Que dirait St Jean Chrysostome de nos jours sur ce que nous regardons pendant le Carême !?
Nous vivons une époque où la représentation de toutes les passions humaines est sans doute bien au-delà de ce qu'aurait pu imaginer St Jean Chrysostome ; non pas que les passions humaines aient changé ou aient empiré ( elles demeurent sans doute ce qu'elles ont toujours été du plus léger au pire) mais il n'en est pas de même de leur représentation. L'hyperréalisme contemporain obsessionnel, son insistance sur les détails, leur grossissement sonore et visuel à l'extrême qu'il s'agisse de destruction, de meurtre, ou de sexe, le passage en revue, l'exploration et l'exploitation systématique des pires des perversions mais surtout la fréquence voire l'omniprésence de leur représentation et donc leur banalisation, tout cela est sans commune mesure avec ce que connaissaient avec le théâtre, aussi obscène soit-il, les contemporains de St Jean Chrysostome. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer qu'une telle autorité morale et à fortiori religieuse puisse s'élever avec éloquence contre les spectacles contemporains, et particulièrement les films et les vidéos sans parler des spots et de toutes les images publicitaires. Pourtant ce que décrit le saint Patriarche est toujours valable concernant le processus d'accoutumance progressive et insidieuse qui mène à l'addiction asservissante dans toutes sortes de domaines, fléau reconnu et bien connu maintenant de nos contemporains. Voilà un extrait de la sixième homélie de St Jean Chrysostome sur la Pénitence prononcée la quatrième semaine de la sainte Quarantaine. Est-ce qu'on est capable d'entendre cela aujourd'hui ? Je n'en mettrais pas ma main au feu...
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"Que peut-on gagner au jeûne lorsqu'en s'y adonnant on continue de fréquenter le théâtre, cette commune école de luxure, ce gymnase public d'impureté, lorsqu'on va s'asseoir dans la chaire de pestilence? Oui, chaire de pestilence, gymnase d'impureté, école de luxure; voilà ce qu'il est à mes yeux votre théâtre, et je ne crains pas d'user de termes trop forts lorsque je qualifie de la sorte ce lieu infâme, ce réceptacle hideux de tous les vices, cette fournaise babylonienne. C'est bien une fournaise en effet que le théâtre; le diable y entasse les habitants de la ville, puis il y met le feu; et il ne l'alimente pas, comme ce roi barbare dont parle l'Ecriture avec des sarments, du naphthe, des étoupes, de la résine; non, il sait trouver des matières encore plus dangereuses, telles que regards impudiques, paroles honteuses, attitudes voluptueuses, chants lascifs et dissolus.
Des mains barbares mirent le feu à la fournaise mentionnée dans l'Ecriture, mais celle dont je vous parle est allumée par des pensées plus coupables et plus insensées que toute barbarie. Celle-ci est pire que l'autre, puisque le feu en est plus funeste.
C'est un feu qui ne consume pas la substance du corps, mais qui dévore la félicité de l'âme : ce qu'il y a de plus terrible, c'est qu'il ne se fait pas sentir à ceux qu'il brûle; s'il était aussi douloureux qu'il est funeste, ces éclats de rire qui retentissent au théâtre n'auraient guère lieu. La pire des maladies est celle qui mine un patient sans qu'il s'en doute, le feu le plus à craindre est bien aussi celui qui consume sans être aperçu.
A quoi peut vous servir le jeûne, lorsque privant votre corps d'une nourriture permise en soi, vous repaissez votre âme d'une nourriture essentiellement mauvaise? Lorsque vous restez assis durant tout un jour occupé à regarder la nature humaine livrée à l'ignominie et publiquement insultée dans la personne de ces prostituées de théâtre, de ces comédiens, obligés, par le métier qu'ils font, de représenter l'adultère, et de ramasser toutes les souillures de l'espèce humaine. Ils n'épargnent pas plus le blasphème aux oreilles que les fornications aux yeux ; il faut que le poison pénètre dans l'âme par toutes les avenues ; ils représentent les catastrophes arrivées aux autres : de là le nom qu'ils portent, et qui exprime leur honte. Quelle sera donc l'utilité du jeûne pour des personnes qui nourrissent leur âme de ces poisons?
De quels yeux regarderez-vous votre femme au retour de ces spectacles? De quels yeux regarderez-vous votre fils, de quels yeux votre serviteur, de quels yeux votre ami? Il vous faudra ou vous couvrir de honte en racontant ce que vous y avez vu, ou garder un silence qui témoignera de votre confusion.
Ce n'est pas là ce qui vous arrive au sortir de l'église; tout ce que vous y avez entendu, vous pouvez le rapporter à votre famille avec un coeur satisfait : oracles prophétiques, dogmes apostoliques, préceptes sortis de la bouche même du Seigneur, voilà ce que vous remportez d'ici, voilà de quoi composer un repas spirituel pour la nourriture des âmes dans votre maison, de quoi rendre votre femme plus modeste, votre fils plus sage, votre serviteur plus fidèle, votre ami plus dévoué, votre ennemi même plus disposé à oublier ses rancunes."
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