La situation de l'Archevêché orthodoxe d'Istanbul dit " Patriarcat de Constantinople" ou "Patriarcat œcuménique"

RAPPEL

Porte Saint-Pierre au Patriarcat.
En 1821, le patriarche Grégoire V demeura suspendu trois jours dans son architrave,
accusé par Mahmud II de son incapacité à réprimer la guerre d'indépendance grecque.
La porte n'a pas été ouverte depuis. (photo Alessandro57)


En juin 2011 sur orthodoxie.com à la parution du livre de Mérope Anastassiadou et Paul Dumont, « Les Grecs d’Istanbul et le patriarcat œcuménique au seuil du XXIe siècle. Une communauté en quête d’avenir », aux éditions du Cerf  (collection « L’histoire à vif »), Jean-Claude LARCHET en en faisant la recension analysait la situation et l'attitude du Patriarcat de Constantinople. Cette analyse colle toujours à la réalité présente malheureusement et  Bartholomée en est même venu à des excès pour le moins irresponsables et préjudiciables pour l'Orthodoxie tout entière. En voici un extrait :

"On doit constater que la réduction de la communauté grecque à la dimension de la population d’un gros village et la mise en cause de l’existence même du Patriarcat de Constantinople ont considérablement modifié le statut, les conceptions et l’action ecclésiologiques de celui-ci.  
Bon nombre des évêques/métropolites qui entourent le patriarche sont malheureusement des évêques titulaires ou « in partibus » (y compris le métropolite Jean [Zizioulas] de Pergame, qui ne craint pas d’être la vivante contradiction du principe de base de sa doctrine ecclésiologique bien connue). Ayant perdu la justification qui a motivé sa création et son existence juridictionnelles (Constantinople comme capitale de l’empire byzantin) ainsi que presque toute activité pastorale effective sur son territoire canonique historique (le nombre des orthodoxes grecs pratiquants étant estimé par certains observateurs à moins de mille sur tout le territoire turc), 
le patriarcat de Constantinople, depuis surtout les années vingt du XXe siècle, s’est efforcé de subsister sur un mode autre que symbolique par cinq moyens :  
1) la prise de possession juridictionnelle de territoires extérieurs à son territoire canonique (et parfois très éloignés de lui comme l’Ukraine ou l’Estonie), ce qui a été source de tensions importantes avec les Églises de Grèce (cf. p. 149-155), de Russie (cf. p. 135-137) et de Roumanie; 
 2) un effort de mainmise sur l’ensemble de la diaspora (au nom d’une interprétation abusive du 28e canon du concile de Chalcédoine) et de prise de direction des autres juridictions qui y sont présentes (méthodiquement organisée à travers la constitution d’assemblées, se systématisant aujourd’hui, d’évêques ayant toujours à leur tête l’évêque constantinopolitain, alors que le caractère non synodal de ces assemblées aurait pu aisément justifier qu'on y établît une présidence tournante);  
3) le développement (sous l’égide en particulier du métropolite de Pergame, Jean Zizioulas) d’une ecclésiologique fondée sur le modèle catholique-romain de la primauté, où le patriarche de Constantinople est présenté comme le centre visible d’unité et le chef de l’Église orthodoxe universelle;  
4) une activité diplomatique et politique intense auprès des États et des institutions internationales (cf. p. 134-135);  
5) « une stratégie d’ancrage dans le monde occidental qui semble aujourd’hui seule capable d’assurer au Phanar les soutiens nécessaires pour échapper à une mort par asphyxie » (p. 137).  
L’intense implication du patriarcat de Constantinople dans l’œcuménisme tant à l’égard de Rome que des confessions protestantes, des Églises orientales hétérodoxes (nestorienne et monophysites) et des religions non chrétiennes (judaïsme, islam, bouddhisme...), a en grande partie pour motivation sous-jacente la recherche d’un tel ancrage et d’un tel soutien, en même temps que de l’affirmation de son leadership au sein du monde orthodoxe. La multiplication des relations avec le Vatican autres que proprement œcuméniques ont les mêmes objectifs, visant en particulier, « pour le chef du Phanar, à donner à voir une reconnaissance solennelle de sa primauté au sein du christianisme oriental » (p. 138), ce que l’Église russe cherche depuis quelque temps à contrebalancer en développant avec le Vatican le même type de relations.
Bref, le mode de fonctionnement de Patriarcat de Constantinople correspond aujourd'hui plus à un modèle politique qu'à un modèle proprement ecclésial, et les compromis auxquels l'a conduit son action diplomatique tous azimuts, ont impliqué un certain relativisme dogmatique et ecclésiologique qui a été et reste au sein du monde orthodoxe la source de nombreuses tensions.

Commentaires