Saint Geronda Iakovos Tsalikis, L'Ancien de l'amour, du pardon et du discernement [1/2]
Geronda Iakovos Tsalikis (5/11/1920—21/11/1991)
par Alexandros Christodoulou
[1ère partie]
Notre époque et la culture
d'aujourd'hui se sont malheureusement éloignées de la vision et de la recherche
de la sainteté. La foi orthodoxe est fondée sur la présence des saints. Sans
cela, notre Église est sur la voie de la sécularisation. Naturellement, comme
nous le savons de l'Écriture, Dieu seul est saint, et la sainteté dérive de
notre relation avec Lui, et par conséquent la sainteté est théocentrique plutôt
qu'anthropocentrique. Notre sainteté dépend de la gloire et de la grâce de Dieu
et de notre union avec Lui, pas de nos vertus. La sanctification suppose le
libre arbitre de la personne sanctifiée. Comme le dit saint Maxime le
Confesseur, tout ce que nous apportons, ce sont nos intentions. Sans celles-ci,
Dieu n'agit pas. Et Saint Jean Damascène répète que nous honorons les saints «pour
s'être unis librement avec Dieu et de l'avoir fait habiter en eux et que cette
participation soit devenue par grâce ce qu'Il est par nature». Les saints n'ont
pas cherché à être glorifiés, mais à glorifier Dieu, parce que la sainteté
signifie la participation et la communion avec la sainteté de Dieu.
La source de la sainteté dans
l'Église orthodoxe est l'Eucharistie divine. En prenant part au Seul Saint,
Jésus-Christ, nous devenons saints. Les «choses saintes», le Corps et le Sang
du Christ, sont données comme communion «aux saints», les membres de l'Église.
La sainteté accompagne la sainte communion. Les luttes ascétiques des saints ne
sont pas un but mais un moyen qui mène au but, qui est la communion
eucharistique, l'union la plus parfaite et la plus complète avec le Seul Saint.
Dans la prière du Seigneur, le «Notre Père», nous voyons que la sanctification
est associée au Royaume de Dieu. Nous demandons que Son Royaume vienne dans le
monde afin que chacun puisse Le louer et puisse partager sa sainteté et sa
gloire, c’est ce que nous appelons la «déification».
Le Royaume de Dieu et la
déification sont une extension éternelle de la Divine Liturgie dans l'espace et
dans le temps, comme l'écrit saint Maxime le Confesseur. En prenant part à
l'Eucharistie divine, les saints deviennent des dieux par grâce, mais ils sont
conscients qu'ils « ont le trésor dans des vases d'argile » et qu'ils voient « à
travers des lunettes de soleil ». Ils attendent et espèrent le moment où la
porte du ciel s'ouvrira et où ils verront Dieu « tel qu'il est ». Leur lutte
contre les passions et les démons est continue et ils croient que tout le monde
ira au paradis, sauf eux. Ils connaissent leur insignifiance et leur indignité,
ils ne croient pas à leur supériorité morale et à leur dignité et, avec
l'humilité qu'ils ressentent, ils voient les autres comme des saints, surtout
quand ces gens leur rendent des honneurs. Cela est dû à l'amour, qui est la
seule chose qui restera dans le Royaume de Dieu.
Un exemple de leur amour pour
Dieu est leur lutte personnelle pour observer ses commandements. La soumission
à la volonté de Dieu purifie les gens de leurs passions et prépare la place
pour que la grâce y établisse sa demeure. Tous les saints sont caractérisés par
une attitude d'ascèse et de sacrifice de soi. Selon saint Isaac, la vie
ascétique est la mère de la sanctification « d'où naît le premier goût du sens
des mystères du Christ». Ou, comme le dit saint Maxime le Confesseur : « Par
leur mortification volontaire, refusant tous les maux et toutes les passions
... ils se sont faits pèlerins et étrangers à la vie, combattant hardiment
contre les rébellions du monde et du corps ... et ont conservé l'honneur de
leur âme ».
C’était un tel vase de la
grâce et de la demeure du Saint-Esprit qu’était l'Ancien Iakovos Tsalikis,
l'une des plus importantes et saintes personnalités de notre époque, un grand
et saint Ancien, un véritable ami de Dieu.
Il était une incarnation
vivante de l'Évangile, et sa visée était la sanctification. Dès la petite
enfance, il aimait prier et allait dans différentes chapelles, allumait les
lampes à icônes et priait les saints. Dans une chapelle de son village, c’est
souvent qu’il pouvait parler à Sainte Parascève. Il s'est soumis à l'appel de
Dieu, qui lui est venu quand il était encore un petit enfant, s'est renié et a
pris la Croix du Christ jusqu'à son dernier souffle. En 1951, il s’est rendu au
monastère de Saint David l'Ancien, où il fut reçu de manière miraculeuse par le
saint lui-même.
Il fut tonsuré en novembre
1952. Moine il se soumit sans plainte et ne fit rien sans la bénédiction de
l'higoumène. Il marchait souvent de quatre à cinq heures pour aller visiter son Ancien,
dont l'obédience était celle de prêtre de paroisse dans la petite ville de
Limni. La violence qu'il se faisait à lui-même était sa principale
caractéristique. Ce n’est pas aisément qu’il se permettait quelque relâchement.
Il a vécu des épreuves et des tentations incroyables. La grande pauvreté du
monastère, sa cellule gelée avec des volets cassés, le vent froid et la neige
qui entrait par les interstices, le manque du strict nécessaire, même de
vêtements et de chaussures d'hiver, faisaient frissonner tout son corps et il
était souvent malade. Il supportait le poids de la guerre spirituelle,
invisible en même que perceptible menée par Satan, qui fut vaincu par
l'obéissance, la prière, la douceur et l'humilité d'Iakovos. Il a combattu ses
ennemis avec les armes que nous a données notre sainte Église : le jeûne, les veilles
et la prière.
Son ascétisme était étonnant.
Il mangeait comme un oiseau, selon son biographe. Il dormait par terre pendant
deux heures sur vingt-quatre. Toute la nuit était consacrée à la prière. En ce
qui concerne son combat, il disait : « Je ne fais rien. Quoi que je fasse,
c'est Dieu qui le fait. Saint David m'apporte son soutien pour y parvenir. »
Son humilité, légendaire et
inspirante, était ce qui le caractérisait le mieux. Les démons qui étaient chez
les personnes possédées venues au monastère le maudissaient et disaient : « Nous
voulons te détruire, te neutraliser, t’annihiler, mais nous n’y parvenons pas à
cause de ton humilité ». Il insistait toujours sur son manque d'éducation,
ses insuffisances et son humilité. C'était typique de lui que, quand il parlait,
de temps en temps il disait : « Pardonne-moi. ». Il demandait toujours
le pardon des gens, ce qui était un signe de son attitude humble. Un jour qu’il
avait été invité à visiter le monastère de Saint George Armas, où l'ancien higoumène
était le p. Georges Kapsanis, il répondit
: « Pères, je suis un chien mort. Que ferai-je si je viens vous voir ?
Polluer l'air ? » Il avait toujours le sentiment qu'il n'était rien.
Et quand il est devenu higoumène,
il disait toujours qu'il n'était pas digne de la responsabilité du monastère
: « C’est Saint David qui est l'higoumène ici », soutenait-il. Quand il célébrait
avec d'autres prêtres, il allait dans un coin du sanctuaire, les laissant conduire
l’office. On lui disait : « Ce n'est pas bien, tu es l’higoumène de ce
monastère », il répondait alors : « Fils, c’est Saint David qui est l’higoumène
ici. »
Bien qu'il n'en ait pas brigué la
charge, il accepta d'être ordonné diacre par Grigorios, l'évêque de Halkida, le
18 décembre 1952. Le lendemain, il devint prêtre. Dans son discours après
l'ordination, l'évêque dit : « Et toi, fils, tu seras sanctifié. Continue,
avec la puissance de Dieu, et l'Église te déclarera [saint] ». Ses paroles
étaient prophétiques. Il a été consacré higoumène le 27 juin 1975 par le
métropolite Chrysostome de Halkida, fonction qu’il a remplie jusqu'à sa mort.
(Version française par Maxime le minime de la source)
Commentaires