L’archevêque de Paris ne sera pas un obstacle, puisqu'il est sur la ligne du Président
source : La Tribune de l'Art Vitraux de Notre-Dame : l'obstination d'Emmanuel Macron – La Tribune de l'Art
Le président de la République n’était pas content en apprenant la décision de la CNPA de voter contre le projet de remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc par des vitraux contemporains. En colère et surpris car dans un premier temps il a cru, et le ministère également, que les fonctionnaires qui représentent ce dernier dans la commission avaient voté contre, le procès-verbal parlant d’un vote à l’unanimité. Or ceux-ci avaient eu l’ordre de voter en faveur du projet présidentiel ce qui, entre parenthèses, pose des questions sur une commission dont l’objectif est de conseiller le ministre de la Culture, alors que le même dit à une partie de ses membres ce qu’ils doivent voter.
Il s’agissait bien d’une unanimité comme nous l’avons écrit, même si le ministère de la Culture prétend aujourd’hui le contraire. Si les abstentions comptent dans les suffrages exprimés, ici il n’y a pas eu d’abstention puisque ces fonctionnaires n’ont pas pris part au vote. Que ceux qui avaient l’ordre de voter pour n’aient pas pris part au scrutin afin de ne pas avoir à voter contre (et en refusant donc même de s’abstenir) dit assez, néanmoins, ce qu’ils en pensent.
Des rumeurs courant au sein du ministère sont remontées jusqu’à nous, indiquant qu’Emmanuel Macron aurait souhaité une enquête interne et des sanctions - contre le directeur général des Patrimoines ou contre les membre de la CNPA, les versions divergent - mais notre enquête nous a convaincu que ce n’était pas le cas, même si l’idée l’a peut-être effleuré. Cela, de toute façon, aurait été trop visible. Il n’y aura donc ni enquête, ni sanction. Mais en revanche, le communiqué du ministère indiquant que le concours se poursuivait et que le projet lauréat serait à nouveau soumis à la CNPA en novembre (voir l’article) a été directement dicté par l’Élysée. Quoi qu’il en soit, le projet est évidemment mal parti, et pas seulement parce que le président de la République est désormais très affaibli.
D’une part, l’association Sites & Monuments nous a confirmé qu’elle attaquerait l’autorisation de travaux qui doit obligatoirement être déposée pour tous travaux sur monument historique. Et nous nous associerons à cette initiative en proposant aux signataires de la pétition - celle-ci est toujours en ligne - d’aider financièrement l’association pour les frais de justice [1].
D’autre part, la procédure présente apparemment de nombreuses irrégularités. Nous en avons déjà identifié trois, sans compter celles que l’avocat engagé par l’association pourra également trouver :
– L’établissement public créé spécialement pour la restauration de Notre-Dame, qui a pour nom « établissement public administratif chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris », a pour mission exactement ce qui est contenu dans son nom, qui a été défini par la loi du 29 juillet 2019 : « assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ». Or c’est bien cet établissement public qui est en charge de la maîtrise d’ouvrage du remplacement des vitraux et qui organise la consultation, comme on peut le lire par exemple sur le site du ministère de la Culture. C’est d’ailleurs Philippe Jost, son président, qui est venu défendre lui-même le projet devant la CNPA. Cela n’a aucun rapport avec la conservation ou avec la restauration de Notre-Dame : toute la procédure est donc nulle.
– Si l’opération ne sera pas financée par la souscription nationale [2], il reste que les vitraux que l’on souhaite enlever ont été déjà restaurés grâce à l’argent de cette souscription nationale. Comment justifier de dépenser ainsi l’argent des donateurs pour restaurer des vitraux que l’on va aussitôt enlever et entreposer inévitablement en caisses ? Cela paraît assez difficile à défendre et semble là encore devoir s’opposer à la loi qui instaurait la souscription nationale.
– Enfin, le vote à l’unanimité est un point important que regarde toujours le Conseil d’État lorsqu’il a à juger des recours. Nous avions écrit que l’unanimité était une chose quasiment unique ; cela s’applique aux projets défendus par le ministère de la Culture, mais l’unanimité peut exister par exemple lorsqu’il s’agit d’imposer un classement d’office. Et dans ce cas, le Conseil d’État prend en compte qu’une commission d’experts se prononce d’une seule voix. L’avis consultatif habituel de la CNPA peut ainsi devenir en pratique, devant la justice administrative, l’équivalent d’un avis conforme.
L’opération semble donc mal partie pour le président de la République et l’archevêque de Paris, ardent supporter également de ce projet. On peut tout de même s’interroger sur l’obstination d’Emmanuel Macron, lui qui devrait manifestement avoir d’autres sujets de préoccupation…
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