"L'Église, seul véritable Mouvement de Résistance dans le monde" Entretien avec P. Andrew Phillips [1]
L'interview qui suit a été faite en automne 2010 et publiée dans le numéro de mars du magazine ROST (2011). À partir de l'année de 2011, Père Andrew a accepté d'être correspondant du magazine ROST et selon le temps dont il dispose, il enverra des articles, de temps à autre, pour qu'ils soient publiés.
Intro :
Cher Père, nous allons poursuivre l'entretien que nous avons eu au printemps dernier. Mais cette fois, nous allons limiter les sujets et parler de choses concrètes. Plus que toute autre religion, le christianisme parle d'une nouvelle vie éternelle et la résurrection à venir.
BM – Où en sont les Chrétiens d'aujourd'hui sur le fait qu'ils appartiennent à un «autre monde» (comme vous l'avez dit dans la première interview)? Pourquoi ne pas «résister jusqu'au sang, en luttant contre le péché» (Hébreux 12, 4)?
La "crise"
P.A - Nous sommes dans le monde, mais «pas du monde» (Jn 15, 19). Il y a là une contradiction, une tension, mais la tension peut toujours être créative. La crise actuelle, et le mot «crise» signifie «jugement» en grec, vient du fait que les gens ne reconnaissent plus que nous ne sommes pas du monde, la plupart n’est même pas vaguement au courant, ils voient seulement un destin terrestre pour l’humanité. Pour eux, notre destin est de devenir du compost, car un destin terrestre se termine toujours par la mort. Ils trouvent que cette illusion diabolique d'imaginer que nous sommes du monde leur rend la vie plus facile, car cela signifie qu'ils n'ont pas de responsabilités devant la face de l'éternité, devant Dieu. C'est se bercer.
L'unique et véritable Front de Salut National est l'Église orthodoxe
Résister, lutter contre le péché est difficile, car le Royaume des Cieux est pris par la force, seulement avec beaucoup d'effort (voir Matt. 11, 12). Et qu’est-ce que l'Église, après tout ? C’est le seul véritable Mouvement de Résistance dans le monde, le seul vrai "Front de libération". Je me souviens de la révolution en Roumanie en 1989, lorsque vous avez eu un "Front de Salut National" avec Petre Roman. Nous savions que cela n'aboutirait pas, et que vous passeriez d'une tyrannie, la communiste, à l'autre, celle de Mammon, car ce n'était pas le vrai Front de Salut National. Votre unique et véritable Front de Salut National est l'Église orthodoxe roumaine. Mais la résistance est difficile, car nous sommes paresseux. Il est bien plus facile de se laisser porter par le courant, de suivre le monde que de lui résister avec toutes ses tentations et ses vanités. Mais attention, cette solution est une auto-destruction spirituelle. En Occident, cela est évident.
BM - Avant de passer à la prochaine question, il nous faut mettre au clair quelque chose. Tout d'abord, quel est le lien entre la crise financière et le jugement de Dieu ? Qu’en est-il si la « crise » implique un « jugement » comme vous dites? Et deuxièmement, je suis sûr que vous n'avez pas rencontré personnellement M. Petre Roman, ni quelqu'un d'autre du FSN. Aujourd'hui, il s'avère que vous aviez raison, mais comment se peut-il que vous en ayez eu connaissance alors ?
P.A - Tous les ennuis de l'homme découlent de son péché. S'il n'y avait pas de péché, nous serions encore dans l'Eden. Nous pouvons utiliser des locutions à rallonge comme «difficultés financières», mais en fait, cela veut dire «cupidité» - un mot beaucoup plus simple. Le fait est que tout ce que nous faisons a des conséquences. Nous pouvons vivre dans l'illusion pendant des années, nous pouvons nous endetter pendant des années, mais tôt ou tard, la réalité va intervenir. Toutes les actions humaines ont des conséquences. Si les actions proviennent d'intentions pécheresses, les conséquences en seront toujours pécheresses. En vérité, très souvent, les conséquences sont bien pires que les actions. Par exemple, une jeune fille irresponsable tombe enceinte par un homme irresponsable, et les conséquences vont durer toute une vie, pour des générations, « jusqu'à la troisième génération» comme dit le Livre de l'Exode. Et les conséquences du péché sont appelées «jugement». «Nous avons une crise financière», disent les politiciens. Ce que cela signifie réellement, même si la plupart des politiciens sont trop malhonnêtes pour l'admettre, est ce qui suit : «Nous sommes jugés par les conséquences de nos péchés».
Certes, je n'ai jamais rencontré M. Petre Roman, mais c’est très simple. Celui qui promet qu'il peut vous sauver est soit un menteur, ou bien il s’auto-illusionne. Seul le Christ, le Sauveur peut sauver. Toute conscience chrétienne orthodoxe le sait.
Le péché
BM - Quelle doit être l'attitude du croyant envers le péché, et après tout, comment pouvons-nous définir le péché, car beaucoup ne considèrent vraiment comme péchés que l’assassinat, le viol et le vol ?
P.A - Le péché est tout ce qui nous sépare, nous fait prendre des distances et nous éloigne de Dieu et de notre destin inévitable, parce qu’il nous faudra comparaître devant Lui au jour du Jugement Dernier. Pourquoi nier l'inévitable et refuser de s'y préparer? Se préparer au Jugement c’est de lutter contre le péché dès maintenant. Si nous ne le faisons pas, au moment où nous nous tiendrons devant Lui, nous ferons l'expérience de la présence du Dieu Eternel comme un feu brûlant, et non comme une chaleur amoureuse.
L'indifférence
BM - Est-ce que l'indifférence (sous tous ses aspects) est un péché?
Fr.A - L'indifférence est une maladie de l'âme, la maladie de l'Eglise de Laodicée, qui advient quand nos âmes commencent à mourir. Une fois que l'indifférence a contaminé nos âmes, il n'y a qu'un pas de cet état qui nous sépare de l'hostilité envers Dieu. Pourquoi ? Parce que l'indifférence signifie le vide, un désert et Satan remplit toujours les déserts. Ce n'est pas possible qu'il y ait un vide spirituel, il se remplit toujours, soit par une énergie négative soit spirituelle. C’est à nous de choisir.
BM - Quelle est, en termes simples, la première mesure qui réfrène le péché? Est-ce peur de la mort, la peur de Dieu, la connaissance de l'Ecriture?
P.A - La première mesure qui réfrène le péché est plutôt une conscience que Dieu est, qu'Il existe. Jusqu'à il y ait une prise de conscience de l'existence de Dieu, comme une petite flamme qui brûle dans nos âmes, il ne peut y avoir aucune conscience de l'âme immortelle et de sa destinée. De là naît la conscience du péché, de la souillure spirituelle, de la nécessité de la prière et du repentir, de la mort, du destin de l'homme, du jugement et de la rétribution. Ce n'est que lorsque nous avons une conscience de Dieu qu’il peut y avoir en nous la crainte de Dieu, la crainte du jugement et le désir de vivre une vie ecclésiale et de connaître et de comprendre les Ecritures et les Pères.
BM - Père, quelle est l'essence du christianisme? Après tout, pourquoi devrions-nous croire, de toute façon? Dans la Roumanie d'aujourd'hui, de nombreuses voix clament que l'Eglise a un rôle trop important dans la communauté, qu'il y a beaucoup trop d’églises par rapport aux hôpitaux et aux écoles, que vous n'avez pas besoin de la religion, ni doctrine (de quelque nature) pour nous préserver du meurtre et de l'immoralité. Que devrions-nous leur dire?
La réalité de Dieu s'expérimente
P.A - Nous croyons parce que Dieu est la réalité qui sous-tend l'univers. Nous ne croyons pas qu'Il existe, nous savons qu'Il existe, Il est notre expérience quotidienne. L'essence du christianisme est de se rapprocher de Lui.
L' "occidentalisation" de la Roumanie
À l'heure actuelle, la Roumanie connaît une vague d'occidentalisation. Cela a commencé avec la chute du communisme, puis s'est accéléré avec l'entrée de la Roumanie dans l'UE. Il y a maintenant un effort concerté et conscient, organisé et financé à partir de Bruxelles, qui elle-même est une colonie de Washington, pour occidentaliser la Roumanie. Et qu'est-ce que "occidentaliser" signifie dans le contexte actuel ? Cela signifie simplement rendre captif spirituellement, séculariser. Et cela signifie détruire la vie spirituelle, toute conscience de la réalité spirituelle, de l'autre monde, tout concept d'Eglise et de salut éternel. Par conséquent, ils créent l'illusion parmi les laïcs insensés, qui sont manipulés par l'Occident, que nous n'avons pas besoin de l'Eglise, que c'est un gaspillage d'argent, que vous avez besoin d'hôpitaux, d’écoles, de sécurité sociale, de nouvelles routes, et de tout pour la vie du corps et de l'esprit sans Dieu.
Peut-être que la Roumanie a vraiment besoin de davantage de ces choses, mais ces choses ne vont pas sauver la Roumanie et les Roumains de la mort spirituelle. Seule l'Eglise peut faire cela. Il y a la Roumanie sur la terre, mais il y a aussi une Roumanie dans le ciel - tous ces Roumains, paysans et voïvodes (princes) qui ont plu à Dieu. C'est de la Roumanie qui a une signification éternelle, dont nous devons nous inspirer et à laquelle nous devons ressembler, et non pas une Roumanie sans personnalité, occidentalisée, qui ressemble et se comporte comme n'importe quel autre pays spirituellement captif, avec ses blocs de verre et de béton, sa culture spirituelle repoussante, vidée de toute beauté spirituelle et morale.
BM - Un autre aspect observé de manière évidente, c'est que notre foi a diminué et qu'elle continue à diminuer encore. Qu’est-ce qui a tué notre foi, Père ? Est-ce le progrès, la richesse, la propagande?
P.A – Ce qui est en train de tuer notre foi c’est l'importance toujours plus grande que nous attachons au monde. Et comme Saint Jean le Théologien le dit, le monde gît dans le mal et le prince du monde est satan. Partout où nous privilégions le monde, alors nous perdons notre foi." (à suivre)
(version française et sous-titres par Maxime le minime
de la première partie d'une interview parue sur le blog http://sceptik.wordpress.com)
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