CRUCIFIXION d'Emil NOLDE

En ce moment au Grand Palais se tient une exposition consacrée au peintre
Emil NOLDE (1867-1956) dont voici une crucifixion :


je propose de la comparer à celle de
Marc CHAGALL (1889-1985) :


et puis à celle de cette
icône du Sinaï du XIII°s

Voyez les différences : les deux premières sont marquées par l'Histoire, simplement elles appartiennent toutes deux aux abominations totalitaires du XX° siècle ; la première y demeure, s'y englue et se complaît – formellement en tout cas – dans l'hideux et le grotesque, la deuxième y fait référence mais s'en extrait en célèbrant la pureté, l'innocence, la beauté de la victime (Jésus en tant que peuple juif persécuté) et une céleste lumière blanche la baigne de sa compassion.

Je vois la troisième hors du temps, même si les vêtements des personnages indiquent leur antiquité ; ce que transmet cette représentation traverse les temps. Les expressions des visages pour être sobres n'en sont pas moins suffisantes à faire comprendre la souffrance, la tristesse et la compassion ; les personnages sont figés comme dans des rôles mais il s'agit moins ici de théâtre que postures au sens fort : postures physiques et mentales, corps et esprit.

J'ai été marqué par ma pratique du Zazen – et j'en suis désolé mais je me sens encore bien plus proche de ceux qui se sont engagés dans une telle abrupte aventure que de ceux qui se regroupent pour parler sans cesse d'engagement, de solidarité et de partage dans des lieux religieux, sur tous les tons, en se donnant bonne conscience avec quelques bonnes oeuvres – et je connais le sens et la valeur de la posture. C'est cet engagement total du corps qui signale et guide en même temps celui de l'esprit et de l'être en son entier, c'est la foi sans détour vécue dans sa chair.

Ces postures sont accueil, dans la Paix venue d'en-Haut, de la souffrance ; les postures sont certes celles de la souffrance, contrairement aux sereines représentations bouddhiques, mais le hiératisme des postures transcende ces attitudes en calmes postures d'abandon qui ne se laissent ni distraire ni abattre, ni par la douleur, ni par les émotions, ni par les pensées qui, les traversant – les expressions des visages en témoignent – n'y demeurent pas, tout comme dans Zazen. Ces postures sont pour moi le vrai Zazen, postures sans postures, sans séparation, sans écart, dans ce monde, mais pas de ce monde !

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