On ne répétera jamais assez à quel point cette société idéale de l'Andalousie médiévale dont on nous rebat tant les oreilles, où auraient déjà régné les Lumières avant l'heure et une si enviable tolérance universelle, donc un prétendu modèle pour nos sociétés contemporaines, n'est qu'un mythe d'autant plus dangereux qu'il est constamment relayé sous forme de matraquage par toutes sortes d'instances politiques, religieuses et médiatiques au point que c'est devenu une sorte de dogme indubitable. Il faut faire savoir que la vie des dhimmi, chrétiens et juifs, était majoritairement pour le moins difficile si bien qu'il s'en est suivi une résistance réelle dont on ne parle jamais, comme si le peuple avait subi avec délices cet asservissement. Il est plus que temps aujourd'hui, quand des groupes djihadistes du Maghreb comme du
Moyen-Orient prêchent la reconquête de ce qu'ils considèrent comme leur appartenant de droit, de connaître la réalité des faits et de ce que nous promettent ces fanatiques nostalgiques de leur pouvoir totalitaire oppressif passé, et qu'ils cherchent, déjà
sur place, en
Europe, à imposer...

Le drame des chrétiens mozarabes
"Dès la conquête, Juifs et Chrétiens ont été soumis à la dhimma, un impôt spécial assorti de mesures vexatoires et de brutalités ce qui entretint les ferments de résistance.
En réalité, les libertés dont peuvent jouir les Chrétiens
demeurent très limitées. Les dhimmi doivent respecter très scrupuleusement
le pacte conclu avec les vainqueurs.
Si l'un d'entre eux ne s'acquitte pas du
tribut, il peut être réduit en esclavage ou puni de mort. Le pouvoir musulman
peut décréter en ce domaine la responsabilité collective de ses sujets chrétiens
et supprimer les privilèges accordés à toute la communauté en cas de
défaillance de l'un de ses membres.
Les Chrétiens doivent également se garder
de toute action pouvant être interprétée comme une provocation par les
Musulmans. Ils doivent dissimuler les croix, faire en sorte que, dans les
campagnes, les Musulmans ne puissent voir les porcs qu'ils élèvent, car cela
est considéré comme une injure faite au Prophète. Quand des troubles éclatent,
les communautés chrétiennes en font souvent les frais, comme ce fut le cas lors
de la révolte de la garnison arabe de Séville en 891.
La sécurité des musta'rib
(ceux «qui vivent comme les Arabes») est ainsi, parfois, un vain mot. Les
dhimmi se voient interdire le port d'une arme; ils ne peuvent monter à cheval
et doivent se contenter de mulets ou d'ânes sous peine du fouet et de la
prison. Diverses obligations vestimentaires doivent permettre de distinguer les
Croyants des «protégés». Ceux-ci doivent s'effacer quand ils croisent dans la
rue un fidèle de Mahomet. Leurs maisons doivent être moins hautes que celles de
leurs voisins musulmans, ils doivent l'hospitalité à tout Croyant qui la
demande et le paiement de la capitation les contraint à se prêter à des rituels
humiliants, les dhimmi devant se prosterner devant le percepteur, qui leur
assène parfois un soufflet avant de les repousser violemment.
Les Chrétiens ont
conservé la plupart de leurs églises, mais il leur est interdit d'en construire
de nouvelles. Le son des cloches est tout juste toléré, à condition d'être le
plus discret possible. Les cortèges de funérailles doivent être silencieux, les
croix sont confinées à l'intérieur des églises et des maisons privées. Les
processions et les cierges sont interdits quant aux cimetières des fidèles des
diverses religions, ils doivent être rigoureusement séparés.
Tout Musulman abjurant sa religion pour se convertir à celle
du Christ est condamné à mort. La même peine est appliquée à tout Chrétien
mettant en cause les croyances transmises par le Coran et la Sunna.
Les discriminations
judiciaires font que, pour un crime identique, Musulmans et dhimmi encourent
des peines différentes et les indemnités dues aux familles varient du simple au
double, voire au triple, selon la confession de la victime et du coupable.
Les autorités musulmanes respectent généralement les
conditions fixées lors de la conclusion du pacte de soumission des dhimmi car
elles ont intérêt à ménager une population procurant une ressource fiscale
précieuse mais, à l'inverse, le peuple des «vrais Croyants», soumis à
l'influence des prédicateurs malékites locaux, se montre beaucoup plus hostile,
et les muwalladun, les nouveaux convertis, sont parfois les plus intransigeants
vis-à-vis de leurs anciens coreligionnaires.
Les discriminations et vexations
subies quotidiennement vont contribuer au développement d'une volonté de
résistance. Celle-ci est d'abord spirituelle et s'exprime à travers le recours
au martyre. Le moine Perfectus, qui a dénoncé Mahomet comme un imposteur, est ainsi
exécuté mais la mort rapide de celui contre qui il a lancé une malédiction, contribue
à entretenir un climat d'exaltation religieuse qui explique, au milieu du IX
e
siècle, l'épisode des «
martyrs de Cordoue ». Le mouvement qui pousse alors de nombreux Chrétiens au martyre dure
ainsi pendant près d'une dizaine d'années, jusqu’à l'exécution de
Saint Euloge, égorgé en 859.
La résistance n'est pas seulement spirituelle et l'histoire
d'AI-Andalus est ponctuée de nombreuses révoltes. Outre celles des Berbères, de
certains clans arabes associés à la conquête ou des muwalladun fraichement convertis, il faut compter aussi
avec celles des Mozarabes. Tolède se soulève ainsi en 852 et peut bénéficier
pendant trois quarts de siècle d'une large autonomie. Mérida entre également à
plusieurs reprises en rébellion au cours du IXesiècle. La dissidence la mieux
connue et la plus importante par son ampleur et sa durée est celle d'Omar ibn
Hafsun, qui persiste de 879 à 927. Le chef rebelle installe une base
inexpugnable à Bobastro, véritable nid d'aigle de la Serrania de Rondo et lance
à partir de là de multiples raids jusqu'à Séville, Cordoue, Grenade et Jaén, en
regroupant sous son autorité muwaladun mécontents et Mozarabes. Lui-même
converti, il se rallie au christianisme en 898 et, après sa mort, son fils
poursuit pendant plusieurs années la résistance. La révolte armée demeure
cependant le plus souvent vouée à l'échec et c'est le choix de l'exil que font
certains. Ils partent vers la marche d'Espagne, la future Catalogne, établie
par les Carolingiens au début du IXe siècle, ou vers le nord-ouest de la
péninsule, vers le réduit asturien où se développe un petit royaume appelé à
constituer l'un des premiers noyaux de la reconquête à venir. En 872, des
réfugiés fondent ainsi le monastère de Sahagùn qui sera bientôt l'un des grands
centres de rayonnement ibérique.
Au fil du temps, l'arrivée de ces Mozarabes dans les
royaumes chrétiens du nord contribue au développement d'un idéal de lutte
contre l'Islam, perçu comme la Bête qui orne les Commentaires que le moine
Beatus de Liébana fait alors de l'Apocalypse
de Saint-Jean. Le pouvoir musulman veille également à l'éloignement des
populations insoumises et quelques indices laissent supposer l'existence de
déportations massives vers l'Afrique du Nord, un procédé généralisé par les
Almoravides au cours du XIIe siècle.
Les spécialistes ne sont pas
pleinement d'accord à propos de l'évolution respective des communautés
chrétienne et musulmane, mais il semble admis que l'équilibre qui s'était
maintenu, quant au volume de la population, en faveur des
Mozarabes jusqu'au
début du X
e siècle se trouve inversé à la fin de celui-ci. En 1126 cependant,
les Mozarabes de Grenade se révolteront contre les nouveaux maîtres almoravides
de l'Espagne musulmane et appelleront à leur secours le roi d'Aragon, mais
celui-ci ne remporte qu'une victoire sans lendemain et ne peut s'emparer de la
ville. Les rebelles sont alors contraints de se replier avec Alphonse le
Batailleur jusqu'à la vallée de l'Èbre où ils vont contribuer au peuplement
chrétien d'une région restée très longtemps musulmane et où les
Mudejares
devenus les
Morisques demeureront nombreux jusqu’au début du XVII
e siècle"
(extrait d'un article de Jean Kappel)