Ce que l'Islam doit à Byzance...



Pour beaucoup de nos jours l’occident est redevable à l'islam d’avoir transmis entre autres la pensée grecque et le calcul. En effet, les mathématiques, la science, la médecine, la musique, la philosophie occidentales semblent devoir beaucoup à l’islam à qui l’on doit également le poivre, le papier et la guitare.

Mais peu nombreux sont ceux qui connaissent l'influence énorme que d'autres civilisations eurent sur l'islam. La Perse sassanide, par exemple, et surtout l'Empire Byzantin.

L'influence byzantine sur l'Islam était inévitable. Quand Mahomet mourut en 632 les armées arabes furent confrontées, au nord du désert à une superbe civilisation chrétienne sophistiquée, la moitié orientale de l'Empire romain, qui n'avait pas été soumise au déclin et à la chute de l’occident. Bien au contraire. Les Arabes savaient cela et ils ne cherchèrent pas seulement à vaincre, mais à imiter et à dépasser leurs conquêtes. Ils durent cependant apprendre d'abord. Non pas la guerre terrestre - Byzance avait du mal à faire face à leurs tactiques rapides et furieuses. La seule chose probablement que les Arabes ont adoptée a été la pratique byzantine de l'utilisation de la ruse pour gagner des batailles, en encourageant l'ennemi à déserter ou à changer de camp.
En ce qui concerne la guerre navale toutefois les Arabes étaient des débutants. Ils n'avaient ni flotte ni expérience, et ce furent les marins syriens qui fournirent les équipages et les savoir-faire. Ils apprirent néanmoins très vite et remportèrent des batailles sur mer, mais l'attaque de Constantinople en 678, fut défaite par une invention byzantine, le lance-flammes crachant le feu grégeois, une arme que les Arabes ont copiée mais jamais égalée.



Administrer même une partie de l’empire de quelqu'un d'autre nécessite de la pratique, il n'est donc pas surprenant que pour leurs débuts les envahisseurs musulmans se sont contentés de laisser les chrétiens continuer à administrer des pays comme la Syrie et l'Égypte.
Les premières pièces de monnaie musulmanes étaient des copies des pièces de monnaie byzantines ; on enleva cependant sur une face les bras de la Croix du Calvaire représentée, laissant un simple poteau sur un piédestal.


L’influence byzantine fut également particulièrement importante dans l'architecture musulmane primitive. Le premier grand bâtiment islamique fut le Dôme du Rocher  à Jérusalem, érigé, selon la tradition musulmane, sur le rocher où Abraham aurait préparé le sacrifice de son fils (cf. Gn 22) et l'endroit d'où Mahomet fut, dit-on, emporté au ciel par sa monture Al-Buraq afin de rencontrer Allah (cf. Coran, sourate 17) ; la roche porterait l'empreinte laissée par son pied. Sous la roche se trouve une grotte appelée ''le puits des âmes'' : celles-ci, selon la foi musulmane, s'y réunissent en attendant le Jugement dernier. Il a donc été inspiré par la Rotonde, sur le tombeau du Christ, partie de l’église de la Résurrection construite vers 325/326 sous l'empereur Constantin. C'est pourquoi les dimensions en sont presque identiques, ainsi que l'arcade circulaire centrale, les nefs, le dôme et ses ouvertures.


Le décor aussi en était byzantin: marbre et mosaïque richement décorée d'or. Un autre grand bâtiment du début de l’islam fut la mosquée voisine al-Aqsa. Là, le modèle fut la partie de l'Eglise du Saint-Sépulcre, construite sur le Golgotha lui-même, et la mosquée là aussi a incorporé des caractéristiques de l'architecture byzantine. Le Calife responsable sollicita également l'aide des byzantins, pour la Grande Mosquée de Damas et la Maison du Prophète à Médine, et l'empereur fut heureux de fournir des mosaïstes et des matériaux.

Grande Mosquée de Damas


Cette photo de Mosquée Al-Aqsa est fournie gracieusement par TripAdvisor

 Basilique de la Résurrection

Basilique de la Résurrection

Pour ce qui concerne l'art et l'architecture, il a fallu quelques siècles, mais les musulmans ont enfin réussi à unifier les techniques et les thèmes de leurs terres conquises en les refondant dans des formes qui respiraient l'esprit de l'Islam […] Cependant jusqu’au X°siècle même, on fit appel aux artistes byzantins, ainsi le Calife de Cordoue à l'époque demanda  à l'Empereur d'envoyer un mosaïste pour travailler sur la Grande Mosquée. L'homme est arrivé dûment équipé, avec des tonnes de cubes et a enseigné la technique de la mosaïque à un groupe de gens du pays. Qui plus est, il semble bien que les palais musulmans du sud de l'Espagne, comme l'Alhambra, descendirent en droite ligne du Grand Palais de Constantinople, qui n’existe plus, hélas. Au XIIe siècle, un bâtiment dans le style à stalactite Turque seldjoukide a été ajouté à ce même Grand Palais.

Sans doute le plus grand défi architectural pour l'Islam était d'égaler voire de surpasser le plus grand temple de la chrétienté – Sainte Sophie à Constantinople. Une fois que la ville fut conquise par les Turcs en 1453, c’est exactement ce que leurs architectes essayèrent de faire et ils atteignirent en effet la quasi-perfection avec la Mosquée Bleue, la Mosquée Sόleyman et d’autres. Comme Sainte Sophie ces glorieux bâtiments impériaux avaient une vaste coupole centrale appuyée par des demi-dômes, un imposant porche et une cour à arcades avec une fontaine pour les ablutions. Mais malgré toute la perfection des grandes mosquées d'Istanbul aucun de leurs dômes n’a jamais dépassé le dôme du prototype. Les tout premiers minarets à côté des mosquées ont été inspirés par les tours carrées des églises syriennes, et d'autres éléments chrétiens encore ont influencé l'Islam. Les niches de prière (en arabe : مِحْراب [miḥrāb], sanctuaire) face à La Mecque proviennent des niches de prière des premiers chrétiens orientées à l'est, qui ont également légué leurs salles de prière aux musulmans, les prosternations et le jeûne ainsi certainement que le chapelet de prière (komboskini). Les moines du désert avaient l’habitude de chanter des psaumes dans le milieu de la nuit, et c'est probablement ce qui a donné lieu à la psalmodie du Coran par les musulmans d'aujourd'hui. En fait, les musulmans ont été si impressionnés par l'ascétisme et les autres pratiques spirituelles des moines qu'en temps voulu, ils ont intégré bon nombre de ces caractéristiques dans le mysticisme soufi.



Par ailleurs dans le monde séculier, les tribunaux des califes de Damas et de Bagdad, ont hérité en grande partie de la splendeur byzantine leur goût pour les costumes de luxe, les vases d'or, les pierres précieuses magnifiques et autres signes luxueux ostentatoires.

On sait ce que l'Islam a transmis en partie de l’héritage grec classique à l'Ouest - Aristote, Platon, Euclide, Archimède, Hippocrate - mais il faut rappeler que l'Islam, l’a acquis en totalité de Byzance, qui pendant des siècles a soigneusement conservé le précieux héritage dans les bibliothèques d'Antioche en Syrie, de Césarée et de Gaza en Palestine, et d’Alexandrie en Egypte. En effet, les citoyens de Constantinople avaient l'habitude de citer Homère autant que nous citons aujourd'hui Shakespeare. Et, au IXe siècle le Calife de Bagdad a invité le byzantin Léon le Mathématicien (métropolite deThessalonique de 840 à 843) à lui rendre visite, parce que Léon était un expert renommé en science classique, en mathématiques et en astronomie.

Il faudrait également mentionner les racines byzantines de la musique arabe (proximité voire similitude des modes, de l'ornementation, du phrasé, des glissandi, de la flexion des notes...) car contrairement aux idées reçues, c'est tout de même la musique byzantine qui est la plus ancienne, c'est donc elle qui est première et qui a influencé la musique arabe et non l'inverse... (lire  les articles de Michaël Ibrahim, musicien orthodoxe arabe)


Ironie finale. Demandez à quiconque de citer le symbole de l'islam et l’on vous dira: «Le croissant ». Pourquoi le croissant ? Parce que quand les Turcs prirent Constantinople, ils décidèrent d'adopter le symbole de la ville, un croissant de lune, et de se l’approprier. Ainsi, lors de la conversion de Sainte-Sophie en mosquée, ils ont supprimé la croix chrétienne de la coupole et l'ont remplacée par leur nouvel emblème. L'ironie, c'est que bien avant l'époque du Christ, la ville avait choisi le croissant lunaire pour honorer la déesse lunaire Hécate, célébrée par les habitants pour avoir sauvé la ville contre les attaques de Philipe II de Macédoine en 340-339 av. JC. 



Constantin en 330 ap.JC a ajouté l’étoile de la Vierge Marie au drapeau. Byzance serait alors aussi la première nation ou empire attesté à utiliser la combinaison du croissant de lune et d’une étoile ensemble comme emblème.




(compilation de diverses sources traduites par Maxime le minime)