Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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samedi 7 décembre 2024

L'ORGUEIL et le MÉPRIS et ce qui en découle par P. Nicolae Steinhardt

 

« Maintenant je sais, je l’ai appris aussi»  Nicolae Steinhardt


 Quand un homme parvient à réaliser quelque chose qui lui a demandé beaucoup d'efforts, l'orgueil commence à s'installer en lui.     Celui qui a perdu du poids regarde avec mépris les gros, et celui qui a arrêté de fumer fronce le nez avec dédain quand un autre se vautre encore dans son vice. Si quelqu'un réprime avec zèle sa sexualité, il regarde avec mépris et orgueil le pécheur qui lutte pour échapper à son péché, mais l'instinct le devance ! 
     Ce que nous réussissons peut nous souiller plus que le péché lui-même. Ce que nous acquérons peut bouleverser nos repères émotionnels au point de remplir notre âme de venin.
     L'argent qui vient à nous peut nous rendre arrogants et avares, tout comme le succès peut nous plonger dans l'abîme terrifiant des péchés de l'âme.
    Le chemin vers l'amour se rétrécit lorsque nous regardons les autres d'une hauteur d'aigle en vol. La douceur du cœur se dessèche sur les tiges du mépris, de la haine et de l'orgueil, si l'âme n'est pas prête à accueillir son succès avec la modestie et la grâce d'une fleur... 
     Tout ce que nous réussissons pour nous-mêmes et qui nous apporte de l'énergie est destiné à se retourner vers ceux qui luttent encore dans la souffrance et le péché. Nos yeux ne sont pas faits pour le mépris, mais pour exprimer le visage de l'amour qui s'efforce de sortir de nos âmes. Nos succès ne nous sont pas donnés pour nous pavaner comme des paons dans les manteaux des statues, mais pour les transformer en amour, en développement et en don pour ceux qui nous entourent. 
     Si tu réprimes ta faim pendant que tu jeûnes, la faim ne fera que croître. Ton esprit va rêver de mets délicieux et raffinés, il va sentir les odeurs les plus appétissantes même dans le sommeil, pour que, le jour suivant, fou de frustration, il compense son manque par un mépris défiant envers celui qui ne jeûne pas. Alors, le jeûne devient une occasion d'orgueil, d'expression de la vanité et d'une victoire triomphante sur les désirs… Mais, au-delà de tout, l'orgueil reste de l'orgueil, et le sentiment de frustration le confirme. 
     Si tu as réussi dans la vie, ne t'accroche pas aux échecs des autres, pour ne pas éveiller en toi le ver vorace de l'orgueil et la passion de l'arrogance. La réussite est l'énergie de l'amour et de ta capacité à accepter la vie, mais elle ne reste pas immobile, elle n'est pas comme une montagne ou un océan. 
     L'orgueil et l'arrogance de la réussite te font descendre lentement de ton piédestal, car ils dessinent dans le ciel de ta vie des événements qui leur sont propres. 
     Perds du poids, réjouis-toi et tais-toi ! Arrête de fumer, réjouis-toi et tais-toi ! Nettoie ta cour, réjouis-toi de sa propreté et laisse les déchets du voisin là où le voisin les a mis. Car entre le voisin et les ordures dans la cour, il existe une relation cachée, des émotions que tu ne connais pas, des sentiments que tu ne soupçonneras jamais et des causes qui resteront, peut-être, à jamais cachées à ton esprit et à ton cœur. 
     Entre l'homme gros et sa graisse, il existe une relation cachée. Une compréhension. Un secret. Un sentiment mal compris. Une émotion inassouvie. Un amour rejeté. La graisse est le professeur du gros. Le vice est le professeur du vicieux. Et, dans notre vie, il n'existe pas de professeurs plus sévères que nos vices et nos incapacités. 
     Maintenant je sais, je sais que toute haine, toute aversion, tout souvenir du mal, toute absence de pitié, toute absence de compréhension, de bienveillance, de sympathie, toute conduite envers autrui qui n’atteint pas le niveau de grâce et de délicatesse d’un menuet de Mozart… est un péché et une souillure ; non seulement le meurtre, la blessure, les coups, le vol, les injures, mais toute vulgarité, toute mépris, tout regard malveillant, tout dédain, tout mauvais état d’esprit vient du diable et corrompt tout. Maintenant je sais, j'ai aussi appris…»

vendredi 23 février 2018

Le bonheur des impies ? Lecture du psaume 16 [1] par P. Aimilianos



LECTURE DU PSAUME 16
extraits

14. Seigneur, fais-les disparaître de la terre;
disperse-les durant leur vie. 
De tes réserves leur ventre est rempli; 
ils ont été rassasiés de fils, 
et ils ont légué leur surplus à leurs petits enfants.

 « Seigneur, fais disparaître les impies de cette terre, éloigne-les des fidèles, qui sont si peu nombreux. Fais disparaître les méchants durant leur vie, lorsqu’ils pensent être à l’apogée de leur prospérité, quand ils croient atteindre bientôt leur but. Fais-les disparaître de la vie présente pour qu’ils ne scandalisent pas les fidèles.» La prospérité des incroyants et des impies est cause de scandale pour les croyants. 

De tes réserves leur ventre est rempli. « Seigneur ! ceux qui ne croient pas en toi, les infidèles, mes ennemis sont comblés de biens! Ils ne leur manquent rien. Ils se rassasient non seulement de la nourriture commune aux mortels mais, de plus, de tes réserves; leur ventre est rempli de ce qu’il y a d’exquis dans cette vie. Ils se délectent de ce que les pauvres et les croyants n’ont jamais vu, même en rêve. Les nombreux enfants étaient le signe du bonheur : Ils ont été rassasiés de fils ».

D’autres manuscrits portent : «ils ont été rassasiés de viande de porc ». Le porc était, d’une part, interdit par la Loi — leur transgression est donc prouvée —, d’autre part, la viande de porc exprime le repas plantureux, l’abondance, la volupté, le bien-être. Ils ont été rassasiés : ils ont mangé autant qu’ils le désiraient et le surplus était si abondant qu’ils en nourrirent leurs petits enfants; ils étaient comblés de bonheur. 

15. Et moi, dans ta justice je paraîtrai devant ta face ;
 je serai rassasié quand paraîtra devant moi ta gloire. 

Comme le psalmiste pense différemment ! Les impies vivent pour le plaisir des sens, alors que le prophète pense uniquement aux délices spirituelles. Ils vivent des biens terrestres et pour les biens terrestres, alors que David, lui, vole au-dessus de tout cela. Il considère comme rebuts ce qui rassasie les autres. Rien de commun entre eux. 

«Ils se rassasient de biens matériels. Mais est-il possible que l’âme de l’homme puisse en être rassasiée? Assurément, Seigneur, ils sont dans l’illusion quand ils pensent posséder. Mais moi, dans ta justice, je paraîtrai devant toi. Je ne me rassasierai pas de biens périssables, je serai comblé seulement quand je verrai ta gloire. »  Il y a contradiction entre les hommes qui se repaissent de bonheur terrestre et ceux qui jouissent des délices spirituelles. 

Lorsque David dit : quand paraîtra devant moi ta gloire et je paraîtrai devant ta face, il sous-entend sa présence dans le Temple, là où Dieu le voit et l’écoute. Mais aussi en toute autre circonstance où Dieu se manifeste à l’homme, comme il est apparu  à Moïse ainsi qu’à tous ceux qui le cherchaient.
Chacun de nous peut voir Dieu et être vu de Dieu en cette vie, en raison de sa justice, de sa pureté. 

Le verset je serai rassasié quand paraîtra devant moi ta gloire est, dans la traduction du texte hébreu : «Au réveil je me rassasierai de ton image. » Il y a une légère nuance qu’il nous faut examiner. Combien de fois ne sommes-nous pas scandalisés lorsque nous constatons le bonheur des impies, quand nous voyons la joie, apparente, de ces hommes. Et survient en nous cette question :  «peut-être ai-je commis quelque erreur ? » Il n’en est rien. Eux vivent dans le temps présent. 

La version des Septante quand paraîtra devant moi ta gloire, cache un sens eschatologique. Le prophète, en pensée mais aussi avec son cœur, vit dans le présent et dans l'avenir, au moment où il ressuscitera et verra la face de son Seigneur. Il vit au-delà de ce monde, après le monde actuel. Nous sommes en présence du bonheur futur. Pour s’encourager, le psalmiste compare le monde présent et le monde à venir. C’est une prophétie sur la béatitude après la mort. Dans la nuit et dans le désespoir qui l’habite, surgit une lueur : 1’autre vie. Là, il verra Dieu « face à face». Mais il ne le contemplera que dans la mesure où il l’aura déjà vu sur terre

Le verbe «se rassasier » renferme, outre son sens évident, une autre signification, laquelle doit retenir notre attention de façon toute particulière. Nous nous rassasions quand nous mangeons. Le rassasiement indique la participation à la gloire divine. Voir Dieu veut dire que nous recevons Dieu, que nous participions à sa vie. Le rassasiement suppose donc aussi une union avec Dieu. Non pas un mélange des deux natures, mais une divinisation par grâce particulière de Dieu. Se rassasier de sa gloire veut dire que nous participons à la vie — c’est-à-dire à l’énergie et non à l’essence — de la Divinité ; nous devenons des dieux. 

Le psalmiste dit :  «Seigneur, ils sont absorbés par les biens matériels, moi je préfère ne pas être une masse de chair animée qui se promène, mais être un intellect qui voit Dieu, une âme qui palpe Dieu. Je veux participer à ta vie, ne faire qu’un avec toi. Ma vie est cachée dans ta vie, je suis toi et toi tu es moi. » 
*
*    *

Ce psaume admirable est à la fois si simple et tellement important c'est la prière d’un homme qui souffre. 
Si nous ne souffrons pas aujourd’hui, n’oublions pas que, vraisemblablement, demain nous souffrirons et qu’autour de nous il y a des milliers de frères éprouvés, amis proches ou lointains, qui ne cessent d’être membres de notre corps. Prions avec ce psaume ou avec de semblables paroles pour ces hommes. Nous venons de dire que si nous ne souffrons pas aujourd’hui, nous souffrirons peut-être demain, pour mieux dire, nous souffrons toujours. Chaque chose peut devenir cause de douleur. Le combat du chrétien, notre combat, est lui aussi une cause de souffrance. Satan « comme un lion rugissant » cherche l’occasion de nous induire en tentations. Même nos amis, voire les êtres qui nous sont chers, peuvent être source de souffrances. Nous pouvons dire que notre vie est une passion. Toutefois n'oublions pas le sens profond que nous livre ce psaume : la souffrance, les difficultés, les échecs sont une visite de Dieu. C’est lorsque nous souffrons que Dieu est avec nous.


À SUIVRE

mardi 12 août 2014

ANTHROPOLOGIE CHRÉTIENNE par Vladimir LOSSKY

Saint Maxime le Confesseur a décrit avec une puissance et une ampleur incomparables la mission dévolue à 1’homme.
Aux divisions successives qui constituent la création devaient correspondre des unions ou synthèses accomplies par l’homme, grâce à la «synergie » de la liberté et de la grâce.

La division fondamentale où s’enracine la réalité même de l’être créé est celle de Dieu et de l’ensemble des créatures, du créé et de l'incréé.
La nature créée se divise ensuite en céleste et terrestre, en intelligible et sensible. 
Dans l'univers sensible le ciel est séparé de la terre.
A la surface de celle-ci le Paradis est mis à part.
Enfin, l'habitant du Paradis, l’hommeest lui-même divisé en deux sexes, le masculin et le féminin

Adam devait surmonter ces divisions par une action consciente, pour réunir en lui l'ensemble du cosmos créé et se déifier avec lui.
Il fallait d’abord qu’il dépassât la séparation sexuelle par une vie chaste, par une union plus totale que l’union extérieure des sexes, par une «intégrité » qui fût intégration.
Dans une deuxième étape, il devait réunir le Paradis au reste du cosmos terrestre, par un amour pour Dieu qui à la fois le détachât de tout et lui permît de tout embraser : portant toujours le Paradis en lui-même, il eût transformé la terre entière en Paradis.
En troisième lieu, son esprit et son corps lui-même auraient triomphé de l’espace en unifiant l’ensemble du monde sensible, la terre et son firmament.
A l’étape suivante, il devait pénétrer dans le cosmos céleste, vivre la vie des anges, assimiler leur intelligence et réunir en lui le monde intelligible au monde sensible.
Enfin, l’Adam cosmique, en se donnant sans retour à Dieu, lui aurait remis toute sa création, et aurait reçu de lui, par la réciprocité de l’amour, c’est-à-dire par grâce, tout ce que Dieu possède par nature : ainsi dans le dépassement de la séparation primordiale du créé et de l'incréé, se serait accomplie la déification de l’homme et, par lui, de tout l’univers.

La chute a rendu l’homme inférieur à sa vocation.
Mais le plan divin n’a pas changé.
La mission du premier Adam sera donc remplie par l’Adam céleste, le Christ ; non qu’il se substitue à l’homme, car l’amour infini de Dieu ne saurait remplacer l'adhésion de la liberté humaine, mais pour rendre à l’homme la possibilité d’accomplir son œuvre, pour lui ouvrir à nouveau la voie de la déification, cette suprême synthèse, à travers l’homme, de Dieu et du cosmos créé, qui reste le sens de toute anthropologie chrétienne.
Ainsi, à cause du péché, pour que l’homme puisse devenir Dieu, il a fallu que Dieu se fasse homme, et que le second Adam inaugure la « nouvelle création » en surmontant toutes les divisions de l’ancienne.
Par sa naissance virginale, en effet, le Christ dépasse la division des sexes et ouvre à la rédemption de « l’éros » deux voies, unies, seulement dans ma êrsonne de Marie, à la fois vierge et mère : celle du mariage chrétien et celle du monachisme.
Sur la croix le Christ réunit l'ensemble du cosmos terrestre au Paradis: car lorsqu’il laisse entrer la mort en lui pour la consumer au contact de sa divinité, le lieu le plus sombre de la terre devient rayonnant, il n’y a plus de lieu maudit. 
Après la Résurrection, le corps même du Christ se joue des limitations spatiales, et, dans une intégration de tout le sensible, unifie la terre et le ciel. 
Par l’Ascension, le Christ réunit les mondes céleste et terrestre, les chœurs angélique au genre humain. 
Enfin, la session à la droite du Père introduit l’humanité, au-dessus des ordres angéliques, dans la Trinité elle-même, et ce sont les prémices de la déification cosmique. 

Ainsi nous ne pouvons retrouver la plénitude de la nature adamique que dans le Christ, second Adam. Mais pour mieux comprendre cette nature, nous devons poser deux difficiles problèmes, d’ailleurs connexes: celui du sexe et celui de la mort.

La condition biologique où nous nous trouvons aujourd’hui était-elle celle de l’homme avant la chute ? Cette condition, liée à la dialectique tragique de l’amour et de la mort, s’enracine-t-elle dans l’état paradisiaque? Ici la pensée des Pères, justement parce qu’elle ne peut évoquer la terre—paradis qu’à travers la terre maudite, risque de devenir partielle, et par là de s’ouvrir à des influences non chrétiennes qui la feront partiale. Un dilemme se dessine : ou bien une sexualité biologique existe au Paradis, comme le laisse entendre l’ordre divin de multiplication. Mais n’est-ce pas alors, dans la condition première de l’homme, comme un affaiblissement de l'image divine par la présence d’une animalité impliquant à la fois la multiplicité et la mort ? Ou bien la condition paradisiaque est pure de toute animalité, mais alors le péché consiste dans le fait même de notre vie biologique, et nous tombons dans une sorte de manichéisme. Certes, les Pères ont rejeté, avec l’origénisme, cette seconde solution. Mais ils ont difficilement réussi à élucider la première. Partant de l'irrécusable liaison, dans le monde déchu, du sexe et de la mort, de l’animalité et de la mortalité, ils se demandent si la création de la femme, suscitant une condition biologique liée à la finitude, n’aurait pas menacé dès le Paradis l’immortalité potentielle de l’homme. Ce côté négatif de la division des sexes introduisant une certaine faillibilité, la nature humaine serait désormais vulnérable, la chute inévitable... 

Grégoire de Nysse, repris sur ce point par Maxime le Confesseur, a récusé cet enchaînement nécessaire de la division des sexes et de la chute. Pour lui, la sexualité aurait été créée par Dieu en prévision du péché, pour préserver l’humanité après la chute, mais simplement comme une possibilité. La polarisation sexuelle dotait la nature humaine d’une sauvegarde qui n’impliquait 
nulle contrainte; tel le passager qui se voit attribuer une ceinture de sauvetage, mais n’est nullement incité pour autant à se jeter à la mer. Cette possibilité ne pourra s’actualiser qu’au moment où, par le péché qui n’a rien à voir avec le sexe, la nature humaine s’effondrera et se fermera à la grâce. C’est seulement dans cet état déchu, où la mort est le salaire du péché, que la possibilité deviendra nécessité. Ici intervient l’exégèse, qui date de Philon, des «tuniques de peaux >> dont Dieu revêtit l’homme après la chute: ces tuniques représenteraient notre nature actuelle, notre état biologique grossier, bien différent de la corporalité transparente du Paradis. Un cosmos nouveau se forme, qui se défend contre la finitude par le sexe, instaurant ainsi la loi des naissances et des morts. Dans ce contexte le sexe apparaît non comme la cause de la mortalité, mais comme son relatif andidote. 

On ne peut suivre cependant Grégoire lorsque, arguant de ce caractère « préventif » de la sexualité, il affirme que la division en mâle et femelle est << surajoutée » à Pimage. Ce n’est pas elle seule en effet, mais toutes les divisions du créé qui ont acquis, par suite du péché, un caractère de séparation et de mort. Et l’amour humain, la passion d’absolu des amants, n’a jamais cessé de receler, dans la fatalité même de son échec, une nostalgie paradisiaque où Phéroïsme et l’art s’enracinent. La sexualité paradisiaque, toute d’intériorité consubstantielle et dont la merveilleuse multiplication, qui devait tout remplir, n’aurait certainement exigé ni la multiplicité ni la mort, nous est presque entière-ment inconnue; car le péché objectivant les corps («ils virent qu’ils étaient nus »), fit des deux
premières personnes humaines deux natures séparées, deux êtres individuels, ayant entre eux des rapports extérieurs. Mais la nouvelle création en Christ, second Adam, nous permet d’entrevoir le sens profond d’une division qui certes n’eut rien de « surajouté » : la mariologie, l’amour du Christ et de l’Eglise et le sacre-ment de mariage mettent en lumière une plénitude qui s’origine dans la création de la femme. Plénitude seulement entrevue cependant, sinon dans l’unique personne de la Vierge, car notre condition déchue subsiste toujours, exigeant, pour l’accomplissement de notre vocation humaine, non seulement la chasteté intégrante du mariage, mais aussi et peut-être d’abord, la chasteté sublimante du monachisme. 

Peut-on dire qu’Adam, dans sa condition paradisiaque, était vraiment immortel ? « Dieu n’a pas créé la mort», dit le livre de la Sagesse. Pour la théologie archaïque, saint Irénée par exemple, Adam n’était ni nécessairement mortel, ni nécessairement immortel : sa nature riche de possibilités, malléable, pouvait être constamment nourrie par la grâce et transformée par elle au point de surmonter tous les risques de vieillissement et de mort. Les possibilités de mortalité existaient mais pour être rendues impossibles. Telle était l’épreuve de la liberté d’Adam. L’arbre de vie au centre du Paradis et sa nourriture d’immortalité offraient donc une possibilité : ainsi, dans nos réalités christo-ecclésiastiques, 1’Eucharistie, qui nous guérit, nourrit et fortifie, spirituellement et corporellement. Il faut se nourrir de Dieu pour atteindre librement la déification. Et c’est dans cet effort personnel qu’Adam a failli. v Quant à 1’interdiction divine, elle pose un double problème : celui de la connaissance du bien et du mal, et celui de l’interdit lui-même. Ni la connaissance en soi, ni celle du bien et du mal ne sont mauvaises. Mais le recours à ce discernement implique une infériorité existentielle, un état déchu. Dans la condition de péché, il nous est certes nécessaire de connaître le bien et le mal pour faire l’un et éviter l’autre. Mais pour Adam au Paradis cette connaissance n’était pas utile. L’existence même du mal implique une séparation volontaire de Dieu, un refus de Dieu. Tant qu’Adam restait uni à Dieu, et accomplissait sa volonté, tant qu’il se nourrissait de sa présence, une telle distinction était inutile. 

C’est pourquoi 1’interdiction divine était moins de connaître le bien et le mal (puisque le mal n’existait pas, sinon comme un risque, celui de la transgression même d’Adam) qu’une épreuve voulue, destinée à rendre consciente la liberté du premier homme. Adam devait sortir d’une inconscience enfantine en acceptant par amour d’obéir à Dieu. Non que 1’interdit fût arbitraire : car l’amour pour Dieu, s’il était librement consenti par l'homme, devait l’envahir tout entier, et rendre par lui l’univers transparent à la grâce. Comment alors aurait-il pu désirer autre chose, isoler un aspect, un fruit, de cet univers transparent pour l’engluer dans un désir égocentrique et, d’un même mouvement le rendre opaque et se rendre opaque à la toute présence divine ? «Ne mange pas... », « Ne touche pas... » : c’est la possibilité même d’un amour vraiment conscient, d’un amour toujours grandissant qui enlèverait l’homme à la jouissance autonome non d’un arbre mais de tous les arbres, non d’un fruit mais de tout le sensible, pour l'embraser, et tout l’univers avec lui, de la seule jouissance de Dieu. Vladimir LOSSKY

vendredi 20 décembre 2013

"Pour la premiere fois, J'ai compris ce qu'Orthodoxie voulait dire..."


" Notre Orthodoxie est fondée sur la présence de l'Esprit Saint. Comme le disait le grand Père de notre Église, saint Irénée, originaire d'Asie Mineure et évêque de Lyon, là où la grâce de l'Esprit Saint est visible et sensible, là est l'Église. C'est cela aussi que l'Ancien Porphyre a démontré, à savoir que l’Église orthodoxe continue. Il a démontré que notre tradition se perpétue et le fait que les charismes ne sont pas des actions de Dieu limitées aux temps apostoliques, comme le croient divers hérétiques, mais qu'ils sont vivants de tout temps dans la tradition de l'Orthodoxie.
 Je présenterai ici, en témoignage, le cas d'un clerc tchèque. Quand il est venu en Grèce il avait deux problèmes fondamentaux : l'un était un problème d'ordre strictement personnel, c'est-à-dire un problème existentiel ; l'autre était un problème d'ordre ecclésial. II ne parlait que l'allemand et il m'a demandé de l'accompagner auprès du Père Porphyre. Mais, pour des raisons de discrétion dirais-je, j'ai envoyé, pour l’accompagner un de mes étudiants qui était allemand. Après les salutations, l'Ancien Porphyre lui saisit la main, avec son sourire bien connu, tout à fait amical et désarmant, et lui dit; «Mon Père, vous avez deux problèmes qui nous mettent au supplice. » Puis il lui indiqua de quelle manière il devait procéder concernant le premier problème et de quelle manière concernant l'autre. Quand le clerc tchèque revint à la maison, il me dit : « J'ai senti les articulations de mes jambes se relâcher immédiatement et j'était prêt à m'agenouiller, car, pour la première fois, j'ai compris ce que signifie l'Orthodoxie. » Ce clerc tchèque était issu d'une famille non orthodoxe et, par la suite, était devenu orthodoxe. Il croyait ainsi que tout ce qu'il lisait dans les livres sacrés de l'Église était tout à fait théorique et, d'une certaine manière, mythique. « Maintenant, m'a-t-il dit, j'ai constaté la réalité. Dieu accorde la grâce, et cette grâce-là se trouve dans l'Orthodoxie. » [I 62]."
(extrait de Anthologie de conseils de Père Porphyre aux editions de l'AGE D'HOMME- collection Grands spirituels du XXe siécle) Grâces soient rendues au traducteur Alexandre Tomadakis et au directeur de la collection Jean Claude Larchet dont le ministère est  tellement précieux pour l'Orthodoxie francophone et l'Orthodoxie mondiale !

vendredi 7 janvier 2011

L'altérité orthodoxe [2] par Père André Borrely

Voici la suite du beau texte de P. André qui montre comment on peut (pouvait) participer à une réunion oecuménique tout en témoignant d'une foi orthodoxe authentique :

"Un soir de janvier des années 90, dans un village près de Marseille, il y avait une réunion œcuménique organisée dans la semaine de prière pour l'unité des chrétiens. La soirée était achevée. Nous avions entrepris de consommer une boisson chaude. Soudain, un catholique monta sur une table pour donner lecture d'un accord qui venait d'être conclu entre l'Eglise romaine et les Luthériens sur la question de la foi et des œuvres. Je pris part à la joie commune que procurait cette réconciliation théologique. Pourtant, je me disais que, somme toute, ce n'était pas un scoop. En effet, je songeais à l'ouvrage d'un certain Marc l'Ascète, qui, au 5ème ou au 6ème siècle, écrivit un ouvrage intitulé : De ceux qui pensent être justifié par les œuvres. L'auteur y développe l'idée que l'ascèse ne saurait faire du Royaume le salaire des œuvres. Elle n'est que l'exercice continuel et gratuit de l'humilité et de l'amour. Je songeais aussi à la huitième prière qui depuis des siècles est récitée au lever dans les monastères orthodoxes. Plus encore que par la longueur du nez de Cléopâtre, la face du monde eût été changée si le pape Léon X et Luther avaient récité chaque jour cette prière : ... « Sauveur, sauve-moi par grâce, je t'en prie. Car si tu me sauvais pour mes œuvres, ce ne serait plus grâce ni don, mais plutôt chose due ... Si ... la foi en toi sauve ceux qui n'ont plus d'espérance, et je le crois, sauve-moi car tu es mon Dieu et mon Créateur. Que la foi me soit comptée à la place des œuvres, mon Dieu, car tu n'en trouves point qui puissent me justifier. Mais que ma foi les remplace toutes, qu'elle réponde pour moi, qu'elle me justifie. »
Je voudrais vous faire sentir l'altérité orthodoxe et qu'elle vous apparaisse moins comme une réalité confessionnelle que comme l'humble témoignage de l'Eglise indivise où s'enracinent toutes les confessions chrétiennes. Je commencerai par le mot théologie qui, dans l'Orthodoxie, n'évoque pas principalement une spécialité scientifique ayant l'ambition d'effectuer l'inventaire du dogme en l'enrichissant par la spéculation intellectuelle et en le prolongeant rationnellement. La théologie n'est pas une science si par ce terme on entend un effort intellectuel pour construire une synthèse rationnelle du dogme. Il est significatif que le plus grand théologien orthodoxe du Moyen Age byzantin, Saint Grégoire Palamas, n'ait pas cherché à forger un système théologique.
A Marseille, il y avait le patron d'une civette, maintenant décédé, qui avait toujours, sous son comptoir, une bible et une Philocalie. Ce dernier terme, Φιλοκαλία qui signifie étymologiquement l'amour de la beauté, désigne une anthologie, publiée à Venise en 1782, de textes provenant des monastères et ermitages du pourtour de la Méditerranée orientale. Dès que la clientèle lui en laissait le loisir, il s'empressait de se plonger dans la lecture de ses chers auteurs. Et si quelqu'un s'avisait de lui demander quel roman policier l'absorbait ainsi, il se faisait une joie de lui parler d'Évagre le Pontique ou de Maxime le Confesseur. Non seulement il n'avait aucun titre universitaire en théologie, mais sa scolarité avait dû être brève, la nécessité de gagner sa vie ayant été pressante très tôt, comme pour beaucoup de grecs de cette époque. Toute la paroisse tenait Georges Théodorou pour un théologien. Je me revois, diacre, passant dans la nef et encensant indistinctement icônes et fidèles.
En arrivant devant cette colonne de prière, j'avais conscience de me trouver en présence d'une icône vivante. Je n'ai jamais entendu cet homme dire du mal de qui que ce fût.
Jamais aucun concept n'a pu engendrer la vie, jamais un enchaînement d'idées ne pourra rencontrer le réel. C'est pourquoi la seule théologie qui puisse jaillir en vie éternelle est celle qui sort de la vie en Christ d'un homme ou d'une femme qui consent à la déification. C'est le propre de la vie de ne sortir que de la vie. Saint Grégoire Palamas a écrit cette phrase admirable : "Toute parole peut contester une autre parole, mais quelle est la parole qui peut contester la vie ?" Pour être vraie, la théologie doit être existentielle. De saint Isaac le Syrien le P. Basile Gondikakis a pu écrire magnifiquement : "Il ne dit rien qui n'ait passé en lui sans qu'il en ait souffert." Pour le théologien ainsi compris, connaître ne se sépare pas d'aimer, penser signifie nécessairement penser la vie en Christ avec son cœur au sens biblique de ce mot, qui ne désigne pas l'affectivité mais le fond très secret de l'homme où se jouent la fidélité et l'ouverture à Dieu, ou, au contraire, l'endurcissement à son égard. La théologie doit être fondée sur l'ascèse par laquelle l'homme parvient, tel un palmier, à faire monter son cœur dans sa tête. Le saint le moins doué intellectuellement est un authentique théologien si peu qu'il ait acquis l'intelligence de la divinisation de l'homme par le saint Esprit, ce qui ne signifie pas qu'il soit un intellectuel. La vraie théologie requiert beaucoup d'intelligence, mais très peu d'intellectualité." (à suivre)

lundi 5 avril 2010

Office de la Sainte Lumière à Jérusalem et offices de la Résurrection dans les églises


Dans l'après-midi (vers 14 heures) du Saint et Grand Samedi, le patriarche de Jérusalem, entre dans le Saint Sépulcre et après avoir dit les prières pour la lumière, attend de la recevoir de façon miraculeuse comme elle a toujours été reçue tout au long des siècles. Ce qui se passe dans le reste de l'Église est seulement un acte symbolique de la Lumière de Jérusalem. Dans les livres des offices utilisés par l'Église, l’office de la Résurrection commence très différemment de ce qui est réalisé effectivement. Il n'y a aucune mention de "Δεύτε Λάβετε Φως" ("Venez recevoir la lumière"), car cela n'a jamais fait partie de l’office de la Résurrection, mais de l’office de la Lumière sainte, qui était et qui est un service unique exécuté uniquement au Saint-Sépulcre. L’office de la Résurrection commence réellement avec le chant du prêtre "Την Ανάστασιν σου Χριστέ Σωτήρ" ("Ta Résurrection, ô Christ Sauveur"). "Δεύτε Λάβετε Φως" ("Venez recevoir la lumière") est un ajout relativement récent pour le début de l’office.
Avec les nombreux pèlerins qui ont visité Jérusalem, à Pâques, a émergé une demande d'avoir le service de la Lumière dans leurs propres églises. Cela était impossible, mais l'Eglise a voulu exaucer le désir du peuple, a placé le "Δεύτε Λάβετε Φως" ("Venez recevoir la lumière") au début du Service de la Résurrection comme une commémoration symbolique du miracle qui a lieu chaque année au Saint-Sépulcre. Cela sert également à nous rappeler que l'Eglise orthodoxe est la véritable Église, car beaucoup d'autres églises ont par le passé tenté d'implorer Dieu pour la lumière, mais sans succès. 


Dans la plupart des Églises, nous avons généralement une veilleuse permanente (ακοίμητη καντήλα), qui est conservée allumée pendant toute l'année. Le prêtre y allume ses trois bougies et à sa sortie du sanctuaire les fidèles qui chantent "Δεύτε Λάβετε Φως" (Venez recevoir la lumière), viennent y allumer leurs propres bougies. Aucune prière spéciale n’est dite pour la lumière et aucune bénédiction n’est faite par le prêtre. C'est une lumière qui est constamment offerte à Dieu comme une forme de prière. En ce sens, c’est tout de même différent de seulement allumer une bougie avec une allumette. Il est d'usage d’emporter à la maison la lumière comme une bénédiction. Peut-elle pour autant considérée comme consacrée ? Dieu n'a pas toujours besoin de nos prières pour envoyer sa grâce sur quelque chose. Des fidèles prennent de l'huile des veilleuses (καντήλες) pour faire le signe de croix sur quelqu'un qui est malade. L'huile n'est pas la Sainte Onction (Άγιον Ευχέλαιο), mais de l'huile ordinaire qui est utilisée pour brûler dans la veilleuse, pourtant on entend parler de personnes qui se remettent de leur maladie après avoir été signées avec l'huile. Les gens prennent l'eau des sources à proximité des monastères et des églises (Αγίασμα) et là encore nous entendons des histoires de personnes guéries après avoir bu de cette eau.

Dieu envoie sa grâce ou accomplit des miracles selon notre foi, pour nous aider à devenir plus forts dans la foi, et parfois même à cause de notre manque de foi. Dans le récit évangélique de la femme avec la cette perte de sang, nous lisons: «Et voici, une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans s’approcha par derrière, et toucha le bord de son vêtement.21 Car elle disait en elle-même: Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie.22 Jésus se retourna, et dit, en la voyant : Prends courage, ma fille, ta foi t’a guérie. Et cette femme fut guérie à l’heure même." [Mat.9: 20-22].
Egalement dans les Actes des Apôtres 19:12, nous pouvons lire « Et Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul,12 au point qu’on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps, et les maladies les quittaient, et les esprits malins sortaient. ». 
Ces deux comptes-rendus nous disent que nous que nous avons besoin de la foi si nous recherchons un remède ou un miracle, et que Dieu se sert souvent de matière créé pour l'exécution de ses œuvres.

Ainsi si quelqu'un croit fermement que la lumière de l’office de la Résurrection donnera une bénédiction à son foyer, alors on peut lui accorder crédit. Il ne faut jamais sous-estimer la puissance de la foi. Sur un plan plus spirituel, la lumière de la Résurrection doit être une illumination spirituelle, car sans cela nous ne pourrons jamais comprendre le sens véritable de la Résurrection et ce que Christ a fait pour l'humanité.
(d'après un article de Père Christophoros de Limassol
traduit et adapté par Maxime le minime)


samedi 17 octobre 2009

St CÔME L’ÉTOLIEN (enseignements) : 4. " La grâce est gratuite"

En commençant à enseigner, la pensée m'est venue de demander de l'argent (aspres) pendant que je voyageais ça et là, parce que j’étais avare et que j'aimais l’argent (grosia). Oui, et les pièces d'or (florins), encore plus... pas comme votre noblesse qui méprise l'argent, ou ...n'est-ce pas?
Mais à l'étude de l'Evangile saint et sacré, j'ai trouvé un autre enseignement où notre Christ dit en substance: «Je vous donne ma grâce gratuitement, vous aussi vous devez la donner de la même manière à vos frères; enseigner sans vous faire payer, conseiller sans compensation, entendre les confessions sans coût, et si vous demandez et recevez un quelconque paiement pour l'enseignement, grand ou petit, ou même un centime (Asper), je vous mettrai à mort et vous enverrai en enfer. "
En entendant, mes frères ce très doux enseignement que nous donnait le Christ à savoir que nous devrions travailler parmi nos frères gratuitement, au départ il me semblait que cela était très dur. Plus tard, cependant, cela me sembla très doux, comme un rayon de miel et j'ai glorifié et je glorifie mon Christ mille fois, car il m'a gardé de la passion de l'argent. Donc, avec la grâce de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, le Crucifié, je n'ai ni bourse, ni maison, ni coffre, ni quelque autre soutane que celle que je portais.
Et je prie toujours mon Seigneur de ne pas me permettre d'acquérir une bourse jusqu'à la fin de ma vie, car si je commence jamais à prendre de l'argent, j'aurai perdu mes frères immédiatement. Je ne peux pas servir les deux à la fois : c'est Dieu ou le diable.
Il est digne et convenable, mes coreligionnaires, comme nous l'apprend le saint Évangile et les Écritures sacrées, de commencer notre enseignement avec Dieu. Et quand nous avons fini [il est bon] de remercier Dieu, non que je sois digne de prononcer le nom de mon Dieu, mais parce qu'il me l'a autorisé de par sa compassion.
Nous avons donc à laisser de côté, mes frères, les bavardages impies des hérétiques, et des athées, et nous ne devons parler que de ce qui est pieux, de ce que le Saint-Esprit a inspiré aux saints Prophètes, aux saints Apôtres, et aux saints Pères de notre Église d’écrire pour nous. D'autre part, nous ne parlerons pas de tous les enseignements, car ce n'est pas possible, nous aurions besoin d’années et d’années, mais de quelques-uns, qui semblent cependant plus nécessaires. Et que celui qui aime l’étude cherche à en apprendre davantage.
(version française par Maxime le minime)

mardi 9 décembre 2008

MEISTER ECKHART [2] - VLADIMIR LOSSKY


Les passerelles entre Meister Eckhart et l'Orthodoxie ne datent pas d'hier et Vladimir Lossky, le grand et profond théologien orthodoxe, dont on a célébré le cinquantième anniversaire de la naissance au Ciel en février dernier, a consacré une thèse imporante au Maître rhénan : Théologie négative et connaissance de Dieu chez Maître Eckhart, (qui a été publiée par les editions Librairie Philosophique J.Vrin) oeuvre passionnante (bien que consistante, difficile et... coûteuse). En voici un extrait cité par le site Ellopos :





[...] Pour avoir ici-bas, in via, l'expérience de l'Être unique qui est Dieu, expérience qui ferait reconnaître, en même temps, le néant des créatures, la lumière de la grâce est nécessaire. C'est une connaissance per speculum et in lumine, que Maître Eckhart décrit dans les termes suivants : quando scilicet lux divina per effectum suum aliquem specialem irradiat super potentias cognoscentes et super medium in cognitione, elevans intellectum ipsum ad id quod naturaliter non potest. Dans le contexte d'un sermon pour la fête de saint Augustin, cette élévation de l'intellect par la lumière de la grâce répond au passage des Confessions, cité ici par le prédicateur : cum Te primo cognovi, Tu assumsisti me, ut viderem esse, quod viderem, et nondum me esse, qui viderem. Sans aucun doute, ces paroles d'Augustin devaient exprimer, pour Maître Eckhart, le caractère extatique de la connaissance qu'il a pu avoir "par le miroir et dans la lumière". En effet, il a fallu que saint Augustin fût "assumé" par Dieu pour voir l'Être-Un comme Identité subsistante et reconnaître ensuite sa propre misère de créature, non identique à Dieu et à soi-même, en se retrouvant "loin, dans la région de la dissemblance". Il s'agit donc ici, pour Eckhart, d'un ravissement in exstasi mentis, d'une "connaissance savoureuse" ou sagesse (sapientia, quasi sapida scientia) qui introduit l'homme dans une "grande affection", en lui donnant l' "avant-goût de la douceur divine" (ad divinam dulcedinem praegustandum). C'est que le fruit de la grâce, échappant in via à la saisie intellectuelle, est déjà présent dans l'intellect pratique, pour permettre à la volonté d'atteindre ici-bas par l'amour l'objet encore inconnu de la béatitude éternelle. L'expérience extatique d'Augustin lui a montré que l' "être-un-avec-Dieu", accordé par la grâce, est la vocation suprême de l'homme et que toute abondance qui n'est pas Dieu n'est qu'indigence. Sans la grâce, l'on ne saurait aimer Dieu et aspirer uniquement à l'Unité d'être, ni se sentir à l'étroit dans la dissemblance radicale des créatures. Supérieure à la totalité de la nature qui est contenue en elle virtuellement, indivise et unie, la grâce se rapproche dans ce sens de l'intellect. Néanmoins, l'oeuvre que la grâce de Dieu accomplit dans l'essence de l'âme reste inconnaissable pour une intelligence créée réduite à sa lumière naturelle. Dans la mesure où il ignore en quoi consiste sa vraie béatitude, l'homme qui n'a pas relu la grâce peut s'accommoder de la regio dissimilitudinis. C'est la raison pourquoi les enfants morts sans baptême ne se ressentent point de la privation de la gloire béatifiante. Il semble même qu'en dehors de la grâce le "connaître" et l' "être" restent, pour Eckhart, disjoints et confinés chacun dans sa sphère. On peut être "surnaturel", en quelque sorte, par l'intellect qui excède la nature dissemblable qu'il connaît dans sa lumière naturelle ; on peut même y connaître Dieu - ablatione, eminentia et causa, comme absolument autre, comme dépassant toutes les perfections connaissables, comme principe de tout ce qui est. Toutefois cette connaissance per speculum et in aenigmate n'arrache pas encore les créatures intellectuelles à la région de la dissemblance, pour les attirer vers leur "patrie". Sans la grâce, l'intellect n'est pas encore la voie du retour vers l' "être-un avec Dieu".

Son fils, le Père Nicolas LOSSKY, a donné le 28 juin 2005, quand il était encore diacre de la paroisse Notre Dame Joie des Affligés une conférence en hommage au grand théologien que l'on trouvera ici

mercredi 13 août 2008

l'Hymne Acathiste à la sauce Kto (Vous pouvez rester assis, c'est cool...)

L'œcuménisme c'est magnifique !
Et voilà le résultat : si vous allez voir la vidéo sur Youtube vous verrez il y a un commentaire vidéo qui montre l'Hymne Acathiste chanté par des grecs orthodoxes, même si ce la ressemble plus à un concert qu'à une véritable prière au moins ils sont debout ce qui est la moindre des choses...
Voyez ce qui se passe avec l'interprétation, l'utilisation et la place des icônes, c'est la même chose... Un moribond (malgré les apparences spectaculaires)essaye de se revivifier à gauche et à droite de nourritures saines mais c'est en vain ! Le mauvais penchant (du à des siècles de cacodoxie)reprend le dessus et on parvient à cette terrible inversion ; tu m'as donné de l'or et j'en ai fait de la boue...
Désolé, encore une fois ce que l'Orthodoxie a à gagner à l'œcuménisme c'est seulement ça : une incompréhension, un détournement, un affaiblissement, un abâtardissement,une réduction à un même sans grâce aucune...

samedi 3 mai 2008

DU CATHOLICISME À L'ORTHODOXIE. II

Ma conversion (suite)
La grâce demeurait néanmoins suffisamment en moi pour que je ne me décourage pas. Je décidai donc de mettre de côté momentanément mon besoin de grégorien et je poursuivis mes recherches dans ce qui était plus contemporain de ce que je connaissais du Christianisme. C’est ainsi que j’allai explorer le mouvement charismatique et je dois dire que ces groupes n’étaient pas plus appréciés que les zélotes du rite de St Pie X par les représentant officiels de l’Eglise romaine. Ceux-ci n’étaient pas politiquement corrects quant à ceux-là, ils furent assez tôt soupçonnés de sectarisme. Il y a une certaine injustice dans ces représentations hâtives.
À St Nicolas du Chardonnet où je me suis rendu quelquefois, j’ai été agréablement étonné de voir qu’il y avait beaucoup de dévotion, que visiblement toutes les classes sociales y étaient représentées ainsi que toutes les races et que l’église était pleine, contrairement aux « normales », et tout cela avec une liturgie grégorienne qui avait belle allure. Je n’y ai donc point constaté que c’était un abominable repère de fascistes, racistes et autres farouches gardiens de leurs privilèges méprisant le peuple malgré le lumineux changement de régime déjà ancien de trois siècles que nous a valu La Révolution Française...
Quant aux charismatiques particulièrement La communauté du Lion de Juda et de l’Agneau immolé à laquelle j’ai rendu visite plusieurs fois également, j’y ai vu de tout certes (des fanatiques, des clients évidents de groupes sectaires, des illuminés, et autres) mais aussi des chrétiens désireux de retrouver toute l’authenticité, la force, l’efficience, de la Parole de Dieu, et de puiser leur foi dans le miracle des guérisons de toutes sortes comme il est enseigné dans les Ecritures pas plus ni moins. J’ai vu aussi chez eux le désir de vivre fraternellement, donc en communauté comme les premiers chrétiens.
J’y ai vu également une forme d’ouverture que je ne pouvais qu’approuver venant du Bouddhisme moi-même et étant toujours respectueux et reconnaissant envers ce chemin spirituel. Ironiquement cette ouverture ne concernait pas le Bouddhisme qui y était diabolisé et l’on me conseilla carrément un exorcisme…Y existait donc un certain « œcuménisme » (que je critique tellement maintenant dans son côté erroné, réducteur et impérialiste) qui ouvrait largement les portes et les fenêtres - certes dans la confusion - sur le Judaïsme, et… l’Orthodoxie ; ce qui n’a pas été sans effet sur moi. Les intentions (en faisant la part du militantisme et du prosélytisme romain prêt à tout récupérer) me semblent toujours plutôt louables même si les résultats et la suite le sont certes beaucoup moins…

jeudi 1 mai 2008

DU CATHOLICISME À L'ORTHODOXIE. I

Ma conversion (suite)


Je ne suis pas resté catholique très longtemps, je n’ai pas pu : deux ans, mais bien remplis.

Au début c’était un bonheur indicible, j’étais comblé par la grâce et je ne pouvais entrer dans une église sans que les larmes ne me coulent toutes seules des yeux sans autre motif que l’action de grâce.
J’ai alors fait un stage de grégorien, pour louer Dieu avec, pour moi à l’époque, le plus beau et le plus adéquat des chants. Mais pas à Solesmes, avec Iegor Reznikov, je suis incapable de me rappeler comment ni pourquoi lui. Ce qui m’apprit qu’il n’y avait pas qu’une seule école avec l’objectif de rétablir le Grégorien dans son authenticité mais au moins trois écoles avec des approches différentes : Reznikov et Marcel Peres. Depuis j’en ai rencontré d’autres… Les préoccupations d’Iegor quant à l’importance du son produit (il enseignait alors également le chant diphonique), en résonance avec à la fois le corps et l’architecture sacrée, de l’antiquité du chant sacré local, de la transmission orale, de la tradition, tout cela me convenait à merveille et complétait bien le travail effectué chez Tomatis. Je me rappelle que le stage se déroulait près d’une rivière et que c’était pour moi comme un merveilleux renouvellement du baptême, chaque matin, quand au milieu de l’eau fraîche je récitais le Notre père avant d’aller suivre les cours. Et tout cela était pour moi d’un grand réconfort et plein de promesses après ma blessure de ne pas avoir reçu l’absolution.
J’adorais l’architecture romane et j’entraînai ma famille dans toutes les régions de France où l’on pouvait admirer toutes ces merveilles et avec une audace folle j’entonnais, dans chaque temple de Dieu, à pleine voix et avec toute ma foi nouvelle tous les chants que j’avais appris à mon stage devant les statues du Seigneur, de la Mère de Dieu et des saints.
Je prenais à cette époque le train de banlieue pour aller travailler et j’avais du mal à me retenir de chanter dans les voitures pour clamer à ma manière la Bonne Nouvelle. Je me contentais alors de réciter le chapelet silencieusement pour tout le wagon afin que Le Seigneur leur accorde comme à moi la grâce de la metanoia.
Et puis j’ai lu tous les jours les Ecritures et je me suis procuré l’incontournable missel grégorien Le Paroissien Romain N 800, ça n’a pas été facile de le trouver mais cet ouvrage comme ensuite les livres des opuscules des Pères et des œuvres des grands mystiques qui ont enrichi ma bibliothèque ainsi que mon cœur et mon intelligence étaient souvent bradés comme « vieilleries » par des curés et des couvents dans des kermesses ou bien on les trouvait avec ces vêtements et ornements sacerdotaux et autres objets du culte dans des brocantes ou marchés aux puces … Cela m’attristait et m’indignait que des religieux pensent devoir se débarrasser de tout cela mais en même temps j’étais bien aise de trouver tous ces livres pour les acquérir…J’ai donc travaillé les chants de chaque grande fête, en écoutant les microsillons des enregistrements des moines Solesmes…

Mais voilà ce qui s’est passé : la grâce s’est peu à peu retirée et je n’ai plus vu avec les yeux de l’amour ce qui se passait dans les paroisses ordinaires où je devais me rendre le dimanche...
Je n’ai plus vu que de lamentables sortes de mauvais spectacles participationnistes produits par des amateurs en jeans et baskets, avec du matériel rudimentaire ou défectueux, des chansons minables : rien de sacré, rien de pieux, rien qui puisse prendre le relais de la grâce, rien qui puisse désaltérer et nourrir mon âme… avec des homélies qui tenaient plus du discours syndical ou politique que du cheminement spirituel. En somme toujours les mêmes discours moralisateurs que dans mon enfance sauf qu’ils avaient changé de sphère politique : des discours de droite condamnant sans appel les faibles, on était passé à gauche avec des discours de culpabilisation à propos de toutes les injustices sociales comme si un chrétien était obligatoirement un privilégié…Toujours le même écrasement. Je ne comprenais pas du tout le besoin de se réunir au nom de Dieu dans ce qui ressemblait architecturalement à des lieux de culte pour du militantisme qui était à la fois peu efficace (bien mieux fait ailleurs), et de surcroit toujours soupçonné de ne pas être du bon bord (par ceux qui s’y étaient engagés totalement sans référence à une quelconque religion), donc toujours placé dans la position de celui qui doit faire ses preuves d’être du côté de la juste lutte des classes… Des offices en grégorien point, en tout cas près de chez moi, ou alors une confusion systématique avec un certain engagement politique qui ne me convenait pas forcément… même si ma conversion m’a fait remarquablement revoir toute ma vie dans tous ses domaines et tous mes positionnements, donc toutes mes idées, sur tout.