Le mépris de la femme et son infériorité vus chez Les Philosophes des "Lumières"
«Ce sont “les savants du XVIIIème siècle et en premier lieu les médecins-philosophes des Lumières” qui “inventent une nature féminine incommensurable à celle de l’homme et la définissent à partir des nécessités de l’espèce et des lois de la reproduction”. » Plus animalisée et instrumentalisée encore que l’homme, la femme est réduite à son rôle de génitrice tant qu’elle en est en mesure, puis le mépris voltairien en dira la déchéance : « La femelle, étant plus faible, devient encore plus dégoûtante et plus affreuse. L’objet de la terre le plus hideux est une décrépite.» celle dont Diderot dira « que la dévotion est son unique et dernière ressource». « L’animalisation rhétorique de la femme n’est pas sans relation avec 1’estompage de frontière entre l’humanité et l’animalité, qu’induit à divers titres le scientisme des Lumières…», écrit X. Martin. La haine vis-à- vis du premier couple biblique n’a pas son pareil en aucune autre époque. Si Adam avait besoin d’une aide, Diderot déclare : « L’homme ne peut être que le monstre de la femme, ou la femme le monstre de l’homme. » L’humaniste socialiste Proudhon ne pense pas que la femme mérite le titre de compagne de l’homme. «Je crois que c’est élever très haut la femme que de l’appeler compagne de l’homme » et il ajoute : « Entre la femme et l’homme [...] il n’y a pas véritablement société. L’homme et la femme ne vont pas de compagnie. La différence entre les sexes élève entre eux une séparation de même nature que celle de la différence des races met entre les animaux. » Ces formulations visent en fait à déclarer l’inconsistance ontologique de la femme en tant que compagne de l’homme et quand bien même le mépris de l’homme (mâle) est sous-jacent, la charge est en fait dirigée contre l’enseignement de la Genèse.
Sur un tel terreau «humaniste est né un eugénisme générateur de racisme bien avant le XXe siècle. L’auteur du Mythe aryen déclare dans un autre de ses ouvrages :L’affaire paraissait entendue : le racisme était un enfant, un fils naturel non reconnu de la science des Lumières » ; « Que l’idéologie raciale fût une des filles des Lumières n’était pas une révélation pour les spécialistes [...]. Mais, en dépit des innombrables travaux qui y ont été consacrés depuis (i.e. depuis 1945), l’intellectuel moyen continue de n’en rien savoir » ; «« On continuera donc à combattre le racisme ; et même à le combattre au nom de ces apôtres des Lumières qui en furent les inventeurs de fait”.
Certes, on déplaira à beaucoup, mais le racisme scientifique est ainsi l’héritier de 1’anthropologie des Lumières. X. Martin fait remarquer combien prendre le parti de L. Poliakov, c’est-à-dire dénoncer « le rôle de cette anthropologie matérialisante et réductionniste de Cabanis comme relais entre la philosophie des Lumières et le biologisme matérialiste du XIXe siècle où trouvera nourriture la doctrine national-socialiste », discrédite l’auteur et 1e disqualifie car la pensée correcte a élevé des « blocages dogmatiques». Blocages dont la pensée correcte génère aussi l’autocensure. Il faudra attendre la fin de la Révolution française pour que des hommes, repentis et soumis au nouveau pouvoir, reconnaissent comme Maine de Biran que : « Les philosophes du XVIIIe siècle se sont lourdement trompés à cet égard ; ils n’ont pas connu l’homme. » Cette reconnaissance tardive de l’échec des Lumières à connaître l’homme, n’empêchera pas la floraison d’épigones de cette pensée, de fait totalement antihumaniste, de faire florès jusqu’à ce jour.
Extrait de La grande métamorphose
Éléments pour une théo-anthropologie orthodoxe
P. Jean Boboc
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