De la grotte de la Nativité à la grotte du Tombeau

LA DIVINE MATERNITÉ [4] 

Les signes de la mort

Pourtant les références à la mort sont présentes dans l'icône de la Nativité. On les trouve clairement révélées dans la grotte elle-même, la crèche en forme de tombeau et dans les langes de l’enfant en forme de bandelettes mortuaires. Sur le plan iconographique, le signe de mort le plus parlant est le noir employé pour peindre le fond de la grotte. Son emploi pur sur une grande surface est directement lié au signe de la mort, et ne se retrouve nulle part ailleurs en iconographie. Cet usage du noir se fait à chaque fois en liaison avec la grotte du Tombeau et avec l’Hadès, que ce soit dans l’icône de la Transfiguration, en référence à la Passion, l’icône de la crucifixion (la grotte sous la croix avec le crâne d’Adam) et enfin l’icône de la descente aux enfers.



Le noir de la grotte, la crèche en jorme de tombeau
et les bandelettes entourant le corps du Christ.  

Quel peut être le sens de ces signes? Celui qui naît n’est pas lié à la mort par sa nature, il n’est entaché par aucun péché, il est étranger au règne de la chute, et sa mère elle-même est restée pure dans cette Nativité. Si, quarante jours plus tard, la Mère de Dieu se soumet aux exigences de purification rituelle en allant offrir un sacrifice au Temple, ce n’est pas par nécessité spirituelle, mais pour répondre au dessein de Dieu de ce conformer aux exigences de la Loi et d’aller à la rencontre de son peuple. [D’où le nom de «Sainte Rencontre» donné à la fête liturgique qui commémore cet événement dans l’Église orthodoxe.] 
Pourquoi donc, répétons-le, ces signes de mort dans une icône où tout semble respirer la joie et l'allégresse? 

De la grotte de la Nativité à la grotte du Tombeau 


La joie de la Nativité ne doit pas faire oublier le dessein profond de Dieu. L’Incarnation à elle seule n’était pas suffisante pour instaurer le règne de Dieu. La Nouvelle Alliance ne pouvait s’accomplir sans le passage obligé par la Croix et le Tombeau. Le Christ est cet «agneau sans reproche et sans tache», «discerné avant la fondation du monde et manifesté dans les derniers temps» (I Pier. 1, 20). Combien de fois le Christ répétera-t-il à ses disciples après la Résurrection «ne fallait-il pas que le Fils de l’homme souffrît...»
La venue du Christ est tout entière orientée vers «l’heure» du sacrifice ultime récapitulant tous les sacrifices, vers cette descente volontaire de Dieu au plus profond du règne de la mort. Ces signes de la mort présents dans l’icône ne sont pas liés à la mortalité du Christ, puisque le Christ est incorruptible par nature, mais à la mission qu’il doit accomplir dans l'obéissance au Père. Car tout a été assumé par le Christ selon sa volonté, et non selon une nécessité de nature, ce qui rend la Passion d’autant plus douloureuse qu’elle ne correspond à aucune réalité naturelle en lui. 




Vers la maternité nouvelle 


Or la Mère de Dieu s’est trouvée unie à cette œuvre sacrificielle. Son rôle ne s’est pas arrêté à la Nativité, il est permis de considérer l’icône de la Nativité comme une récapitulation du cheminement de la Mère de Dieu jusqu’à sa Dormition, de la même manière qu’elle annonce déjà la mort et le tombeau du Christ. Cette majesté, cette position de la Mère de Dieu par rapport à son Fils et à la Grotte, au pied de la montagne, tout cela indique une place précise et claire de la Vierge Marie dans l’économie du salut et dans la réalité ecclésiale. 

La Mère de Dieu est totalement proche de son Fils, et sa posture fait qu’elle entoure littéralement les signes de mort marquant l’enfant nouveau-né. Placée en avant de la grotte, elle semble la recouvrir de sa gloire. Loin d’être étrangère à ces signes de mort, elle leur semble indissolublement liée, comme elle est unie à son Fils. La relation d’amour qu’elle entretient avec le fruit de son sein se continuera jusqu’aux tréfonds de la souffrance et de la mort, à la mesure qui sera donnée à une femme extraordinairement pure, exceptionnellement aimée de Dieu, de participer à ce mystère terrifiant 

Durant les noces de Cana, la Mère de Dieu ne demande rien de moins qu’un miracle à son Fils, c’est-à-dire, dans la perspective de saint Jean qui relate cet épisode, un signe le manifestant aux hommes comme envoyé par le Père. Le Christ lui fait alors cette réponse dure en apparence, et pourtant terriblement compréhensible: «Femme, qu’y a- t-il entre nous? Mon heure n’est pas encore venue !» Le Christ sait bien à quel point sa Mère est liée à son heure, cette heure qui n’est autre que celle de la glorification du Fils dans la Passion, puis dans la Résurrection et l’Ascension, cette heure où s’accompliront les noces véritables de la Nouvelle Alliance entre Dieu et l'humanité. 

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