PHOTOGRAPHIE ET VISION ORTHODOXE


par P. Vasile

Ce n’est un secret pour personne, j'aime la photographie. J'ai toujours été et je serai toujours fasciné par les révélations mystiques de la chambre noire, où tous vos rêves et d'ombres de lumière prennent vie sous l'éclat luisant de la lampe inactinique rouge. Lorsqu'elle est vue à travers l'objectif de la caméra, même la vie ordinaire devient quelque chose de spécial, traduisant la vision du photographe ; le moment singulier est glorifié et conservé pour l'éternité ; une période de vie peut être contenue occasionnellement dans un cadre gelé.

Il y a cependant un mythe dont on ne parle pas parmi les photographes, plus d'une idée fausse que, pour qu'une image soit bonne, il faut utiliser l'équipement parfait. Avec cette idée dans la tête, les photographes sont toujours à la recherche de l'objectif parfait qui, par magie, en fera le meilleur photographe au monde.

Parmi les objectifs, on doit distinguer deux types, l'objectif fixe et l'objectif avec zoom. Pendant des années, les photographes se sont battus avec soit un objectif fixé en permanence sur le corps de l’appareil photo ou le pénible changement fréquent d’objectif pour le faire correspondre à leur vision photographique. L'invention du zoom a été considérée comme une grande révolution, car maintenant, en tournant une bague, le monde se rapproche de vous sans effort. Le zoom a cependant tué la créativité de plusieurs façons.

Avec un objectif fixe, que l'on appelle aussi une focale fixe, vous devez vous rapprocher ou vous éloigner vous-même de votre sujet, vous devez participer à la photo que vous prenez, vous devez vous investir personnellement. L’instant devient vivant quand vous vous adaptez au champ de vision fixe de votre objectif et en vous adaptant à cette vision, vous devenez une personne différente à chaque clic du déclencheur. Avec le zoom, vous pouvez rester confortablement à l'écart, en rapprochant la scène à votre guise, comme un observateur froid qui enregistre la vie dont il ne se soucie pas. Vous ne vous adaptez pas à la vision unique de l'objectif, mais au contraire, vous changez le monde en fonction de votre vision lorsque vous effectuez un zoom avant et arrière impassiblement.

Je soulève cette question parce que dans le monde chrétien d'aujourd'hui, je vois des gens qui utilisent des objectifs semblables pour jeter un coup d'œil dans le monde spirituel. Je les appelle respectivement « Chrétiens Zoom » et les « Chrétiens Focale fixe ».

Le « Chrétien Zoom » n'a pas de vision unique particulière sur sa vie spirituelle ; il traverse la vie en changeant ses vues à sa guise, prenant seulement ce qu'il aime de ce qu'il observe et expérimente. Il n'est pas dogmatique et la vérité n'est que relative à sa personne. Sa vie est fondée sur des sentiments, des intuitions et des expériences et il est très enclin à changer son point de vue aussi facilement que l’on tourne la bague d’un zoom. Il ne veut pas s'adapter à une vision singulière de la vie, mais il veut que le monde s'adapte à ses humeurs et ses désirs changeants.

Le Chrétien « Focale fixe » voit le monde à travers la focale fixe qu'il a héritée de sa tradition et il la garde inchangée. Il travaille constamment à comprendre le monde spirituel en s'adaptant à la vision unique qu'il défend. Il doit être créatif, il doit s'adapter, il doit souffrir et travailler, mais à la fin il ne fait pas qu’admirer ce monde de loin, car il s'y implique, et par participation il est changé par lui, il y est intégré.
L'un des photojournalistes les plus célèbres, Henri Cartier-Bresson, a fait des photos toute sa vie avec un unique appareil, avec un seul objectif (un Leica avec une focale fixe de 50mm, si vous êtes curieux). Ce réglage rare lui permettait de ne pas se concentrer sur l'équipement, ni sur la technique, mais sur sa vision qui ne faisait plus qu'une avec l’appareil photo. Comme il l'a dit lui-même "C'est par une stricte économie de moyens que la simplicité d'expression est atteinte".

Spirituellement, c'est aussi vrai. C'est souvent par des moyens simples que nous atteignons une grande perspicacité spirituelle. Ce n'est pas par notre propre découverte que nous trouvons Dieu, mais en utilisant les moyens simples du jeûne et de la prière que nous permettons à Dieu de nous trouver. Ce n'est que par la simplicité que nous atteignons la paix et dans la paix il y a Dieu.

Nous sommes nés dans une société de « zoomers » qui veulent que le monde s'adapte constamment aux visions fluctuantes que nous en avons. Nous devons devenir des focales fixes et nous attacher à la vision fixe et dogmatique de l'Église, comme Dieu l'a révélé aux prophètes, aux apôtres et aux saints. En utilisant la pureté de leur prévoyance, nous serons plus concentrés pour nous transformer, par la participation, à la vision que Dieu a pour nous depuis le commencement du monde.
(version française par Maxime le minime de la source)

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