UNE ANALYSE DE LA SITUATION ECCLÉSIALE, POLITIQUE ET INTERNATIONALE par Père ANDREW
Q: Du point de vue de l’Église, qu'est-ce que vous trouvez
digne d'intérêt ce mois-ci?
A: Quelle question difficile! Il y en a eu tellement et le
mois n'est pas encore terminé. Il y a eu la déclaration par le pape de Rome
qu'il peut envisager de revenir dans la repentance à la Pâques de l'Église (à vrai dire, sa déclaration était très vague
et on peut en faire d'autres interprétations qui font preuve de moins de
repentance), sa rencontre avec le président Poutine (en dépit de la violente opposition des États-Unis) et
l'approbation par le pape du combat russe contre l'élite européenne
anti-chrétienne. Il y a également eu le tragique Synode de l'Église de Serbie
manipulé par l’Union Européenne. Et puis il y a eu finalement la fermeture
inévitable de l'Institut Saint-Serge à Paris – après plus de 30 ans d’activité – quand son
archevêque lui a demandé de revenir à l'Orthodoxie et qu’il lui a opposé son
refus.
Politiquement, il y a eu la réunion du G7 dans la villa de
Hitler en dehors de Munich et la prise de conscience que le G7 est désormais une
sorte de ghetto occidental conduit par les USA, plutôt inadapté, qui se trouve
à la fois avec le dos au mur, incapable de rembourser un jour ses propres
dettes, et encore plus inadapté depuis que l'Inde a maintenant signé un accord
de libre-échange avec l'Union économique eurasienne. Ensuite, il y a la crise
de la dette grecque (la dette de la Grèce est seulement d’environ la moitié de
la dette américaine par habitant) et la possibilité que la Grèce se libère enfin
de l'esclavage de l'UE, après l’avoir rejointe avec tant de naïveté et de
bêtise il y a trente ans. Peut-être la douleur économique est-elle ce dont la
Grèce a besoin pour mener son peuple à la repentance, tout comme l'oppression
athée a conduit les Russes à la repentance.
Cependant, bien que ce soit un événement très mineur du
point de vue international, je voudrais mentionner le transfert du Métropolite congédié
Jonas du groupe connu sous le nom de «L'Église orthodoxe en Amérique» (OCA) à
l'Église Russe Hors-frontières (ERHF). Même il y a dix ans, et encore moins il
y a trente ans, une telle démarche aurait été impensable, voire impossible. Le
seul événement similaire fut en 1976, lorsque le Métropolite Antoine (Bloom) a
demandé un transfert à l’ERHF. (Ironie du sort, ce fut à la même époque que le
Métropolite Antoine (Bloom) avait lui-même refusé à tort de recevoir celui qui
est devenu le P. Kallistos (Ware) dans l'Église russe de Constantinople.) La
demande du Métropolite Antoine a été à juste titre refusée par le Métropolite
Philarète pour une très bonne raison
canonique. Toutefois, dans ce cas très différent le Métropolite Jonas a
été reçu par de Synode de l’ERHF avec un statut de retraité.
Q: Serait-ce le début d'un mouvement vers ERHF?
A: Pas nécessairement, je pense que c’est un choix
personnel, mais c’est cependant le signe d'un mouvement de repentance. L'OCA
est canoniquement à la dérive. Où est ce qu’elle va? Quelle est son identité?
Quel est son avenir? C’est un fragment à la la dérive de l'Église russe pour
les raisons historiques compréhensibles de l'ancien uniatisme et pour des
raisons politiques. Il a été un foyer du modernisme. Mais aujourd'hui, si vous
regardez les parties les plus solides de l'OCA, en Alaska, au Canada et en
Pennsylvanie autour de St Tikhon, il est clair que tout cela fait partie de
l'Église russe, mais, pour des raisons historiques, ce ne fait pas encore
partie de la canonique et universellement reconnue Église Russe Hors-frontières.
Et c’est pourtant clairement ce qu’est la majorité de l'OCA, une partie de l'Église
Russe Hors-frontières. Je pense que cet événement marque le début de la
guérison de l'OCA.
Q: Sûrement qu’une partie du problème initial venait de l’ERHF
elle-même?
A: Il y a eu à une époque un problème avec des individus, politisés,
nationalistes, dans l’ERHF, mais cela fait partie du passé. Nous avons évolué
et cette génération est partie ou a disparu. Aujourd'hui, nous sommes dans une
situation complètement différente. En effet, les deux derniers Métropolites de l’ERHF
n’étaient pas d’origine russe, l’un était Slovaque Carpatho-russe, et l'actuel
est un Canadien d'origine ukrainienne. Cela signifie une ouverture à tout l'ensemble
du monde multinational russe-orthodoxe à l'extérieur
des terres russes. L’ERHF se dirige vers notre objectif ultime, notre mission
universelle, pour préparer le chemin, comme l’a fait saint Jean-Baptiste dans
le passé.
Q: Vous posez des questions sur l'identité et l'avenir de
l'OCA, mais on peut sûrement poser les mêmes questions à propos de l’ERHF?
A: Je ne suis pas d’accord avec vous. Notre identité est
claire, elle est dans notre nom. Nous sommes la partie de l'Église russe-orthodoxe
qui est en dehors de la Russie, qui est à l'extérieur des terres russes. D'une
part, nous devons être absolument fidèles à l'Église orthodoxe russe et à sa
tradition, d'autre part, nous devons nous exprimer dans la langue du pays où
nous vivons et à travers la culture de ce pays, selon une optique russe
orthodoxe. Telle est notre témoignage missionnaire. Et c’est cela notre avenir.
Q: N’est-ce pas ce que l'OCA a fait?
A: Le meilleur d’elle, oui, mais malheureusement certains
ont perdu, ou même n’ont jamais eu, la Tradition de l'Église orthodoxe russe.
Par exemple, seulement un quart des paroisses OCA conservent le calendrier de
l’Église, d'autres en ont eu une mauvaise compréhension et ils ont imaginé que parce
que simplement ils vivaient dans un autre pays et une autre culture, ils pouvaient
en conséquence altérer notre foi. Au lieu de regarder le monde à travers des
yeux orthodoxes russes, ils ont tendance à voir l'Orthodoxie russe à travers
les yeux du monde. C’est très clairement le chemin de l'apostasie.
Q: Vous avez parlé du Synode de l'Église serbe. Quel est le
problème?
R: Le problème est la nouvelle persécution de l'Église
serbe. Elle est pire que la persécution communiste. L'épiscopat de l'Église
serbe est parqué comme un troupeau de
moutons intimidés dans un coin, menacé par le loup de l'UE, derrière lequel se trouvent
les Etats-Unis avec une nouvelle menace de bombardements de l'OTAN, avec des obus à
uranium appauvri et même une guerre nucléaire. Et ne portez pas de jugement,
jusqu'à ce que vous ayez eu à faire face à une telle persécution vous-même.
Q: Pourquoi les Serbes ne se lèvent-ils pas pour défendre
leur Église?
A: Parce qu'il y a trop de «orthodoxes serbes», et pas assez
de Serbes orthodoxes.
Q: Qu'entendez-vous par là?
A: Je veux dire que tout pays n'a de valeur que dans la
mesure où il est orthodoxe ou a des valeurs qui proviennent de l'Orthodoxie.
Comme l'a dit Dostoïevski: «Un Russe sans l’Orthodoxie est de la foutaise». C’est
la même chose pour tous les pays dans le monde. Quand je lis un article sur une
virée nocturne à Prague de voyous ivres d’origine
britannique est-ce que je pense qu'ils sont anglais? Bien sûr que non.
Malheureusement, la même maladie affecte tous les pays du monde. C’est la
maladie de l'apostasie. Et être orthodoxe que de nom ne suffit pour résister à
cette maladie.
Q: Qu'est-il arrivé à l'Institut Saint-Serge à Paris?
A: Il a fermé. Beaucoup d'argent a disparu. Mgr Job tente d’y
rétablir l'Orthodoxie après trente ans d’évêques
faibles qui ont permis l'anarchie en
promouvant des anarchistes. Il peut ne jamais rouvrir. C’est un autre clou dans
le cercueil de l'Exarchat Paris.
Q: Quelle est la situation en Ukraine?
A: La guerre civile continue tandis que la junte de
marionnettes à Kiev tue le peuple ukrainien. Le Département d'État des
États-Unis est maintenant en train de corrompre le Patriarcat de Constantinople
pour qu’il s’implique dans des groupes
schismatiques en Ukraine, compromettant ainsi la possibilité du Concile de l'an prochain.
Mais nous avons l'espoir que l'année prochaine, la guerre sera finie et que l'Ukraine
sera à nouveau libre. Malheureusement, je ne vois aucun signe de repentir de la
part des États-Unis et l'UE, qui, comme un politicien britannique l’a dit à
juste titre, a du sang sur ses mains en l'Ukraine.
Q: Et en Syrie?
A: Là aussi la guerre continue, financée par des fanatiques en Arabie saoudite et au Qatar soutenus par
l'Occident, qui ont créé des millions de réfugiés. En Libye l’intervention
occidentale s’est également montrée une fois de plus catastrophique et
maintenant 65% des Libyens veulent fuir, regardant en arrière la période
Khadafi presque comme un paradis, un peu comme dans beaucoup de pays d'Europe
de l'Est appauvris et colonisés regrettent maintenant le bloc soviétique avec
tous ses défauts évidents. Aujourd'hui, par exemple, un salaire décent en
Roumanie est de 150 euros par mois, si
vous parvenez jamais à obtenir un emploi. Ceci est tout le fruit de l'ingérence
occidentale, diviser pour régner en réduisant à la pauvreté. Le résultat d'une
telle ingérence est la migration de masse et l'éclatement des familles.
L'Occident a causé cela. La règle numéro un est de ne pas détruire quelque
chose jusqu'à ce que vous ayez quelque chose de mieux pour le mettre à la place.
Mais c’est exactement ce que l'Occident a fait à l'Union soviétique et à Europe
de l'Est, ainsi qu’en Syrie, en Irak, en Libye, etc.
Q: En ce qui concerne la Syrie, certainement ce sont les musulmans qui sont
eux-mêmes à blâmer? Ils se tuent les uns les autres?
A: Quand des enfants se disputent et que ces enfants suivent
une religion qui, comme le judaïsme, n'a pas de notion de pardon, de « tendre
l'autre joue », vous ne leur donnez pas d'armes coûteuses pour s’entretuer
avec. Mais c’est précisément ce que l'Arabie saoudite et le Qatar (et Israël),
soutenus par les États-Unis, ont fait, que ce soit en Syrie, au Liban ou
ailleurs. Rappelez-vous que Al-Qaïda et l'État islamique sont des inventions de
la CIA à l'encontre de l'Union soviétique et diviser le monde musulman. Tout le
problème musulman a commencé quand la Grande-Bretagne et ensuite les États-Unis
se sont servis d’Israël comme tête de pont occidentale dans le monde arabe.
Lorsque les nations occidentales deviennent des états terroristes (c’est ainsi
que les nations occidentales sont perçues dans le monde musulman) et
envahissent l'Afghanistan et l'Irak, ne soyez pas surpris quand les musulmans
se tournent vers le terrorisme. La radicalisation des musulmans a été causée
par les gouvernements occidentaux. L’épouvantable terrorisme occidental nourrit
l’épouvantable terrorisme islamique.
Q: Quand est-ce que l'Occident a entamé ce chemin de
l'apostasie? Dans quelle mesure a joué le facteur racial ?
R: Je pense qu'il y a beaucoup d'idées fausses en ce qui
concerne la race et le Grand Schisme d'Occident. Par exemple, le
néo-platonicien Philip Sherrard a présenté le schisme comme une sorte de débat
philosophique entre «Orient et Occident», entre «grec et latin» entre Platon et
Aristote. Certes, il y avait le problème des Francs, mais pas pour des raisons
raciales inhérentes, comme certains philosophes grecs modernes et plutôt aigris
le prétendent, mais simplement à cause de la mentalité que les Francs se
trouvait être la première à adopter. Et n’importe quelle race peut adopter une
mentalité anti-Église, comme le 20e siècle nous l’a montré. Ces simplifications
raciales passent complètement au-dessus
du caractère multinational de l'Église. L'Église comprend des Latins comme St
Hilaire de Poitiers et Saint Ambroise de Milan, des Syriens comme saint Ephrem
et Saint-Isaac de Ninive, des Égyptiens comme St Antoine le Grand, des Géorgiens comme Ste Nino, sans
parler des Slaves et tant d'autres nationalités, y compris des Francs orthodoxes
de la période d’avant Charlemagne et d'aujourd'hui.
Un autre point est que, bien que, à juste titre, les
historiens voient Charlemagne comme le véritable initiateur de tous les
problèmes, avec son massacre des Saxons et la corruption du Credo, son prétendu
empire plutôt branlant fut de très courte durée. Il y a eu une renaissance de
l'Orthodoxie en Occident après lui, par exemple sous l'impératrice Théophano à
la fin du Xe siècle. Il n'y avait pas de schisme jusqu'au XIe siècle et les 100 années
suivantes ; en d'autres termes le schisme ne faut pas un événement soudain,
mais un processus.
Nous ne pouvons mieux faire que de citer l'historien des
religions catholique, Christopher Dawson: «Il a fallu attendre le onzième
siècle pour que le lien religieux qui unissait l’Est et l'Ouest ait finalement
été détruit et que la chrétienté
occidentale apparaisse comme une unité indépendante, séparée à la fois dans la
culture et la religion du reste de l'ancien monde romain » (The Making of
Europe, P. 47). Il rapporte cela au Xe
siècle et si «La barbarie féodale fut de capturer et d'absorber la société de paix de l'Église ou si cette
dernière pouvait réussir à imposer ses idéaux et sa culture plus élevé à la
noblesse féodale» (P. 271). «Il a fallu attendre le onzième siècle pour que la
société militaire (du monde barbare du paganisme nord) ait été incorporée dans
le système politique spirituel de la chrétienté occidentale» (p. 287-288).
En d'autres termes la tragédie de l'Occident a été qu'il a
quitté l'Église et a adopté à la place l'agressivité de la «barbarie féodale».
Ceci, allié à la technologie, est ce qui se trouve derrière l'impérialisme
agressif de l'Ouest du deuxième millénaire, à partir de 1066 et une vingtaine
d'années avant cela, auparavant, et aussi des années d'ouverture de ce
troisième millénaire déjà profondément tragique. Nous pouvons voir cela très
clairement dans les tous ces massacres qui se produisent aujourd'hui aux
Etats-Unis. Quelle culture ! Agression et violence et une société de l'obésité
et la maladie mentale ... .Et vous appelez cela civilisation?
Q: Il y a beaucoup de critiques à l'Ouest du Président
Poutine. Ils l'ont diabolisé, faisant de lui dans un personnage de haine.
Quelle est la vérité?
A: La propagande nourrie parla CIA est totalement éhontée, pour ne pas dire primitive. Bien sûr,
le président Poutine, comme la Russie contemporaine, a beaucoup de défauts,
mais contrairement à l'Occident, ils vont ensemble dans la bonne direction.
Voilà ce qui est important. Le nom Poutine vient du mot «mis» qui signifie «le
chemin», «la voie». Et cela est exactement la signification spirituelle de son
nom, car il est seulement un instrument. Il n’est pas la destination, juste une
partie du chemin à l'endroit où nous voulons aller.
Q: Quelle est cette destination?
R: Aujourd'hui, l'Occident athée prêche la mort spirituelle
à travers le monde. La signification spirituelle de la Russie est de prêcher la
vie spirituelle. Tel est le sens de la résurrection universelle annoncée par Saint
Séraphim de Sarov pour laquelle nous devons nous préparer. L'Occident a préféré
la vulgarité à la noblesse. Nous ne le suivrons pas. Malheureusement, nous
devons reconnaître que lorsque l'Antéchrist viendra, il parlera anglais. C’est
à nous de lui montrer que tout le peuple
anglais ne va pas l'écouter, qu'il y a un reste fidèle, comme dans tous les
pays à travers le monde, que nous pouvons parler de noblesse, pas de vulgarité.
Il devient rapidement évident, même à ceux qui, ont été réticents avant – telle
est la repentance – que les Orthodoxes ont
besoin d'un protecteur, un gardien, un empereur restauré. La Grèce repentante ressemble
aujourd'hui à la Russie, une Russie qui a rejeté la malédiction de l'athéisme
et de l'apostasie. Beaucoup d'autres font la même chose. Nous n’abandonnerons
pas ! Le Christ est victorieux!
Père Andrew 19 Juin 2015
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