Ingérence russe dans l'élection présidentielle US ?

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La Russie : risques et offenses par Rafael Poch-de-Feliu



EXTRAIT
[…] il est inévitable de situer l’ingérence (présumée ou réelle) du Kremlin dans la politique US faite par tant de titres ces jours ciaprès plusieurs années de diabolisation intense du Président russe dans tout l’Occident et particulièrement en Allemagne. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce qui a filtré, si c’est crédible, est ridicule à côté de ce qu’ a représenté l’ingérence des États-Unis dans la politique russe.
L’histoire drôle de l’ingérence dans Hillarystán
Dans les années quatre-vingt-dix, l’ingérence de Washington en Russie a été déterminante pour la ruine et la criminalisation de l’économie russe. Beaucoup de décrets de privatisation et d’autres aspects essentiels ont été rédigés directement à Washington. Des gens comme le vice-secrétaire du trésor US Lawrence Summers, donnait directement des instructions en matière de code fiscal, TVA et des concessions d’exploitation de ressources naturelles et les plombiers de l’Harvard Institute for International Development, sous le parrainage de l’USAID, Jeffrey Sachs, Stanley Fisher et Anders Aslund, avaient autant d’influence que les ministres.
Sous la baguette d’Andrei Kózyriev (1992-1996), la politique extérieure russe était aux mains d’une marionnette de Washington qui a été mise comme récompense à la tête de l’entreprise pharmaceutique étasunienne ICN après être révoqué. Le grand projet géopolitique pour la Russie des stratèges de Washington comme de Zbigniew Brzezinski était de dissoudre le pays dans quatre ou cinq républiques géopolitiquement insignifiantes - un scénario que la Russie n’a jamais envisagé pour les Etats-Unis, ni dans les moments les plus forts du pouvoir soviétique et dont le précédent historique le plus proche est le projet de dissolution de l’URSS du Reichsministerium für die besetzten Ostgebiete sous la conduite du nazi Alfred Rosenberg. Lors des présidentielles de juin/juillet 1996, la complicité des États-Unis a été la clef pour faciliter le financement illégal de la campagne de Eltsine et la manipulation de renseignements qui l’a accompagnée, ce qui a empêché une probable victoire communiste …
Que beaucoup de tout cela eut été consenti et même favorisé par la classe politique russe dont le principal souci à cette époque était de se remplir les poches, ne change pas grande chose au sujet : Après, quand avec Poutine la priorité a été la stabilisation de l’acquis et la récupération de la Russie, Washington a promu les révolutions de couleurs dans divers pays de l’environnement russe et a toujours appuyé ce scénario en Russie même, en soutenant d’un point de vue économique et informatif les organisations non gouvernementales et les défenseurs de droits de l’homme - plusieurs d’eux plus qu’honorables - dont l’action était favorable à ses intérêts.
La clé de la récupération russe au début du XXIe siècle a été la soumission du complexe énergétique aux intérêts de l’État. Ce fut alors, qu’on s’est aperçu que Poutine mettait fin la « bananisation » de la Russie, quand Washington avait parié sur le magnat Mijail Jodorkovski.
Propriétaire de Yukos, la plus grande compagnie pétrolière russe, et principal bénéficiaire de la privatisation énergétique des années quatre-vingt-dix, Jodorkovski se préparait à défier électoralement Poutine. En 2003, il se disposait à tracer pour cela des liens économiques stratégiques avec l’Occident comme la vente d’un tiers des actions de Yukos à l’Exxon-Mobil (22.000 millions de dollars), la construction d’un oléoduc vers la Chine et d’un terminal pour l’exportation vers l’occident à Mourmansk avec lequel il cherchait à déterminer l’exportation de brut. Tout cela non seulement cassait le pacte que Poutine avait établi avec les magnats (pour les acquisitions des privatisations en échange de la non ingérence politique et la soumission à l’État), mais privait le Kremlin du principal atout géopolitique pour la récupération de la Russie : l’usage de sa puissance énergétique.
Jodorkovski, « a adopté des décisions qui affectaient le destin et la souveraineté de l’État et qu’on ne pouvait pas laisser dans les mains d’un seul homme guidé par ses propres intérêts », a expliqué Poutine en son temps. Jodorkovski a été emprisonné et immédiatement soutenu par l’Occident jusqu’à sa remise en liberté…
Ce type d’ingérence dans les affaires de la Russie fut une constante - tout russe le sait - et remet à sa place le présumé scandale des hackers russes dans la campagne électorale étasunienne. La réalité simple est que, dans l’hypothèse la plus extrême et indémontrable - avec Poutine pilotant personnellement l’opération - toute cette affaire est assez innocente. Plus encore : à côté de ce que le valeureux dissident Eduard Snowden a révélé après avoir démontré sur pièces, l’existence du Big Brother et son contrôle mondial total des communications par les États-Unis à travers la NSA, cet épisode des courriels de Madame Hillary ressemble beaucoup à une mascarade.
Rafael Poch* pour La Vanguardia
Diario de Paris, 7 janvier 2017.

* Rafael Poch, Rafael Poch-de-Feliu (Barcelone, 1956) a été vingt ans correspondant de « La Vanguardia » à Moscou et à Pékin. Avant il a étudié l’Histoire contemporaine à Barcelone et à Berlin-Ouest, il a été correspondant en Espagne du « Die Tageszeitung », rédacteur de l’agence allemande de presse « DPA » à Hambourg et correspondant itinérant en Europe de l’Est (1983 à 1987). Actuellement correspondant de « La Vanguardia » à Paris.
Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo de la diaspora. Paris, 15 janvier 2016.

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