Il peut paraître ambigu et risqué de citer Vladimir Solovyov pour un Orthodoxe aussi peu oecuméniste que je le suis, cependant j'aurai l'audace de le faire car cette page sur la foi, écrite en 1884, est d'une telle énergie et d'une telle beauté que je ne saurais résister à la partager.
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Vladimir Solovyov |
Le vrai Dieu, qui a choisi Israël et qui a été choisi par celui-ci, est un Dieu fort, un Dieu qui est en Soi, un Dieu Saint.
Un Dieu fort se choisit un homme fort avec lequel Il peut
lutter ; un Dieu substantiel et personnel ne se dévoile qu’à
un individu conscient ; un Dieu saint ne s’unit qu’à celui qui
aspire à la sainteté et qui est capable d’un exploit moral actif.
La faiblesse humaine cherche la force de Dieu, mais c'est là la faiblesse d’un homme fort : un homme de faible nature est incapable d'une vie de grande religiosité. De la même
façon, un homme impersonnel, sans caractère, et avec une
conscience peu développée, ne peut correctement comprendre l'authenticité de l'existence de Dieu. Enfin, l'homme privé de
l'autodétermination morale, incapable d'être à l'origine d’un acte, n'est pas en mesure de réaliser un exploit
et d'atteindre la sainteté - la sainteté de Dieu paraîtra toujours étrangère à un tel homme, et il ne sera jamais "l’ami
de Dieu". ll en découle clairement que la vraie religion que
nous trouvons chez le peuple d'Israël, loin de l’exclure, exige
le développement de la libre personnalité humaine, de sa
conscience et de son activité.
Il est un préjugé bien courant selon lequel la foi étouffe la liberté de l'esprit humain alors que les connaissances positives augmentent cette liberté. Mais en fait c'est tout le contraire qui se passe. par la foi, l'esprit humain dépasse les frontières de la réalité du jour présent, et affirme l'existence de telles choses qui n'exigent pas de lui une reconnaissance - il reconnaît librement leur existence. La foi est un exploit de l'esprit qui révèle les choses invisibles. Un esprit pieux n'attend pas passivement la manifestation de choses extérieures, il va courageusement à leur
rencontre ; il ne subit pas ces manifestations, il les anticipe,
car il est libre et créateur. En tant qu'exploit de l'esprit, la foi
a un mérite moral : "Bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont
cru." Selon la notion empirique, au contraire, notre esprit
est passif et aliéné, car soumis aux faits extérieurs : il n'y a
là ni exploit, ni mérite moral. Il va de soi que cette opposition
entre la foi et la science n'est pas absolue. Car le croyant
connaît d'une façon ou d'une autre l'objet de sa foi, et que
d'un autre côté, la connaissance positive concède à la foi tout
ce qui ne peut pas être prouvé de façon empirique, et notamment, la réalité objective du monde physique, la continuité
et l'universalité des lois de la nature, la certitude de nos facultés de perception, etc. Il ne fait aucun doute cependant
que le trait prédominant de la foi est son activité et la liberté
de notre esprit, alors que celui de la connaissance empirique
est la passivité et la dépendance. Reconnaître et comprendre
un certain fait extérieur n'exige aucune indépendance ou énergie de l'esprit humain : l'énergie sert à croire que cela n'est
pas encore devenu un fait visible. L'évident et le présent
imposent d'eux-mêmes leur reconnaissance; la force spirituelle réside dans ce qu'elle anticipe l'avenir, reconnaît et
dévoile le secret et le caché. Voilà pourquoi la plus grande
énergie de l'esprit humain se manifeste chez les prophètes juifs non pas malgré leur foi religieuse, mais justement en
vertu de cette foi.
(extrait d'un texte très intéressant qui répond à une question que je me suis souvent posée "
Pourquoi le peuple juif était-il prédestiné à donner naissance à l'Homme-Dieu, au Messie, ou Christ")
1 commentaire:
Peut-être, mais il ne l'a pas reconnu !
C'est là toute la question - la raison d'être du christianisme - 1821développée par saint Paul
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