Ma conversion I.

La Conversion de St. Paul
du
Caravage

La période liturgique qui vient est pour moi celle d’un anniversaire : celui de ma conversion.


Il m’est arrivé de raconter à diverses reprises cet épisode de ma vie à des personnes différentes et je sais très bien qu’un tel récit ne va pas sans poser quelques problèmes qui sont ceux de tout récit d’expérience quelle qu’elle soit.


En effet, d’abord, toute expérience humaine est vécue dans le contexte propre à la personne qui l’a vécue : contexte personnel, familial, social, historique, culturel, religieux etc. En ce sens on ne peut penser que cette expérience, si on lui accorde qu’elle puisse être également vécue par d’autres, ne sera pas vécue de façon toute particulière, à travers un regard particulier, forcément dépendant de tout le contexte dont j’ai parlé plus haut. C'est-à-dire que dans la richesse virtuelle présumée d’une expérience, ne seront actualisés que les éléments perceptibles par la sensibilité particulière (dont les composantes contextuelles sont citées plus haut) de cette personne.


Ensuite, vient le récit de cette expérience vécue. Là, à nouveau et encore, le contexte cité plus haut interfèrera et le récit établira une sélection dans toutes les informations transmissibles. Il y aura donc une mise en relief de certains éléments en même temps qu’une exclusion d’autres, et ceci, seulement par l’effet « naturel » de ce contexte, mais il faudra y ajouter l’intention du discours particulier de celui qui raconte, à l’œuvre dans son récit. Autrement dit, ce que l’auteur d’un tel récit veut que son destinataire en retienne surtout. Ce qui donnera l’occasion à nouveau d’une mise en forme de l’expérience qui pourrait bien éloigner de plus en plus de celle-ci celui qui l’a vécue.


Enfin il faut s’occuper de celui qui reçoit un tel récit. Et là encore, on peut prédire, sans se prendre pour un prophète, qu’il y aura une nouvelle sélection (mise en relief / mise à l’écart) parmi les informations transmises qui correspondront tout simplement à la personnalité du lecteur ou auditeur du récit. Qu’en retiendra-t-il ? Qu’est-ce qu’il en rapportera à son tour, à qui ? Etc. la chaîne continue…

Alors on pourrait se demander : mais à quoi bon ouvrir la bouche devant le risque de tant de déformations ? A quoi bon raconter, oralement ou par écrit, ce qui semble intégralement intransmissible ? Cependant, en même temps, y a-t-il une autre condition humaine que celle-ci, y a-t-il beaucoup d’autres possibilités en dehors du passage par le langage et les codes qui peuvent réduire, limiter, encadrer et formater et les rencontres entre les personnes avec tous leurs problèmes de communication qui peuvent interpréter et déformer ?


Évidemment cela s’applique également à mes yeux à la transmission des Évangiles, aux hagiographies, aux « expériences mystiques » et autres récits pieux qu’on n’aura pas le préjugé scientiste d’écarter obligatoirement parce que du domaine de l’irrationnel et non vérifiable.

Commentaires