par l'agiographe Michel Alezyvakis
Le Temple chrétien est une expression et une visualisation
de la présence du Seigneur dans le monde matériel. Le temple est «la maison du
Seigneur parce que c’est là que le Seigneur est adoré, que sa Parole est
annoncée par le sermon, et que le principal mystère de sa présence, la Sainte
Eucharistie, a lieu.
C’est le lieu où la synaxe liturgique des vrais croyants a
lieu, qui est l'expression visible du corps de l'Église, dont la tête est le
Christ.
Le mystère du Saint Culte se reflète sur les liturgies, l'
architecture et l' iconographie des églises.
Toutefois, en ce qui concerne l'architecture, et surtout
l'iconographie, bientôt la nécessité d'apporter des réponses à ce paradoxe est
venu : comment est-il possible d'utiliser des dessins et des couleurs pour
représenter non pas la nature, l'individualité ou la corruption, mais
l'hypostase des personnes et des choses [Saint Théodore Stoudite: Ce n’est pas
la nature, mais l'hypostase de la personne représentée qui est montrée ci dans
l'icône ( "Παντός εικονιζομένου ούχ ή φύσις, άλλη υπόστασις εικονίζεται)]
Comment, en d' autres termes, les transformer en une révélation de l'événement
du salut? Est - il possible avec les moyens matériels de la création artistique
de représenter un mode d'existence, qui élimine l’autonomie, l’espace et le
temps en tant que séquence antériorité- postériorité ?
Cette antithèse est atteinte au travers de la magnifique force
expressive de l’icône byzantine, qui élève et transforme la réalité naturelle en
une conception plus élevée de la forme pour conduire du simulacre à la voie de
la vérité.
L'art chrétien exprime l'événement du salut en tant qu’il
s’est historiquement produit. Il n’exprime pas d’émotions individuelles , mais
l'adhésion collective au «mystère impénétrable qui est célébré pendant le
culte.
L'icône invite à une communion / relation directe avec les
images, pour une transition vers le prototype originel ; qui est
l'hypostase de la personne iconographiquement représentée [Saint Basile le
Grand: Car tout honneur rendu à l'icône (ou l' image) rejaillit sur l'original,
et celui qui se prosterne en adoration devant l'icône, se prosterne , en même
temps en adoration devant la substance (ou hypostase) de celui qui y est peint
(Η της εικόνος τιμή επί το πρωτότυπον διαβαίνει και ο προσκυνών την εικόνα
προσκυνεί έν αύτη τού έγγραφομένου τήν υπόστασιν )]. Représenter une personne selon
son hypostase signifie utiliser le langage de la création artistique pour
présenter la nature humaine divinisée.
Les visages des saints sont historiques, mais en même temps,
ils manifestent la présence de la gloire de Dieu, comme l’énonce l'apôtre Paul
(2 Cor 3:18.). L'icône représente l'existence eschatologique de la personne
représentée ; elle exprime la béatitude de l'homme renouvelé dans le
Christ.
Les règles objectives sur la façon de faire une icône soumettent
la perception individuelle, l'idée, à une vision qui est un événement de communion.
L’« œuvre d'art» n’est pas vue comme une création individuelle , mais comme un
lieu de rencontre de l'Église avec le Dieu éternel.
Pour les Byzantins, c’est l'Église qui « peint les icônes »
par la main du peintre, qui assujettit la perception individuelle à un type
iconographique donné. Il est écrit dans les décisions du 7e concile œcuménique
: « La peinture d'icônes est pas une invention des peintres , mais une institution
et une tradition agréées de l'Église catholique ... (Ού ζωγράφων εφεύρεσις ή
τών εικόνων ποίησις, αλλά τις καθολικής εκκλησίας έγκριτος θεσμοθεσία και
παράδοσις ......).
Par conséquent, c’est un type iconographique donné, qui,
cependant, ne limite pas mais libère le peintre de ses impulsions individuelles
et, de la sorte, dans ce travail d’art, l'Église reconnaît sa vérité. Cela ne
signifie pas que le génie artistique des grands maîtres byzantins (Manuel Panselinos,
Michael Astrapas, Théophane le crétois etc.) est supprimé, mais l'icône n’est
pas seulement une suggestion artistique, un accomplissement individuel ... c’est
essentiellement une révélation , une attitude commune dans la vie.
L'art byzantin transmet au vrai croyant les vérités
spirituelles par les sens : la lumière et la couleur sont utilisés dans la pleine
conscience de leur impact. Les Byzantins avaient la conviction que tous les
deux sont directement associés à Dieu : Dieu est la Source de la lumière. La
lumière en étant dispersée à travers les peintures murales symbolise la lumière
primordiale, surnaturelle, dont la source est Dieu, la seule source de toute
lumière. Les Byzantins considéraient la vue comme le plus élevé des cinq sens, en
même temps qu’ils considéraient la couleur et non la forme comme la principale
caractéristique distinctive d'un objet.
La perception des couleurs du monde a une importance
profonde : la composition des couleurs et des formes ont leur aboutissement
dans un rythme complètement différent, dans un rythme qui, aussi fondamental
qu’il puisse être dans l'art et peut-être dans la vie, ne peut pas être
facilement rationalisé.
En conséquence, la tâche principale des peintres était et
est toujours de trouver les couleurs qui correspondent mieux à la beauté première.
Selon eux, la procédure artistique et son travail pourraient être considérés
comme une imitation. L’imitation est conçue comme la tentative de transférer le
prototype originel par une répétition authentique, en préservant et en rendant sa
signification du passé jusqu'au présent. Il est clair que nous ne parlons pas d’une
reproduction, d’une restauration ou d’un formalisme serviles. Des variations
significatives de la forme, de la composition ou de la couleur ont été et sont
acceptables dans certaines limites. Mais la quête théologique de la vérité concerne
également les écrits de l’Église et sa peinture, c’est la raison pour laquelle
nous avons mentionné ci-dessus la libération [nécessaire] de l'impulsion
individuelle. Il s’ensuit l'obligation de suivre un certain archétype. Les
caractéristiques morphologiques des archétypes forment une règle visuelle de
l'Eglise au sein de laquelle il est difficile de changer quoi que ce soit.
En se référant à des archétypes, l'art byzantin est
inévitablement assujetti au principe de la répétition. Dans cette perspective,
la répétition est un besoin structurel. L'imitation des prototypes plus anciens,
non remise en question pendant longtemps, est progressivement devenue un
problème esthétique, à partir du moment où elle a commencé à être influencée
par les principes de la tradition de l'art occidental, qui obligent l'artiste à
l'originalité ainsi qu’au changement constant de sorte de ne présenter que des types
individuels. Cette position se traduit par un écart par rapport à des œuvres
plus anciennes de l'art.
Aujourd'hui, grâce au grand maître Photis Kontoglou, a eu
lieu une renaissance de l'art de l'Église; une approche consciente des anciens
prototypes est tentée à la fois en termes de types iconographiques et de style
artistique. Il est essentiel que l'icône byzantine soit sauvegardée non pas
comme un objet de valeur pour musée, mais plutôt comme une ancre qui conduit
l'homme à une implication au sein du Seigneur, en tant qu’expression de la
certitude de l'Église concernant la présence constante du « déjà accompli ».
Le témoignage et l'expérience d'une communion des vivants et des morts est la
préservation d'une mémoire supportant une tradition, la pratique établie d'une
expérience collective intemporelle.
Un tel objectif exige le respect ; mais le respect exige, à son tour, la
connaissance, le consentement et la connaissance.
Rien ne se conserve sans connaissance certifiée ; rien est
maintenu sans amour ; l’amour est celui qui maintient tout ensemble; La
poursuite est un besoin à partir d'une exigence déjà exprimée : l’exigence qui
veut la tradition byzantine pour héritage de tout le monde. Ce que vous ne
connaissez pas ne vous appartient pas en même temps que vous ne pouvez partager
ce qui ne vous appartient pas.
La valeur de la tradition ne réside pas tant dans son antiquité
qui la valorise, mais dans l’épreuve qu'elle subit, qui à la fin détermine ce
qui est légué de génération en génération. Le travail des grands artistes
chrétiens byzantins a créé une relation intemporelle avec chacun de nous, car il
sert quelque chose qu'ils savaient qui les dépassait, il sert la communauté plutôt
que l'individu, l'Église plutôt que l'autonomie. Cette relation créée est aux
antipodes de l'utilisation, l'appropriation et l'intérêt.
Cette relation suppose de se déprendre de nous-mêmes, le
dépassement de soi, ce qui est la raison pour quoi elle réussit à vaincre même le
temps.