HOMMAGE à Oтец Илиа (Père Elie Shmaïn)
quelque temps avant sa naissance au Ciel]
Père Élie Schmaïn a été mon prêtre - bien aimé - jusqu’à ce qu’il désire et se décide à rejoindre la Russie. C’était un homme d’une grande sensibilité, un poète et un musicien. Il avait une immense culture et émaillait volontiers ses homélies, toujours de manière particulièrement surprenante et éclairante, de citations de grands auteurs comme Shakespeare,voire de grands écrivains français autant qu’il citait les Saints Pères, tout en parlant de notre vie quotidienne. J’ai transcrit avec dévotion chaque dimanche pendant des années les traductions de ses homélies pour notre bulletin paroissial que peu lisaient trouvant toujours cela bien assez long à entendre pour ne pas désirer énormément les lire ensuite.
Père Élie était d’origine juive, il avait été au goulag (dont plus personne ne parle bizarrement) et il était déjà passé avec sa famille par de nombreuses et terribles tribulations sans jamais perdre une foi qui demeurait inébranlable comme le roc, ardente et rayonnante. Son cheminement était atypique ainsi que sa personnalité, il avait suffisamment « vécu » pour ne jamais céder au moindre académisme et ses discours naissaient spontanément toujours d’une nécessité intérieure qui n’avait que peu à voir avec les discours convenus de la langue de bois ecclésiastique. J’aimais cela, et ses injonctions lors de la confession étaient toujours judicieuses et ses conseils précieux, témoignant d’une connaissance profonde de l’âme et de la vie des hommes. J’appréciais aussi sa manière informelle de prêcher lors des agapes qui suivaient la liturgie. C’était pour moi un grand bonheur. Il est donc rentré en Russie, je n'ai plus eu beaucoup de nouvelles, la maladie lui a fait peu à peu quitter le service de l'autel. Puisse Dieu l'avoir soutenu dans ses vieux jours que je souhaite avoir été remplis de paix et d'amour !
Un jour Père Élie, dans une conversation privée, chez lui, entre deux harengs de Carême m’a cité le psaume 39 et m’a dit quelque chose comme : « Maxime, nous ne sommes pas nés Orthodoxes , mais un jour, nous sommes venus, de nous-mêmes, au devant du Seigneur en disant : « Me voici, je viens ; C’est de moi qu’il est écrit en tête du livre ; J’ai voulu accomplir ta volonté, ô mon Dieu, Et ta loi est au milieu de mon cœur. » Voilà pourquoi nous accordons toute son importance à ce que les autres négligent. Et voilà pourquoi nous mettons tant d’énergie à chercher la Vérité. Voilà pourquoi nous aimons tant l’Orthodoxie. Je voudrais simplement dire ceci : Pour nous qui ne sommes pas nés Orthodoxes, l’Orthodoxie n’est pas une étiquette raciale, ethnique, la culture d’un groupe, une tradition familiale, nationale ou toute cette sorte de choses plus qu'estimables par ailleurs... Non ! L’Orthodoxie est une authentique, nécessaire et vitale réponse à notre quête spirituelle remplie de tribulations voire d’errances pour certains. Nous ne sommes pas venus pour faire de la diplomatie et nous réconcilier avec nos ennemis de jadis et naguère ou pour faire notre devoir de chrétiens charitables, tolérants ou diplomates comme l’on voudra, parce que dans le passé nos pères n'auraient guère fait preuve de charité chrétienne envers leurs frères... Nous sommes venus à l’Orthodoxie seulement – excusez du peu ! - pour venir à la rencontre de Dieu en Personne (sic) afin qu’Il vive en nous à chaque instant de notre vie de tous les jours et nous habite au point que nulle philosophie, morale, idéologie ou système conceptuel ne se substitue à ce que seul l’Esprit Saint, peu enclin à un quelconque conformisme, peut nous inciter à penser, dire, et faire quand nous y sommes disposés par les médecines transmises fidèlement par la Tradition et par notre faiblesse bénie qui nous procure l’humilité pour que la grâce fasse le reste.
Oтец Илиа avait une fille, brune aux yeux bleu profond, dont la grâce égalait la beauté. J’ai conservé dans ma mémoire une merveilleuse image d’elle bien que je l’aie à peine connue : un soir que je poussais la porte de la maison de Batioushka, elle apparut, et le sourire aux lèvres, un port de tête princier, elle esquissa quelques pas de danse d’une grâce infinie pour disparaître presque aussitôt… Tania était sortie à cette époque, pour le plus grand bonheur de sa famille, de l’hôpital où elle avait du être internée après un séjour éprouvant en Israël. J'ai connu, en tant que père quelque chose de semblable qui nous rapprochait Père Elie et moi. Hélas ce bonheur fut de courte durée mais j’aime à penser que malgré les terribles et tragiques circonstances de sa disparition au retour en Russie, elle est partie un peu comme elle s’était envolée après que je l’ai entraperçue : avec la même grâce. Gosha m’a envoyé de belles photos qu’il a faites, parmi lesquelles cette émouvante photo de sa tombe près de celle de son père. Puisse le Seigneur infiniment miséricordieux avoir enfin accordé le repos aux âmes de ces deux réels martyrs !
Pannychide sur les tombes de Oтец Илиа et de sa fille
(photos de Гоша Острецов)
Commentaires
Y a t il des traces (homélies, photos, son) de son passage à Ste Geneviève ?
Hypodiacre Alexis Tchertkoff
tchertkoffalexis@yahoo.fr
J'ai été ému que vous vous intéressiez à Père Elie. J'ai en effet quelques photos, textes et enregistrements mais dans quels cartons ? Depuis mon départ en effet j'ai fait de nombreux déménagements... mais votre intérêt m'incitera à faire des recherches sans doute plus tôt que celles que j'avais prévues de toute façon et je les mettrai en ligne dès que j'aurai trouvé
Bonne fête de la Nativité de la Vierge !
Je reviens vers vous au sujet de père Elie, car nous allons fêter les 70 ans de la fondation de l'église de la Dormition en octobre 2009, et je commence à rassembler des documents concernant tout les clercs qui sont passés à Ste Geneviève en vue d'une exposition ; aussi si aviez le temps de consulter vos archives au sujet de père Elie ou peut-être d'autres prêtres de Ste Geneviève des Bois, vous pourriez peut-être contribuer à ce jubilé. Cela serait formidable.
Par avance merci !
Cordialement,
Alexis tchertkoff
Cela demande du temps et dès que j'en aurai, je ferai tout cela avec grand plaisir.