Si quelqu'un, en effet, veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu'il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses, qu'il se détourne du mal et fasse le bien, qu'il recherche la paix et la poursuive. 1 Pierre 3:10-11 Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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vendredi 18 mars 2011

Le péché originel (3) La finalité de la création de l'homme par Dieu, c'est sa divinisation par P. André Borrely - De l'Augustinisme [6]


"Nous devons présenter le péché originel aux hommes de ce temps non point comme un acte, mais comme un état pathologique: nous n'avons pas été créés pour être tels que nous le devenons par l'usage que nous faisons de notre liberté, c'est-à-dire de l'image de Dieu qui est en nous. C'est pourquoi, le baptême est conféré même aux enfants en deçà de l'âge de raison. En plusieurs endroits de l'Office des funérailles d'un enfant, l'Eglise parle des petits enfants qui n'ont rien fait de mal, de la beauté de leur pureté. Et pourtant, même pour eux, la rémission des péchés est nécessaire, c'est-à-dire la délivrance du péché originel. De là les exorcismes, que l'Eglise orthodoxe continue à pratiquer dans la première partie du baptême, celle dite du catéchuménat. Cela ne signifie pas que l'on impute la faute des ancêtres à leurs descendants, ni que l'être humain naîtrait dans une condition indue de péché par le fait que Dieu priverait l'homme de la grâce surnaturelle. 
Il y a dans l'humanité telle que nous l'expérimentons, un principe étranger à sa nature véritable, qui est le péché. La condition pécheresse et déchue est contre-nature, elle ne correspond pas à l'être authentique de l'homme. Le dessein éternel de Dieu sur l'homme est que celui-ci soit, écrit Boulgakov, empli de grâce par nature. L'homme a été créé par Dieu pour être réceptacle du saint Esprit. La finalité de la création de l'homme par Dieu, c'est sa divinisation. Et celle-ci n'est pas une action que Dieu exercerait sur l'homme, mais en l'homme, de l'intérieur même de l'homme. Boulgakov parle de notre participation personnelle au péché originel pour autant qu'il est un fait de notre liberté, et non pas seulement une nécessité. Il dit encore que le péché originel est, en chaque homme, le péché de la liberté de l’homme contre sa nature, une détermination métaphysique fautive et illégitime. Et il écrit aussi que le péché originel a pour premier effet l’infirmité de la nature, manifestée par la mortalité de l'homme. 

La Mère de Dieu mourut de mort naturelle, donc par nécessité, tandis que son Fils, dans la mesure où il était Dieu, ne mourut que parce qu'il le voulut librement, conformément au Dessein de son Père sur lui, et afin de pénétrer de part en part de sa divinité notre humanité pécheresse et déchue. En tant qu'infirmité de l'être humain, en tant que mortalité, ce que nous appelons le péché originel est invincible et inéluctable pour n'importe quel être humain si saint soit-il. Dans le cas de la Vierge Marie, le péché originel est demeuré en elle sous la forme de la mortalité, de l'infirmité de l'humaine nature qui nous amène à mourir de mort naturelle, mais le saint Esprit qui, à l'Annonciation, l'avait couverte de son ombre, coopéra avec sa liberté pour réaliser en elle une libération personnelle des péchés, ou, dit Boulgakov, une impeccabilité personnelle. La Vierge Marie porte le poids du péché originel, et simultanément l'idée d'un quelconque péché personnel est inadmissible dans son cas. La fin de l'Incarnation est essentiellement de manifester, en la divino-humanité de Jésus-Christ, la nature véritable de l'homme et la plénitude de son humanité laquelle porte alors l'image intégrale de Dieu. Le fait que Dieu se soit fait homme ne saurait être considéré comme un phénomène contingent provoqué par la chute

Le talon d'Achille de l'Augustinisme a été de faire ressortir le caractère sur-naturel de la grâce divine par rapport à l'homme. Le risque est alors de sous-estimer la profondeur de la réalité vivante de l'image de Dieu en l'homme, image de Dieu qui concerne aussi le corps et non point l'âme seulement, le risque de méconnaître la préconstruction de l'être humain pour les épousailles divines, pour la déification, la capacité de la personne humaine à attirer l'Esprit saint. La condition de possibilité de l'Incarnation exigeait que la nature humaine fût théophore, c'est-à-dire porteuse de Dieu, capable de porter Dieu. Le péché, accompli dans la liberté, agit sur l'homme d'une manière immanente à sa nature : en ne se soumettant pas au Dessein de Dieu sur lui - c'est cela, essentiellement, le péché, l'homme provoque en lui-même une catastrophe ontologique, qui entraîne une nécessité contre sa nature véritable, celle qui est voulue pour lui par Dieu. Ce qui est naturel, pour l'homme, c'est l'état de justice originelle, c'est ce que l’homme doit être, et non point ce qu'il est de fait devenu dans sa condition pécheresse et déchue."(à suivre)

(article paru dans la revue "Orthodoxes à Marseille" n°134 de déc.-janv. 2010-2011
et retranscrit par Maxime le minime avec la permission de Père André Borrely)

mercredi 16 mars 2011

Le péché originel (2)- un contresens sur le texte grec ! De l'Augustinisme [5] par P. André Borrely


"Aux hommes de ce temps, nos frères, nous devons dire que nous concevons les relations de l'homme avec Dieu comme une communion avec ce qui dépasse la nature de la personne humaine dans la mesure où celle-ci, intelligente, libre, et capable d'aimer, est créée à l'image de Dieu et pour lui ressembler. Or, seule cette intelligence libre et personnelle peut commettre le péché. Lorsqu'elle se rebelle contre Dieu, la personne humaine, abusant de sa liberté, a le terrible pouvoir de déformer et de pervertir la nature elle-même de l'homme. Elle peut le faire dans la mesure où elle est douée par Dieu de liberté. Le péché est toujours un acte personnel, le résultat de l'usage que la personne humaine fait de sa volonté et de sa liberté, il n'est jamais celui de la nature. Le patriarche Photios va même jusqu'à penser que la croyance en un péché de nature est une hérésie. Il convient de rejeter l'idée de faute héréditaire. Cependant, on ne saurait nier l'unité de l'humanité: la passion d'un père pour l'alcool ou d'une femme enceinte pour le tabac ou les joints,prépare de fréquentes visites chez le médecin pour l'enfant engendré dans un tel contexte biologique. Notre nature humaine subit les conséquences du péché de nos ancêtres. Cependant, ni le péché originel ni le salut en Christ ne peuvent être réalisés dans la vie personnelle d'un homme ou d'une femme sans engager leur responsabilité personnelle et libre.

Mais un paradoxe saute alors aux yeux: devant certains textes bibliques, c'est la théologie orthodoxe qui convient le mieux, voire qui seule convient aux résultats de tout le travail scientifique des Occidentaux, notamment des exégètes protestants allemands, et, dans l'Eglise romaine, de cet homme admirable et vénérable que fut le P. Lagrange. Si retardataires qu'ils soient dans le domaine des études bibliques, parfois même rétrogrades et conservateurs, les Orthodoxes sont, en ce qui concerne la théologie du péché originel, selon le mot de Malebranche, des pygmées montés sur des épaules de géants (les Pères grecs, et le plus grand de tous: saint Isaac le Syrien) que l'homme d'aujourd'hui peut accepter ou, tout au moins, respecter.

Examinons d'un peu près le verset 12 du chapitre 5 de l'épître aux Romains, en partant du texte grec, le seul reconnu par toutes les confessions chrétiennes comme inspiré et normatif, et le seul que lisaient les chrétiens d'Orient. Je citerai ensuite le texte latin le seul que lisaient les chrétiens d'Occident qui ne comprenaient plus le grec depuis longtemps. Voici d'abord le texte grec : 

"Διὰ τοῦτο ὥσπερ δι’ ἑνὸς ἀνθρώπου ἡ ἁμαρτία εἰς τὸν κόσμον εἰσῆλθεν καὶ διὰ τῆς ἁμαρτίας ὁ θάνατος, καὶ οὕτως εἰς πάντας ἀνθρώπους ὁ θάνατος διῆλθεν, ἐφ’ ᾧ πάντες ἥμαρτον " 

Voici maintenant, le texte latin tel que saint Augustin le lisait à son époque : 

"Propterea, sicut per unum hominem peccatum in hune mundum intravit et per peccatum mors, et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt. "

Vous remarquerez que dans le texte grec comme dans le texte latin j'ai souligné les mots ἐφ’ ᾧ et in quo. C'est pour mettre en évidence quelque chose d'admirable mais aussi de surprenant, pour ne pas dire d'inquiétant. En effet, parce que ce sont d'excellents savants, les chrétiens d'Occident ont compris, depuis des décennies, que la Vetus latina, - c'est-à-dire l'une ou l'autre des versions antérieures à la révision du texte latin entreprise et réalisée par saint Jérôme -  qu'utilisait saint Augustin, avait fait un contresens sur les mots grecs que j'ai soulignés :
ἐφ’ ᾧ est une contraction entre επι et le pronom 
relatif  , et signifie ici : parce que, le   grec étant le pronom relatif au neutre tandis que le quo latin est le pronom relatif au masculin. L'Imprimatur de l’Épître aux Romains du P. Lagrange dans la collection Etudes bibliques, chez Lecoffre-Gabalda, date du 12 novembre 1915 avec la formule réglementaire d'autrefois dans l'Eglise romaine : Superiorum permissu, avec la permission de la hiérarchie. Or, commentant ce verset, le P. Lagrange écrivait - en 1915! - ἐφ’ ᾧ ne peut signifier « dans lequel », mais seulement «parce que ». Il est inutile d'insister sur ce point, reconnu par les exégètes catholiques les plus autorisés. (p. 106). La bonne traduction du texte grec, le seul normatif, est donc la suivante :

"Voilà pourquoi, de même que c'est par un seul homme que le péché a fait son entrée dans le monde et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort a atteint tous les hommes..."

Dès 1915, un exégète de l'envergure de Lagrange avait reconnu que la Vetus latina utilisée par saint Augustin avait fait un contresens sur le texte grec, et pourtant on n'en a pas tiré, s'agissant de la théologie du péché originel, la conséquence qui eût consisté à tenir aux hommes de ce temps non plus un langage augustinien devenu pour eux désormais inintelligible, mais un tout autre message, à savoir que les descendants d'Adam ne sont pas pour autant tenus pour coupables, à moins que, comme Adam, ils ne commettent le péché. 
Même s'ils n'ont pas la foi, nos contemporains éprouveront du respect pour elle si nous leur disons qu'on ne naît pas coupable, mais qu'on le devient pour autant que l'on pèche volontairement et librement. Paraphrasant le célèbre adage latin: Nascuntur poetae, oratores fiunt, on naît poète, mais on devient orateur" on pourrait dire: Nascuntur innocentes, peccatores fiunt, on naît innocent, mais on devient pécheur.  "
(à suivre)

(article paru dans la revue "Orthodoxes à Marseille" n°134 de déc.-janv. 2010-2011
et retranscrit par Maxime le minime avec la permission de Père André Borrely)

lundi 14 mars 2011

Le péché originel (1)- De l'Augustinisme [4] par P. André Borrely


"En ce 21ème siècle, il suffit d'ouvrir son poste de télévision pour savoir que notre humanité est âgée au minimum de 200.000 ans et que si l'on s'entête à vouloir lire les onze premiers chapitres du livre de la Genèse, comme si c'étaient des livres historiques, on se ridiculise en effectuant, sans s'en rendre compte, un saut vertigineux de quelque 190000 ans entre ceux qu'en grec on appelle les πρωτόπλαστοι, c'est-à-dire, littéralement ceux qui furent les premiers à être modelés, Adam et Ève, et leurs descendants immédiats dont il est question ensuite dans les passages du livre de la Genèse rédigés par ce qu'on appelle le Priester Codex, ou la source sacerdotale, ou encore le chroniqueur généalogiste, alors que l'histoire d'Adam et d’Ève appartient à la source yahviste ou document J. Dès lors, si l'on veut que la Révélation de Dieu à l'humanité soit intelligible à nos contemporains, nous devons commencer par tenir compte du genre littéraire auquel appartient le livre biblique dont on vient de lire, à l'église, tel ou tel extrait et que l'on a choisi de commenter. 
Que dirions-nous de quelqu'un qui se mettrait en quête de l'acte de baptême de Dimitri et d'Ivan Karamazov, ou songerait à faire des recherches sur le curé d'Ambricourt auprès de l'évêque d'Arras ou de Lille ? Autrement dit, il est stupide de faire des livres de Jonas, de Tobie, de Job et de Daniel ou bien des onze premiers chapitres du livre de la Genèse des textes historiques qui appartiendraient au même genre littéraire que les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois ou le premier livre des Maccabées. Quand ils mangent du fruit défendu, Adam et Eve ne sont ni David ni Bethsabée. Adam et Eve ne sont pas Monsieur Adam et Madame Eve. Vouloir à tout prix chercher dans la Bible une protohistoire, une astronomie ; une géographie compatibles avec nos actuelles connaissances scientifiques, sous prétexte que la sainte Ecriture est l'œuvre divino-humaine du saint Esprit et de l'homme, c'est méconnaître gravement le fait qu'il n'y a pas erreur lorsqu'il n'y a pas enseignement, mais seulement opinion, voire acceptation non contrôlée de conceptions universellement répandues, lorsque l'affirmation incriminée n'est erronée qu'à un point de vue complètement étranger au centre d'intérêt effectif de l'écrivain, centre d'intérêt que l'on doit lui-même apprécier en fonction des lecteurs auxquels il s'adresse. Il m'est arrivé d'entendre tel membre du clergé orthodoxe soutenir l'historicité de Jonas avec, comme argument majeur, le fait que, dans l’Évangile, le Christ se réfère à ce personnage comme à un personnage historique. Mon interlocuteur oubliait simplement que, pour être en droit de reprocher à quelqu'un de ne pas s'être exprimé sur un sujet avec exactitude, il faut qu'il ait eu l'intention et le devoir de le faire, compte tenu des préoccupations de ses contemporains. 
Les onze premiers chapitres du livre de la Genèse ne sont pas des livres historiques mais mythiques. Et qu'on n'aille pas entendre ici le mot mythique en un sens péjoratif. Le langage mythique est un effort entrepris par l'imagination humaine, non point pour exprimer mais afin d'évoquer, pour suggérer de manière très concrète, imagée, symbolique, des vérités d'ordre métaphysique. Alors que nous, hommes et femmes du 21ème siècle, nous forgerions des idées abstraites et générales telles que condition humaine, libre-arbitre, culpabilité, transcendance, humanité, les hommes de la Bible, qui sont des sémites et appartiennent à une culture fondamentalement sapientielle, préfèrent le symbole nécessairement concret, au concept inévitablement abstrait. Ils vont donc inventer une histoire qu'il ne faut surtout pas prendre pour historique.

Le ou les auteurs du récit de la chute ont voulu nous dire : Voilà ce qu'était l'humanité pour Dieu quand il créa le monde, et voilà ce qu'elle est en fait

Or, saint Augustin et tout le monde chrétien, Orient et Occident confondus sur ce point - et encore un certain nombre de nos textes liturgiques - ont très longtemps traité le thème de la chute originelle comme s'il s'était agi de Monsieur Adam et de Madame Ève. Mais alors, comment continuer de présenter une théologie du péché originel qui a pu faire dire au professeur Willy Rosenbaum : la vie est une maladie sexuellement transmissible et constamment mortelle. Tout être humain, a-t-on longtemps enseigné, vient au monde en état de péché du seul fait qu'il appartient à la descendance de Monsieur Adam et de Madame Ève.

La théologie augustinienne du péché originel va se répandre comme une traînée de poudre dans tout l'Occident chrétien. Poursuivant ma parabole ferroviaire, je serais tenté de dire qu'après la gare de la Blancarde, l'omnibus s'emballe en direction de Nice à la vitesse d'un TGV, ce qui ne va pas sans un certain nombre de déraillements. Ce qu'on appelle le mouvement œcuménique évoque alors ces équipes d'ouvriers travaillant sur la voie ferrée, l'un d'eux signalant avec un cor ou une trompette le passage imminent d'un convoi. Plus précisément, le mouvement œcuménique me fait songer à une équipe d'ouvriers de la SNCF qui ne parviendraient pas à rétablir le trafic après une ribambelle de déraillements. Afin d'expliquer le fait scandaleux de la mort, parfois atroce, des enfants, saint Augustin croit pouvoir apaiser sa faim et sa soif de comprendre en se référant au péché originel et en inventant les limbes. Un enfant mort-né et innocent, que le vicaire de la paroisse en route pour le domicile n'a pas eu le temps de baptiser parce que sa vieille voiture a un problème de boîte de vitesse, cet innocent ira en un lieu situé entre l'enfer et le paradis, duquel la souffrance est absente, mais qu'y a-t-il de moins chrétien que l'idée selon laquelle l'homme pourrait n'être pas malheureux lors même qu'il vit en dehors de la présence de Dieu? Une ecclésiologie statique qui limite l'Eglise à ses limites visibles, institutionnelles et conceptualisables aboutit alors à l'idée selon laquelle seul un baptisé peut espérer obtenir la rédemption.
Voici plutôt le discours qu'il convient de tenir à nos contemporains, non point, certes, pour les caresser dans le sens du poil, pour être dans le vent, mais parce que c'est la foi de l'Eglise indivise : la mort et le péché sont anormaux et contre nature pour l'homme créé à l'image de Dieu et pour lui ressembler. Ce qui est normal pour l'homme, naturel, au sens de conforme à sa nature véritable, c'est d'être entièrement ouvert et consentant à l'action divine et divinisante, à la déification. Le fait que l'homme soit une créature est la cause de son imperfection et de sa possibilité de déchoir. En revanche, la déification signifie la plénitude de la nature humaine. Parce qu'il est créé à l'image de Dieu et pour lui ressembler, tout en étant créature, c'est-à dire imparfait et capable de déchoir, l'homme est accessible à la déification.

L'homme n'est pas un centaure dont la bestialité serait couverte par la grâce, par la sur-nature, par un don divin surajouté à sa nature. Et si l'on s'écarte de cette façon de comprendre l'homme, on ne comprend plus comment le Fils unique engendré du Père, le Λόγος a pu s'incarner en une humanité qui, par sa nature, ne lui serait pas conforme, qui ne serait pas préconstruite pour le recevoir. Le Verbe s'est fait chair ne signifie pas qu'il s'est fait centaure, mais homme ! L'humanité que le Fils ne Dieu a épousée fut une humanité qui, dès lors qu'elle était de part en part pénétrée par la divinité, put révéler sa capacité à n'être pas bestiale, concupiscente, mortelle. Et si l'humanité du Christ fut celle-là, ce ne fut pas seulement en raison du fait que le Christ ne commit jamais aucun péché personnel, mais en raison de la nature même de cette humanité pleinement capable de divinisation. L'homme tel que le Créateur l'a pensé de toute éternité et l'a finalement manifesté en son Fils devenu l'un des hommes, cet homme n'est ni concupiscent ni mortel. Si le Christ est mort c'est qu'il a voulu mourir, et il n'a pu mourir que d'une mort violente, non naturelle."(à suivre)

(article paru dans la revue "Orthodoxes à Marseille" n°134 de déc.-janv. 2010-2011
et retranscrit par Maxime le minime avec la permission de Père André Borrely)