A force de vouloir expliquer la violence des jeunes, on oublie de parler de leur responsabilité
Un article particulièrement éclairant sur un "fait divers" ayant tout de même pour contenu le meurtre par
quatre adolescents, craignant d'être dénoncés pour un vol qu'ils avaient commis, d'un 'ami' qu'ils ont abattu puis brûlé. Voici deux extraits de ce texte qu'il convient de lire en son intégralité et dont l'auteur est Eric Deschavanne, professeur de philosophie.A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV
"[...] On s’interroge doctement sur les conditions du « passage à l’acte » chez des « jeunes à la dérive », soumis à la mauvaise influence des « images violentes » propagées par la télévision et les jeux vidéo. On cherche des explications du côté d’une sociologie ou d’une psychiatrie de bazar qui dépossèdent le sujet du sens de son acte et de sa responsabilité. Or, dans ce cas de figure, tout le fatras explicatif habituel semble particulièrement inapproprié : les jeunes en question n’habitent pas une cité-ghetto ; ils sont issus, nous dit-on, de familles unies tout à fait ordinaires ; ils sont intégrés et ne souffrent pas de problèmes psychiatriques. Certes, ils ont dû pratiquer les jeux vidéo et regarder la télévision, mais comme des millions d’autres jeunes qui, fort heureusement, ne se lèvent pas le matin en concevant le projet d’assassiner leurs petits camarades. [...]
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, en l’occurrence. Dans les Confessions, Saint-Augustin dépeint cette tentation de l’acte transgressif qui naît à l’adolescence, ainsi que la jouissance du mal voulu pour lui-même : il rend compte, déjà, du sentiment de toute-puissance lié à la découverte du pouvoir de transgression, en évoquant « une image noire et ténébreuse de la toute-puissance divine ». Dans l’affaire de Normandie, il est a priori difficile de discerner quelle est la part de volonté naïve d’étouffer par le meurtre l’affaire du cambriolage et la part de plaisir sadique dans l’acte d’exécution." Eric Deschavanne
A chaque époque, aussi chaotique et aveuglée sur elle-même soit-elle, on trouve des sages qu'il est bon d'écouter et de lire pour recadrer sous un angle plus lumineux la réalité que l'on perçoit, comme toujours, quelle que soit l'époque, à travers le prisme du conformisme ambiant – que celui-ci soit d'un bord ou d'un autre il a toujours la prétention d'être la vertu suprême et d'imposer sa grille limitée d'interprétation et sa vision univoque de ce qui se passe autour de nous...
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