L’âme aussi a des aliments qui lui nuisent par St Jean Cassien


Ne croyons pas que la seule abstinence des choses matérielles puisse suffire à la perfection du coeur et à la pureté du corps, si nous n’y joignons pas l’abstinence de l’âme. L’âme aussi a des aliments qui lui nuisent, et quand elle en est trop chargée, elle n’a pas besoin d’autre nourriture pour tomber d’elle-même dans l’impureté. La médisance est un de ces aliments qui la tente. La colère en est un autre, et ce n’est pas le moins lourd. Elle s’en nourrit d’abord avec plaisir; mais elle trouve dans sa douceur un poison mortel. L’envie est un aliment qui corrompt l’âme par l’âcreté de son jus, et la rend misérable en lui montrant sans cesse le bonheur d’autrui. La vaine gloire est un aliment qui lui plaît et la flatte quelque temps, mais qui bientôt l’appauvrit et la dépouille de toute vertu, la rend stérile et incapable de porter aucun fruit spirituel, tellement que non-seulement elle perd tous les mérites de ses anciens efforts, mais qu’elle s’expose encore aux plus grands malheurs. Tout désir déréglé, tout égarement du coeur, est un aliment pour l’âme, et lorsqu’elle s’en nourrit, elle se dégoûte bien vite du pain céleste et de la bonne nourriture. Lorsque nous nous abstenons de ces aliments dangereux, comme la vertu nous en fait un devoir, nous pouvons profiter du jeûne de notre corps. Car la souffrance de la chair, jointe à la contrition du coeur, est un sacrifice agréable à Dieu , et elle lui prépare en nous un sanctuaire et une demeure très-pure. Mais si notre corps jeûne et si notre âme se laisse aller à de coupables convoitises, nos privations corporelles ne nous serviront à rien, puisque nous serons souillés dans la partie la plus précieuse de nous-même, dans notre âme, par laquelle nous devenons le temple du Saint-Esprit; car ce n’est pas une chair corruptible, mais c’est un coeur pur qui devient la demeure de Dieu et le temple du Saint-Esprit. Pendant que l’homme extérieur jeûne, il faut que l’homme intérieur s’abstienne aussi des aliments qui peuvent lui nuire; c’est lui surtout qui doit être pur pour se rendre digne de recevoir le Christ comme le recommande l’Apôtre : «C’est dans l’homme intérieur que le Christ doit habiter par la foi de vos coeurs. » (Éph., III, 17.)

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