinement conscient, et préconisaient d’attendre le moment de l’adolescence pour le proposer.
La conception même des conditions du salut s’est trouvée modifiée par tous ces facteurs. « L’ancienne ecclésiologie concentrique, avec ses cercles de probabilité décroissante du salut, n’était plus du tout de mise. Vatican II a été, de ce point de vue, le théâtre d’une sorte de nuit du 4 août dans l’au-delà qui a mis fin aux privilèges des catholiques quant au salut. Désormais, l’Église ne se concevrait plus que comme l’instrument d’un salut pour tous, sans discrimination ni privilège, même si les fidèles qu’on avait formés jusque-là dans une tout autre théologie risquaient de s’en trouver un peu déstabilisés et de s’interroger, dans ces conditions, sur les bénéfices réels de l’affiliation. »
Approchant de sa conclusion, l’auteur souligne encore les effets catastrophiques de la crise des années 60 sur la conscience dogmatique des fidèles, qui s’est en quelque sorte protestantisée: « La consécration de la liberté de conscience par le concile a souvent été interprétée dans l’Église, de manière imprévue au départ, comme une liberté nouvelle de la conscience catholique, l’autorisant implicitement à faire le tri dans les dogmes et les pratiques d’obligation. La notion même de dogme (comme croyance obligeant en conscience) est alors devenue problématique. Cette décision majeure du concile, couplée à la notion de “hiérarchie” des vérités, paraît avoir fonctionné dans l’esprit de beaucoup comme une sorte de dépénalisation officielle du “bricolage croyant” qui contrastait grandement avec le régime antérieur, où les vérités de la foi étaient à prendre en bloc et sans droit d’inventaire. Il était à prévoir que les plus désagréables d’entre elles, ou les plus contre-intuitives pour le sens commun, en feraient les frais, ce qui n’a pas manqué en effet de se produire. »

Quels que soient les facteurs externes qui aient pu jouer dans l’effondrement du catholicisme (la mentalité moderne, la pression sociale, etc…), les facteurs internes paraissent déterminants à l’auteur de ce livre.
Le catholicisme lui-même porte une lourde responsabilité dans la déchristianisation de la France (et plus largement de l’Europe, car une analyse faite pour d’autres pays aboutirait à des conclusion identiques). L’aggiornmento réalisé par le concile Vatican II qui se proposait d’affronter les défis du monde moderne, n’a fait que s’accommoder à celui-ci. Pensant l’attirer, il s’est mis à sa remorque. Voulant se faire entendre de son siècle, le catholicisme s’est sécularisé. Craignant d’affirmer son identité, il s’est relativisé, au point qu’un grand nombre de fidèles ne trouvaient plus en lui les repères auxquels il étaient habitués ou qu’ils attendaient, et ne voyaient plus l’intérêt d’aller chercher en lui ce que le monde leur offrait déjà de manière moins contournée.
Les autorités catholiques cherchent à minimiser l’effondrement que décrit ce livre par divers arguments (un grand nombre de français restent catholiques et font baptiser leurs enfants; la pratique religieuse se mesure à d’autres engagements que l’assistance à la messe; la qualité a remplacé la quantité, etc.). Mais elles peinent à convaincre. Jean-Paul II est souvent présenté comme ayant opéré un redressement par rapport aux excès qui ont suivi le concile Vatican II, mais on doit constater que la pratique dominicale est passée en France de 14% au moment de son élection à 5% au moment de son décès en 2005. S’il est vrai que des communautés vivantes existant dans les villes peuvent faire illusion (comme pouvaient faire illusion les rares églises ouvertes sous la période communiste dans les pays de l’Est, bondées en raison de la fermeture des autres), de même que les rassemblement spectaculaires de jeunes lors des JMJ, les campagnes françaises montrent la réalité d’une désertification dramatique: multiplication des églises désaffectées (c’est-à-dire ne servant plus concrètement de lieu de culte), prêtres ayant la charge de 20, voire 30 paroisses, célébrant chaque dimanche une messe « régionale » pour un petit groupe de fidèles en majorité âgés et venus parfois de plusieurs dizaines de kilomètres, disparition des enterrements célébrés par des prêtres faute de célébrants disponibles, absence de contacts entre les prêtres et les fidèles en raison de leur éloignement mutuel et de l’indisponibilité des premiers, plus occupés par des réunions que par les visites pastorales…
La triste évolution de l’Église catholique post-conciliaire telle qu’elle est décrite dans le livre de G. Cuchet, devrait servir de mise en garde aux prélats orthodoxes qui ont rêvé et rêvent encore de convoquer pour l’Église orthodoxe un « grand concile » semblable à celui par lequel l’Église catholique a voulu faire son aggiornamento, mais qui a eu comme principal effet de provoquer son délitement interne et l’hémorragie dramatique d’un grand nombre de ses fidèles.


Jean-Claude Larchet

 

mardi 7 octobre 2014

SUR LE BLOG de CLAUDE : Une belle réponse par Père John [Parker] à la décapitation par des musulmans

Décapitation de la famille des saints Brancoveanu, 
fresque contemporaine par Sorin Efros
extrait  :
"Nous nous tenons fièrement avec les martyrs, dont le sang est le fondement de l'Eglise. Et nous demandons à Dieu de nous accorder la même force lorsque nous devrons faire face à ce à quoi ils firent face.
 Dans le même temps, se pourrait-il que l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord soient confrontés à "l'islamisation" non pas simplement à cause de l'épée, mais aussi parce que:
 Ils ont beaucoup d'enfants, alors que nous avortons les nôtres, ou tout simplement parce que nous avons peu d'enfants.
Alors qu'ils propagent leurs enseignements diaboliques, nous ne paraissons pas convaincus par la vraie foi."