La nouvelle religion du tourisme et l'histoire du poulpe par PHOTIOS KONTOGLOU

Les iconographes authentiques, suivant avec courage et longanimité la Tradition sans faille, sont bien souvent ceux qui par leur investissement corps-âme et esprit dans la matière qu'ils doivent travailler pour en dégager la Lumière, ne peuvent tomber dans l'illusion spirituelle, l'à-peu-près, le relatif. Ils sont confrontés à la Vérité elle-même avec laquelle ils ne peuvent transiger et leur travail est un miroir impitoyable. Aussi, bien souvent, sont-ils ceux qu'il faut écouter dans leur défense de l'Orthodoxie car ils savent de quoi ils parlent, de Qui ils parlent et cette connaissance n'est pas un savoir intellectuel, formel, universitaire, mais c'est une pratique, une expérience de tout leur être engagé dans la foi.
Ainsi sont des Hagiographes ( comme on dit en grec) comme Photios Kontoglou ou Leonide Ouspensky, d'ardents défenseurs de la foi chrétienne authentique.
Voici un texte traduit du grec en anglais par NOCTOC sur son blog si personnel que j'aime tant et qu'il m'a permis de traduire en français à mon tour.


" De nos jours beaucoup de nouvelles religions sont apparues, les religions, qui représentent les mécréants et les athéistes. Une d'entre elles est le tourisme, qui est né de la vaine curiosité de l'homme qui veut connaître en effleurant à peine et sans donner vraiment d’importance à ce qu'il entend ou voit. La plupart des touristes s'ennuient dans leur vie et veulent passer le temps sans se donner trop de peine pour connaître les monuments, ni pour suivre les cours d'histoire racontés par des guides qui semblent préparer un festin pour des personnes souffrant d’anorexie. Ce que disent les guides entre par une oreille et sort par l'autre.
Toutefois, pourquoi n’y a t-il personne qui ait le courage de parler avec irrévérence de cette nouvelle déesse, cette si prolifique industrie touristique? C’est parce qu’à notre époque ce qui est sacré et ce qui est saint ce sont des choses qui font rentrer de l’argent. Comment pourriez-vous oser dire quoi que ce soit contre eux ? Vous auriez insulté Mahomet, vous auriez insulté Mamon.

Et comme si ce n'était pas suffisant que le tourisme ait rempli les musées avec une foule de personnes de toutes sortes, qui regardent dans le vide une brochure à la main et un appareil photo suspendu aux épaules, et comme si cela n'était pas suffisant que toute montagne isolée qui a deux colonnes brisées ou un marbre sculpté, soit devenue un dépotoir, et comme si ce n'était pas assez qu'il n'ait pas été conservé secret le moindre mystère du monde antique, ni qu'il ne soit pas un seul tombeau qui n'ait été ouvert afin que de somnolents curieux puissent s’y pencher, les mêmes entrent également dans les églises et chapelles isolées, où des gens prient, et les mêmes se tiennent là, sans faire le moindre signe de la Croix, avec leurs mains derrière leur dos, indifférents et insensibles à ces infortunées personnes qui sont près d’eux et autour d’eux.
Le tourisme s’est imposé à toute chose.
En sa royale présence toutes les portes ont été ouvertes afin qu’il soit bien accueilli, les portes des châteaux qui n'ont jamais été conquis par des guerriers, les portes des monastères qui ont été verrouillés mille fois, les cellules, les grottes et les ermitages où des hommes bénis ont vécu cachés.

Saints autels, corbeilles pour le pain béni, vases sacrés de communion, reliquaires avec saintes reliques ont été exposés sans honte sur la place publique afin que les touristes puissent les voir.
Enfin, la grande forteresse de l'Orthodoxie, le Mont Athos, la montagne sacrée s’est rendue elle-même au tourisme. Dans ce jardin de la Vierge Marie, où selon sa volonté, ne se sont posés ni pied de femme, ni patte d’animal femelle, vont et viennent désormais des milliers d'hommes de toutes les races, certains la pipe à la bouche, d'autres en culottes courtes, d'autres à moitié nus, parlant, riant, sans retenue car ils viennent là pour avoir du plaisir, fatigués de leurs emplois, de leurs entreprises, de leurs machines, des trains, des avions, des navires, des voitures, des théâtres, des bains de vapeur, des hôtels et de tout le reste à quoi ils ont à faire dans leurs pays. Même quand ils viennent ici, ils apportent l'odeur de toutes ces choses, et ils sont incapables de ressentir quoi que ce soit, et ils ne sont pas le moins du monde contrits, totalement étrangers aux antiques mystères qui sont cachés dans la montagne sacrée.
Parce qu'en effet, comment pourrait-il y avoir un moyen de transmettre ce parfum spirituel à des personnes qui n'ont pas ce sens perceptif du parfum spirituel ? Comment pourraient-ils sentir ce qu'ils voient et entendent, puisque ce sont des fruits supersubstantiels et des révélations de la piété, de la prière, de la haute théorie? Non que ce soit la faute de ces personnes, certaines d'entre elles sont innocentes et humbles, mais elles sont totalement éloignées de l'état qui doit être, de celui qui sait que ce lieu n'est pas un lieu pour les loisirs, ou pour se promener, ou pour le plaisir, ni même un lieu pour s'instruire, mais c'est un lieu qui porte gravée cette inscription : «Ceci est un lieu de respect ! Je ne suis pas autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel." Ces malheureux ne savent pas que ce qu'ils voient et écoutent, ne peut être compris par l’intelligence. Comment pourraient-ils supposer que leurs guides eux-mêmes ne sont pas en mesure de sentir leur véritable signification, et que, malgré les connaissances qu'ils ont sur ces saintes choses, il s'agit d'une connaissance superficielle, mécanique, d'une connaissance qui demeure à la surface parce que «la relation d’une personne avec Dieu ne peut être accomplie que grâce à la mémoire spirituelle, les bénédictions de la prière et le sacrifice".
Ce n'est pas un endroit pour satisfaire la curiosité de l'homme pécheur, mais c’est un endroit où les gens ont quitté le monde, où ils sont aux prises avec des luttes spirituelles, avec les souffrances du corps, s’abandonnant eux-mêmes complètement à la volonté de Dieu, par le jeûne, avec leurs mains levées vers le ciel, la bouche close depuis des années, le cœur fermé à toute distraction extérieure. C’est par erreur que vous, les touristes, avez cheminé jusqu’ici. Vous cherchez à plaire à vos sens et à votre corps, mais ce lieu où vos guides représentatifs vous ont menés, est un lieu de deuil joyeux et tous ceux qui vivaient et vivent encore ici, ne vous rendront pas heureux, parce qu'ils vivent avec la douleur au cœur, et c’est leur zèle pour le salut des âmes qui les a rendus si chaleureux. Comment se fait-il alors que soyez venus ici, comme s'il s'agissait d'un banquet de mariage vautré devant une table, alors que c’est un lieu de commémoration quotidienne de la mort, du soupir, et d’une triste supplication vers Dieu?

Les ennemis contemporains de notre religion et de notre pays sont plus dangereux que les anciens, car avec leur manière pacifique ils nous trompent et, de ce fait, ils nous apparaissent comme étant innocents, incapables de nous faire le moindre mal. Voilà ce que sont les prétendus « bienfaits de la civilisation moderne », les installations qui facilitent la vie sont des pièges empoisonnés, les spectacles, les formes de divertissement, le tourisme etc. Ces ennemis semblent innocents et incapables de nous nuire, parce qu'ils ne sont pas sauvages et ne révèlent pas leurs intentions, mais sont insidieux et font leurs nuisances sans le moindre avertissement. Des premiers ennemis vous pouvez vous protéger vous-même mais des derniers vous ne pouvez pas, comme nous le montre une légende de la mer que je vais vous raconter :
Une mère poulpe se reposait avec son petit au fond de la mer.
C’est alors que le petit poulpe est harponné et remonté à la surface par un pêcheur. Le petit poulpe appelle sa mère: « Maman ! Ils m’ont attrapé !» et s’ensuit un dialogue entre la mère poulpe et son petit:
« − N'aie pas peur mon enfant!
− Ils me sortent de l’eau maman !
− N'aie pas peur mon enfant !
− Ils me font griller Maman !
− N'aie pas peur mon enfant !
− Ils me coupent avec un couteau !
− N'aie pas peur mon enfant !
−Ils me mettent dans de l’eau bouillante !
− N'aie pas peur mon enfant !
−Ils me mâchent, ils me mangent !
− N'aie pas peur mon enfant !
−Ils m’avalent !
− N'aie pas peur mon enfant !
−Ils boivent du vin, Maman !
−Oh! Je t'ai perdu mon enfant ! »

Ce mythe signifie que toutes les dures épreuves qui ont été infligées à la pieuvre, n'ont pas causé la mort: ni la capture, ni le gril, ni la cuisine, ni la mastication. Mais lorsque sa mère a entendu que ceux qui avaient capturé et mangé son petit étaient en train de boire du vin afin de le digérer, elle a crié alors: «Je t'ai perdu mon enfant!". Le vin, qui semble être la chose la moins dangereuse en comparaison du découpage au couteau et de la mastication, est en réalité, le plus grand ennemi du poulpe.
Il en est ainsi pour nous Grecs.
De nombreuses tornades dévastatrices sont passées sur notre terre, toutes sortes de sauvages meurtriers sans pitié, avec des épées, des lances et toutes sortes d’armes. Perses, Germains, Francs, Arabes, Turcs et autres. Ils nous ont abattus, coupés en morceaux, pendus, ils nous ont mis au bûcher, mais nous ne sommes pas morts parce que notre lutte nous a rendus aussi solides que l'acier, nous avons rendu coup pour coup, nous avons eu à faire à des ennemis sauvages mais que l’on pouvait voir. Ceux d'aujourd'hui, ont changé d'apparence, ils sont devenus clandestins, ils ont le sourire aux lèvres, mais ce sont de faux amis, ils semblent inoffensifs, et même semblent des bienfaiteurs avec les meilleures intentions. Ce sont les marchandises qui entrent avec l’automatisme et autres systèmes, l'électro-ménager, les avions, le cinéma, la radio, la nudité et les bains-mixtes, et bien d'autres choses qui nous paralysent et nous laissent sans religion, sans tradition, sans famille, sans rien qui soit nôtre.
Une de ces marchandises clandestines est le tourisme, qui est le vin innocent qui tue le poulpe, alors que ni le couteau, ni les dents n’ont réussi à le tuer."

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