Les 8 voies de la tentation par l'Ancien Cleopa

Starets Cleopa (Ilie) (1912-1998) du monastère de Sihastria en Roumanie

"Les Saints Pères disent (c'est ainsi que P. Cleopa a commencé à nous exposer avec concision son expérience spirituelle, héritée des saints Pères et vécue personnellement par lui, comme chacun de ses mots le confirme) que sur le chemin du salut on est tenté par le diable de huit côtés : de face, de derrière, de gauche, de droite, d'en haut, d'en bas, de l'intérieur et de l'extérieur.

1. On est tenté par derrière quand on se souvient continuellement des péchés et des mauvaises actions que l'on a commis dans le passé, en les rappelant de nouveau dans son esprit, en les ressassant, en s’y absorbant, en désespérant à cause d'eux et en les contemplant sensuellement. Un tel souvenir de la façon dont nous avons péché dans le passé est une tentation démoniaque

2. On est normalement tenté en face par la peur qui nous envahit à la pensée de ce que l'avenir réserve : de ce qui va nous arriver ou de ce qui va arriver au monde; de combien du temps qu’il nous reste à vivre ; de savoir si nous aurons toujours quelque chose à manger; de savoir s'il y aura une guerre ou tout autre événement grave et effrayant à venir; et, en général, en faisant toutes sortes de suppositions, de prédictions, de prophéties et de tout ce qui provoque la peur de l'avenir en nous.

3. On est tenté par le diable de la gauche à travers l'appel à commettre des péchés évidents et à se comporter et à agir d'une manière que l'on sait pourtant être le péché et le mal, mais que les gens font néanmoins. Cette tentation est un appel direct au péché ouvertement et consciemment.

4. Il y a deux manières par lesquelles le diable tente de la droite. La première est celle où l’on s’investit dans des activités qui sont bonnes et l'on accomplit de bonnes actions mais avec une intention et un objectif mauvais ou malveillant. Par exemple si l'on agit bien, ou qu’on fait du bien, motivé par une vaine gloire, pour recevoir des éloges, acquérir une position, se faire une réputation, ou obtenir quelque bénéfice pour soi-même - il s'ensuit qu'on fait tout ce bien par vanité, avarice et cupidité. L'accomplissement de bonnes actions à des fins mauvaises fait qu'elles deviennent  pécheresses et vaines. Les Saints Pères assimilent une telle manière de faire de bonnes actions (telles que le jeûne et l'aumône) à celle d’un corps sans âme, dans la mesure où l’acte accompli qui devrait viser l’âme, n’a pour objectif que le corps. Par conséquent, l'accomplissement de bonnes actions dans un but impie est essentiellement une tentation venant de la droite, c'est-à-dire venant sous le travestissement du bien. La deuxième tentation démoniaque de la droite vient à travers diverses apparitions et visions, quand on reçoit des visions du diable sous la forme de Dieu ou d'un ange de Dieu. Les Saints Pères désignent cette confiance en ces spectres venant du diable, ou cette réception de tels phénomènes démoniaques, sous le terme de "séduction diabolique" ou "illusion spirituelle" [прелесть].

5. En outre, le diable exerce sa tentation sur quelqu'un d'en bas quand la personne est capable d'accomplir de bonnes actions ou de s’exercer à de saintes vertus, mais qu’elle est trop paresseuse pour le faire ; ou quand elle sait qu’elle devrait faire plus d'efforts et d’exercices dans les combats ascétiques (dans les vertus et les bonnes actions), et est capable de le faire, mais ne le fait pas par paresse ou parce qu'elle cherche des excuses à sa paresse. Elle rejette donc spirituellement ces vertus en faisant beaucoup moins qu'elle ne pourrait le faire.

6. Les tentations d'en haut (L'Ancien Cleopa, pour mieux nous expliquer cela, a démontré de ses mains la direction d'où est venue une tentation ou une autre, il a ensuite brièvement répété la direction de la tentation qu'il venait de décrire) viennent de deux manières. La première est celle où l'on se charge de luttes ascétiques qui dépassent nos capacités, et où l’on agit en force ainsi sans prudence. Cela arrive, par exemple, quand on est malade mais qu’on s’impose malgré tout un jeûne qui est au-dessus de nos forces ; ou de façon générale quand on s’engage dans toute lutte ascétique qui est au-delà de nos capacités spirituelles et physiques. Une telle obstination manque d'humilité et est déraisonnablement présomptueuse.
Une autre tentation d'en haut est quand on s'efforce d'apprendre les mystères de l'Écriture Sainte (et des mystères de Dieu en général), sans rapport avec sa réelle maturité spirituelle. C'est-à-dire, quand on veut pénétrer les mystères de Dieu dans les Saintes Écritures (ou dans les saints, le monde et la vie en général) pour expliquer et enseigner par la suite ces mystères aux autres quand on n'est pas spirituellement assez mûr pour le faire. Les Saints Pères disent qu'une telle personne veut broyer un os avec des dents de lait. Saint Grégoire de Nysse parle de cela dans son œuvre, La Vie de Moïse. Il dit que c'est pour cette raison que Dieu a ordonné aux Israélites, qui étaient imparfaits, de ne manger de la viande (qui est comme du lait pour les dents) que de l'agneau pascal – et, de plus, avec des herbes amères – et de ne pas broyer les os en morceaux ni les manger, mais plutôt de les brûler dans le feu (Exode 12: 8, 10, 46). Cela signifie que nous aussi, nous ne devrions interpréter que les mystères de la Sainte Écriture (et de notre foi en Dieu en général) qui correspondent à notre maturité spirituelle et les manger avec des herbes amères, c'est-à-dire avec tout ce que la vie nous apporte (de souffrance, de chagrin); nous ne devrions pas mordre dans les mystères de la Sainte Écriture, de la connaissance divine et de la Providence de Dieu, qui sont comme autant d'os trop durs pour nos dents de lait ; ils ne sont destinés qu'au feu, c'est-à-dire qu'ils deviennent clairs seulement dans une maturité spirituelle suffisante et dans les âmes expérimentées qui ont été éprouvées par le feu divin rempli de grâce.

7. On est tenté de l'intérieur par ce qu'on a dans le cœur et par ce qui vient du cœur. Le Seigneur Jésus-Christ a clairement déclaré que c'est de l'intérieur, du cœur, que les pensées, les désirs et les passions pécheresses et impures procèdent (Matthieu 15:19) et induisent quelqu’un en tentation. Les tentations viennent non seulement du diable, mais aussi de l’homme, de ses mauvaises intentions et de ses potentialités, de ses convoitises, de ses mauvais désirs et de l'amour du péché intérieur qui procèdent d'un cœur impur.

8. Enfin, la huitième porte de la tentation démoniaque est ouverte de l'extérieur, à travers les choses extérieures et les occasions, c'est-à-dire à travers tout ce qui vient de l'extérieur par les sens, qui sont les fenêtres de l'âme. Ces choses extérieures ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, mais par elles les sentiments peuvent être tentés et induits au mal et au péché.

Voilà donc les huit moyens par lesquels chacun est tenté, que l'on soit dans le monde ou dans la solitude.

(Après avoir énuméré tous les huit moyens par lesquels on est tenté, l’Ancien Cleopa les a brièvement répétés et a ensuite ajouté les moyens de combattre chacune de ces tentations.)

Contre chacune de ces tentations - de derrière, de face, de gauche, de droite, d'en haut, d'en bas, de l'intérieur et de l'extérieur - il faut se battre par la vigilance (l'Ancien a utilisé précisément ce mot slave [трезвение]), c'est-à-dire l'attention, le soin et la réserve de l'âme et du corps ; la réserve et la vigilance de l'esprit ; la sobriété et le discernement; l’attention à ses pensées et à ses actions; ou, en un mot : le jugement. D'autre part, au moyen d'une prière constante qui invoque le nom du Seigneur Jésus-Christ, c'est-à-dire par une prière incessante. (Ici, le Père Petronius a ajouté en grec: " Προσοχή και προσευχή " - c'est-à-dire, comme l'ont dit les saints Pères, "par l'attention et la prière.")

En d'autres termes, a ajouté l'Ancien, les Saints Pères ont dit que la lutte contre toutes les tentations et les passions consiste à protéger l'esprit, l'âme et le corps de la tentation - c'est notre combat ascétique, de notre côté qui est humain ; du côté Divin, il faut continuellement et dans la prière demander l'aide du Seigneur Jésus-Christ Tout-Miséricordieux – et c'est cette prière incessante et fondamentale des hésychastes qu’on appelle la prière de Jésus: "Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi, pécheur!"

(version française de la source par Maxime le minime)

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