Les lèvres mensongères font horreur à l'Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables. Proverbes 12:22 «C'est ce qui sort de l'homme qui le rend impur. En effet, c'est de l’intérieur, c'est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, les adultères, l'immoralité sexuelle, les meurtres, les vols, la soif de posséder, les méchancetés, la fraude, la débauche, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l'homme impur.» Marc 7:20-23 Un témoin fidèle ne ment pas, tandis qu’un faux témoin dit des mensonges. Proverbes 14:5 « Vous, vous avez pour père le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne s'est pas tenu dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge. » Jean 8:44 Si les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou, les paroles mensongères conviennent d’autant moins à un noble. Proverbes 17:7 « Écarte de ta bouche la fausseté, éloigne de tes lèvres les détours ! Proverbes 4:24 Craindre l'Éternel, c'est détester le mal. L'arrogance, l'orgueil, la voie du mal et la bouche perverse, voilà ce que je déteste. » Proverbes 8:13 « Pierre lui dit : «Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur, au point que tu aies menti au Saint-Esprit et gardé une partie du prix du champ? […] Comment as-tu pu former dans ton cœur un projet pareil? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu.»Actes 5:3-4Mais pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les enchanteurs, les idolâtres, et tous les menteurs, leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort.Apocalypse 21.8
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jeudi 30 mai 2019

« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument…

… Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais. »  

(John Emerich Edward Dalberg-Acton)

sauf les Saints !


Eugène III, modèle de hiérarque

Eugène III,  certes pape (mais peu après le schisme), fut de ceux-là. Fils spirituel de Bernard de Clairvaux, moine cistercien (comme le fut Père Placide de bienheureuse mémoire avant son entrée dans l'Orthodoxie ) qui s'appelait Frère Bernard et qui après avoir quitté Clairvaux était devenu abbé du monastère de St Anastase près de Rome, fut élu Pape le 27 février 1145. Dès qu'il connut cette élection Saint Bernard de Clairvaux écrivit tant au nouvel élu qu'aux cardinaux de la Curie. Il laissa à la fois s'exprimer sa joie dans sa lettre à son fils spirituel, mais également ses craintes auprès  de lui comme auprès de la Curie romaine.  Cependant, portant le cilice, couchant sur une pauvre paillasse, le nouveau Pape Eugène, malgré son nouvel état, continua de vivre comme le moine Frère Bernard qu'il était auparavant. En butte à divers complots qui voulaient restreindre ses prérogatives, il fut obligé de s'exiler deux fois. 

De
      Bernard de Clairvaux 

Lettre CCXXXVII (adressée à la Curie romaine)

« À tous les Seigneurs et Révérends Pères faisant partie de la cour romaine, celui qu’il n’est que l’enfant de leur sainteté. 

Ô vous qui avez fait cela, que Dieu vous pardonne ! Un homme était enseveli, et vous l’avez rappelé parmi les hommes ; un homme a fui le tracas des affaires et le bruit du monde, et voici que, de nouveau, vous l’avez empêtré dans les affaires et mêlé au monde. Vous avez pris cet homme au dernier rang pour le placer au premier, et voici que son dernier état présente plus de danger pour lui que son état antérieur. Cet homme était crucifié au monde et voici que, par vous, il renaît au monde ; cet homme avait choisi d’être compté pour rien dans la maison de son Dieu, et c’est lui précisément dont vous avez fait choix pour lui donner pouvoir sur toutes choses. Pourquoi avoir troublé la résolution de cet humble ? Pourquoi avoir contrarié la volonté de cet homme pauvre, de cet homme misérable, et dont le cœur est plein de componction ? Sa carrière était heureuse. Quelle idée avez-vous eu de lui barrer la route, de détourner ses voies, d’embarrasser sa marche ? Plutôt que de monter de Jéricho, ne semble-t-il pas qu’il descendait de Jérusalem pour être ainsi tombé parmi les voleurs ? Il avait eu la force de s’arracher à ces mains cruelles et diaboliques que sont les séductions de la chair, les vanités du monde ; pourtant il n’a pas évité vos propres mains ! A-t-il donc quitté Pise pour recevoir Rome ? A-t-il donc résigné les fonctions de vidame dans une seule église afin de réclamer pouvoir surtout de l’Église ?

Pour quelle raison, dans quel dessein, après la mort du pape, vous êtes-vous soudain jeté sur un homme de la terre, vous êtes-vous saisi de lui dans sa retraite, et, ayant arraché de ses mains la hache, la pioche ou le hoyau, l’avez-vous traîné dans un palais élevé dans la chaire pontificale, revêtu de pourpre et de lin, l’avez-vous enfin armé du glaive pour châtier les nations et corriger les peuples, pour enchaîner leurs rois et leurs puissants dans des menottes de fer ? Ainsi il n’y avait parmi vous aucun homme sage et expérimenté à qui ces tâches-là eussent mieux convenu ? N’est-ce pas dérision, à moins que ce ne soit miracle ? 

[…] Mais cependant, puisque le fait est accompli, et, comme beaucoup le prétendent, accompli par la volonté de Dieu, c’est à vous qu’il appartient, mes très chers frères, d’entretenir avec sollicitude, par votre zèle ardent et votre  obéissance fidèle, l’œuvre qui de toute évidence, a été élaborée par vos mains. S’il est donc en votre pouvoir de consoler ; s’il est donc en vous quelque vertu de charité dans le Christ ; s’il est en vous quelques sentiments de piété ; s’il y a un peu de compassion dans vos entrailles, tenez-vous auprès de lui, assistez-le dans la tâche à laquelle il a été appelé à travers vous par le Seigneur. Conseillez-lui tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui peut le faire aimer, tout ce qui peut servir sa renommée ; suggérez-lui toutes ces choses, persuadez-le de leur prix, poursuivez vous-même leur mise en œuvre, et le Dieu de la paix sera avec vous.»

mercredi 6 mars 2019

PRÉLIMINAIRES AU GRAND CARÊME


Sur le site orthodoxe roumain APOSTOLIA

Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale

Résumé et extraits d’une conférence du Métropolite Hiérotheos de Nafpaktos au 23ème congrès de médecine des forces armées à Thessalonique. (4 -7 novembre 2010).

La relation de dualité1 de la jouissance et de la souffrance (source)

Dans un livre qui s’intitule : « La douleur, un cadeau dont personne ne veut », un médecin anglais, Paul Brand (né aux Indes en 1914 où il combattit la lèpre et le diabète) a présenté la valeur de la douleur dans la vie de l’homme. Ses travaux le conduisirent à la conclusion qu’il ne faut pas systématiquement calmer la douleur car elle constitue un important moyen de communication du corps. Il décrit dans son livre le jumelage existant entre la jouissance et la douleur, évoquant un croquis du peintre Léonard de Vinci pour illustrer le résultat de ses recherches sur la relation duelle entre ces deux sensations. Il s’agit d’une silhouette d’homme qui se sépare en deux environ à la hauteur du ventre, avec deux troncs, deux têtes barbues et quatre bras, comme des jumeaux siamois unis par le milieu. Léonard de Vinci intitula ce dessin: « Allégorie de la Jouissance et de la Souffrance » avec ce commentaire: « La jouissance et la souffrance sont comme des sœurs jumelles, liées ensemble et jamais une des deux sensations n’existe sans l’autre. Elles ont leurs dos tordus l’un vers l’autre car elles sont opposées mais il semble qu’elles poussent sur le même tronc et qu’elles ont une seule et même racine ».
Ceci apparaît par exemple dans la prise d’alcool et de stupéfiants.
Paul Brand écrit: « l’abus des drogues aboutit à une fausse sensation de volupté car les essences génératrices d’effets de dépendance ont un accès chimique immédiat dans l’encéphale. Il n’est pas du tout étonnant que la jouissance de courte durée crée alors des années de malheur et de douleur. »
Il cite également un médecin qui a utilisé différentes substances, non pour se griser, mais pour essayer d’éteindre la douleur avec des produits de synthèse chimique. Ces substances finalement, augmentent le vide qu’ils s’efforcent de combler. Ainsi, il faut de plus en plus de drogue et ceci d’autant plus que nous essayons de la supprimer.
Cette relation de dualité de la jouissance et de la douleur est connue des Pères de notre Église. Elle est la base de la vie ascétique orthodoxe.


Saint Maxime le Confesseur, dans différents chapitres au sujet de l’économie, de la vertu et du mal2 parle de cette relation de jumelage entre la jouissance et la douleur. Les écrits des Pères de l’Église sont également très contemporains sur ce sujet, parce qu’ils abordent les problèmes existentiels de l’homme à travers son histoire.
« Dieu, lorsqu’il créa la nature humaine n’a établi en elle ni la jouissance ni la souffrance perçues par les sens. Mais Il a mis en l’homme une énergie noétiquedirigée vers le plaisir et la Jouissance, avec laquelle il pouvait jouir de Dieu de façon ineffable ». Il s’agit « d’un désir naturel du noûs4 pour Dieu ».
Or, l’homme, par sa désobéissance, suivit l’élan inverse : ce mouvement naturel du noûs vers Dieu, il le retourna vers une quête de sensations corporelles, et de jouissance du seul monde sensible. Il acquit ainsi la première perception « de la jouissance qui agit contre nature à travers les sens ». Alors Dieu, « qui a souci de notre salut, dans sa prévoyance, a établi à côté de la jouissance des sens, la souffrance comme une puissance correctrice ». C’est-à-dire qu’Il « enracina dans la nature du corps, la loi de mort pour mettre une limite à l’élan déraisonnable et contre nature du désir-élan du noûs vers la seule jouissance des créatures sensibles ». Ainsi, la jouissance et la souffrance n’ont pas été créées ensemble, avec la nature de la chair. Mais la transgression du commandement divin (« tu ne mangeras pas ») engendra la jouissance du noûs à travers les sens pour corrompre et pervertir sa disposition naturelle. Tandis que l’homme rejetait la souffrance comme une condamnation. Ainsi, cette jouissance-là provoque la mort volontaire de l’âme, le péché et la souffrance, et la dissolution de l’âme provoque la décomposition de la chair »5.
Cela signifie qu’ « après la jouissance déraisonnable, la souffrance raisonnable arriva à travers beaucoup d’épreuves dans lesquelles et à partir desquelles la mort survint pour retrancher la jouissance contre nature ». Ainsi « l’invention des maux volontaires – qui est en fait la vie ascétique – ou l’épreuve des maux involontaires – que sont la maladie et la mort –, retranchent la jouissance déchue ». Mais sans faire disparaître « cette énergie gravée comme loi dans la nature humaine et qui crée la jouissance ».
Et à chaque jouissance qui est « contre-nature » succède la « douleur naturelle » qui est le signal d’alarme donné par le corps au noûs pour lui montrer son égarement et sa dispersion.
Ceci, nous le voyons déjà dans la façon selon laquelle l’homme vient au monde puisque la jouissance précède et que la souffrance suit.
« Après la transgression de la volonté divine, tous les hommes eurent d’abord la jouissance des sens. Ceci naturellement de par leur mode d’engendrement. Personne n’existait naturellement exempt de la passion de l’engendrement voluptueux. Tous aussi, comme s’ils payaient une dette naturelle, endurèrent les maux et la mort à cause d’elle ».
« Après la transgression d’Adam, la nature humaine a eu le principe de son engendrement dans la conception voluptueuse de la naissance, à travers la semence du père, et a terminé sa vie dans la mort avec douleur et décomposition ».
L’homme ne pouvait pas être libéré de la tyrannie de dépendance entre la jouissance et la souffrance et sa peine était intense.
Le Christ réalisa cette guérison par le mode de sa naissance comme homme et par celui de sa mort.
Le Christ « a condescendu à la conception qui n’avait pas son principe dans la volupté (elle eut lieu sans la semence et l’intervention d’un père charnel) pour libérer la nature humaine de la conception qui provenait de la condamnation ».
« La souffrance provoquée par la jouissance et qui constitue la finalité de la nature déchue, le Christ l’assuma volontairement par philanthropie, souffrant injustement sur la Croix, intentionnellent, par économie.
Avec l’incarnation du Christ, toutes les données ont changé. « Car de même que la vie voluptueuse d’Adam devint mère de la mort et de la corruption, ainsi la mort du Christ pour Adam, avec tout ce qui est libéré et exempt du péché-jouissance d’Adam, engendre la vie éternelle ».
Nous tous, par notre naissance, avons en nous le côté passible et la mortalité de la nature. C’est pourquoi dans notre nature humaine nous sommes liés à la souffrance et à la jouissance. « Parce qu’il est clair que dans le côté passible de la nature (lié aux passions) existe l’énergie de la jouissance et de la souffrance. C’est-à-dire que lorsque la douleur naturelle (puissance correctrice) est aggravée par la souffrance, alors nous prenons soin de réconforter d’une certaine façon la nature avec la jouissance. Parce que, voulant éviter la souffrance, nous avons recours à la jouissance, essayant de réconforter la nature incommodée par cette souffrance ».
Ceci apparaît avec l’exemple d’une blessure. La douleur de la blessure nous pousse à la gratter, chose qui nous fait du bien mais augmente en fait la douleur.
Et encore plus avec la prise de boissons et de stupéfiants. Nous buvons pour nous libérer de la souffrance, mais cette nouvelle jouissance provoque une nouvelle souffrance.
« Pour atténuer par la jouissance les mouvements de la souffrance, nous augmentons en fait notre dépendance puisque nous ne pouvons pas avoir la jouissance détachée et libérée de la souffrance et de la douleur.
Parce que le Christ est né sans la jouissance de la conception et a assumé volontairement la souffrance pour la vaincre par la Croix, il a donné aussi la force aux hommes de vaincre à la fois la jouissance et la souffrance ».
Nous voyons ceci dans la vie des saints qui sont liés au Christ. « Ceux-ci n’ont plus la jouissance de la naissance qui provient d’Adam, mais seulement la souffrance d’Adam, la mort, non comme une dette à cause du péché, mais contre le péché. Parce que lorsque la mort n’a pas comme mère la jouissance, elle engendre à la vie éternelle.
Et comme la vie hédoniste d’Adam est devenue mère de la mort et de la corruption, de même la mort volontaire du Seigneur pour sauver Adam, engendre la vie éternelle ».
De toute manière, après sa chute, l’homme avance à l’intérieur de ces deux réalités : la jouissance et la souffrance. La jouissance provoque l’éloignement de Dieu (le péché), suivi des remords, de la culpabilité, quelquefois aussi des maladies somatiques. Et l’homme, afin d’échapper au cycle jouissance-souffrance goûte à nouveau la jouissance, mais cette nouvelle jouissance crée une douleur insupportable qui pour être affrontée exige une nouvelle jouissance dans un véritable cercle vicieux. Le Christ par son incarnation nous a donné la capacité de nous libérer de ce cercle vicieux. Car Il est né hors du lien de la jouissance de la conception héritée d’Adam et Il a accepté volontairement la souffrance dans sa Passion.
Il a assumé le corps passible et mortel, sans le péché-jouissance pour guérir à la fois et la jouissance et la souffrance. La tradition de l’Église établit le dépassement de cette relation de dépendance et de jumelage entre la jouissance et la souffrance dans la nature humaine, par la vie ascétique.
Il ne s’agit pas d’une privation de l’homme par des règles d’interdiction mais de sa libération de l’empire de « ces sœurs jumelles siamoises ». Et selon la tradition patristique qu’exprime Saint Maxime le Confesseur, c’est la purification du cœur qui est le dépassement de la dualité jouissance-souffrance. Dans un de ses passages, il écrit que celui qui a libéré sa chair de la jouissance et de la souffrance a réalisé la vertu véritable. Que celui qui a fait disparaître de son âme l’ignorance et l’oubli de Dieu est passé dans la vision naturelle des êtres et des choses.
Et que celui qui a libéré son noûs des nombreuses représentations, c’est-à-dire des images conceptuelles et des imaginations, a acquis la véritable initiation théologique (mystagogie). Le cœur purifié peut alors jouir de sa communion avec Dieu.
Dans l’Église nous avons la possibilité, avec la théologie, les sacrements (la confession des péchés, le sacrement du Pardon couronné par la sainte Communion) et la vie ascétique, de rompre la dépendance entre la jouissance et la souffrance. Nous avons la capacité de guérir par la grâce du Saint-Esprit, le désir de jouissance déraisonnable, de supporter la douleur, les maladies et la peur de la mort, et de parvenir à des états spirituels qui délivrent l’homme de toutes les chaînes et le rendent libre pour jouir de son union avec Dieu.
Saint Maxime le Confesseur faisant l’exégèse de la prière du « Notre Père » et spécialement de la demande « et ne nous laisse pas succomber à la tentation » dit qu’il existe deux sortes de tentations, la voluptueuse et la douloureuse.
La première tentation, c’est-à-dire la tentation de jouissance est volontaire. Elle arrive selon notre propre disposition avec notre liberté c’est-à-dire qu’elle est volontaire puisque nous-mêmes voulons en tirer du plaisir.
Tandis que l’autre tentation, celle qui relève de la douleur, liée aux maladies et à la mort est involontaire parce que nous-mêmes, nous ne la désirons pas mais qu’elle survient dans notre vie. Elle apparaît comme une épreuve.
La tentation de la jouissance engendre le péché si nous y succombons, tandis que la tentation de la souffrance, lorsque nous la supportons avec patience, nous guérit de la maladie et du péché.
L’aide de Dieu nous est accordée si nous résistons à la tentation de la jouissance illégitime et si nous acceptons avec patience la tentation, l’épreuve de la souffrance.
« Toutes ces tentations-épreuves vous sont en fait profitables: supprimez la tentation, personne ne sera sauvé » dit Saint Antoine le Grand.
La douleur corporelle, psychique et existentielle peut devenir « un cadeau » de Dieu à l’homme. C’est un don de Dieu dans la situation d’après la chute dans laquelle nous nous trouvons.
Elle est reliée avec les tuniques de peau et agit avec le caractère d’une substance double, ce qui signifie que c’est d’abord un état d’après la chute ; mais cet état déchu est aussi béni par Dieu : grâce à Son aide, nous pouvons le surmonter et fortifier notre âme.
Chaque effort ascétique (ascèse signifie : exercice, effort) éloigne la souffrance injuste et rapproche l’âme de la jouissance originelle dans les Dons du Saint-Esprit.
De même que la femme souffre lors de la naissance d’un enfant, mais que cette souffrance prend fin avec l’apparition d’une nouvelle vie, de même chaque souffrance conduit à une nouvelle naissance, si nous parvenons à la mettre en valeur correctement.
C’est de cette façon que nous devons comprendre le passage classique de Dostoïevski « je souffre donc j’existe » qui peut être rapproché du passage de Saint Silouane « J’aime donc j’existe » et qui tous deux affrontent la pensée de Descartes: « Je pense donc je suis ».
L’existence de l’homme ne s’identifie pas de façon absolue avec la raison !
Mais elle est exprimée par le dépassement de la souffrance et par l’expérience vécue de l’amour.

Traduction: P. Pierre Deschamps,

résumé et adaptation : Marie Deschamps, Grand Carême 2011


Notes :

1. Dualité : coexistence de deux éléments différents. Caractère de ce qui est double en soi.

2. Saint Maxime le Confesseur, Questions à Thalassios.
3. Adjectif se rapportant au Noûs, voir ci-dessous :
4. Mot grec théologique très employé par les Pères. Le noûs : correspond à l’image du Père dans l’âme humaine. Le Noûs est l’œil de l’âme qui voit la lumière divine lorsqu’il est en bonne santé, c’est-à-dire vit en conformité avec les lois de sa nature crées par Dieu.
5. Questions à Thalassios, 61.


samedi 16 juin 2018

L'enfant au seuil du royaume Père Vladimir Zelinsky

Sur le blog Parlons d'Orthodoxie


Père Vladimir Zelinsky , du patriarcat de Constantinople, Italie
Éditeur : Parole et Silence

Ce livre est parcouru par un appel à se mettre en quête de l'enfant - quête douloureuse comme un accouchement -, de cet enfant qui vit, perdu dans notre moi. Cette quête signifie ascèse, lutte intense pour atteindre la sainteté. Cette conversion se produit dans la remémoration ou la découverte de ce qui vit déjà en l'homme, malgré toutes ses chutes.

Pareille "justification " s'exprime par la chair même des mots bien aiguisés, pétris de tradition orientale, de l'auteur, leur tension vers la découverte du Royaume promis, qui a pris la forme d'un enfant cherchant le sein de sa mère.

Sainteté et amour du monde, ascèse et sensualité, effort de la quête et douceur de l'humanité : l'harmonie entre ces éléments rend l'ouvrage du P. Vladimir Zelinsky véritablement précieux ; c'est un pas décisif vers cette "troisième voie" qu'il reste à découvrir et à parcourir un jour.

Extrait du livre

Nous avons tous Ses paroles en mémoire :

A cette heure-là, les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux ? » Il appela à lui un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et dit : « En vérité, je vous le dis, si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des cieux. Quiconque accueille en mon nom un petit enfant tel que lui à cause de mon nom, c'est moi qu'il accueille. » (Mt 18, 1-5)


C'est le Royaume des cieux que le Sauveur annonce, fondamentalement; c'est le but, la source, le mystère que sa prédication dévoile en grand.

L'annonce du Royaume sonnait dans Sa bouche comme la promesse messianique, partagée aux hommes, de la souveraineté de Dieu dans Son histoire, ici et maintenant, donc dans un temps renouvelé, encore inconnu, qui se cache quelque part, tout près, frappe à la porte, appelle, attend sur le seuil.

Ce temps se hâte vers nous en Christ, vivant aujourd'hui et à venir demain ; mais cette proximité stupéfiante avec Lui, dès maintenant, transparaît de la façon la plus claire en ceci : toujours, depuis l'origine, depuis le début de l'être, ce temps appartient au Christ. Le Royaume, comme l'enfance qui est tournée vers lui, est déjà proche, il est à vos portes (Mt 24, 33).

Nous en sommes un jour sortis, ou bien nous n'y sommes pas encore entrés, nous n'avons pas encore notre permis de séjour parce que nous avons accumulé tout un temps adulte, lourd, épais, qui, au fond, nous a toujours été étranger.

Le Royaume des cieux ressemble à notre enfance oubliée, il est toujours loin au bord du chemin, il est plus petit qu'une graine de moutarde, il est au dedans de vous (Lc 17, 21) mais ses graines sont plus faciles à percevoir chez ceux qui sont capables de se faire aussi petits que cette graine de moutarde. Il est dans les enfants d'aujourd'hui, ceux qui nous entourent, comme dans ceux que nous avons été un jour. Parce que ce qui est enfantin est aussi du Royaume, ce qui s'est fait petit est du Christ, et c'est vers ce mystère, dévoilé par Lui, caché en Lui, que Jésus nous appelle à revenir.





Revenir, c'est-à-dire se faire petit, se convertir, mais aussi accueillir l' enfant. Qu'y a-t-il derrière le verbe accueillir ? Jésus ne s'exprimait pas dans notre langue européenne polysémantique, ni non plus dans une langue symbolique, ésotérique ou hiératique. Dans ses paroles il y avait la densité, la corporéité, le concret bibliques - car le Verbe s'est fait chair - en particulier dans les cellules, les muscles et la gutturalité des mots araméens.

Ne faut-il pas accueillir l'enfant comme une chair sacrée, tout juste sortie de Ses mains, comme la divine bonté de la création à nous adressée, l'enfant qui nous dit dans son langage que c'est très bon ? Il faut donner asile au petit enfant dans notre maison, dans notre cœur, dans notre moi adulte. Accueillir l'enfant c'est devenir l'asile du Verbe venu anonymement dans l'enfant, et qui a besoin d'une mère. Et c'est l'Eglise, Corps du Christ, qui devient mystiquement sa mère.

En Eglise c'est dans la prière et l'Eucharistie que nous découvrons Dieu, mais aussi dans le mystère de notre propre personne, qui s'enracine dans son origine invisible. La vie en Eglise est un long cheminement vers soi-même. « Reviens vers toi, dit saint Augustin, car tu t'es égaré, et tu es devenu étranger à toi-même. Retrouve le chemin de ton cœur. »

« Deviens celui que tu es », dit le métropolite Kallistos Ware en écho aux Pères de l'Eglise. Et nous nous demandons à nous-mêmes : qui suis-je ? Qui est chacun de nous dans son être créé ? Est-ce que le propre de la voie orientale n'est pas de chercher son moi véritable, non défiguré par le monde, de le connaître en Dieu, pour ensuite le nettoyer de l'autre moi consumé par les soucis et les passions, celui dans lequel nous vivons aujourd'hui en le prenant pour notre unique demeure ? Pour pouvoir parler de notre moi ancien, il faut se rendre compte qu' un jour il a été créé et est venu au monde grâce au Verbe par qui tout a commencé à exister.

Dieu a dit à notre propos : créons-les, et Il a dit à chacun de nous : sois. Il nous a fait don du nom connu de Lui seul, un nom perpétuel, qui ne sera jamais retranché, comme il est écrit dans le prophète Isaïe (56, 5). « Tu nous as créés pour Toi, dit saint Augustin au début des Confessions, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en Toi. » Oui, le cœur à tout moment se révolte en nous, parce qu'il est enivré de lui-même, mais dans son moi d'aujourd'hui il est à l'étroit comme dans une cage et il aspire à avoir de l'espace en Dieu.

Le cœur de l'enfant encore petit est au large là où son être se trouve depuis l'origine - dans Ses mains : Tes mains m'ont fait et affermi (Ps 119, 73) - dans la plénitude de Sa présence gratuite, inépuisable, royale. Les mots du psaume que nous venons de rappeler sont prononcés en chacun de ces tout-petits avant même qu'ils apprennent à parler.




C'est par l'étonnement qu'ils s'expriment.

Le Seigneur nous abrite dans la chair de notre mère et nous fait entrer dans le monde, et nous y entrons par les portes d'une action de grâces émerveillée, mais pas encore pleinement consciente d'elle-même. Par la bouche des tout-petits et des nourrissons tu t'es préparé une louange... (Ps 8, 3).

La louange du tout-petit ne ressemble pas à celle de l'adulte, il s'émerveille non pas comme s'il voyait quelque chose de nouveau qu'il n'aurait encore jamais vu, mais en accueillant ce qui existe comme un tout, dans l'union à ce tout. Il s'étonne de ce qu'il perçoit et absorbe par ses sens, mais il ne rigidifie pas son étonnement spontané par une réflexion. Accueillir l'enfant, cela veut dire répondre à son action de grâces, répondre au Verbe qui l'a appelé à la vie.

S'émerveiller du miracle de la volonté créatrice de Dieu, afin que « grâce à la grandeur et à la beauté des créatures nous finissions par avoir une compréhension convenable de Celui qui nous a créés », comme dit saint Basile le Grand (Les Six Jours de la Création).

S'étonner, cela veut dire sortir de son propre espace intellectuel, s'éloigner de l'image familière de notre monde déchu, de l'image qui s'est formée, qui est apparue et s'est solidifiée dans notre esprit. S'étonner, c'est s'offrir à quelque chose qui se dévoile, c'est participer aux « choses de Dieu ». Quand l'âme dans l'homme vient de s'éveiller, elle cherche à tâtons en elle-même le tu caché des choses et engage la conversation avec elles, comme une créature dialogue avec une autre.


Père Vladimir Zelinsky

lundi 12 février 2018

LE GRAND CARÊME et l'Ethos ascétique de l'attente de l'ORTHODOXIE


Le samedi 10 février 2018 le hiéromoine Macaire de Simonos-Pétra a présenté son dernier livre :« Mystagogie du Grand Carême. Essai de théologie du temps liturgique » paru dans la nouvelle collection des éditions Apostolia* « DoxologIe », dirigée par Bernard Le Caro.`
On peut en lire l'introduction et la conclusion ICI
* Voir l'excellente revue de la Métropole orthodoxe roumaine d’Europe occidentale et méridionale, Apostolia. Prix: 3 euros. Pour toute information: siège de la Métropole orthodoxe roumaine. Courriel: revue.apostolia@mitropolia.eu.

lundi 4 décembre 2017

Saint Geronda Iakovos Tsalikis, L'Ancien de l'amour, du pardon et du discernement [2/2]

Geronda Iakovos Tsalikis (5/11/1920—21/11/1991)

 par Alexandros Christodoulou  

[2ème partie]



En tant qu'higoumène, il se comportait envers les pères et les visiteurs du monastère avec un excès d'amour, de compréhension et de discernement. Son hospitalité était proverbiale. Le discernement avec lequel il approchait les gens était une ses caractéristiques propres. Il voyait chaque personne comme une image du Christ et avait toujours un bon mot à leur dire. Ses paroles réconfortantes, qui allaient droit au cœur de ses auditeurs, sont devenues le point de départ de leur repentance et de leur vie spirituelle dans l'Église. L'Ancien avait le don, qu'il dissimulait, de perspicacité et de clairvoyance. Il reconnaissait le problème ou le péché de chaque personne et les corrigeait avec discrétion. Illuminé par le Saint-Esprit, il disait à chacun, en quelques mots, exactement ce dont il avait besoin. Saint Porphyre disait du précédent ancien Iakovos : «Gravez mes paroles. Il est l'une des personnes les plus clairvoyantes de notre temps, mais il le cache pour ne pas être loué ».

Dans une lettre adressée au saint monastère de Saint-David, le patriarche œcuménique Bartholomée a écrit : «En ce qui concerne le défunt aîné, avec sa personnalité, on peut dire de lui ce que saint Jean Chrysostome a écrit à propos de saint Mélèce d'Antioche : il a certes enseigné ou éclairé les esprits par la parole, mais le voir seulement était suffisant pour que les âmes de ceux qui le regardaient soient pénétrées de tout son enseignement de la vertu ».

Il a vécu pour la Divine Liturgie, qu'il célébra tous les jours, avec crainte et tremblement, avec dévotion et, littéralement, élévation. En effet les jeunes enfants et ceux qui avaient le cœur pur l'ont vu se déplacer au-dessus du sol ou être assisté par de saints anges. Comme il l'a lui-même dit à très peu de personnes, il a célébré avec les chérubins, les séraphins et les saints. Pendant la proscomédie, il a vu des anges du Seigneur prendre les portions de ceux dont on faisait mémoire et les placer devant le trône du Christ, comme des prières. Quand, à cause de problèmes de santé, il se sentait faible, il priait avant le début de la Divine Liturgie avec ces paroles "Seigneur, avec mes faibles forces d'homme je n'y parviendrai pas, alors aide-moi à célébrer". Après cela, disait-il, il célébrait «comme s'il avait des ailes».

L'un des aspects caractéristiques de sa vie était sa relation avec les saints. Il a vécu avec eux, leur a parlé et les a vus. Il avait une confiance impressionnante envers eux, particulièrement Saint David et Saint Jean le Russe, qu'il considérait littéralement comme ses amis. "Je murmure quelque chose à l'oreille du Saint et il me donne une ligne directe vers le Seigneur" disait-il. Alors qu'il était sur le point de subir une opération à l'hôpital de Halkida, il pria avec foi: «Saint David, n'irez-vous pas à Prokopi chercher Saint Jean, ainsi vous pourrez venir ici et me soutenir pour l'opération? Je ressens le besoin de votre présence et de votre soutien ». Dix minutes plus tard, les saints apparurent et, quand il les vit, l'Ancien se dressa sur son lit et leur dit: «Merci d'avoir répondu à ma demande et de venir ici pour me trouver».

L'une de ses vertus les plus connues était la charité. À maintes reprises, il a donné à tout le monde, selon leurs besoins. Il pouvait dire lesquels des visiteurs du monastère étaient en difficultés financières. Il demandait à leur parler en privé, leur donnait de l'argent et leur demandait de ne le dire à personne. Il n'a jamais voulu que ses actes charitables soient connus.

Un autre don qu'il avait était que, par les prières de Saint David, il était capable d'expulser les démons. Il lisait les prières de l'Église, faisait le signe de la Croix avec le précieux crâne du saint sur les personnes qui souffraient et celles-ci étaient souvent purifiées.

C'était un guide spirituel merveilleux, et grâce à ses conseils, des milliers de personnes sont retournées sur le chemin du Christ. Il aimait ses enfants plus que lui-même. C'est pendant la confession que que l'on pouvait particulièrement apprécier sa sainteté. Il n'a jamais offensé ou attristé personne. Il était justement connu comme "Geronda Iakovos tel Doux".

Il a souffert d'un certain nombre de maladies douloureuses. Une de ses paroles était : «Lucifer a reçu la permission de tourmenter mon corps». Et Dieu a donné son consentement pour ma chair, que j'ai portée pendant soixante-dix ans, à être tourmenté pour une seule raison : que je devienne humble. La dernière des épreuves concernant sa santé a été une crise cardiaque qui était le résultat d'une tentation qu'il avait subie.

Il a toujours eu le souvenir de la mort et du jugement à venir. En effet, il avait prédit sa mort. Il demanda à un hiérodiacre athonite qu'il avait confessé le matin du 21 novembre, dernier jour de sa vie terrestre, de rester au monastère jusqu'à l'après-midi pour l'habiller. Pendant qu'il confessait, il se leva et eut cet échange avec le hiérodiacre : «Lève-toi, fils. La Mère de Dieu, Saint David, Saint Jean le Russe et Saint Iakovos viennent d'entrer dans la cellule. — Pourquoi sont-ils ici, Geronda ? — Prends-moi, mon fils». À ce moment même, ses genoux ont cédé et il s'est effondré. Comme il l'avait prédit, il partit «comme un petit oiseau». Avec un souffle semblable à celui d'un oiseau, il a quitté ce monde le jour de l'Entrée au Temple de la Mère de Dieu. Il a fait sa propre entrée dans le royaume de Dieu. Il était 4h17 dans l'après-midi.

Son corps est demeuré souple et chaud, et le cri qui s'échappa des lèvres de milliers de personnes fut : «Un Saint! Tu es un Saint », témoignant des sentiments des fidèles pour le défunt Iakovos. Maintenant, après sa mort bénie, il intercède pour tout le monde auprès du trône de Dieu, avec une confiance spéciale et exceptionnelle. Des centaines de fidèles peuvent confirmer qu'il a été un bienfaiteur pour eux. 
Alexandros Christodoulos

(version française par Maxime le minime de la source)

mercredi 29 novembre 2017

Saint Geronda Iakovos Tsalikis, L'Ancien de l'amour, du pardon et du discernement [1/2]


Geronda Iakovos Tsalikis (5/11/1920—21/11/1991)

 par Alexandros Christodoulou  

[1ère partie]





Notre époque et la culture d'aujourd'hui se sont malheureusement éloignées de la vision et de la recherche de la sainteté. La foi orthodoxe est fondée sur la présence des saints. Sans cela, notre Église est sur la voie de la sécularisation. Naturellement, comme nous le savons de l'Écriture, Dieu seul est saint, et la sainteté dérive de notre relation avec Lui, et par conséquent la sainteté est théocentrique plutôt qu'anthropocentrique. Notre sainteté dépend de la gloire et de la grâce de Dieu et de notre union avec Lui, pas de nos vertus. La sanctification suppose le libre arbitre de la personne sanctifiée. Comme le dit saint Maxime le Confesseur, tout ce que nous apportons, ce sont nos intentions. Sans celles-ci, Dieu n'agit pas. Et Saint Jean Damascène répète que nous honorons les saints «pour s'être unis librement avec Dieu et de l'avoir fait habiter en eux et que cette participation soit devenue par grâce ce qu'Il est par nature». Les saints n'ont pas cherché à être glorifiés, mais à glorifier Dieu, parce que la sainteté signifie la participation et la communion avec la sainteté de Dieu.

La source de la sainteté dans l'Église orthodoxe est l'Eucharistie divine. En prenant part au Seul Saint, Jésus-Christ, nous devenons saints. Les «choses saintes», le Corps et le Sang du Christ, sont données comme communion «aux saints», les membres de l'Église. La sainteté accompagne la sainte communion. Les luttes ascétiques des saints ne sont pas un but mais un moyen qui mène au but, qui est la communion eucharistique, l'union la plus parfaite et la plus complète avec le Seul Saint. Dans la prière du Seigneur, le «Notre Père», nous voyons que la sanctification est associée au Royaume de Dieu. Nous demandons que Son Royaume vienne dans le monde afin que chacun puisse Le louer et puisse partager sa sainteté et sa gloire, c’est ce que nous appelons la «déification».

Le Royaume de Dieu et la déification sont une extension éternelle de la Divine Liturgie dans l'espace et dans le temps, comme l'écrit saint Maxime le Confesseur. En prenant part à l'Eucharistie divine, les saints deviennent des dieux par grâce, mais ils sont conscients qu'ils « ont le trésor dans des vases d'argile » et qu'ils voient « à travers des lunettes de soleil ». Ils attendent et espèrent le moment où la porte du ciel s'ouvrira et où ils verront Dieu « tel qu'il est ». Leur lutte contre les passions et les démons est continue et ils croient que tout le monde ira au paradis, sauf eux. Ils connaissent leur insignifiance et leur indignité, ils ne croient pas à leur supériorité morale et à leur dignité et, avec l'humilité qu'ils ressentent, ils voient les autres comme des saints, surtout quand ces gens leur rendent des honneurs. Cela est dû à l'amour, qui est la seule chose qui restera dans le Royaume de Dieu.

Un exemple de leur amour pour Dieu est leur lutte personnelle pour observer ses commandements. La soumission à la volonté de Dieu purifie les gens de leurs passions et prépare la place pour que la grâce y établisse sa demeure. Tous les saints sont caractérisés par une attitude d'ascèse et de sacrifice de soi. Selon saint Isaac, la vie ascétique est la mère de la sanctification « d'où naît le premier goût du sens des mystères du Christ». Ou, comme le dit saint Maxime le Confesseur : « Par leur mortification volontaire, refusant tous les maux et toutes les passions ... ils se sont faits pèlerins et étrangers à la vie, combattant hardiment contre les rébellions du monde et du corps ... et ont conservé l'honneur de leur âme ».

C’était un tel vase de la grâce et de la demeure du Saint-Esprit qu’était l'Ancien Iakovos Tsalikis, l'une des plus importantes et saintes personnalités de notre époque, un grand et saint Ancien, un véritable ami de Dieu.

Il était une incarnation vivante de l'Évangile, et sa visée était la sanctification. Dès la petite enfance, il aimait prier et allait dans différentes chapelles, allumait les lampes à icônes et priait les saints. Dans une chapelle de son village, c’est souvent qu’il pouvait parler à Sainte Parascève. Il s'est soumis à l'appel de Dieu, qui lui est venu quand il était encore un petit enfant, s'est renié et a pris la Croix du Christ jusqu'à son dernier souffle. En 1951, il s’est rendu au monastère de Saint David l'Ancien, où il fut reçu de manière miraculeuse par le saint lui-même.

Il fut tonsuré en novembre 1952. Moine il se soumit sans plainte et ne fit rien sans la bénédiction de l'higoumène. Il marchait souvent de quatre à cinq heures pour aller visiter son Ancien, dont l'obédience était celle de prêtre de paroisse dans la petite ville de Limni. La violence qu'il se faisait à lui-même était sa principale caractéristique. Ce n’est pas aisément qu’il se permettait quelque relâchement. Il a vécu des épreuves et des tentations incroyables. La grande pauvreté du monastère, sa cellule gelée avec des volets cassés, le vent froid et la neige qui entrait par les interstices, le manque du strict nécessaire, même de vêtements et de chaussures d'hiver, faisaient frissonner tout son corps et il était souvent malade. Il supportait le poids de la guerre spirituelle, invisible en même que perceptible menée par Satan, qui fut vaincu par l'obéissance, la prière, la douceur et l'humilité d'Iakovos. Il a combattu ses ennemis avec les armes que nous a données notre sainte Église : le jeûne, les veilles et la prière.

Son ascétisme était étonnant. Il mangeait comme un oiseau, selon son biographe. Il dormait par terre pendant deux heures sur vingt-quatre. Toute la nuit était consacrée à la prière. En ce qui concerne son combat, il disait : « Je ne fais rien. Quoi que je fasse, c'est Dieu qui le fait. Saint David m'apporte son soutien pour y parvenir.»

Son humilité, légendaire et inspirante, était ce qui le caractérisait le mieux. Les démons qui étaient chez les personnes possédées venues au monastère le maudissaient et disaient : « Nous voulons te détruire, te neutraliser, t’annihiler, mais nous n’y parvenons pas à cause de ton humilité ». Il insistait toujours sur son manque d'éducation, ses insuffisances et son humilité. C'était typique de lui que, quand il parlait, de temps en temps il disait : « Pardonne-moi. ». Il demandait toujours le pardon des gens, ce qui était un signe de son attitude humble. Un jour qu’il avait été invité à visiter le monastère de Saint George Armas, où l'ancien higoumène était le p. Georges Kapsanis, il répondit  : « Pères, je suis un chien mort. Que ferai-je si je viens vous voir ? Polluer l'air ? » Il avait toujours le sentiment qu'il n'était rien.

Et quand il est devenu higoumène, il disait toujours qu'il n'était pas digne de la responsabilité du monastère : « C’est Saint David qui est l'higoumène ici », soutenait-il. Quand il célébrait avec d'autres prêtres, il allait dans un coin du sanctuaire, les laissant conduire l’office. On lui disait : « Ce n'est pas bien, tu es l’higoumène de ce monastère », il répondait alors : « Fils, c’est Saint David qui est l’higoumène ici. »

Bien qu'il n'en ait pas brigué la charge, il accepta d'être ordonné diacre par Grigorios, l'évêque de Halkida, le 18 décembre 1952. Le lendemain, il devint prêtre. Dans son discours après l'ordination, l'évêque dit : « Et toi, fils, tu seras sanctifié. Continue, avec la puissance de Dieu, et l'Église te déclarera [saint] ». Ses paroles étaient prophétiques. Il a été consacré higoumène le 27 juin 1975 par le métropolite Chrysostome de Halkida, fonction qu’il a remplie jusqu'à sa mort.

(Version française  par Maxime le minime de la source)
À suivre