« Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument…

… Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais. »  

(John Emerich Edward Dalberg-Acton)

sauf les Saints !


Eugène III, modèle de hiérarque

Eugène III,  certes pape (mais peu après le schisme), fut de ceux-là. Fils spirituel de Bernard de Clairvaux, moine cistercien (comme le fut Père Placide de bienheureuse mémoire avant son entrée dans l'Orthodoxie ) qui s'appelait Frère Bernard et qui après avoir quitté Clairvaux était devenu abbé du monastère de St Anastase près de Rome, fut élu Pape le 27 février 1145. Dès qu'il connut cette élection Saint Bernard de Clairvaux écrivit tant au nouvel élu qu'aux cardinaux de la Curie. Il laissa à la fois s'exprimer sa joie dans sa lettre à son fils spirituel, mais également ses craintes auprès  de lui comme auprès de la Curie romaine.  Cependant, portant le cilice, couchant sur une pauvre paillasse, le nouveau Pape Eugène, malgré son nouvel état, continua de vivre comme le moine Frère Bernard qu'il était auparavant. En butte à divers complots qui voulaient restreindre ses prérogatives, il fut obligé de s'exiler deux fois. 

De
      Bernard de Clairvaux 

Lettre CCXXXVII (adressée à la Curie romaine)

« À tous les Seigneurs et Révérends Pères faisant partie de la cour romaine, celui qu’il n’est que l’enfant de leur sainteté. 

Ô vous qui avez fait cela, que Dieu vous pardonne ! Un homme était enseveli, et vous l’avez rappelé parmi les hommes ; un homme a fui le tracas des affaires et le bruit du monde, et voici que, de nouveau, vous l’avez empêtré dans les affaires et mêlé au monde. Vous avez pris cet homme au dernier rang pour le placer au premier, et voici que son dernier état présente plus de danger pour lui que son état antérieur. Cet homme était crucifié au monde et voici que, par vous, il renaît au monde ; cet homme avait choisi d’être compté pour rien dans la maison de son Dieu, et c’est lui précisément dont vous avez fait choix pour lui donner pouvoir sur toutes choses. Pourquoi avoir troublé la résolution de cet humble ? Pourquoi avoir contrarié la volonté de cet homme pauvre, de cet homme misérable, et dont le cœur est plein de componction ? Sa carrière était heureuse. Quelle idée avez-vous eu de lui barrer la route, de détourner ses voies, d’embarrasser sa marche ? Plutôt que de monter de Jéricho, ne semble-t-il pas qu’il descendait de Jérusalem pour être ainsi tombé parmi les voleurs ? Il avait eu la force de s’arracher à ces mains cruelles et diaboliques que sont les séductions de la chair, les vanités du monde ; pourtant il n’a pas évité vos propres mains ! A-t-il donc quitté Pise pour recevoir Rome ? A-t-il donc résigné les fonctions de vidame dans une seule église afin de réclamer pouvoir surtout de l’Église ?

Pour quelle raison, dans quel dessein, après la mort du pape, vous êtes-vous soudain jeté sur un homme de la terre, vous êtes-vous saisi de lui dans sa retraite, et, ayant arraché de ses mains la hache, la pioche ou le hoyau, l’avez-vous traîné dans un palais élevé dans la chaire pontificale, revêtu de pourpre et de lin, l’avez-vous enfin armé du glaive pour châtier les nations et corriger les peuples, pour enchaîner leurs rois et leurs puissants dans des menottes de fer ? Ainsi il n’y avait parmi vous aucun homme sage et expérimenté à qui ces tâches-là eussent mieux convenu ? N’est-ce pas dérision, à moins que ce ne soit miracle ? 

[…] Mais cependant, puisque le fait est accompli, et, comme beaucoup le prétendent, accompli par la volonté de Dieu, c’est à vous qu’il appartient, mes très chers frères, d’entretenir avec sollicitude, par votre zèle ardent et votre  obéissance fidèle, l’œuvre qui de toute évidence, a été élaborée par vos mains. S’il est donc en votre pouvoir de consoler ; s’il est donc en vous quelque vertu de charité dans le Christ ; s’il est en vous quelques sentiments de piété ; s’il y a un peu de compassion dans vos entrailles, tenez-vous auprès de lui, assistez-le dans la tâche à laquelle il a été appelé à travers vous par le Seigneur. Conseillez-lui tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui peut le faire aimer, tout ce qui peut servir sa renommée ; suggérez-lui toutes ces choses, persuadez-le de leur prix, poursuivez vous-même leur mise en œuvre, et le Dieu de la paix sera avec vous.»

Commentaires

Maxime le minime a dit…
Évidemment – s’il faut mettre les points sur les i – la citation de ce texte de Bernard de Clairvaux n'a pas d'autre visée que celle de rappeler à leurs devoirs et de mettre en garde TOUS ceux qui, évêques, archevêques, papes ou patriarches, se laisseraient enivrer dans un manque de discernement fâcheux par le diable, de par leurs hautes responsabilités, de par leurs relations avec les « grands » de ce monde (mondain trop mondain) par le pouvoir important bien qu’éphémère et limité (dans le temps et par les Canons de l’Église) qui leur a été confié et dont ils auront d’autant plus à rendre compte devant le Redoutable Tribunal du Christ.
L’histoire montre assez que plus d’un de ceux-là est tombé dans de graves péchés mettant à mal l’Église universelle, le Corps du Christ, par d’abusives prétentions et des actions inconsidérées n'ayant plus le moindre rapport avec leur condition originelle de moine – car telle est la condition requise pour exercer leur fonction. Désolé de le rappeler…