Vox populi, vox Dei

Il fut un temps dans l'Orthodoxie (de l'Ouest comme de l'Est) où le peuple non seulement désignait spontanément ceux qui étaient saints mais également les élisait c'est à dire les choisissait comme pasteurs, comme hiérarques,  de là l'exclamation "AXIOS !" maintenue jusqu'à nos jours lors de l'office de consécration d'un ecclésiastique orthodoxe. Il en reste donc quelque chose mais… pas complètement. Les exemples ne manquent pourtant pas dans l'histoire des saints…

sur le site http://theologiedelepiscopat.chez-alice.fr/theologie/chapitre06.htm on peut lire une intéressante étude dont voici un extrait :

 […] Le mot « élection » est pris, ici, dans son sens étymologique de « choix ». Tout évêque est « élu », d’une manière ou d’une autre. Aux origines, le Christ avait choisi lui-même ses douze apôtres. Dans la suite, les apôtres ont « élu » leurs principaux collaborateurs, comme Marc et Silas compagnons de Pierre, comme Luc, Timothée ou Tite compagnons de Paul.
 Les apôtres, et leurs adjoints, ont désigné les premiers prêtres et les premiers évêques des communautés, comme on le voit faire dans les Actes, comme on l’entend recommandé dans les épîtres pastorales de saint Paul. 
Saint Clément de Rome dans son épître aux Corinthiens confirmait cette manière de faire : « Les apôtres ont reçu pour nous la Bonne Nouvelle par le Seigneur Jésus-Christ […] Ils prêchaient dans les campagnes et dans les villes et ils en établissaient les prémices, ils les éprouvaient par l’Esprit, afin d’en faire les épiscopes et les diacres des futurs croyants. » (42,1.4).  Les premiers témoignages d’élection de responsables d’Eglise, avec l’intervention du suffrage du peuple, apparaissent également dès les Actes des Apôtres, avec l’élection de l’apôtre Mathias en remplacement de Judas (cf. Ac 1,15-26) et l’institution des sept diacres (cf. Ac 6,1-6). On observe que l’assemblée électorale se tenait à l’instigation des apôtres, mais c’était bien le peuple qui présentait ses candidats. Il semble qu’aux premiers temps du christianisme, les évêques, y compris celui de Rome, étaient élus par le moyen du suffrage populaire. Saint Hippolyte prescrivait dans sa Tradition apostolique : « Qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple [electus ab omni populo] » (2). Et ce choix était réputé comme étant celui de Dieu le Père même. « Accorde, Père qui connais les cœurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’épiscopat… » (Id. 3, Prière du sacre de l’évêque). En somme on respectait l’adage : Vox populi, vox Dei Toutefois, si l’on examine les sources avec acribie, on s’aperçoit qu’en réalité les évêques étaient choisis plutôt par le consensus entre toutes les parties prenantes : le peuple certes, mais aussi les prêtres de l’endroit, et les évêques des Eglises d’alentour, venus assister l’Eglise veuve de son berger. Saint Clément de Rome parlait de « ceux qui ont été établis par eux [les apôtres], ou ensuite par d’autres hommes éminents, avec l’approbation de toute l’Eglise. » (Ep. aux Cor., 44,3). Il semble que ces « hommes éminents » fussent les délégués des apôtres, et qu’ils élisaient « ensuite » (après la mort des apôtres) « avec l’approbation de tous », c’est-à-dire après l’intervention du suffrage populaire.  Dans la Tradition apostolique de saint Hippolyte (telle que reconstituée par Don Botte, cf. Sources chrétiennes N° 11 bis) on lit : « Lorsqu’on aura prononcé son nom [celui de l’élu] et qu’il aura été agréé [par qui ?], le peuple se rassemblera avec le presbyterium et les évêques qui sont présents, le jour du dimanche » (2). La participation des prêtres et des évêques, à l’élection, ne semble pas purement passive. Il paraît bien que c’est le peuple qui prononce le nom, et que ce sont les évêques (des environs) qui agréent.  On rencontre la même ambiguïté dans les Constitutions apostoliques, texte d’allure canonique publié à Antioche vers 380. « Si la paroisse est petite et qu’on n’y trouve pas d’homme sage et de bonne réputation pour l’instituer évêque, mais qu’il ait là un homme jeune, dont l’entourage témoigne qu’il est digne de l’épiscopat et qui montre en son jeune âge la mansuétude et la modération d’un vieillard, qu’on vérifie si tous lui rendent ce témoignage et qu’on l’institue en paix. » (II, 1,3). Ici encore, il semble bien que le processus efficace était le consensus. Mais on ne nous dit pas qui menait l’enquête, sans doute les évêques de la province qui allaient être chargés d’ordonner le nouveau promu. […] Mais de plus en plus, et cela de très bonne heure, les pouvoirs politiques s’immiscèrent dans le processus électoral. […]

Il ne me paraît pas incongru de réfléchir, par la même occasion, sur ce qu'est la véritable démocratie et ce que propose Étienne Chouard dans la vidéo qui suit avec la démocratie dans l'Église—même si l'expression choque les uns ou les autres — des premiers temps :

 

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