Si quelqu'un, en effet, veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu'il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses, qu'il se détourne du mal et fasse le bien, qu'il recherche la paix et la poursuive. 1 Pierre 3:10-11 Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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mercredi 10 avril 2019

L’« épuration ethnique » du Kosovo

sur le Monde Diplomatique

Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle




Il y a vingt ans, le 24 mars 1999, treize États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), dont les États-Unis, la France et l’Allemagne, bombardaient la République fédérale de Yougoslavie. Cette guerre dura soixante-dix-huit jours et se nourrit de bobards médiatiques destinés à aligner l’opinion des populations occidentales sur celle des états-majors. Les Serbes commettent un « génocide », « jouent au football avec des têtes coupées, dépècent des cadavres, arrachent les fœtus des femmes enceintes tuées et les font griller », prétendit le ministre de la défense allemand, le social-démocrate Rudolf Scharping, dont les propos furent repris par les médias ; ils ont tué « de 100 000 à 500 000 personnes » (TF1, 20 avril 1999), incinéré leurs victimes dans des « fourneaux, du genre de ceux utilisés à Auschwitz » (The Daily Mirror, 7 juillet). Une à une, ces fausses informations seront taillées en pièces — mais après la fin du conflit —, notamment par l’enquête du journaliste américain Daniel Pearl (The Wall Street Journal, 31 décembre 1999). Tout comme se dégonflera l’une des plus retentissantes manipulations de la fin du XXe siècle : le plan Potkova (« fer à cheval »), un document censé prouver que les Serbes avaient programmé l’« épuration ethnique » du Kosovo. Sa diffusion par l’Allemagne, en avril 1999, servit de prétexte à l’intensification des bombardements. Loin d’être des internautes paranoïaques, les principaux désinformateurs furent les gouvernements occidentaux, l’OTAN ainsi que les organes de presse les plus respectés (1).
Parmi eux, Le Monde, un quotidien dont les prises de position éditoriales servent alors de référence au reste de la galaxie médiatique française. Sa rédaction, dirigée par Edwy Plenel, admet avoir « fait le choix de l’intervention (2)  ». En première page de l’édition du 8 avril 1999, un article de Daniel Vernet annonce : « Ce plan “Fer à cheval” qui programmait la déportation des Kosovars ». Le journaliste reprend les informations dévoilées la veille par le ministre des affaires étrangères allemand, l’écologiste Joschka Fischer. Ce « plan du gouvernement de Belgrade détaillant la politique de nettoyage ethnique appliquée au Kosovo (…) porte le nom de code de plan “Fer à cheval”, sans doute pour symboliser la prise en tenaille des populations albanaises », écrit Vernet, pour qui la chose « paraît faire peu de doutes ».
Deux jours plus tard, le quotidien récidive sur toute la largeur de sa « une » : « Comment [Slobodan] Milošević a préparé l’épuration ethnique ». « Le plan serbe “Potkova” programmait l’exode forcé des Kosovars dès octobre 1998. Il a continué d’être appliqué pendant les négociations de Rambouillet. » Le Monde évoque un « document d’origine militaire serbe » et reprend à nouveau les allégations des officiels allemands, au point de reproduire l’intégralité d’une note de synthèse — ce qu’on appellerait aujourd’hui les
« éléments de langage » — distribuée aux journalistes par l’inspecteur général de l’armée allemande. Berlin entend alors justifier auprès d’une opinion plutôt pacifiste la première guerre menée par la Bundeswehr depuis 1945, de surcroît contre un pays occupé cinquante ans plus tôt par la Wehrmacht.
Or ce plan est un faux : il n’émane pas des autorités serbes, mais a été fabriqué à partir d’éléments compilés par les services secrets bulgares, puis transmis aux Allemands par ce pays, qui fait alors du zèle pour rentrer dans l’OTAN. Le pot aux roses sera révélé le 10 janvier 2000 par l’hebdomadaire Der Spiegel et confirmé douze ans plus tard par l’ancienne ministre des affaires étrangères bulgare. A posteriori, le document aurait dû inspirer d’autant plus de méfiance que « fer à cheval » se dit potkovica en serbe, et non potkova, ainsi que le remarqua dès le 15 avril 1999 le député allemand Gregor Gysi devant le Bundestag. En mars 2000, le général de brigade allemand Heinz Loquai exprime dans un livre ses « doutes sur l’existence d’un tel document » ; son enquête oblige M. Scharping à admettre qu’il ne dispose pas d’une copie du « plan » original. Au même moment, le porte-parole du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qualifie les éléments du prétendu plan de « matériel peu probant » (Hamburger Abendblatt, 24 mars 2000) ; et la procureure Carla Del Ponte n’y fera même pas référence dans l’acte d’accusation de Milošević en 1999 puis en 2001.
« La guerre, avait expliqué Plenel peu après le début des bombardements, c’est le défi le plus fou pour le journalisme. C’est là qu’il prouve ou non sa crédibilité, sa fiabilité (3) » L’investigateur n’est jamais revenu sur ce grand écart avec « l’amour des petits faits vrais » qu’il proclame dans son livre pamphlet en faveur de l’intervention de l’OTAN (4)Le Monde évoquera à nouveau le faux, mais comme s’il l’avait toujours considéré avec prudence : « “Fer à cheval” reste un document fort controversé, dont la validité n’a jamais été prouvée » (16 février 2002). Spécialistes des Balkans, les journalistes Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin qualifient pour leur part le plan Potkova d’« archétype des fake news diffusées par les armées occidentales, repris par tous les grands journaux européens (5)  ».
La célébration d’un anniversaire n’aurait pas justifié à elle seule qu’on revienne sur cette affaire. Mais certaines de ses conséquences pèsent encore sur la vie internationale. Pour ce qui fut sa première guerre depuis sa naissance en 1949, l’OTAN choisit d’attaquer un État qui n’avait menacé aucun de ses membres. Elle prétexta un motif humanitaire et agit sans mandat des Nations unies. Un tel précédent servit les États-Unis en 2003 au moment de leur invasion de l’Irak, là encore aidée par une campagne de désinformation massive. Quelques années plus tard, la proclamation par le Kosovo de son indépendance, en février 2008, mettrait à mal le principe de l’intangibilité des frontières. Et la Russie se fonderait sur cette indépendance lorsque, en août 2008, elle reconnaîtrait celles de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux territoires qui s’étaient détachés de la Géorgie. Puis en mars 2014 quand elle annexerait la Crimée.
La guerre du Kosovo ayant été conduite par une majorité de gouvernements « de gauche », et appuyée par la plupart des partis conservateurs, nul n’avait intérêt à ce qu’on revienne sur les falsifications officielles. Et on comprend sans peine que les journalistes les plus obsédés par la question des fake newspréfèrent eux aussi regarder ailleurs.
Serge Halimi & Pierre Rimbert
(1Cf. Serge Halimi, Henri Maler, Mathias Reymond et Dominique Vidal, L’opinion, ça se travaille… Les médias, les « guerres justes » et les « justes causes », Agone, Marseille, 2014.
(2Pierre Georges, directeur adjoint de la rédaction du Monde, entretien accordé à Marianne, Paris, 12 avril 1999.
(3Cité dans Daniel Junqua, La Lettre, n° 32, Paris, avril 1999, et reproduit sur Acrimed.org, novembre 2000.
(4Edwy Plenel, L’Épreuve, Stock, Paris, 1999.
(5La Revue du crieur, n° 12, Paris, février 2019.

mardi 23 octobre 2018

Tuer ou ne pas tuer : le dilemme moral ignoré par les robots tueurs


sur le site theconversation.com

par Eric Martel

 

Dépourvus de conscience, les robots tueurs pourraient, demain, ne pas être jugés 
pour leurs actes. Shutterstock

« Si des humains peuvent parfois se montrer inhumains, pourquoi des non-humains ne pourraient-ils pas se faire plus humains qu’eux, c’est-à-dire mieux se conformer aux principes normatifs définissant le fait de se conduire “humainement” ? » (Grégoire Chamayou)

Les robots létaux autonomes suscitent une forte inquiétude auprès du grand public. Cette dernière est alimentée par des mouvements qui militent pour l’interdiction de tels systèmes d’armements. Récemment, le Future of Life Institute a ainsi diffusé un petit film, très inquiétant, où l’on voit des mini drones équipés de systèmes de reconnaissance faciale se poser sur des têtes humaines afin d’y faire exploser leur charge creuse. Heureusement, il ne s’agit là que d’une fiction.


Le robot tueur est par essence beaucoup plus qu’une arme, puisqu’il est apte à choisir et décider de lui même de tirer sur une cible ennemie. Étant dépourvus de conscience, les robots tueurs ne peuvent être tenus pour responsables de leurs actes. Ils ne peuvent donc être jugés, ils doivent répondre à d’autres modes de régulation. L’autonomie des robots tueurs permet non seulement de transformer la conduite des opérations militaires, mais également le paradigme même de la guerre. Les conséquences sociales, voire morales de l’usage des robots tueurs sont donc loin d’être négligeables.


Ces questions doivent être mises en perspective dans le cadre d’un processus global d’automatisation de la guerre. Nous allons nous intéresser ici à un aspect crucial de l’arrivée des robots létaux autonomes : leur capacité à décider de leur propre chef de tirer et donc tuer des combattants ennemis.

La guerre : une activité très humaine


La guerre est essentiellement une activité régie par des règles et des conventions humaines résultant de normes culturelles et religieuses. Mais elle a également sa propre logique qui défie les conventions. Pour le grand théoricien militaire Clausewitz, elle est « un acte de violence […] qui théoriquement n’a pas de limite ». Ce que les propos d’Eisenhower tendraient à confirmer :

« En ayant recours à la force, on ne savait pas où on allait […] Plus on s’enfonçait profondément dans le conflit, moins il y avait de limites […] sauf celles de la force elle-même. »

Pour résumer, l’on pourrait affirmer comme le général Sherman durant la Guerre de Sécession, avant de faire évacuer puis brûler la ville d’Atlanta, que « la guerre est l’enfer ».

Néanmoins, ces tendances sont contenues, et de façon paradoxale, par les militaires eux-mêmes qui, selon le philosophe Michael Walzer, sont désireux de distinguer « la tâche à laquelle ils consacrent leur vie d’une boucherie pure et simple » par le respect des conventions de la guerre.

Les conventions de la guerre


Les conventions de Genève couvrent deux aspects : le jus ad bellum, droit de déclencher et faire la guerre, et le jus in bello, droit dans la guerre, qui nous concerne particulièrement.

Ce dernier part d’un axiome fondateur : la distinction entre les combattants et les civils. Les premiers ont le droit de tuer en vertu du fait qu’ils peuvent eux-mêmes être tués ; les seconds doivent en être préservés. De cette distinction fondamentale découle quatre grands principes :
  • humanité ;
  • nécessité militaire 
  • proportionnalité ;
  • discrimination.
Deux principes nous intéressent particulièrement. Le premier, le principe de proportionnalité prescrit que s’il est admissible que des civils soient tués afin de détruire des objectifs ennemis d’importance, cela doit être fait dans une juste mesure.

Selon le journaliste Andrew Cockburn, l’armée américaine considérerait aujourd’hui en Afghanistan qu’un ratio de 30 civils tués pour chaque chef taliban abattu serait acceptable.

Le second, le principe de discrimination stipule qu’il faut veiller à clairement différencier les civils des combattants militaires.


Le respect de ces deux principes dépend fortement de l’intensité du conflit en cours. Ainsi au Vietnam, les commandants, déstabilisés par un ennemi fuyant, ordonnaient systématiquement le bombardement des villages d’où quelques coups de feu étaient tirés.

L’opposition aux robots tueurs


Elle se joue principalement sur les deux critères vus précédemment. En ce qui concerne le facteur de discrimination, l’on ne peut nier qu’il représente un point faible de ces machines : comment différencier, en effet, un soldat qui se rend d’un soldat en armes, ou d’un soldat blessé ?

Si, actuellement, les techniques de reconnaissance de forme sont aptes à distinguer des uniformes, elles font néanmoins, comme l’affirme le roboticien Noel Sharkey, des confusions grossières. Par contre, il est très difficile pour un robot d’identifier un soldat blessé, voire un soldat déposant les armes.
À cela s’ajoute le critère de proportionnalité : une machine peut-elle décider d’elle-même combien de civils pourraient être tués afin de détruire sa cible ?

Pour renforcer ces deux grands arguments, les opposants aux robots tueurs posent un principe d’humanité. Ils partent du principe que les humains ne sont pas rationnels puisqu’ils ont des émotions et se fient à leur intuition. Dans leur majorité, ils manifestent une certaine répulsion à l’idée de tuer leur prochain. C’est ainsi que des études effectuées après la Seconde Guerre mondiale ont montré qu’en moyenne seuls 18,75 % des soldats américains placés en situation d’engagement avaient usé de leur arme.


Cette très vive opposition embarrasse les militaires et explique leurs hésitations quant à l’usage de ces armes. Mais nombreux sont ceux qui, au sein de l’institution, pensent que des puissances comme la Chine ou la Russie n’auront certainement pas ces appréhensions morales et n’hésiteront pas à développer à l’avenir ce type d’armements.
L’arrivée des robots tueurs serait donc inéluctable et mériterait d’être anticipée.

Qui est responsable ?


En vertu de ce principe Ronald C. Arkin, un roboticien, propose de concevoir des machines agissant de façon plus éthique que ces sujets imparfaits que sont les combattants humains. Il considère que « confrontés à l’horreur du champ de bataille », les soldats voient leur capacité de jugement brouillée par les émotions et le stress du combat. Ils auraient donc tendance à commettre des atrocités. Les robots létaux autonomes seraient donc la solution permettant de garantir le respect des lois de la guerre.

Pour Grégoire Chamayou, le problème se situe à un autre niveau. Jusqu’à présent l’arme qui est une chose et le combattant qui est une personne, donc juridiquement responsable, ont toujours été séparés. Le robot létal autonome est lui un ensemble dans lequel l’arme et le combattant sont confondus : agent et instruments sont liés écartant toute possibilité de responsabilité juridique. Comment juger une machine ? Il voit ainsi une chose qui se met à faire usage d’elle-même.

La possibilité d’accorder le droit de tuer à des machines ne serait pas sans conséquence. Si l’on prend en compte qu’à la guerre, le droit de tuer est habituellement réservé aux combattants en vertu du fait qu’ils peuvent eux-mêmes être tués, considérer qu’ils peuvent être éliminés par une machine « équivaudrait à mettre l’homicide sur le même plan que la destruction d’une pure chose matérielle ».

Cette question n’est pas que militaire. Elle aura forcément des répercussions dans l’usage d’autres systèmes automatiques tels que les voitures autonomes. On le voit déjà avec les répercussions d’accidents mortels ayant impliqué ce type de véhicules : qui est responsable ?

L’auteur a publié le 18 octobre « Robots tueurs. La guerre déshumanisée, les robots et drones autonomes visent zéro mort ».