En cette nuit à venir de la douceur et de l'humilité, veillez - par St Ephrem

Grotte de la Nativité à Bethléem


Les anges aujourd’hui se sont réjouis,
Car le Veilleur est venu nous réveiller.
Qui dormirait en cette nuit
Où toutes les créatures sont éveillées ?

Comme Adam avait introduit par ses péchés
Le sommeil de la mort dans la création,
Le Veilleur est descendu nous réveiller
De la torpeur du péché.

Ne veillons pas comme les gens cupides
Qui ne pensent qu’à s’augmenter leur argent.
Ils veillent tard dans la nuit
Pour calculer capital et intérêt.

Éveillé et sage est le voleur
Qui enfouit et cache en terre sno sommeil.
Il n’a qu’un but à tout son état de veille :
Faire crier beaucoup les dormeurs !

Le glouton veille lui aussi :
Il a trop mangé, son ventre s’est alourdi ;
Veiller pour lui est un tourment,
Car il ne se nourrit pas modérément.

Le commerçant veille lui aussi :
La nuit, il se fatigue les doigts
À calculer combien lui a rapporté son talent,
Si son avoir s’est multiplié par deux, par trois.

 Le riche veille lui aussi,
Car Mammon chasse son sommeil.
Ses chiens dorment, mais lui gardent
Ses trésors des voleurs.

L’anxieux veille lui aussi :
Par les soucis son sommeil est englouti ;
Sa mort se tient debout à son chevet
Et il veille, pour les années à venir inquiet.

Satan enseigne, mes frères,
Une veille à la place de l’autre :
Afin qu’endormis pour le bien,
Nous soyons éveillés et vigilants pour le vice.

 Judas Iscariote, lui aussi,
Avait veillé toute la nuit,
Il vendit le sang du Juste
Qui a racheté toutes les créatures.

Le fils des ténèbres se vêtit de ténèbres,
Il se dépouilla de la lumière et la rejeta ;
Pour de l’argent il vendit, le brigand,
Celui qui a créé l’argent.

Les pharisiens, fils de ténèbres, eux aussi,
Veillèrent toute la nuit ;
Les ténébreux veillèrent pour cacher
L’incompréhensible Lumière.

[…]

En ce jour de salut
Parlons avec discernement ;
Ne disons rien de superflu
Afin de ne pas le perdre.

C’est la nuit de la réconciliation :
Qu’il n’y ait en nous ni trouble ni obscurité !
En cette nuit qui pacifie toute chose,
Qu’il n’y ait ni menace ni agitation !

C’est la nuit de la douceur :
Qu’il n’y ait en elle ni amertume ni dureté !
En cette nuit de l’Humilité,
Qu’il n’y ait ni hauteur ni superbe !

En ce jour du pardon
Ne vengeons pas les offenses !
En ce jour de joie
Ne distribuons pas les afflictions !

En ce jour de douceur
Ne soyons pas violents !
En ce jour de paix
Ne soyons pas en colère !

En ce jour où Dieu
Est venu chez les pécheurs,
Que le juste ne s’exalte pas en pensée
Au-dessus du pécheur !

En ce jour où le Maître universel
Est venu chez les serviteurs,
Que les maîtres aussi s’inclinent
Avec affection devant leurs serviteurs !

En ce jour où pour nous
Le Riche s’est fait pauvre,
Que le riche aussi laisse le pauvre
Prendre part à sa table !

En ce jour où nous est échu
Un don que nous n’avions pas demandé,
Distribuons des aumônes
À ceux qui nous supplient en criant.

C’est le jour où s’ouvre
À nos prières la porte d’en haut ;
Nous aussi, ouvrons les portes aux demandeurs
Qui ont péché et qui nous demandent grâce.

Le Seigneur des natures aujourd’hui
Contrairement à sa nature s’est transformé :
Il n’est pas malaisé pour nous aussi
De changer notre mauvaise volonté.

Le corps est fixé de par sa nature ;
Il ne peut ni grandir ni diminuer.
La volonté, elle, a le pouvoir
De grandir en toutes dimensions.

Aujourd’hui la divinité s’est empreinte
Dans l’humanité
Pour que l’humanité, elle aussi, fût enchâssée
Dans le sceau de la divinité.


(Source : Éphrem de Nisibe, Hymnes sur la Nativité, Sources Chrétiennes n° 459, Cerf, Paris 2001)

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