Le Christianisme occidental, religion humaniste
Otac Justin Popović (1894-1979) |
Parce qu'en Occident le christianisme et toutes ses infinies vérités divino-humaines ont été limités à l'homme, le christianisme occidental s'est transformé en humanisme. Cela pourrait paraître paradoxal, mais c'est vrai. C'est ce que montre indiscutablement la vérité historique. Le christianisme occidental, dans son essence, est l'humanisme le plus radical, parce qu'il a proclamé l'homme infaillible, et a transformé la religion divino-humaine en religion humaniste. La preuve en est ce fait que dans l'Eglise catholique-romaine, le Dieu-Homme a été repoussé au ciel et qu'à sa place a été installé un suppléant : le vicaire du Christ. Quelle tragique erreur ! nommer un remplaçant et un suppléant du Seigneur et Dieu omniprésent ! C'est pourtant un fait que cette erreur s'est incarnée dans le christianisme occidental.
Ainsi s'est effectuée d'une certaine manière, la dés-incarnation du Dieu-incarné, la dés-humanisation du Dieu-Homme. L'humanisme religieux occidental a proclamé que le Dieu-Homme qui est partout présent n'est pas présent à Rome, et lui a nommé un suppléant en la personne de l'homme infaillible. En tout cela, c'est comme si l'humanisme disait au Dieu-Homme: "Retire-toi de ce monde dans l'autre, éloigne-toi de nous, car nous avons ton remplaçant, qui te supplée infailliblement en tout".
Ce remplacement du Dieu-Homme par l'homme s'est manifesté en pratique par le remplacement évident des principes de la méthode chrétienne divino-humaine par la méthode humaine. Il en résulte la domination philosophique de l'aristotélisme dans la scolastique, la méthode casuistique, l'inquisition sur les mœurs, la diplomatie papiste dans les relations internationales, l'État pontifical, la rémission des péchés par les indulgences et par radio, et le jésuitisme sous ses diverses formes.
Tout cela conduit à la conclusion que le Christianisme humaniste représente en fait la protestation la plus décisive contre le Dieu-Homme et ses valeurs, et ses critères. Ici encore, apparaît la tendance favorite de l'homme européen, à résumer tout dans l'homme, comme valeur et mesure fondamentale de tout. Derrière se tient une idole: "Menschliches, Allzumenschliches" ("Humain, trop
humain").
En amoindrissant le christianisme, l'humanisme l'a indiscutablement simplifié. Mais en même temps il l'a détruit. Et puisque l'humanisme se présente avec le christianisme, aujourd'hui certains pensent en Europe à remplacer le christianisme humaniste par la vieille religion polythéiste. Les voix de quelques hommes dans le protestantisme: "Retour à Jésus !", représentent de faibles cris dans la nuit sans lune du christianisme humaniste qui a abandonné les valeurs divino-humaines et les mesures divin-humaines, et qui étouffe maintenant dans les impasses du désespoir, cependant que, du fond des siècles, font écho les sévères paroles du prophète affligé, Jérémie: "Maudit l'homme qui met son espoir dans l'homme" (Jér.17,5).
Dans une large perspective historique, le dogme occidental sur l'infaillibilité de l'homme n'est autre chose qu'un effort pour revivifier et éterniser l'humanisme mourant de l'homme européen. C'est la dernière métamorphose et glorification de l'humanisme, car après les Lumières du rationalisme du XVIIIème siècle, et le positivisme myope du XIXème, il ne restait plus à l'humanisme européen qu'à se désintégrer dans ses contradictions et son impasse. A cet instant tragique, l'humanisme religieux vient à son aide, et, par son dogme sur l'infaillibilité de l'homme, sauve l'humanisme
européen d'une mort évidente. Mais, même dogmatisé, l'humanisme chrétien occidental, n'a pu contenir en lui toutes les contradictions
mortelles de l'humanisme européen, qui tendent vers un désir unique: chasser le Dieu-Homme du ciel et de la terre, car pour l'humanisme, ce qui est principal et fondamental, c'est que l'homme devienne la valeur suprême et le critère ultime." St Justin de Tchélié
(in L'homme et le Dieu-homme" traduit du serbe par Jean-Louis Palierne- Edition de l'Âge d'homme -
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